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11/09/2002 | SUISSE | N°2P.322/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 septembre 2002, 2P.322/2001


{T 0/2}
2P.322/2001 /cri

Arrêt du 11 septembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin, Merkli,
greffier Dubey.

S. ________, anciennement S.________ SA, recourante, représentée par
Me Yves
Grandjean, avocat, case postale 2273, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Département de la gestion du territoire, Service des ponts et
chaussées,
Pourtalès 13, case postale 1332, 2001 Neuchâtel 1,
intimé, représenté par Me Marc Lorenz, avocat,

rue du Trésor 9, case
postale
544, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale...

{T 0/2}
2P.322/2001 /cri

Arrêt du 11 septembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin, Merkli,
greffier Dubey.

S. ________, anciennement S.________ SA, recourante, représentée par
Me Yves
Grandjean, avocat, case postale 2273, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Département de la gestion du territoire, Service des ponts et
chaussées,
Pourtalès 13, case postale 1332, 2001 Neuchâtel 1,
intimé, représenté par Me Marc Lorenz, avocat, rue du Trésor 9, case
postale
544, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1,

Consortium P.________ SA, E.________ SA, C.________ SA, représenté
par Me
Marc Lorenz, avocat, rue du Trésor 9,
case postale 544,
2001 Neuchâtel 1.

adjudication des travaux relatifs à la fourniture et à la pose
d'armoires et
de coffrets électriques pour la construction de la RN 5 tronçon
D.________

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton
de Neuchâtel du 8 novembre 2001)

Faits:

A.
Le 1er novembre 2000, le Département de la gestion du territoire, par
le
Service des ponts et chaussées, section électromécanique, du canton de
Neuchâtel (ci-après: le Service cantonal) a mis en soumission un
marché
portant sur la fourniture, le montage, le test en usine, la pose et
la mise
en service d'environ 215 armoires et 205 coffrets électriques (lot
E.________) dans le cadre de la construction de la route nationale 5
tronçon
D.________. Le montant du marché, pour ce lot, dépasse 4 millions de
francs.
Les conditions générales pour la mise en soumission, l'adjudication,
l'exécution et la facturation des équipements électromagnétiques
(ci-après:
les conditions générales), auxquelles renvoient les documents de
soumission
(art. 8 des conditions particulières), indiquaient que l'adjudication
des
travaux se ferait au soumissionnaire ayant fait l'offre la plus
favorable,
c'est-à-dire remplissant entièrement le cahier des charges au
meilleur prix.
L'examen des offres se divisait en trois phases: d'abord, l'analyse de
l'aptitude de l'entreprise et la recevabilité de son offre, ensuite,
l'analyse des critères techniques, enfin, l'analyse financière. Dans
l'appréciation finale, la note technique valait 65% et la note
financière
35%. Les critères techniques étaient définis dans le document de
soumission
et recevaient un poids de 1 à 3 selon leur importance dans le
fonctionnement
des installations. Une note était attribuée aux réponses des
soumissionnaires
pour chaque critère technique: 0 si les réponses n'étaient pas
conformes au
cahier des charges (note éliminatoire lorsque le poids du critère
valait 3),
1 si elles étaient insuffisantes, 2 si elles étaient conformes et 4
si elles
amenaient une plus-value technique. Le produit de la note et du poids
du
critère donnait pour chaque critère un nombre de points qui,
additionnés,
constituaient la note technique.

Une séance de clarification de l'offre de S.________ SA (ci-après:
S.________) a eu lieu le 8 mars 2001.

Le tableau comparatif d'ouverture des offres du 2 février 2001
mentionnait
deux offres, celle du Consortium composé de E.________ SA, C.________
SA et
P.________ SA (ci-après: le Consortium), domicilié à O.________, pour
un prix
de 4'171'513 fr. 20, avec une note technique de 113 et une note
globale de
73.59 ainsi que celle de S.________, domiciliée en R.________, pour
un prix
de 4'198'952 fr. 35, avec une note technique de 96 et une note
globale de
68.91.

Après en avoir reçu l'autorisation de l'Office fédéral des routes, le
17 mai
2001, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (ci-après: le Conseil
d'Etat)
a, par arrêté du 6 juin 2001, adjugé le marché au Consortium pour le
montant
de 4'322'082 fr. 20 (TVA comprise). Par courrier du 7 juin 2001, le
Service
cantonal a informé S.________ de l'adjudication et lui a transmis le
tableau
comparatif d'ouverture des offres ainsi que l'analyse technique de
son offre.

Une séance d'éclaircissement des notes attribuées à l'offre évincée
réunissant le Service cantonal et S.________ a eu lieu le 20 juin
2001.

B.
S.________ a interjeté recours contre l'arrêté du 6 juin 2001 du
Conseil
d'Etat auprès du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
(ci-après: le
Tribunal administratif) lui demandant de restituer l'effet suspensif
au
recours, d'annuler la décision attaquée et, subsidiairement, de
constater le
caractère illicite de la décision et de condamner l'intimé au
paiement de
60'000 fr. à titre de dommages-intérêts.

A son avis, le Service cantonal avait violé son droit d'être entendu
en ne
fournissant pas - ou de manière peu claire - les éclaircissements
techniques
demandés lors de la séance du 20 juin 2001. Il avait inexactement
constaté
les faits pertinents à l'appui de sa notation technique et économique
et
était de ce fait tombé dans l'arbitraire. A propos de la
"compatibilité
électromagnétique", la bonne notation du Consortium s'expliquait par
sa
proposition comportant une plus-value technique; cette dernière
n'avait
toutefois pas été chiffrée, ce qui était contraire aux exigences
contenues
dans les documents d'appel d'offres en matière de prix. A propos des
"plans
d'exécution", il était vrai que le Consortium avait réalisé des plans
concernant davantage de types d'armoires, mais ces plans révélaient
cependant
que les cellules dessinées n'étaient pas conformes au cahier des
charges
(largeur de 800 mm en lieu et place de 1100 mm). En outre, S.________
avait
également proposé lors de la séance de clarification une variante
d'armoires
de 800 mm chiffrant la différence de prix et devait de ce fait
recevoir une
note plus importante pour ce critère. A l'appui de ses allégations,
elle
requérait l'audition de plusieurs témoins ainsi que la production du
dossier
relatif à l'adjudication en cause et de diverses correspondances
échangées
entre les entreprises impliquées dans l'adjudication.

Le 5 juillet 2001, le Service cantonal et le Consortium, assistés du
même
mandataire, ont déposé leurs observations sur recours, dont copie a
été
notifiée le 9 juillet au mandataire de S.________. Il n'y a pas eu
d'autres
échanges d'écritures.

La requête d'effet suspensif a été rejetée par décision du 13 juillet
2001;
le Tribunal administratif a considéré que la réalisation du marché ne
souffrait aucun retard, l'ouverture des tunnels autoroutiers devant
avoir
lieu pour l'Exposition nationale 2002.

Par arrêt du 8 novembre 2001, le Tribunal administratif a rejeté le
recours
de S.________ SA, transformée le 5 novembre 2001 en S.________,
société par
actions simplifiée de droit U.________, sans que le Tribunal
administratif
n'en soit averti suffisamment tôt. Il a considéré que le pouvoir
adjudicateur
avait respecté en tous points la procédure d'adjudication, ne
modifiant ni le
choix ni le poids de chaque critère technique ni les coefficients
d'importance de la note technique et de la note financière. S.________
n'avait pas exposé en quoi ces critères étaient arbitraires et ne les
avait
en outre pas contestés d'emblée. Les critiques de S.________
concernant la
note sur la compatibilité électromagnétique étaient erronées dès lors
que le
coût de la plus-value technique du Consortium n'avait pas à être pris
en
considération dans l'analyse technique de l'offre mais uniquement au
stade de
l'analyse financière. La notation de S.________ pour le critère
relatif au
plan d'exécution (armoires électriques de 800 mm également présenté
comme
amélioration technique) ne prêtait pas à discussion puisque cette
solution
n'avait pas été retenue par le pouvoir adjudicateur. Au demeurant,
même s'il
fallait considérer que le Consortium avait fait une offre
non-conforme au
cahier des charges pour certaines cellules représentées et lui
attribuer,
pour ce motif, la note 1 au lieu de 2, cette correction n'était pas
suffisante pour modifier le classement et donner le premier rang à
S.________, qui ne critiquait pas les notes portant sur d'autres
critères.
Les éclaircissements techniques prétendument insuffisants ou peu
clairs du 20
juin 2001 ne pouvaient violer le droit d'être entendu de S.________,
puisqu'ils étaient postérieurs à la décision litigieuse. Le recours
devant
être rejeté, il n'y avait pas lieu de donner suite aux diverses
réquisitions
de preuves formulées par S.________.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de son
droit
d'être entendue ainsi que pour interprétation insoutenable et
violation
grossière de l'art. 1 de l'accord intercantonal du 25 novembre 1994
sur les
marchés publics (AIMPu; RS 172.056.4) et des art. 32 ss de la loi
cantonale
du 23 mars 1999 sur les marchés publics (LcMP), S.________ demande au
Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, de casser l'arrêt du
8
novembre 2001 du Tribunal administratif.

Le Tribunal administratif et le Département de la gestion du
territoire,
Service cantonal des ponts et chaussées, du canton de Neuchâtel
concluent au
rejet du recours. Le Consortium n'a pas procédé devant le Tribunal
fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16).

1.1Même si la législation fédérale sur les routes nationales contient
des
règles concernant la procédure d'adjudication de travaux publics,
c'est à
juste titre que la décision attaquée se fonde sur le droit cantonal;
le
recours de droit administratif est dès lors irrecevable dans ce
domaine
(arrêt du Tribunal fédéral 2P.274/1999 du 2 mars 2000 in: SJ 2000 I
546;
arrêt du Tribunal fédéral 2P.429/1996 du 17 mars 1997 in: RDAT1997 II
105
consid. 2 p. 106; cf. également Evelyne Clerc, L'ouverture des marchés
publics: Effectivité et protection juridique, thèse Fribourg 1997, p.
565
s.). La voie du recours de droit public est ouverte.

1.2 Le recours de droit public exige en principe un intérêt actuel et
pratique à l'annulation de l'arrêt attaqué, respectivement à l'examen
des
griefs soulevés (art. 88 OJ). En l'espèce, le contrat est déjà conclu
avec le
Consortium concurrent. Évincée, la recourante conserve néanmoins un
intérêt
juridique à faire constater l'illicéité de la décision d'adjudication
conformément à l'art. 9 al. 3 de la loi fédérale du 6 octobre 1995
sur le
marché intérieur (LMI; RS 943.02; ATF 125 II 86 consid. 5b p. 97/98).

1.3 Au surplus, déposé en temps utile contre un arrêt final pris en
dernière
instance cantonale, le présent recours est en principe recevable au
regard
des art. 84 ss OJ.

2.
La recourante reproche au Tribunal administratif une interprétation
insoutenable de l'art. 1 AIMPu, plus précisément de ses dispositions
d'application cantonales sur la surveillance du marché au sens des
art. 32 ss
LcMP, en ne sanctionnant pas le pouvoir adjudicateur d'avoir, avec le
Consortium adjudicataire, pris un mandataire commun devant le Tribunal
administratif alors même que la décision d'adjudication n'était pas
entrée en
force.

2.1 Dans la mesure où les arguments développés par la recourante
reposent sur
des éléments de fait - le choix par le pouvoir adjudicateur et le
Consortium
du même mandataire devant le Tribunal administratif - qui ont été
portés à sa
connaissance (cf. lettre B ci-dessus) avant le prononcé de l'arrêt
litigieux,
sans avoir été invoqués en procédure cantonale, ils sont irrecevables,
l'allégation de faits nouveaux n'étant pas admise dans les recours de
droit
public soumis à l'exigence de l'épuisement des instances cantonales
(art. 86
OJ; ATF 107 Ia 265 consid. 2a p. 265; 102 Ia 246 consid. 2; 99 Ia 86
consid.
3 b).

2.2 Ce grief est également irrecevable faute d'être motivé
conformément aux
exigences de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, selon lequel l'acte de
recours
doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en
quoi
consiste la violation.

L'art. 1 AIMP énumère les principes que les cantons doivent respecter
dans
l'ouverture réciproque de leurs marchés publics, en particulier
l'égalité de
traitement entre soumissionnaires, l'impartialité de l'adjudication
et la
transparence des procédures de passation des marchés. Ces principes se
retrouvent également dans l'art. 1 LcMP. Les art. 32 ss LcMP
précisent la
procédure et les conditions relatives à la décision d'adjudication et
au
contrat faisant suite à la décision d'adjudication.

Si la recourante expose bien que le choix d'un mandataire commun par
le
pouvoir adjudicateur et un soumissionnaire avant la décision
d'adjudication
serait incompatible avec le principe de l'égalité de traitement et
l'impartialité de la procédure, elle n'indique toutefois pas en quoi
le
choix, après la décision d'adjudication, d'un mandataire commun par le
pouvoir adjudicateur et le concurrent choisi pour défendre des
intérêts
certes différents mais néanmoins convergents serait de nature à
violer les
dispositions des art. 1 AIMPu et 32 ss LcMP. Au demeurant, ses
critiques, qui
visent le comportement du mandataire en l'espèce, relèveraient à
première vue
plutôt des autorités disciplinaires chargées de la surveillance du
Barreau.

3.
La recourante
considère que le Tribunal administratif a violé les
"conditions
générales de juin 1999 et les "conditions particulières" régissant le
marché
public en cause. Elle se plaint de ce que ses griefs n'ont pas été
examinés
par le Tribunal, ce qui l'a conduit à ne pas réclamer le dossier
complet de
la cause, violant ainsi son droit d'être entendue.

3.1 Selon l'art. 18 LcMP, le dossier de soumission doit contenir tous
les
documents et toutes les informations nécessaires à la préparation
d'une
offre, notamment en ce qui concerne les conditions spécifiques
(lettre d).

Le Service cantonal a constitué un dossier de soumission exposant les
conditions générales et les conditions particulières, en particulier
les
données à fournir lors du dépôt de l'offre, les conditions de
validation
techniques et économiques.

Le chiffre 3.3 des conditions générales prévoit:
"Le dossier de soumission est l'expression de la solution du Maître de
l'Ouvrage. Il est absolument interdit de modifier ou de supprimer
tout ou
partie du texte du cahier des charges, du devis descriptif (série de
prix) ou
autre document faisant partie du dossier de l'offre. Le non respect
de cette
clause entraînera l'irrecevabilité de l'offre. Si l'entrepreneur
tient à
offrir une variante, il le fera séparément, sur feuilles annexes, en
joignant
tous les documents nécessaires à son appréciation complète et
objective
[...]. Dans tous les cas, sauf si le contraire est stipulé dans les
conditions particulières ou qu'une dérogation écrite a été envoyée à
tous les
soumissionnaires, il remplira la soumission correspondant à la
solution
prévue par le Maître de l'Ouvrage, à défaut de quoi son offre ne sera
pas
retenue. En cas de refus d'une variante, le Maître de l'Ouvrage n'est
pas
tenu de justifier sa décision."

En complément des conditions générales, les chiffres 8.1 et 9 des
conditions
particulières prévoient:
"Les fournitures et les prestations seront conformes aux conditions
techniques annexées et aux schémas unifilaires, ainsi qu'aux schémas
de
détails."

"Ne sera considérée comme variante qu'une offre présentant une
solution
fondamentalement différente de celle du Maître de l'Ouvrage. Toutes
les
caractéristiques unifilaires et de détails devront être respectées.
Les
variantes éventuelles seront présentées séparément [document et devis
descriptif]. [...] Voir conditions générales art. 3.3 [...]."

Le chiffre 11.2 des conditions particulières prévoit:
"[...] L'analyse multicritères consiste à définir une liste de
critères et à
leur attribuer un poids. Ce dernier varie de 1 à 3, tel que:
Poids 1 : Peu de conséquence sur le plan des performances ou de la
qualité
des installations.
Poids 2 : Point important.
Poids 3 : Point essentiel.
Lors de l'analyse des offres, le GEM attribue une note à chaque
critère selon
la qualité de la réponse de l'entreprise. Les notes varient de 1 à 4,
telles
que:
Note 0: Pas de réponse du soumissionnaire ou non conforme au cahier
des
charges.
Note 1 : Réponse très insuffisante [vis-à-vis du cahier des charges].
Note 2 : Réponse conforme au cahier des charges, sans plus.
Note 4 : Réponse conforme au cahier des charges, avec plus-value
technique.
Le produit de la note et du poids donne, pour un critère, un nombre de
points; l'addition des points de tous les critères apporte une note
globale.
L'attribution de la note 0 est éliminatoire pour l'offre pour les
critères de
poids 3 [...]."
Le chiffre 11.2.1 des conditions particulières précise les "exigences
techniques, critères et barème":
"Fourniture et construction des armoires électriques
[...]

- Compatibilité électromagnétique Poids: 3 Barème: 0 à 4
[...]

Plans d'exécution
- Documents définitifs Poids: 3 barème: 0 à 4 [...]"
3.2Dans un premier grief, la recourante soutient que le Tribunal
administratif a violé les chiffres 3.3 des conditions générales ainsi
que 9
et 11.2 des conditions particulières, en n'éliminant pas l'offre du
Consortium adjudicataire non conforme, selon elle, au cahier des
charges
s'agissant du critère "Plans d'exécution", la largeur des armoires
devant
être de 1100 mm et non pas de 800 mm, comme représenté dans l'offre.
A son
avis, le Consortium, pour se conformer aux conditions générales,
aurait dû
présenter des plans avec des cellules de 1100 mm, cas échéant, une
variante
de 800 mm présentée séparément, accompagnée d'un devis descriptif
(série de
prix).

Le critère "Plans d'exécution" a valu la note 1 à la recourante et la
note 2
au Consortium. Le pouvoir adjudicateur a expliqué cette différence
par le
fait que la recourante n'avait proposé que quelques plans
d'implantation des
armoires et coffrets, ne répondant que de manière insuffisante au
cahier des
charges, alors que son concurrent avait déposé tous les plans
d'implantation.
La recourante n'a pas contesté ce point. En revanche, elle avait fait
valoir
devant le Tribunal administratif que la largeur de certaines cellules
représentées sur les plans établis par le Consortium n'était pas
conforme au
cahier des charges, ce que le Tribunal administratif n'a pas examiné,
considérant que l'attribution de la note 1 au lieu de la note 2 au
Consortium n'était pas suffisante à modifier le classement et donner
le
premier rang à la recourante.

Le raisonnement hâtif du Tribunal administratif est erroné. Parmi les
règles
destinées à assurer la régularité et la transparence de la procédure
d'adjudication que le pouvoir adjudicateur s'est librement imposées en
édictant les conditions générales et particulières applicables au
marché en
cause figurait l'obligation pour le soumissionnaire qui présentait une
variante de la déposer séparément de l'offre conforme au cahier des
charges
et, dans tous les cas, de remplir la soumission correspondant à la
solution
prévue par le Maître de l'Ouvrage, à défaut de quoi son offre n'était
pas
retenue (cf. art. 3.3 des conditions générales).

Dans ces conditions, dès l'instant où la recourante arguait de la
non-conformité de l'offre de son concurrent, le Tribunal
administratif devait
vérifier le bien-fondé de telles allégations et, le cas échéant,
examiner les
conséquences de l'éventuelle non-conformité de l'offre de
l'adjudicataire eu
égard aux conditions générales et particulières qui régissaient le
marché en
cause. En particulier, il ne pouvait pas éviter de confronter la
largeur de
armoires décrites dans les offres concurrentes aux exigences
techniques du
cahier des charges. A l'issue de cet examen, il ne pouvait pas non
plus
éviter de se prononcer sur la conformité des offres au cahier des
charges.
Dans l'hypothèse où l'offre du soumissionnaire choisi n'était pas
conforme
aux exigences techniques, il devait se demander si l'offre
constituait une
plus-value ou une variante. Il devait également vérifier que la
présentation
d'une éventuelle variante avait eu lieu séparément et en sus de
l'offre
conforme au cahier des charge. Enfin, il devait déterminer à la
lumière des
dispositions contenues dans les conditions générales et particulières
applicables au marché en cause les conséquences de ses constatations
sur le
sort des offres, telles que, par exemple, l'élimination de l'offre ou
l'octroi d'une note entre 1 et 4.

3.3 Dans un deuxième grief, la recourante soutient que le Tribunal
administratif a violé le chiffre 9 des conditions particulières, en
n'éliminant pas l'offre du Consortium adjudicataire, alors qu'elle
comprenait
la présentation d'une variante

à propos du critère "compatibilité électromagnétique" qui n'était pas
accompagnée du devis descriptif des prix. De l'avis de la recourante,
le
Consortium devait remettre séparément sa variante et lui adjoindre un
devis
descriptif (série de prix).

Le critère de compatibilité électromagnétique a valu la note 2 à la
recourante et la note 4 au Consortium. Cet écart était justifié,
selon le
pouvoir adjudicateur, par le fait que le Consortium avait "proposé une
conception, en variante, de construction pour limiter les propagations
d'ondes électromagnétiques de très haute fréquence"; il s'agissait
ainsi
"d'un plus" par rapport aux exigences du cahier des charges. La
recourante
n'a pas contesté ce point. En revanche, elle a affirmé que les
incidences
financières de cette solution, différente de l'offre de base,
n'avaient pas
été chiffrées, ce qui serait contraire aux conditions régissant la
procédure
d'adjudication. Le Tribunal administratif a considéré que "ce
raisonnement
était erroné puisque, selon la procédure d'adjudication établie pour
le
marché litigieux, le coût de cette amélioration technique n'avait, à
juste
titre, pas à être pris en considération au stade de l'analyse
technique de
l'offre puisqu'il n'était déterminant qu'au stade de l'analyse
financière".

Ce point de vue, mal motivé, est erroné. Les conditions générales et
particulières distinguent les "variantes" des "réponses avec
plus-value
technique", dont elles précisent la définition et les conditions
d'admission
et de présentation (chiffre 3.3 des conditions générales et chiffre 9
des
conditions particulières).

Dans ces conditions, dès lors que la recourante reprochait au pouvoir
adjudicateur de n'avoir pas tenu compte de l'absence de devis pour la
solution proposée par son concurrent concernant la compatibilité
électromagnétique, le Tribunal ne pouvait éviter de confronter les
offres
concurrentes aux exigences techniques du cahier des charges En
particulier,
il ne pouvait s'abstenir d'examiner si la solution présentée par le
concurrent choisi constituait une variante ou une offre conforme au
cahier
des charges présentant une plus-value technique. Ces constatations
faites, il
devait établir si les variantes et les plus-value devaient être
chiffrées.
Enfin, il devait motiver les conséquences de l'absence de devis à la
lumière
des dispositions applicables au marché en cause, après avoir, le cas
échéant
interprété leur contenu.

3.4 Par conséquent, en ne procédant pas à la confrontation des offres
concurrentes aux exigences du cahier des charges et en s'abstenant
d'en
examiner la conséquence sur le sort des offres, le Tribunal
administratif a
constaté les faits de manière manifestement inexacte et incomplète.

Pour procéder aux constatations précitées, le Tribunal administratif
devait
disposer d'un dossier complet, contenant pour le moins les offres
concurrentes, ce qui n'était pas le cas. C'est donc à juste titre que
la
recourante se plaint également de la violation de son droit d'être
entendue,
garanti par la Constitution ainsi que par l'accord intercantonal sur
les
marchés public et la loi cantonale sur les marchés publics.

4.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours
dans la
mesure où il est recevable et à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
administratif du 8 novembre 2001.

Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent être mis à la
charge du
canton de Neuchâtel qui succombe, le Consortium n'ayant pas procédé
devant le
Tribunal fédéral et n'étant en rien concerné par les conséquences de
la
procédure après la conclusion du contrat (art. 156 al. 1 OJ en
relation avec
les art. 153 et 153a OJ). La recourante qui a procédé avec l'aide d'un
mandataire professionnel a droit à des dépens pour la procédure
fédérale
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. Partant,
l'arrêt du
Tribunal administratif du 8 novembre 2001 est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du canton de
Neuchâtel.

3.
Le canton de Neuchâtel versera à S.________ une indemnité de 3'000
fr. à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 11 septembre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.322/2001
Date de la décision : 11/09/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-11;2p.322.2001 ?
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