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11/09/2002 | SUISSE | N°1A.140/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 septembre 2002, 1A.140/2002


{T 0/2}
1A.140/2002/col

Arrêt du 11 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Kurz.

A. ________,
la société P.________,
la société C.________,
recourants,
tous représentés par Me Xavier Mo Costabella, avocat, rue de Rive 6,
1204
Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3,

Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève, place
du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

En...

{T 0/2}
1A.140/2002/col

Arrêt du 11 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Kurz.

A. ________,
la société P.________,
la société C.________,
recourants,
tous représentés par Me Xavier Mo Costabella, avocat, rue de Rive 6,
1204
Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève, place
du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Koweït

recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation
du 18 avril 2002.

Faits:

A.
Le 9 février 1994, l'Office du Procureur général de l'Etat du Koweït a
adressé à l'Office fédéral de la police (ci-après: l'OFP) une demande
d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête pénale dirigée
contre
les dénommés A.________, Q.________, M.________, S.________ et
L.________
(Ministre de 1981 à 1989), auxquels sont reprochés des infractions
contre le
patrimoine et des délits de faux au préjudice de K.________, société
détenue
par la société U.________, appartenant elle-même à l'Etat du Koweït.
Hauts
responsables de K.________, les inculpés se seraient enrichis de
manière
illégitime entre 1986 et 1992, au détriment de cette société, pour un
montant
total de quelque 66 millions de dollars. Ils auraient conclu des
contrats de
transport à des conditions trop onéreuses avec des intermédiaires qui
sous-traitaient à des conditions plus avantageuses, les auteurs
s'appropriant
la différence de prix; à l'occasion d'achats, de ventes ou de
commandes de
navires, ils se seraient fait remettre des commissions auxquelles ils
n'avaient pas droit; ils auraient injustement perçu une partie des
indemnités
d'assurance payées en raison de la réalisation du risque de guerre
lors de la
guerre du Golfe. L'autorité requérante désirait obtenir des
renseignements
sur différentes opérations dans cinq établissements bancaires, ainsi
que le
séquestre d'avoirs.

Le 2 mai 1994, le juge d'instruction genevois, auquel l'OFP avait
confié
l'exécution de cette demande, est entré en matière, en ordonnant
auprès de
banques genevoises la saisie des avoirs appartenant aux personnes
physiques
et morales désignées dans la requête.

Par ordonnances du 31 août 1994, la Chambre d'accusation du canton de
Genève
(ci-après: la Chambre d'accusation) a rejeté divers recours formés
contre la
décision d'entrée en matière. Par arrêts du 22 décembre 1994, le
Tribunal
fédéral a confirmé ces décisions, en écartant en particulier les
griefs
relatifs à la compétence du Procureur général requérant, et en
considérant
que la question de la conformité de la procédure étrangère à la CEDH
pourrait
être examinée par la suite.

B.
Le 24 mars 1995, le Consulat général de l'Etat du Koweït à Genève a
produit
des renseignements sur les règles de procédure applicables dans l'Etat
requérant.

Le 24 février 1997, le Procureur général a fourni un mémorandum sur
l'état
des procédures. La cause avait été soumise le 22 décembre 1993 à la
Cour
d'Assises, devant laquelle seuls Q.________ et L.________ s'étaient
présentés. Diverses exceptions avaient été soulevées, mais la cour
avait
décidé de poursuivre la procédure. Toutefois, la cause avait été
renvoyée le
21 novembre 1995 au Tribunal spécial des Ministres, en vertu d'une
loi n°
88/95 adoptée entre-temps, pour le chef d'accusation d'enrichissement
illégitime à l'encontre de l'ancien Ministre et de ses comparses.
Pour le
surplus, la Cour d'Assises avait rendu un verdict de culpabilité
partielle le
22 juin 1996, frappé d'appel. L'exécution de la commission rogatoire
était
toujours requise. Le Procureur rappelait les termes de l'art. 6 CEDH;
il
relevait notamment que A.________ avait été assigné en bonne et due
forme, ce
qui permettait de poursuivre la procédure par défaut.

Le 12 mai 1998, le Procureur général a confirmé qu'il n'était plus
compétent
pour poursuivre l'ancien Ministre L.________; la cause était toujours
pendante devant la Cour d'Assises à l'encontre des autres accusés.

Par pli daté du 13 juillet 1999, le Président de la Commission
d'enquête du
Tribunal des Ministres (ci-après: la commission d'enquête) a fait
savoir
qu'il était saisi de la cause relative à l'ancien Ministre, que la
Cour
d'Assises avait décidé de suspendre sa procédure, et qu'il souhaitait
la
transmission des documents requis.

Dans un mémoire commun du 14 mars 2001, transmis le 11 avril suivant,
le
Procureur général et le Président de la commission d'enquête ont
réaffirmé
leurs compétences respectives, en demandant la levée partielle du
blocage des
comptes bancaires afin de permettre l'exécution d'un jugement civil
rendu à
Londres en faveur de K.________, ainsi que le maintien "des mesures
prises
dans le cadre de l'entraide judiciaire précédente".

C.
Par ordonnance de clôture du 15 octobre 2001, le juge d'instruction a
ordonné
la transmission à l'autorité requérante, notamment, des documents
remis par
l'UBS de Genève le 30 juin 1994, concernant des comptes et
dépôts-titres
détenus par A.________ et les sociétés P.________ et C.________, dont
il est
l'ayant droit. Le juge d'instruction a aussi confirmé la saisie des
comptes
visés. Il a retenu que dans sa communication complémentaire du 11
avril 2001,
le Procureur de l'Etat du Koweït avait maintenu sa demande et
confirmé que,
conformément à la nouvelle législation, il était compétent pour
poursuivre
les quatre inculpés, à l'exclusion de l'ancien ministre dont la cause
relevait de la commission d'enquête.

Par ordonnance du 18 avril 2002, la Chambre d'accusation a confirmé
cette
décision, sur recours de A.________, P.________ et C.________. Tant la
commission d'enquête que le Parquet avaient reconnu la compétence
répressive
de ce dernier; selon les décisions figurant au dossier, les accusés
auraient
tous été renvoyés devant le Tribunal des Ministres, mais ce dernier
n'était
pas lié par ce renvoi. La question de la compétence n'était donc pas
définitivement tranchée. Le cas échéant, l'entraide pouvait être
accordée
pour les besoins de la procédure menée devant la commission
d'enquête. Les
sociétés recourantes ne pouvaient se prévaloir de l'art. 2 EIMP, pas
plus
qu'A.________, car ce dernier résidait à Londres et se trouvait, en
l'état, à
l'abri des poursuites intentées contre lui. Le principe de la
proportionnalité était respecté.

D.
A.________, P.________ et C.________ forment un recours de droit
administratif contre cette dernière ordonnance. Ils demandent
l'annulation de
toutes les décisions précitées, ainsi que l'irrecevabilité de la
demande
d'entraide et de son complément du mois d'avril 2001.

La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance et l'Office
fédéral de la
justice conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de
clôture
confirmée en dernière instance cantonale, le recours de droit
administratif
est recevable (art. 80e let. a et 80f al. 1 de la loi fédérale sur
l'entraide
internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Les recourants
sont
titulaires des différents comptes au sujet desquels le juge
d'instruction a
ordonné la transmission de renseignements (art. 80h let. b EIMP et 9a
let. a
OEIMP).

2.
En l'absence d'une convention liant la Suisse et l'Etat requérant,
l'entraide
judiciaire est entièrement régie par l'EIMP et son ordonnance
d'exécution
(OEIMP, RS 351.11).

3.
Les recourants persistent à contester la compétence du Procureur
général du
Koweït pour requérir l'entraide judiciaire. La cause relèverait
désormais
uniquement du Tribunal des Ministres, pour l'ensemble des accusés, et
non des
juridictions ordinaires.

3.1 La Chambre d'accusation a examiné les différentes décisions
rendues à cet
égard dans l'Etat requérant. Une première procédure avait abouti à un
jugement de la Cour d'assises au mois de juin 1996, annulé pour vice
de
forme. Les quatre accusés n'ayant pas été ministres ont été renvoyés
le 15
mars 1997 par la Cour d'appel devant le Tribunal des Ministres qui,
le 22
avril suivant, a accepté sa compétence à l'égard de l'ancien Ministre
du
pétrole, mais a réservé sa décision à l'égard des autres accusés. Ces
décisions ont été contestées notamment par le Parquet auprès de la
Cour de
cassation. Dans deux décisions du 22 décembre 1997, cette dernière a
estimé
que les accusés avaient agi de concert et qu'il y avait une connexité
suffisante pour que les cinq accusés soient jugés ensemble devant le
Tribunal
des Ministres. Le 12 mai 1998, le Procureur général avait confirmé
qu'il
n'était plus compétent pour poursuivre l'ancien Ministre L.________;
la cause
était toujours pendante devant la Cour d'Assises à l'encontre des
autres
accusés. Le 13 juillet 1999, le Président de la commission d'enquête
du
Tribunal des Ministres a fait savoir qu'il s'était saisi de la cause
relative
à l'ancien Ministre, que la Cour d'Assises avait décidé de suspendre
sa
procédure, et qu'il souhaitait la transmission des documents requis.
Enfin,
dans un mémoire commun du 14 mars 2001, le Procureur général et le
Président
de la commission d'enquête avaient réaffirmé leurs compétences
respectives,
en demandant la levée partielle du blocage des comptes bancaires afin
de
permettre l'exécution d'un jugement civil rendu à Londres en faveur de
K.________, ainsi que le maintien des mesures d'entraide.
En présence de décisions apparemment contradictoires, la Chambre
d'accusation
a considéré que la situation procédurale n'était pas claire: la
question de
la compétence du Tribunal des Ministres pour juger l'ensemble des
accusés
n'était pas définitivement tranchée. Cela étant, il n'y avait pas
incompétence manifeste du Procureur général, et la commission
d'enquête avait
de toute façon repris pour son compte la requête d'entraide formée
par le
procureur.

3.2 Selon la jurisprudence constante, l'autorité suisse requise doit
certes
s'assurer de la compétence répressive de l'Etat requérant (cf.
notamment
l'art. 5 EIMP); elle s'interdit en revanche d'examiner la compétence
de
l'autorité requérante au regard des normes d'organisation ou de
procédure de
l'Etat étranger. Ce n'est qu'en cas d'incompétence manifeste, faisant
apparaître la demande comme un abus caractéristique, que l'entraide
peut être
refusée (ATF 116 Ib 89 consid. 2c/aa p. 92 et la jurisprudence citée).

3.3 Comme le relève la Chambre d'accusation, si la situation
procédurale
actuelle n'est pas dénuée d'ambiguïtés, il n'en résulte pas pour
autant que
l'incompétence du Procureur général serait manifeste. Tel était déjà
l'opinion du Tribunal fédéral dans ses arrêts du 22 décembre 1994.
Même si,
comme le soutiennent les recourants, la cause de l'ensemble des
accusés
relève maintenant exclusivement du Tribunal des Ministres,
respectivement de
la commission d'enquête de ce tribunal, cette autorité a d'ores et
déjà
manifesté, à plusieurs reprises, sa volonté de voir exécuter les actes
d'entraide requis par le Procureur.

Les recourants soutiennent que l'arrêt de la Cour de cassation aurait
pour
effet l'annulation de toute la procédure, avec effet ex tunc. Cette
question
relève toutefois du droit de l'Etat requérant. Du point de vue de
l'Etat
requis, si l'entraide est requise par une autorité qui se révèle par
la suite
incompétente, elle peut encore être accordée lorsque l'autorité
compétente
manifeste sa volonté d'obtenir les renseignements recueillis. Cette
déclaration a un effet réparateur, et les actes d'entraide exécutés
jusque-là
n'en sont pas affectés (cf. art. 28 al. 6 EIMP). La Suisse n'a pas à
s'interroger sur les effets, selon la procédure de l'Etat requérant,
du
dessaisissement de la première autorité. S'il y a conflit de
compétence,
celui-ci est positif et n'a pas d'influence sur l'octroi de
l'entraide.

4.
Invoquant ensuite l'art. 2 let. a EIMP, les recourants soutiennent
que si le
Koweït a ratifié le Pacte ONU II, sans ses protocoles facultatifs,
divers
rapports d'organisations non gouvernementales mettraient en évidence
de
nombreuses violations des droits de l'homme commises dans ce pays.
Les juges,
nommés par l'Emir sur recommandation du Ministère de la justice,
n'auraient
pas d'indépendance. Les sociétés recourantes reconnaissent qu'elles
n'ont pas
qualité pour soulever un tel grief (ATF 126 II 258 consid. 2b p. 260
et les
arrêts cités). Le recourant A.________ explique qu'il s'est exilé à
Londres
en 1994, que les autorités koweïtiennes refusent de lui renouveler son
passeport, et que son épouse avait été empêchée de quitter le Koweït
pendant
plusieurs années. Le recourant n'avait jamais été convoqué pour se
défendre
dans le procès en cours. Il serait un otage de la lutte entre les
divers
prétendants à la succession du chef de l'Etat.

4.1 Selon l'art. 2 EIMP, la demande d'entraide est irrecevable s'il y
a lieu
d'admettre que la procédure à l'étranger [a] n'est pas conforme aux
principes
de procédure fixés par la CEDH ou par le Pacte ONU II, ou [d] présente
d'autres défauts
graves. Cette disposition a pour but d'éviter que la
Suisse
ne prête son concours à des procédures qui ne garantiraient pas à la
personne
poursuivie un standard de protection minimal correspondant à celui
offert par
le droit des Etats démocratiques, défini en particulier par les deux
instruments précités, ou qui se heurteraient à des normes reconnues
comme
appartenant à l'ordre public international (ATF 122 II 140 consid. 5a
et les
arrêts cités). La Suisse elle-même contreviendrait à ses engagements
en
accordant délibérément l'entraide ou l'extradition d'une personne à
un Etat
dans lequel il existe des motifs sérieux de penser qu'un risque de
traitement
contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace l'intéressé (ATF 121 II
296
consid. 3b et les arrêts cités).

4.2 Saisie d'un grief de ce genre, l'autorité suisse requise n'a pas
à se
livrer d'office à un examen exhaustif du niveau de protection des
droits de
l'homme dans l'Etat requérant; elle doit se concentrer sur
l'évaluation des
incidences prévisibles de cette situation sur la position concrète de
la
personne poursuivie (ATF 117 Ib 64 consid. 5f p. 91). Il ne suffit
donc pas
que la personne poursuivie à l'étranger se prétende menacée du fait
d'une
situation politico-juridique donnée; il lui appartient de rendre
vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'une grave
violation des droits de l'homme dans l'Etat requérant, susceptible de
la
toucher de manière concrète (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364, 123 II
161
consid. 6b, 122 II 373 consid. 2a p. 376-377 et les arrêts cités).
L'intéressé ne saurait ainsi se contenter d'affirmations générales;
il lui
incombe, sinon de démontrer, du moins d'alléguer de manière
vraisemblable en
quoi consistent les vices invoqués, et leurs incidences concrètes sur
sa
propre situation, en particulier au regard de la procédure pénale
ouverte
dans l'Etat requérant. La jurisprudence a ainsi eu l'occasion de
préciser que
l'accusé qui se trouve dans un Etat tiers non susceptible de
l'extrader
directement à l'Etat requérant, n'est pas a priori touché de manière
concrète
par les défauts allégués (ATF 125 II 356 consid. 8b p. 365).

4.3 La cour cantonale a fait application de ces principes en relevant
que si
le recourant fait partie des personnes poursuivies au Koweït, il est
toutefois domicilié à Londres et ne risque pas de se trouver contre
son gré à
disposition des autorités de l'Etat requérant. A ceci, le recourant
rétorque
qu'il a dû, précisément, quitter le Koweït en raison des risques qu'il
dénonce et qu'en outre, il n'a jamais été convoqué pour prendre part
à la
procédure dirigée contre lui. Ces affirmations ne répondent pas à
l'argumentation retenue par la cour cantonale: quels que soient les
vices
invoqués, le recourant ne prétend pas être exposé à devoir se
soumettre, le
cas échéant, à un jugement rendu contre lui dans l'Etat requérant. Si
une
demande d'extradition devait être formée contre lui, il
appartiendrait alors
à son Etat de résidence, partie à la CEDH, de s'assurer du respect,
notamment, des droits de la défense.

4.4 La jurisprudence considère que la personne poursuivie peut, dans
certains
cas, se prévaloir de l'art. 2 let. a EIMP lorsqu'il est à redouter
que,
nonobstant son absence du territoire de l'Etat requis, un jugement
par défaut
est susceptible d'être prononcé contre lui (arrêt du 19 septembre
2000 dans
la cause L.). Toutefois, dans ce cas également, l'intéressé doit
apporter des
éléments permettant de penser qu'il court le danger de subir
concrètement une
atteinte à ses droits fondamentaux. En l'occurrence, un jugement par
défaut a
déjà été rendu contre le recourant A.________ par la Cour d'Assises,
au mois
de juin 1996, mais celui-ci a été annulé par la Cour d'appel. Le
recourant
prétend n'avoir jamais été convoqué, mais l'autorité requérante
affirme le
contraire, en particulier dans son mémorandum du 24 février 1997, où
elle
relève que l'assignation - nécessaire au prononcé d'un jugement par
défaut -
a eu lieu en bonne et due forme, A.________ ayant au surplus entamé
des
démarches judiciaires afin de contester les mesures de saisie dont il
fait
l'objet dans l'Etat requérant. Le recourant n'indique d'ailleurs pas
s'il
craint un nouveau jugement par défaut, et ne prétend pas non plus que
les
droits de l'accusé qui ne comparaît pas - notamment le droit
d'obtenir le
relief - seraient compromis dans un tel cas. Le recourant prétend
aussi qu'il
serait l'objet d'une lutte entre les divers prétendants à la
succession du
chef de l'Etat, mais il se contente, là aussi, d'affirmations purement
gratuites.

Le recourant relève que les juges sont nommés par le Chef de l'Etat,
sur
recommandation du Ministère de la justice. Cet élément à lui seul
n'est pas
suffisant pour douter de l'indépendance des magistrats. En effet,
cette
question doit être résolue non seulement sur le vu du mode de
désignation,
mais aussi compte tenu de la durée des mandats, de l'existence d'une
protection contre les pressions extérieures et du point, central, de
savoir
s'il y a ou non apparence d'indépendance. Les tribunaux doivent
statuer sans
recevoir d'instructions ou de recommandations (ATF 123 II 511 consid.
5c p.
517 et la jurisprudence citée). Le fait que l'engagement des
magistrats,
salariés, soit de durée déterminée et qu'il s'agisse souvent de
ressortissants étrangers ne constituent pas des motifs de douter de
leur
indépendance. Par ailleurs, si les différents rapports produits par le
recourant (observations finales du Comité des droits de l'homme du 27
juillet
2000 -, rapports d'Amnesty International et d'Human Rights Watch,
ainsi que
de l'US Department of State) font état de sérieux problèmes dans
l'Etat
requérant (maintien de la loi martiale de 1991, arrestations
illégales, cas
de torture, discriminations à l'égard des femmes, situation des
bédouins et
des apatrides, maintien de la peine de mort, violations de la liberté
d'expression), aucun d'entre eux ne mentionnent l'indépendance des
magistrats
comme un motif de préoccupation particulier. Il n'est jamais prétendu
que le
Chef de l'Etat serait, d'une manière ou d'une autre, intervenu afin
d'influencer l'issue d'un procès déterminé. Les différentes décisions
de
justice qui figurent au dossier font au contraire ressortir que les
objections soulevées après le premier arrêt de la Cour d'Assises ont
été
examinées avec sérieux et indépendance. Les seuls procès inéquitables
dont il
est fait état concernent des délits politiques jugés par la Cour
martiale ou
la Cour de sûreté de l'Etat, mais non des délits de droit commun
jugés par
les juridictions ordinaires.

L'Etat requérant, qui a ratifié le 21 mai 1996 le Pacte ONU II, a été
interpellé le 14 février 1995 par l'OFP, notamment à propos du
respect des
garanties judiciaires figurant aux art. 6-8 CEDH. Dans sa réponse, du
24 mars
1995, transmise par le Ministère de la Justice, le Procureur général
expose
les règles relatives à la légalité des peines, à la publicité des
débats, à
la présomption d'innocence, au principe d'accusation et aux droits de
la
défense, en particulier le droit de faire entendre les témoins à
décharge. Le
recourant ne tente pas de démontrer que l'une ou l'autre de ces
prérogatives
ne serait pas respectée. L'occasion d'une telle démonstration
concrète n'a
d'ailleurs pas manqué car, même s'il n'y a pas personnellement
participé, le
recourant a été informé du premier procès qui s'est tenu en Assises,
et
aurait eu le loisir d'en critiquer, s'il y avait lieu, le déroulement.

C'est dès lors avec raison, faute de griefs suffisamment étayés, que
la cour
cantonale a refusé d'entrer en matière sur l'argumentation tirée de
l'art. 2
EIMP.

5.
Les recourants invoquent enfin le principe de la proportionnalité. Le
verdict
rendu en 1996, puis l'arrêt de la Cour de cassation, auraient rendu
sans
objet la demande d'entraide. Par ailleurs, la transmission en bloc de
tous
les documents saisis, sans aucun tri, serait inadmissible, d'autant
plus que
l'autorité requérante ne demande plus que la levée des blocages de
comptes
qui avaient été ordonnés.

5.1 Contrairement à ce que semblent soutenir les recourants, le
premier
verdict - annulé pour vice de forme - puis les décisions de la Cour de
cassation ne rendent pas l'entraide sans objet. Seule pourrait avoir
cet
effet une décision d'acquittement, de non-lieu, ou une renonciation à
toute
poursuite (art. 5 EIMP). Or, même s'il subsiste quelques incertitudes
sur la
juridiction qui sera finalement saisie, l'Etat requérant a clairement
manifesté sa volonté de mener à terme les procédures en cours; tant le
Procureur que la commission d'enquête ont, le 14 mars 2001, confirmé
leur
intérêt pour les renseignements recueillis en Suisse, le maintien des
blocages opérés en Suisse étant mentionné à titre supplémentaire.

5.2 Quant à l'absence de tri des documents à transmettre, la cour
cantonale
rappelle à juste titre que les intéressés ne peuvent se contenter de
se
plaindre d'une transmission en bloc; il leur appartient d'indiquer
quelles
pièces ne doivent pas être transmises, et pour quels motifs (ATF 126
II 258
consid. 9b/aa). Force est de constater qu'à aucun stade de la
procédure, y
compris dans leur recours de droit administratif, les recourants n'ont
satisfait à ce devoir de collaboration, alors même que l'occasion
leur en
avait été donnée. Le grief doit par conséquent être écarté.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156
al. 1
OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge des recourants, qui
succombent.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève,
ainsi
qu'à l'Office fédéral de la justice (B 107164).

Lausanne, le 11 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.140/2002
Date de la décision : 11/09/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-11;1a.140.2002 ?
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