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11/09/2002 | SUISSE | N°1P.322/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 septembre 2002, 1P.322/2002


{T 0/2}
1P.322/2002 /mks
1P.323/2002

Arrêt du 11 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Thélin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Urbain Lambercy, avocat, chemin du
Closelet 2,
case postale 1029, 1001 Lausanne,

contre

1P.322/2002:
B.________,
intimé,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014

Lausanne,
Délégation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 1014 Lausanne;

1P.323/2002:
SI C.________ SA, représentée par Me ...

{T 0/2}
1P.322/2002 /mks
1P.323/2002

Arrêt du 11 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Thélin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Urbain Lambercy, avocat, chemin du
Closelet 2,
case postale 1029, 1001 Lausanne,

contre

1P.322/2002:
B.________,
intimé,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Délégation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 1014 Lausanne;

1P.323/2002:
SI C.________ SA, représentée par Me Denys Gilliéron, avocat, rue
Neuve 6,
1260 Nyon,
D.________,
intimés,

Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014
Lausanne,
Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

récusations

recours de droit public contre les arrêts de la Cour administrative
et de la
délégation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 8 mai 2002.

Faits:

A.
Devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, un procès est
pendant
entre la société SI C.________ SA, A.________ et D.________.
B.________ a été
entendu en qualité de témoin; A.________, défendeur dans le procès, a
déposé
plainte pénale contre lui pour faux témoignage. Sans succès,
A.________ a
demandé la suspension du procès civil jusqu'à droit connu sur cette
cause
pénale; le Juge instructeur a rejeté sa requête par un prononcé du 19
juillet
2001, contre lequel il n'a pas recouru.

Plusieurs mois après le dépôt de sa plainte pénale, A.________ a
constaté que
le Juge d'instruction désigné n'avait accompli aucun acte d'enquête,
hormis
la consultation du dossier du procès civil. Par acte déposé devant le
Tribunal cantonal le 6 février 2002, il a alors demandé la récusation
des
magistrats de l'Office du Juge d'instruction cantonal et de la Cour
civile.
Selon l'argumentation présentée, les juges de cette section du
Tribunal
cantonal étaient suspects d'avoir secrètement demandé au Juge
d'instruction
de laisser l'enquête pénale en suspens, cela jusqu'au jugement à
rendre par
elle, de façon que le témoignage de B.________ pût être pris en
considération. A.________ demandait en outre la récusation des
magistrats
normalement compétents pour statuer sur sa demande, en raison des
liens
existant entre eux et ceux directement impliqués.

B.
Cette demande de récusation a provoqué deux arrêts du Tribunal
cantonal, du 8
mai 2002, rendus l'un par la Cour administrative et l'autre par une
délégation spéciale de ce tribunal, refusant respectivement la
récusation des
juges de la Cour civile et celle des juges du Tribunal d'accusation,
qui est
la section ordinairement compétente pour statuer sur la récusation
d'un juge
d'instruction. Pour le surplus, la demande a été transmise au
Tribunal neutre
qui est constitué de cas en cas lorsque la récusation du Tribunal
cantonal en
entier est requise; elle est actuellement pendante devant cet organe.

C.
Le Tribunal fédéral est saisi de deux recours de droit public formés
par
A.________, tendant à l'annulation des arrêts du 8 mai 2002. Le
recourant se
plaint de violation de la garantie constitutionnelle de
l'indépendance et de
l'impartialité des juges.

Invitée à répondre, la société SI C.________ SA conclut au rejet du
recours;
les autres parties et les autorités intimées ont renoncé à déposer des
observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par
l'art. 6
par. 1 CEDH, à l'instar de la protection conférée par l'art. 30 al. 1
Cst.,
permet au plaideur de s'opposer à une application arbitraire des
règles
cantonales sur l'organisation et la composition des tribunaux, qui
comprennent les prescriptions relatives à la récusation des juges.
Elle
permet aussi, indépendamment du droit cantonal, d'exiger la
récusation d'un
juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire
naître un
doute sur son impartialité; elle tend notamment à éviter que des
circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le
jugement en
faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation
seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une
disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit
que les
circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent
redouter une
activité partiale du magistrat. Seules des circonstances constatées
objectivement doivent être prises en considération; les impressions
purement
individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF
116 Ia
135 consid. 2; voir aussi ATF 126 I 68 consid. 3 p. 73, 125 I 119
consid. 3a
p. 122, 124 I 255 consid. 4a p. 261). En particulier, même
lorsqu'elles sont
établies, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un
juge ne
suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de partialité; seules
des
erreurs particulièrement lourdes ou répétées, qui doivent être
considérées
comme des violations graves des devoirs du magistrat, peuvent avoir
cette
conséquence. Les erreurs éventuellement commises doivent être
constatées et
redressées dans le cadre des procédures de recours prévues par la
loi; il
n'appartient pas au juge de la récusation d'examiner la conduite du
procès à
la façon d'un organe de surveillance (ATF 116 Ia 135 consid. 3a p.
138; 114
Ia 153 consid. 3b/bb p. 158).

Les art. 6 par. 1 CEDH et 30 al. 1 Cst. ne s'appliquent pas à la
récusation
d'un juge d'instruction ou d'un représentant du ministère public, car
ces
magistrats, pour l'essentiel confinés à des tâches d'instruction ou à
un rôle
d'accusateur public, n'exercent pas de fonction de juge au sens
étroit (ATF
127 I 196 consid. 2b p. 198, 124 I 76, 119 Ia 13 consid. 3a p. 16).
L'art. 29
al. 1 Cst. assure toutefois, en dehors du champ d'application des
règles
précitées, une garantie de même portée (ATF 127 I 196, loc. cit.;
jurisprudence relative à l'art. 4 aCst.: ATF 125 I 119 consid. 3b p.
123 et
les arrêts cités), à ceci près que cette disposition, à la différence
desdites règles, n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme
maxime
d'organisation des autorités auxquelles elle s'applique ( ATF 125 I
119,
consid. 3f p. 124).

2.
L'attitude que le recourant impute aux juges de la Cour civile et au
Juge
d'instruction cantonal serait, si elle était avérée, manifestement
partiale
et devrait entraîner la récusation de ces magistrats. Toutefois, le
recourant
ne fait état d'aucun indice objectif qui l'autoriserait à supposer,
d'une
part, que la suspension du procès civil lui soit refusée dans le but
de
passer outre à la fausseté - alléguée - du témoignage de B.________,
ni,
d'autre part, que l'enquête pénale soit bloquée intentionnellement et
pour la
même raison. Il exprime plutôt, à ce sujet, une simple spéculation,
qu'il
tente de justifier par une critique des relations hiérarchiques
existant
entre le Tribunal cantonal et les autres offices judiciaires vaudois:
au
regard des attributions conférées à ce tribunal, qu'il analyse et
discute de
façon détaillée, il s'estime fondé à affirmer qu'en consultant le
dossier du
procès civil, le magistrat chargé de l'enquête pénale a "pris ou
cherché à
prendre" des instructions concernant la conduite de cette enquête.

Pour le surplus, le recourant précise qu'il a délibérément renoncé à
contester le refus de la suspension, alors qu'un recours lui était
ouvert
selon les art. 124a et 451 ch. 7 CPC vaud., et il n'a pas non plus
usé de la
voie de la réclamation au Tribunal d'accusation, selon l'art. 183 CPP
vaud.
(Marc-Antoine Aubert, La réclamation au Tribunal d'accusation en
procédure
pénale vaudoise, thèse, Lausanne 1991, p. 120), pour se plaindre de
ce qu'il
considère comme un retard injustifié du Juge d'instruction chargé de
l'enquête pénale. Dans ces conditions, le soupçon d'une intention
partiale
des magistrats, avec collusion entre les juges du procès civil et
celui de
l'enquête pénale, se révèle inconsistant; les arrêts attaqués
échappent donc
au grief de violation des art. 29 al. 1, 30 al. 1 Cst. ou 6 par. 1
CEDH.

3.
Le recourant, qui succombe, doit acquitter l'émolument judiciaire et
les
dépens à allouer à l'intimée qui a déposé une réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours sont rejetés.

2.
Le recourant acquittera les sommes suivantes:
2.1un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
2.2une indemnité de 1'000 fr. à verser à l'intimée SI C.________ SA,
à titre
de dépens.

3.
Il n'est pas alloué de dépens aux autres parties.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties ou à leurs
mandataires,
au Procureur général ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de de
Vaud.

Lausanne, le 11 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.322/2002
Date de la décision : 11/09/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-11;1p.322.2002 ?
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