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10/09/2002 | SUISSE | N°5C.150/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 septembre 2002, 5C.150/2002


{T 0/2}
5C.150/2002 /frs

Arrêt du 10 septembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Raselli, Hohl,
greffier Abrecht.

F. ________ (époux),
demandeur et recourant, représenté par Me Christophe Zellweger,
avocat, rue
de la Fontaine 9, 1204 Genève,

contre

Dame F.________ (épouse),
défenderesse et intimée, représentée par Me Christine Gaitzsch,
avocate, 3,
place de la Taconnerie, 1204 Genève.

modification d'un jugement de divorce,

recour

s en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 17 mai 2002.

Faits:

A.
...

{T 0/2}
5C.150/2002 /frs

Arrêt du 10 septembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Raselli, Hohl,
greffier Abrecht.

F. ________ (époux),
demandeur et recourant, représenté par Me Christophe Zellweger,
avocat, rue
de la Fontaine 9, 1204 Genève,

contre

Dame F.________ (épouse),
défenderesse et intimée, représentée par Me Christine Gaitzsch,
avocate, 3,
place de la Taconnerie, 1204 Genève.

modification d'un jugement de divorce,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 17 mai 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 21 décembre 1989, le Tribunal de première instance du
canton
de Genève a prononcé le divorce des époux F.________, né en 1939, et
dame
F.________, née en 1941, qui avaient eu trois enfants nés
respectivement en
1966, 1968 et 1977. Le dispositif de ce jugement, qui faisait suite
aux
conclusions concordantes des parties, était notamment le suivant:
"3. Donne acte à Monsieur F.________ de son accord de verser à sa
femme, par
mois et d'avance, à titre de compensation de ses droits pécuniaires,
le
montant de Frs 3'500.-- par mois, dès le mois de décembre 1989.

Donne acte à Madame F.________ de ce qu'elle renonce à toute autre
pension ou
indemnité, tant sur mesures provisoires que sur le fond.

4. Donne acte à Monsieur F.________ de son accord de verser à sa
femme, au
plus tard le 31 décembre 1993, le montant de Frs 350'000.-- à titre de
liquidation du régime matrimonial des parties.

5. Donne acte à Madame F.________ de ce qu'elle renonce à la
jouissance de
la villa conjugale sise à Y.________.

Donne acte à Monsieur F.________ de ce qu'il accepte de prendre à sa
charge
tous les frais et impôts liés à la propriété de cet immeuble.

6. Donne acte à Madame F.________ de ce qu'elle accepte que son mari
reçoive, dans la liquidation du régime matrimonial, la propriété de
la villa
conjugale (...)."
Au moment du prononcé du divorce, F.________, fondé de pouvoir dans
une
banque privée genevoise, a indiqué percevoir un salaire annuel net de
199'204
fr.; l'hypothèque grevant la villa ¿ dont la valeur vénale était
expertisée à
855'000 fr. ¿ s'élevait "à peu près" à 350'000 fr. et les charges y
afférentes (intérêts et amortissement) à environ 30'000 fr. par
année. Le
salaire mensuel net de dame F.________ s'élevait à 3'200 fr. et son
loyer à
1'000 fr. par mois.

B.
Par arrêt du 25 janvier 1994, la Cour de justice du canton de Genève,
statuant dans le cadre d'une procédure de modification du jugement de
divorce
introduite en 1993 par F.________, a débouté celui-ci de sa demande de
modification. Elle a notamment considéré que selon le texte clair du
jugement
de divorce, qui avait repris les conclusions des parties, le montant
de 3'500
fr. devait être versé mensuellement "à titre de compensation de la
perte des
droits pécuniaires" de dame F.________ ¿ laquelle avait expressément
"renoncé
à toute autre pension ou indemnité" ¿, et qu'une telle indemnité
n'était pas
soumise à réduction au sens de l'art. 153 al. 2 aCC dès lors qu'elle
n'était
pas due en compensation du droit à l'entretien mais en compensation
d'autres
droits, tels que la perte d'autres avantages de nature successorale
ou sous
forme de participation à la pension de retraite à laquelle pourrait
prétendre
F.________ et/ou son épouse, voire sa veuve.

C.
F. ________ a été mis à la retraite anticipée dès le 1er janvier
2000, à
l'âge de 60 ans et demi. Il touche une pension de retraite annuelle de
135'240 fr.; en outre, le fonds complémentaire de prévoyance de son
ex-employeur lui verse un "pont" AVS de 24'000 fr. par an et prend en
charge
ses cotisations AVS à hauteur de 4'000 fr. par année jusqu'à l'âge
ordinaire
de la retraite, fixé à 63 ans par les statuts du personnel de la
banque.

Quant à dame F.________, elle a travaillé de 1988 à février 1995 comme
secrétaire dans une entreprise du secteur de la construction, qu'elle
a
quittée suite à une dépression, puis dans le secteur hospitalier du
1er
décembre 1995 au 31 décembre 1996, et enfin, après trois ans de
chômage,
auprès d'un service de l'État de Genève, où elle a touché du 1er
janvier au
30 septembre 2000 un salaire mensuel brut de 2'541 fr. 25 pour un
emploi à
mi-temps. En novembre 2000, la caisse de prévoyance professionnelle du
dernier employeur de dame F.________ a indiqué à celle-ci que,
conformément à
ses statuts et faute de trouver un nouvel emploi d'ici à février
2001, elle
serait mise en retraite anticipée dès le 1er octobre 2000. dame
F.________
perçoit par conséquent depuis cette date une pension mensuelle de
1'404 fr.
30, qui passera à 566 fr. 65 dès l'âge de la retraite, soit dès le 1er
janvier 2005. Nonobstant sa mise à la retraite anticipée, dame
F.________
poursuit sa recherche d'emploi et bénéficie de prestations de
chômage, dont
le montant a varié entre 1'344 fr. et 1'739 fr.

D.
Invoquant la baisse de ses revenus due à sa mise à la retraite
anticipée
ainsi que l'amélioration de la situation économique de son ex-épouse,
F.________ a introduit le 22 mars 2000 une nouvelle action en
modification du
jugement de divorce, concluant à ce que la pension due à son
ex-épouse soit
réduite à 500 fr. par mois dès le 1er janvier 2000.

Par jugement du 20 septembre 2001, le Tribunal de première instance de
Genève, annulant sur opposition de la défenderesse un premier
jugement rendu
le 18 avril 2000 par défaut de cette dernière, a débouté le demandeur
de
toutes ses conclusions.

E.
Par arrêt du 17 mai 2002, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton
de Genève a confirmé ce jugement. Elle a considéré principalement que
la
rente dont le demandeur sollicitait la réduction n'était pas destinée
à
couvrir la perte du droit à l'entretien et n'était ainsi pas
réductible au
sens de l'art. 153 al. 2 aCC. A titre subsidiaire, elle a considéré
que la
mise à la retraite anticipée du demandeur ne constituait pas une
situation
imprévisible et que ses revenus ¿ auxquels s'ajoutaient ceux de sa
fortune,
qui restait largement supérieure à celle de la défenderesse ¿ étaient
suffisants pour lui permettre de maintenir un train de vie
confortable tout
en poursuivant le versement de l'indemnité convenue.

F.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, le
demandeur
conclut principalement à la réforme de cet arrêt en ce sens que la
rente due
à la défenderesse soit réduite à 1'500 fr. par mois dès le 1er
janvier 2000.
A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et
au
renvoi du dossier à l'autorité cantonale afin qu'elle complète ses
constatations en ce qui concerne la situation de fortune actuelle de
la
défenderesse, point sur lequel le demandeur se plaint d'une violation
des
prescriptions fédérales en matière de preuve.

Une réponse au recours n'a pas été demandée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La valeur litigieuse, calculée conformément à l'art. 36 al. 5 OJ,
dépasse
largement la valeur d'au moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait
dépendre la
recevabilité du recours en réforme dans les affaires pécuniaires
autres que
celles visées à l'art. 45 OJ. Le recours est donc recevable sous cet
angle.
Déposé en temps utile contre une décision finale prise par le tribunal
suprême du canton de Genève et qui ne peut pas être l'objet d'un
recours
ordinaire de droit cantonal, il est également recevable du chef des
art. 54
al. 1 et 48 al. 1 OJ.

2.
2.1 Comme il a déjà été dit, la cour cantonale a considéré
principalement que
la rente dont le demandeur sollicitait la réduction n'était pas
destinée à
couvrir la perte du droit à l'entretien et n'était ainsi pas
réductible au
sens de l'art. 153 al. 2 aCC. Elle a rappelé qu'au moment du divorce
des
parties, le demandeur avait obtenu la jouissance de la villa
conjugale et
qu'après 25 ans de mariage sans activité lucrative, la défenderesse,
outre la
perte de ses expectatives successorales, avait subi un important
déficit de
prévoyance qu'elle n'était pas en mesure de combler avant l'âge de la
retraite. Le partage du deuxième pilier n'était pas encore en
vigueur, et le
"splitting" de l'AVS, intervenu entre-temps, ne corrigeait pas
suffisamment
ce déficit. En outre, la défenderesse avait subvenu elle-même à ses
besoins
dès la séparation du couple, étant précisé qu'elle avait quitté la
villa
conjugale, où étaient restés domiciliés ses trois enfants (âgés de
23, 21 et
19 ans), et elle avait renoncé à toute autre pension ou indemnité pour
elle-même, y compris durant la procédure de divorce. Enfin, le
libellé et le
montant de l'indemnité avaient été fixés d'un commun accord entre les
parties, qui se trouvaient ainsi liées selon les termes de la
convention
adoptée.

2.2 Le demandeur soutient que l'expression "à titre de compensation
de ses
droits pécuniaires" contenue dans le dispositif du jugement de divorce
devrait être interprétée comme visant la compensation de la perte du
droit à
l'entretien et non, comme l'a retenu la cour cantonale, de la perte
d'expectatives. A l'appui de sa thèse, le demandeur se réfère à un
passage de
l'ATF 104 II 237, ainsi qu'à la correspondance échangée entre les
conseils
des parties lors de la négociation de la convention sur les effets
accessoires du divorce. La comparaison des salaires nets respectifs
des
parties à l'époque du divorce ¿ 199'204 fr. par an contre 3'200 fr.
par mois
¿ démontrerait au demeurant à elle seule que la pension mensuelle de
3'500
fr. envisagée valait, pour partie essentielle sinon en totalité,
compensation
pour la perte du droit à l'entretien. En outre, selon un arrêt
st-gallois de
1983 publié in SJZ 80/1984 n° 42 p. 249 s., la rente destinée à
couvrir la
perte de participation (indirecte) de l'épouse à la pension de
vieillesse du
mari devrait être considérée comme une rente d'entretien réductible.
Enfin,
le demandeur fait valoir que depuis le divorce des parties, de
nombreuses
modifications législatives, notamment de la LAVS, ont considérablement
renforcé les droits de la femme divorcée, ce qui conduirait à écarter
l'hypothèse selon laquelle la rente de 3'500 fr. allouée à la
défenderesse
valait compensation pour perte d'expectatives de pension de retraite.

2.3 La modification d'un jugement de divorce rendu selon l'ancien
droit est
régie par l'ancien droit, sous réserve des dispositions relatives aux
enfants
et à la procédure (art. 7a al. 3 tit. fin. CC). Une rente allouée en
vertu de
l'art. 151 al. 1 aCC pour compenser la perte du droit à l'entretien
peut être
réduite ou supprimée, en application par analogie de l'art. 153 al. 2
aCC, en
cas d'amélioration de la situation économique du bénéficiaire comme
en cas de
péjoration de celle du débiteur (ATF 117 II 211, 359; 118 II 229).
N'est en
revanche pas soumise à réduction au sens de l'art. 153 al. 2 aCC la
rente qui
n'a pas été allouée pour assurer l'entretien du bénéficiaire, mais à
titre de
dédommagement pour les expectatives perdues du fait du divorce;
lorsqu'il n'a
pas été spécifié dans le jugement de divorce si, et le cas échéant
dans
quelle mesure, la rente allouée l'a été pour compenser la perte du
droit à
l'entretien, il incombe à celui qui sollicite la réduction d'établir
qu'il
s'agit d'une prestation réductible au sens de l'art. 153 al. 2 aCC;
cette
question doit être résolue sur la base de la situation telle qu'elle
résultait du dossier au moment de la conclusion de la convention et du
prononcé du divorce (ATF 104 II 237 consid. 5; 71 II 7 consid. 2;
Bühler/Spühler, Berner Kommentar, Band II/1/1/2, 1980, n. 16 ad art.
153 aCC
et la jurisprudence citée).

2.4 En l'occurrence, le demandeur ne saurait tirer argument du
passage de
l'ATF 104 II 237 où il est dit qu'il convient de déterminer si la
rente
"n'était destinée qu'à compenser l'atteinte aux droits pécuniaires
(c'est-à-dire, concrètement, la perte du droit à l'entretien) ou
aussi (...)
une éventuelle perte d'expectatives" (traduction de l'italien). En
effet, à
la page précédente, l'arrêt en question distingue le cas où les
prestations
financières convenues l'ont été "à titre alimentaire" de celui où
elles l'ont
été "comme indemnité pour l'atteinte aux droits pécuniaires ou les
expectatives de l'ex-épouse". C'est dire que cet arrêt ne permet
aucune
déduction quant au sens de l'expression "à titre de compensation de
ses
droits pécuniaires" utilisée dans le dispositif du jugement de
divorce dont
le demandeur sollicite la modification. La question doit par
conséquent être
résolue sur la base de la situation telle qu'elle résultait du
dossier au
moment de la conclusion de la convention et du prononcé du divorce
(cf.
consid. 2.3 supra).

A cet égard, ne pourront être prises en considération ni la
correspondance
échangée entre les conseils des parties lors de la négociation de la
convention sur les effets accessoires du divorce, faute de toute
constatation
de fait à ce sujet dans l'arrêt attaqué (cf. art. 63 al. 2 OJ), ni les
modifications législatives qui sont intervenues postérieurement au
prononcé
du divorce.

Le recourant reproche à raison à la cour cantonale d'avoir
(implicitement)
considéré qu'une rente destinée à compenser le déficit de prévoyance
professionnelle de l'épouse qui n'a pas pu se constituer de

prévoyance propre
pendant un mariage de longue durée n'est pas réductible au sens de
l'art. 153
al. 2 aCC. Il est en effet admis qu'une telle rente constitue une
indemnisation pour la perte d'entretien ¿ la constitution d'une
prévoyance
professionnelle appropriée faisant partie de l'entretien convenable
au sens
de l'art. 163 CC ¿ et non pour la perte d'expectatives
(Hinderling/Steck, Das
schweizerische Ehescheidungsrecht, 4e éd., 1995, p. 280, 333 s. et
376 et les
références citées; cf. ATF 115 II 6 consid. 6). D'un autre côté, le
fait que
la défenderesse a subvenu elle-même à ses besoins dès la séparation
du couple
et qu'elle a renoncé à toute autre pension ou indemnité pour
elle-même, y
compris durant la procédure de divorce, constitue un sérieux indice
que la
rente convenue n'était en tout cas pas principalement destinée à
compenser la
perte d'entretien (cf. ATF 104 II 237 p. 245 in fine).

Toutefois, même si les juges cantonaux avaient retenu qu'une certaine
quote-part de la rente allouée à la défenderesse l'avait été en
compensation
de la perte d'entretien, notamment en raison du déficit de prévoyance
résultant de 25 ans de mariage sans activité lucrative, cela ne
changerait
rien à l'issue du litige, dès lors que, comme on le verra, les
conditions
d'une modification ne sont de toute manière pas données en l'espèce.

3.
3.1 Comme il a déjà été dit, la cour cantonale a considéré à titre
subsidiaire que la mise à la retraite anticipée que le demandeur avait
sollicitée, ou à laquelle il avait à tout le moins consenti, ne
constituait
pas une situation imprévisible. Ses revenus, auxquels s'ajoutaient
ceux de sa
fortune, étaient suffisants pour lui permettre de maintenir un train
de vie
confortable tout en poursuivant le versement de l'indemnité convenue.
Faute
de renseignements pertinents, la situation financière du demandeur
n'était
pas déterminée, mais en prenant en compte la valeur actuelle de la
villa sur
le marché immobilier, vraisemblablement
accrue depuis 1989, sa fortune restait largement supérieure à celle
de la
défenderesse, dont la situation ne s'était par ailleurs pas améliorée
depuis
le divorce.

3.2
3.2.1 Le demandeur reproche d'abord aux juges cantonaux d'avoir
considéré que
sa fortune restait largement supérieure à celle de son ex-épouse,
alors que
l'arrêt attaqué ne contient aucune constatation de fait sur la
situation
patrimoniale actuelle de cette dernière, ce qui consacrerait une
violation
des prescriptions fédérales en matière de preuve. Le demandeur
sollicite
ainsi du Tribunal fédéral qu'il rectifie l'état de fait en y
mentionnant les
données pertinentes sur la fortune actuelle de la défenderesse, qui
selon
l'attestation fiscale 2000 s'élèverait au 31 décembre 1999 à 523'041
fr.
brut, soit à 375'041 fr. net après imputation d'une dette
hypothécaire de
98'000 fr. sur un immeuble d'une valeur fiscale de 239'200 fr. et de
la
déduction sociale de 50'000 fr. sur la fortune.

3.2.2 Même si l'on devait compléter l'état de fait dans le sens
sollicité
par le demandeur, cela ne changerait rien à l'issue de la cause. En
effet, la
cour cantonale a constaté que selon l'attestation fiscale 1999 du
demandeur,
celui-ci avait au 31 décembre 1998 une fortune mobilière de 238'791
fr. et
une fortune immobilière brute (valeur fiscale) de 323'557 fr.
constituée par
la villa de Y.________ Eu égard au fait que la valeur vénale de cet
immeuble
était déjà expertisée à 855'000 fr. au moment du divorce, la cour
cantonale
pouvait à bon droit retenir que la fortune du demandeur reste
supérieure à
celle de la défenderesse. Force est par ailleurs de constater que la
situation de fortune de cette dernière ne s'est pas améliorée en
termes réels
depuis le divorce, dans lequel elle avait reçu un montant de 350'000
fr. à
titre de liquidation du régime matrimonial.

En définitive, dès lors qu'il n'est pas établi que la situation de
fortune du
demandeur se soit péjorée ni que celle de la défenderesse se soit
améliorée
depuis le prononcé du divorce, il y a lieu d'examiner la demande de
réduction
de la rente due à la défenderesse, à la lumière des conditions posées
par
l'art. 153 al. 2 aCC, en rapport avec l'évolution des seuls revenus
respectifs des parties.

3.3
3.3.1 La réduction ou la suppression d'une rente d'entretien au sens
de
l'art. 151 al. 1 aCC présuppose une modification ¿ que ce soit dans
le sens
d'une amélioration de la situation économique du bénéficiaire ou dans
le sens
d'une péjoration de celle du débiteur ¿ qui soit à la fois
importante, à vues
humaines durable et non prévisible au moment du divorce (ATF 117 II
211
consid. 5a, 359 consid. 3 in fine; 118 II 229 consid. 3a; cf. ATF 96
II 301
consid. 3 et 5a). La mise à la retraite du débiteur ne suffit pas à
elle
seule pour imposer une réduction de la rente (ATF 108 II 30 consid.
9). Si la
détérioration de la situation du débiteur de la pension est due à sa
mauvaise
volonté ou à sa négligence grossière, ou si elle est imputable à une
décision
arbitraire, elle ne saurait en règle générale justifier une réduction
de la
pension, en tout cas pas lorsque le débiteur a la possibilité de se
recréer
une situation plus favorable (ATF 108 II 30 consid. 7).

3.3.2 En l'espèce, les arguments avancés par le demandeur pour
affirmer que
la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en n'admettant pas
que sa
mise à la retraite anticipée représentait une modification
imprévisible et
importante de sa situation économique se révèlent dénués de
pertinence dans
la mesure où ils sont recevables.

En premier lieu, l'affirmation selon laquelle l'ex-employeur du
demandeur a
abaissé l'âge réglementaire de la retraite de 65 à 63 ans en 1997
seulement
ne fait l'objet d'aucune constatation dans l'arrêt attaqué et ne
saurait dès
lors être prise en considération (cf. art. 63 al. 2 OJ). Le demandeur
ne
conteste au demeurant pas que, selon les constatations de la cour
cantonale,
cet abaissement de l'âge de la retraite à 63 ans s'est fait en
garantissant
une retraite identique à celle qui aurait été versée à 65 ans.

La retraite du demandeur faisait manifestement partie des données
prévisibles
au moment de la conclusion de la convention sur effets accessoires et
du
prononcé du divorce, de sorte qu'il en a nécessairement été tenu
compte dans
la fixation de la rente de durée indéterminée que le demandeur a
accepté de
payer à son ex-épouse. Seul aurait pu être imprévisible le caractère
anticipé
de cette retraite ¿ à l'âge de 60 ans et demi au lieu de 63 ans selon
l'état
de fait de l'arrêt attaqué ¿ ainsi que l'éventuelle réduction de
prestations
de prévoyance professionnelle qui en découleraient. Or le demandeur
n'a
nullement établi que la pension qu'il touchera dès l'âge de 63 ans est
inférieure à celle qu'il pouvait en 1989 escompter toucher lors de
sa mise à
la retraite à l'âge fixé par les statuts du personnel de son
ex-employeur. En
d'autres termes, le demandeur n'a pas prouvé que ses revenus dès
l'âge de 63
ans seront inférieurs à ce qu'il pouvait escompter lorsqu'il a
consenti à
verser à la défenderesse ¿ y compris après qu'il aurait lui-même pris
sa
retraite ¿ une rente viagère de 3'500 fr. par mois. Quant au fait que
le
demandeur est passé d'un revenu de salarié à un revenu ¿ inférieur ¿
de
retraité deux ans et demi plus tôt que ce qu'il aurait pu prévoir, il
ne
saurait à lui seul justifier la réduction de la rente viagère due à la
défenderesse, étant rappelé au surplus que le demandeur bénéficie
pendant
cette période transitoire de prestations du fonds complémentaire de
prévoyance de son ex-employeur à hauteur de 28'000 fr. par an.

En définitive, il n'y a pas lieu de retenir, sur le vu de l'état de
fait de
l'arrêt attaqué, qui lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), que
la
situation économique du demandeur se soit modifiée, par rapport à la
situation prévisible au moment du prononcé du divorce, de telle
manière que
la rente de 3'500 fr. allouée à la défenderesse n'est plus en rapport
avec
les facultés du débiteur, au sens de l'art. 153 al. 2 aCC.
L'argumentation en
sens contraire du demandeur, en bonne partie fondée sur des
spéculations qui
ne trouvent aucune assise factuelle dans les constatations de
l'autorité
cantonale, doit être écartée dans la mesure où elle est recevable
(cf. art.
63 al. 2 OJ).

3.4 C'est également en vain, et à nouveau essentiellement sur la base
d'affirmations qui ne font souvent l'objet d'aucune constatation dans
l'arrêt
cantonal et ne sauraient dans cette mesure être prises en
considération (art.
63 al. 2 OJ), que le demandeur soutient que l'évolution de la
situation
économique de la défenderesse justifierait une réduction de la rente
qui lui
avait été allouée lors du divorce.

Il ressort en effet des faits retenus par l'autorité cantonale qu'au
moment
du prononcé du divorce, la défenderesse travaillait comme secrétaire
pour une
entreprise du secteur de la construction pour un salaire net de 3'200
fr. par
mois. Après avoir quitté cette entreprise en mars 1995 suite à une
dépression, elle a travaillé dans le secteur hospitalier du 1er
décembre 1995
au 31 décembre 1996, puis, après trois ans de chômage, auprès d'un
service de
l'État de Genève, où elle a touché du 1er janvier au 30 septembre
2000 un
salaire mensuel brut de 2'541 fr. 25 pour un emploi à mi-temps. Elle a
ensuite été mise en retraite anticipée dès le 1er octobre 2000 et
perçoit
depuis cette date une pension mensuelle de 1'404 fr. 30, qui passera
à 566
fr. 65 dès l'âge de la retraite, soit dès le 1er janvier 2005.
Nonobstant sa
mise à la retraite anticipée, la défenderesse poursuit sa recherche
d'emploi
et bénéficie de prestations de chômage, dont le montant a varié entre
1'344
fr. et 1'739 fr.

Il est ainsi manifeste que la situation économique de la défenderesse
ne
s'est nullement améliorée depuis le prononcé du divorce. Il apparaît
au
contraire que la défenderesse ne sera plus en mesure d'améliorer sa
prévoyance professionnelle et ne percevra dès l'âge ordinaire de la
retraite,
soit dès le 1er janvier 2005, qu'une pension du deuxième pilier de
566 fr. 65
par mois. Par ailleurs, il n'est pas établi que sa situation
économique se
retrouve globalement améliorée, par rapport à la situation prévisible
au
moment du prononcé du divorce, du fait du "splitting" de l'AVS
intervenu
entre-temps.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la
mesure
où il est recevable, ce qui entraîne la confirmation de l'arrêt
attaqué. Le
recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156
al. 1
OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que
l'intimée
n'a pas été invitée à procéder et n'a en conséquence pas assumé de
frais en
relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1
et 2
OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation
judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt
attaqué
est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 10 septembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.150/2002
Date de la décision : 10/09/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-10;5c.150.2002 ?
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