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10/09/2002 | SUISSE | N°4P.291/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 septembre 2002, 4P.291/2001


{T 0/2}
4P.291/2001 /ech

Arrêt du 10 septembre 2002
Ière Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière Michellod

A.________ SA,
recourante, représentée par Me Hrant Hovagemyan, avocat,
rue Vallin 2, case postale 5554, 1211 Genève 11,

contre

B.________ SA,
intimée, représentée par Me Gabriel Benezra, avocat,
rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1

211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst., appréciation des preuves en procédure
civile; déni
de justice et droit d'ê...

{T 0/2}
4P.291/2001 /ech

Arrêt du 10 septembre 2002
Ière Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière Michellod

A.________ SA,
recourante, représentée par Me Hrant Hovagemyan, avocat,
rue Vallin 2, case postale 5554, 1211 Genève 11,

contre

B.________ SA,
intimée, représentée par Me Gabriel Benezra, avocat,
rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst., appréciation des preuves en procédure
civile; déni
de justice et droit d'être entendu.

(recours de droit public contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2001 par
la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève)

Faits:

A.
B. ________ fabrique et commercialise des montres depuis près d'un
siècle et
demi; elle est notamment active dans le domaine de la montre haut de
gamme.
A.________ s'occupe de l'achat, de la vente, de la fabrication et de
la
création d'articles d'horlogerie et de bijouterie de luxe. Son conseil
d'administration est présidé par X.________. Cette société n'a jamais
fabriqué elle-même les montres qu'elle vend, mais a délégué leur
fabrication
à divers sous-traitants. Les parties entretiennent des contacts
commerciaux
depuis de nombreuses années.

Au début des années 1980, dans le cadre de la création de ses propres
modèles, A.________ a fait appel à B.________ pour certains travaux
sur des
mouvements de montres. Par la suite, elle a confié à B.________ le
soin de
réaliser des modèles de montre haut de gamme qui devaient être
commercialisés
sous le label "A.________". Les premiers dessins de ces nouvelles
créations,
notamment le modèle M1, ont été élaborés par les créateurs de la
maison
X.________ à Paris; la réalisation des dessins et des prototypes a
par la
suite été remise à B.________. Les premiers modèles M1 ont été livrés
par
B.________ en juillet 1988. Le développement des modèles s'est fait en
contact permanent avec A.________, qui déterminait les critères
d'esthétique,
les fonctions et le type de mouvement, tandis que la conception
technique et
qualitative était du ressort de B.________. Les parties se sont
rencontrées à
de nombreuses reprises entre le 26 juin 1989 et le 12 juillet 1995. Il
ressort clairement des procès-verbaux qu'elles avaient en vue la
création
d'un véritable "tandem".

En juillet 1991, les premiers prototypes de nouveaux modèles de base
M2, M3,
M4 et M5 ont été soumis à X.________, qui les a acceptés en janvier
1992. Un
modèle M6 a également été développé sur la base de l'ancien modèle
M1. Enfin,
un modèle de base M7 a été approuvé par A.________ en novembre 1993.
A.________ a commandé en tout 6'527 montres des nouvelles collections
entre
le 5 février 1992 et le 5 septembre 1994. La dernière livraison de
montres
nouveaux modèles remonte au 25 avril 1995.

Dès le début 1995, un litige s'est élevé quant à la qualité des
montres
fournies par B.________. Suite à divers échanges de courriers,
B.________ a,
le 17 septembre 1996, mis A.________ en demeure de payer contre
livraison 534
montres déjà produites (M2 et M6), de payer les factures ouvertes
pour un
montant de 399'320,75 fr., et de fournir un plan de réception pour les
montres ayant fait l'objet d'une commande ferme et qui devaient
encore être
produites. Cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effet et c'est
ainsi
que, par courrier du 18 octobre 1996, B.________ a informé A.________
qu'elle
entendait, conformément à l'art. 107 al. 2 CO, maintenir le contrat
les
liant, renoncer au plan de réception et réclamer des
dommages-intérêts pour
cause d'inexécution. Pour sa part, A.________ a, le 23 octobre 1996,
résilié
les 17 contrats qui la liaient à B.________, portant sur des commandes
intervenues entre le 18 septembre 1992 et le 4 avril 1995 et
concernant les
modèles M6, M2, M3, M4 et M5.

Au 29 février 1996, B.________ avait livré 1'975 montres nouveaux
modèles.
A.________ devait donc encore prendre livraison et payer 4'552
pièces. Après
avoir introduit deux poursuites contre A.________, B.________ a, le
10 mars
1997, consigné les 534 montres fabriquées auprès d'une banque.

B.
Le 17 mars 1997, B.________ a ouvert action contre A.________ pour un
montant
supérieur à 13'000'000 fr., concluant notamment à ce que la
défenderesse soit
condamnée: (I) à prendre livraison des 534 montres produites et
consignées
ainsi qu'à lui payer le prix de ces montres, soit 1'079'736,25 fr.
avec
intérêts à 5% dès le 17 septembre 1996, (II) à lui verser 12'650'953
fr. plus
intérêts à 5% dès le 18 octobre 1996 à titre de dommages-intérêts, et
(III) à
lui payer divers montants correspondant à des factures impayées, avec
intérêts à 5%.

A. ________ a conclu au déboutement de B.________, arguant de défauts
affectant les montres livrées et faisant valoir subsidiairement, en
compensation, le dommage que lui avaient occasionné ces défauts, sans
toutefois prendre de conclusions chiffrées à ce sujet. Pour attester
de ce
dommage, A.________ a produit plusieurs lettres de clients ou
concessionnaires, datant de février et septembre 1997, annulant des
commandes
à l'annonce que les montres devaient encore être envoyées en Suisse
avant
livraison pour vérification.

Suite à un incident de procédure soulevé par A.________, le tribunal
a rendu,
le 1er octobre 1998, un jugement ordonnant à B.________ de produire
toutes
les pièces en sa possession concernant les retours opérés par
A.________ de
montres M2, M3, M4, M5 et M6. Ce faisant, il a écarté de
l'instruction de la
cause les anciens modèles M1, qui avaient tous été livrés et
entièrement
payés. Les documents produits par B.________ suite à ce jugement
consistent
pour l'essentiel en des courriers adressés à A.________ entre 1993 et
1995
accompagnant des retours de montres.

Le tribunal a ordonné l'ouverture d'enquêtes, au cours desquelles il a
entendu de nombreux témoins, dont plusieurs employés ou anciens
employés des
deux parties. Celles-ci ont toutes deux renoncé à une expertise; le
tribunal
s'est rallié à cette position par ordonnance du 14 février 2000,
considérant
qu'il était trop aléatoire d'ordonner une telle mesure sur des
montres qui
étaient restées plusieurs années entre les mains des parties.
Par jugement du 1er septembre 2000, le tribunal a condamné A.________
à payer
à B.________ (I) la somme de 1'020'938,80 fr. avec intérêts à 5% dès
le 4
octobre 1996, correspondant aux montres produites par B.________ et
dont
A.________ avait refusé de prendre livraison, (II) la somme de
10'186'104, 55
fr. avec intérêts à 5% dès le 18 octobre 1996, à titre de
dommages-intérêts
pour cause d'inexécution du contrat et (III) divers montants
correspondant à
des factures restées impayées. Il a qualifié le contrat de contrat
d'entreprise. S'agissant de la première prétention, il a considéré que
A.________ n'avait pas apporté la preuve que les montres fabriquées
n'étaient
pas conformes à la convention. B.________ s'étant libérée de son
obligation
en consignant ces objets, A.________ devait les payer. En ce qui
concerne les
dommages-intérêts réclamés par B.________, le tribunal a estimé que
les
conditions permettant une résiliation anticipée selon l'art. 366 CO
n'étaient
pas réalisées. Il a donc appliqué l'art. 377 CO et a condamné la
défenderesse
à indemniser entièrement B.________. Enfin, concernant la troisième
prétention, le tribunal a constaté que A.________ n'avait pas allégué
que les
factures ouvertes correspondaient à des prestations non effectuées par
B.________, qu'elle n'avait pas établi avoir refusé les montres
correspondant
à ces factures ou les avoir restituées à B.________. Elle n'avait
donc aucun
droit de résoudre le contrat selon l'art. 368 CO et devait exécuter
son
obligation de paiement.

C.
A.________ a formé un appel contre ce jugement. Elle a préalablement
conclu à
ce que la Cour de justice ordonne la réouverture des enquêtes et lui
accorde
un délai raisonnable pour établir le montant de la créance opposée en
compensation, qu'elle fasse effectuer une expertise sur les cinq
rapports
d'expertise produits par B.________ en première instance, qu'elle
ordonne à
cette dernière de produire tous les documents techniques et autres
plans,
ainsi que tous autres documents relatifs aux montres M1, ancienne et
nouvelle
génération, M3, M2, M4, M5 et M8 et ordonne une expertise sur ces
documents.

Par arrêt du 12 octobre 2001, la Cour de justice a rejeté cette
requête pour
les motifs suivants: A.________, qui avait accepté la clôture des
enquêtes en
première instance, sollicitait leur réouverture sans invoquer un
quelconque
fait nouveau ou lacune dans l'instruction. A.________ demandait
l'application
de l'art. 42 CO ou qu'un délai lui soit accordé pour chiffrer et
prouver le
dommage opposé en compensation alors qu'elle n'avait produit, en
première
instance, aucun moyen de preuve à même de contribuer à
l'établissement des
faits invoqués à l'appui de la compensation. La procédure de première
instance avait duré plus de trois ans et à aucun moment A.________
n'avait
développé les arguments fondant son objection de compensation, qui
tenaient
sur deux pages dans sa réponse, sur quelques lignes dans sa duplique
et sur
moins de deux pages dans son écriture après enquêtes. Quant aux
critiques de
A.________ sur les témoignages recueillis en première instance, la
cour
cantonale a rappelé qu'il appartenait à la défenderesse de remettre
ces
témoignages en cause dans ses écritures après enquêtes et non
seulement en
appel, puisqu'elle avait tous les éléments en main pour le faire
devant le
premier juge.

Considérant que les enquêtes menées par le tribunal étaient complètes
et
exhaustives, la cour cantonale a refusé d'ordonner de nouvelles
mesures
d'instruction en appel. Elle a également refusé d'ordonner les
expertises
sollicitées par A.________, estimant que ces requêtes auraient dû être
formulées devant le juge de première instance déjà; enfin, elle a
rejeté la
demande d'un deuxième échange d'écriture, au motif que l'instruction
de la
cause était complète et que les écritures d'appel et de réponse
étaient
volumineuses.

Sur le fond, la cour cantonale a considéré que les parties étaient
liées par
une série de contrats d'entreprise conclus entre 1992 et 1994,
portant sur un
nombre déterminé de montres à livrer selon un calendrier à discuter
entre
elles. Examinant ensuite si la résiliation des contrats par
A.________ était
justifiée au sens de l'art. 368 al. 1 CO (droits du maître en cas de
défaut
de l'ouvrage), la cour cantonale a constaté que les montres livrées
par
B.________ avaient été acceptées par A.________; malgré un certain
nombre de
retours pour lesquels A.________ avait fait valoir la garantie des
défauts en
invitant B.________ à remédier à divers problèmes, A.________ n'avait
à aucun
moment, avant 1995, refusé l'ouvrage remis. Même si la procédure
avait permis
d'établir un certain nombre de défauts, ceux-ci n'étaient
manifestement pas
rédhibitoires, puisque A.________ n'avait pas refusé les montres
concernées
et avait continué à les vendre même après avoir invoqué son droit de
résoudre
le contrat. A l'instar du tribunal, la cour cantonale a retenu
qu'aucun
défaut systématique ou de conception n'avait été mis en évidence, la
plupart
des défauts soulevés par A.________ relevant de la garantie des
défauts et
non de la résolution du contrat. La cour cantonale a admis que dans
certains
cas, la multiplication des défauts peut avoir pour conséquence que
l'ouvrage
devient inacceptable; tel n'était toutefois pas le cas en l'espèce.
En effet,
si réellement les défauts avaient été à ce point graves, A.________
n'aurait
ni commandé une nouvelle gamme de montres en septembre 1994, ni
envisagé
d'établir des liens encore plus serrés avec B.________ à fin
1994/début 1995.
La cour cantonale a finalement constaté que A.________ avait perdu
tout
intérêt pour le type de montres produit par B.________, qu'elle
voulait
développer des montres plus complexes et donc se débarrasser des
montres
commandées auprès de B.________, qui ne correspondaient plus à ses
nouvelles
exigences.

Au terme de ce raisonnement, la cour cantonale a jugé que la
résiliation des
contrats n'était pas justifiée et que A.________ devait par conséquent
indemniser pleinement B.________ en application de l'art. 377 CO.
Elle a
relevé que la défenderesse n'avait, en appel, développé aucune
critique sur
le principe d'une indemnisation fondée sur cette disposition, ni sur
les
montants retenus par le tribunal de première instance à titre de
dommage subi
par B.________. La cour cantonale a toutefois rectifié d'office une
erreur de
calcul concernant le nombre de montres livrées.
S'agissant du dommage invoqué par A.________ en compensation, la cour
cantonale a estimé que le préjudice allégué ne découlait pas des
défauts
affectant les montres livrées. A.________ soutenait en effet que son
dommage
était constitué d'une part d'un stock de 1'833 montres nouvelles
créations,
d'autre part de frais de campagnes publicitaires effectuées en vain
et enfin,
d'une défaillance du service après-vente de B.________. La cour
cantonale a
considéré qu'il était absurde de prétendre que sur toute la période de
collaboration
avec B.________, A.________ n'avait vendu qu'une
centaine de
montres nouvelles collections, que A.________ était seule responsable
des
frais publicitaires engagés en vain puisqu'elle avait elle-même mis
fin aux
contrats en cours avec B.________, que la pièce produite à l'appui de
cette
allégation n'avait au surplus aucune valeur probante, et enfin, que
B.________ n'avait pas failli à son obligation de garantie. La cour
cantonale
a par conséquent nié l'existence d'un dommage en relation de
causalité avec
les défauts des ouvrages livrés par B.________.

Pour ces motifs, la Cour de justice a rectifié l'un des postes du
dispositif
du jugement du 1er septembre 2000 entaché d'une erreur de calcul et a
confirmé ce jugement pour le surplus.

D.
A.________ interjette un recours de droit public contre l'arrêt du 12
octobre
2001. Elle conclut préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et,
principalement, à l'annulation de l'arrêt cantonal, du jugement de
première
instance et des ordonnances préparatoires rendues par le premier juge.
Invitée à déposer une réponse, B.________ a conclu à l'irrecevabilité
du
recours et, subsidiairement, à son rejet. Quant à la Cour de Justice,
elle
s'est référée aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16 et les arrêts
cités).

1.1 La requête d'effet suspensif a été déclarée sans objet par
ordonnance du
15 janvier 2002, vu le dépôt d'un recours en réforme contre l'arrêt
attaqué
(cf. art. 54 al. 2 OJ).

1.2 Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est
recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance
cantonale. La jurisprudence a notamment déduit de cette règle qu'il ne
pouvait être dirigé que contre le prononcé de dernière instance
cantonale.
Elle admet cependant que la décision d'une autorité inférieure puisse
aussi
être attaquée lorsque le pouvoir d'examen de l'autorité cantonale de
recours
est plus restreint que celui du Tribunal fédéral ou lorsque le
recours de
droit public porte à la fois sur des points qui pouvaient être soumis
à
l'autorité cantonale de recours et sur ceux pour lesquels il n'existe
pas de
recours cantonal (ATF 126 II 377 consid. 8b p. 395). Le recourant
doit avoir
toutefois pris une conclusion en annulation de la décision de
l'autorité
inférieure.

Dans le cas particulier, les moyens que la recourante dirige contre le
jugement du Tribunal de première instance et les ordonnances
préparatoires ou
jugement incident sont irrecevables dans la mesure où l'appel à la
Cour de
justice emporte un effet dévolutif complet, le litige se poursuivant,
circonscrit par les conclusions des parties, devant l'autorité de
recours,
dans toute son étendue de fait et de droit. Comme la cognition de la
juridiction cantonale de recours n'est pas plus restreinte que le
pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral, l'une des conditions à laquelle la
jurisprudence subordonne la recevabilité des conclusions prises
contre le
prononcé de l'autorité inférieure fait défaut, raison pour laquelle
celles-là
seront déclarées irrecevables.

1.3 Le recours de droit public n'est pas la simple continuation de la
procédure cantonale, mais ouvre, en tant que moyen de droit
indépendant et
extraordinaire, une procédure nouvelle dont l'objet est d'examiner si
la
décision cantonale attaquée viole les droits constitutionnels des
citoyens.
Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs
clairement et suffisamment motivés (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127
I 38
consid. 3c p. 43). Dès lors, celui qui exerce un recours de droit
public doit
non seulement indiquer les droits constitutionnels ou les principes
juridiques prétendument violés, mais encore préciser en quoi consiste
la
violation (ATF 110 Ia 1 consid. 2 p. 3). Des critiques de nature
purement
appellatoire, lorsque l'interdiction de l'arbitraire est invoquée, ne
sont
pas admissibles (ATF 117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12). De plus, comme le
recours de droit public n'est recevable que contre des décisions
prises en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), les moyens nouveaux,
de fait
ou de droit, ne sont en principe pas recevables (ATF 118 Ia 20
consid. 5a p.
26; 107 Ia 187 consid. 2a p. 190 s.).

L'intimée considère que le recours ne respecte pas ces exigences.
Elles
seront examinées ci-dessous, grief par grief.

2.
2.1 Selon la recourante, le jugement sur incident du 1er octobre
1998, qui
n'ordonne pas à B.________ de produire les pièces relatives aux
anciens
modèles M1, repose sur une appréciation anticipée arbitraire des
preuves et
consacre une violation du droit d'être entendu; en excluant du champ
de son
examen la problématique des défauts relatifs à ces anciens modèles, le
premier juge aurait en outre commis un déni de justice formel.

Pour le motif rappelé ci-dessus au considérant 1.2, ces griefs sont
irrecevables.

2.2 La recourante soutient que le jugement sur incident susmentionné
constitue une ordonnance préparatoire qui ne peut être attaquée
qu'avec le
jugement au fond. Elle estime ainsi avoir valablement saisi la cour
cantonale
de la problématique relative à la limitation du champ des enquêtes et
lui
reproche de ne pas avoir examiné les critiques qu'elle formait à
l'encontre
du jugement sur incident et de ne pas avoir réparé le déni de justice
qu'il
consacre. La recourante se plaint à cet égard d'un déni de justice
formel et
d'une violation de son droit à une décision motivée.

La question de savoir si le jugement sur incident rendu le 1er
octobre 1998
devait être attaqué immédiatement ou s'il ne pouvait l'être qu'avec le
jugement au fond peut rester ouverte (il en va de même de la
recevabilité de
l'avis de droit produit à l'appui du recours). En effet, même si l'on
admettait que le jugement sur incident ne pouvait être critiqué
qu'avec le
jugement au fond, force est de constater que, dans son appel, la
recourante
ne soulève pas de griefs particuliers à son encontre. Aux pages 39 et
40 de
son mémoire d'appel, elle soutient que ce jugement n'exclut pas les
anciens
modèles M1 du litige et, par conséquent, sollicite de la cour
cantonale la
réouverture des enquêtes sur ce point. La recourante ne soutient
nullement
que le jugement sur incident violerait son droit d'être entendu,
reposerait
sur une appréciation anticipée arbitraire des preuves ou
constituerait un
déni de justice formel. Elle ne saurait donc reprocher à la cour
cantonale de
ne pas avoir examiné ses critiques. Par ailleurs, la cour cantonale a
longuement motivé sa décision de ne pas ordonner la réouverture des
enquêtes.
On ne voit donc ni déni de justice formel ni violation du droit à une
décision motivée.

3.
La recourante estime que la cour cantonale aurait dû ordonner la
réouverture
des enquêtes sur la question des défauts affectant les anciens
modèles M1,
puisque celle-ci était pertinente pour fonder une résiliation ou une
résolution du contrat sans indemnité. Faute de l'avoir fait, elle
aurait
violé le droit à la preuve et à la contre-preuve tels que déduits du
droit
d'être entendu.

3.1
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de
caractère
formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le
fond. Tel
qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le
droit
pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre
connaissance du
dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves
essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de
nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et
les
arrêts cités). La faculté de prouver un allégué n'existe que si
l'offre de
preuve correspondante satisfait, quant à sa forme et à son contenu,
aux
exigences du droit cantonal (ATF 114 II 289 consid. 2a)

Le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui
sont
déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est possible, sans
violer
le droit d'être entendu, de refuser une mesure probatoire sollicitée
lorsqu'elle est inapte à apporter la preuve, lorsque le fait à
prouver est
sans pertinence ou déjà établi ou encore lorsque le juge, à la suite
d'une
appréciation anticipée des preuves non arbitraire, parvient à la
conclusion
que l'administration de la preuve sollicitée ne pourrait l'amener à
modifier
son opinion (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211, 274 consid. 5b p. 285;
122 II
464 consid. 4a p. 469).

3.2
Le 23 octobre 1996, A.________ a déclaré se départir "des divers
contrats de
vente", ce par quoi elle entendait les 17 contrats portant sur les
commandes
intervenues entre le 18 septembre 1992 et le 4 avril 1995 et
concernant les
modèles M6, M3, M2, M4 et M5, à l'exclusion de tout autre. Par
ailleurs, il a
été constaté que les commandes d'anciennes M1 avaient toutes été
exécutées,
livrées et payées de 1988 à 1996.

La prétention de B.________ en paiement des 534 montres fabriquées
mais dont
A.________ a refusé de prendre livraison (I) repose sur un contrat
distinct
des contrats concernant les anciennes M1 puisqu'il s'agit de montres
nouveaux
modèles. A.________ ne pouvait donc invoquer d'éventuels défauts sur
les
anciennes M1 pour résoudre un contrat concernant un autre ouvrage. Par
ailleurs, A.________ ne pouvait invoquer ces défauts pour dénoncer les
contrats non encore exécutés par B.________, soit les commandes
fermes de
montres nouveaux modèles que B.________ devait encore fabriquer au
moment de
la résiliation (II). Seuls les droits anticipés de l'art. 366 CO
pouvaient
fonder une telle résiliation; or des défauts sur les M1 ancien modèle
ne
permettaient pas de "prévoir avec certitude" que les montres nouveaux
modèles
seraient fabriquées de façon défectueuse. Enfin, il a été établi que
les
anciennes M1 avaient toutes été payées. Il en résulte que la
prétention de
B.________ en paiement des factures ouvertes (III) ne concerne pas la
livraison de ces montres. D'éventuels défauts sur les anciennes M1 ne
permettaient donc pas à A.________ de résoudre les contrats portant
sur les
nouveaux modèles.

Le fait à établir par les pièces dont A.________ sollicitait la
production,
soit l'existence de défauts sur les anciennes M1, n'était pas
pertinent pour
la solution du litige. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit
d'être
entendu de la recourante en refusant de donner suite à sa conclusion
préalable en production de pièces.

4.
La recourante affirme que le refus général de la cour cantonale de
rouvrir
les enquêtes est arbitraire, viole son droit d'être entendu et
renverse le
fardeau de la preuve.

Dans son appel, la recourante demandait qu'une expertise soit
ordonnée sur
les expertises produites par B.________ (expertises de K.________ SA,
de
J.________ SA et de L.________), que B.________ soit condamnée à
produire
tous les documents techniques et autres plans et tous autres documents
relatifs aux montres M1 (anciennes et nouvelles), M3, M2, M4, M5, M8,
et que
la cour cantonale ordonne une expertise sur ces pièces.

4.1
Il sera d'abord examiné si le refus de donner suite aux conclusions
préalables de la recourante résiste au grief d'arbitraire.

Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la
justice et
de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle
apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
ou si
elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit
certain.
En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée
soient
insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans
son
résultat (ATF 127 54 consid. 2b i.f. p. 56; 60 consid. 5a p. 70). Il
n'y a
pas arbitraire du seul fait qu'une autre interprétation de la loi soit
possible, ou même préférable (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 120
Ia 369
consid. 3a p. 373)
Selon l'art. 307 de la loi de procédure civile genevoise (LPC gen.),
la cour
cantonale peut ordonner que les procédures probatoires qui ont eu
lieu en
première instance et qui lui paraissent défectueuses ou
insuffisantes, soient
refaites devant elle. Elle peut aussi ordonner toute autre espèce
d'instruction ou de preuve qui n'a pas été administrée par les
premiers
juges. Selon la jurisprudence, cette disposition ne permet pas à une
partie
d'exiger en appel l'administration de preuves qu'elle n'aurait pas
sollicitée
devant le premier juge en temps utile et selon les formes adéquates
(Bertossa, Gaillard, Guyet, Schmidt, Commentaire de la LPC, n. 2 ad
art. 307
et les références)

En l'espèce, la cour cantonale a examiné la question de savoir si les
enquêtes de première instance étaient défectueuses ou insuffisantes.
Constatant que tel n'était pas le cas, elle a rejeté les conclusions
préalables de la recourante. Peu importe par conséquent de déterminer
si
A.________ a formellement accepté la
clôture des enquêtes en première
instance ou si elle a plaidé leur insuffisance dans son appel.

Le refus de mesures probatoires consistant à ordonner une expertise
sur les
expertises déjà versées à la procédure échappe au grief d'arbitraire,
dans la
mesure où la recourante a expressément renoncé à ce qu'une expertise
soit
ordonnée à ce sujet dans le cadre de la procédure se déroulant devant
le
Tribunal de première instance (conclusions sur expertise du 30
novembre
1999). En considérant que la demande d'expertise formulée à nouveau
devant
elle était tardive, parce que la recourante, de même que sa partie
adverse, y
avaient renoncé devant le Tribunal de première instance, la Cour de
justice
n'a pas versé dans l'arbitraire dans l'interprétation de l'art. 307
al. 2
LPC, malgré une conclusion subsidiaire visant à faire établir un
rapport
d'expertise sur les expertises de K.________ SA et de J.________ SA.
Cette
demande s'avérait, devant le Tribunal de première instance,
contradictoire
avec les conclusions principales qui ont été retenues; elle était de
surcroît
dénuée d'une motivation spécifique expliquant sa pertinence, en cas
de rejet
de ces dernières. Enfin, la recourante, plaidant en appel devant la
cour
cantonale, n'a pas apporté d'élément nouveau décisif permettant de
démontrer
l'inanité des conclusions principales et le bien-fondé de la
conclusion
subsidiaire, de sorte qu'en préférant les premières à la seconde, la
cour
cantonale a rendu une décision dont le caractère insoutenable n'est
pas
démontré.

Il en va de même du rejet des conclusions en production des plans et
cahiers
des charges par B.________. En effet, il ne ressort pas du dossier que
A.________ ait demandé en première instance que B.________ produise
ces
documents, ni qu'elle ait sollicité une expertise à leur sujet. En
outre,
A.________ n'a pas exposé, en appel, de faits nouveaux justifiant ces
nouvelles conclusions.

La cour cantonale a par ailleurs relevé que, pour le point sur lequel
la
recourante souhaitait de nouvelles enquêtes, à savoir le bien-fondé
d'une
objection de compensation opposée à la créance de l'intimée, elle
n'avait
produit aucune pièce ni fait citer aucun témoin, alors que cela lui
incombait
à raison de la répartition du fardeau de la preuve et de la maxime
des débats
régissant la procédure. On ne discerne pas en quoi ce raisonnement et
l'interprétation donnée à l'art. 307 LPC par la juridiction cantonale
serait
insoutenable. Le grief d'arbitraire est donc privé de tout fondement.

4.2 S'agissant du droit d'être entendu, le contenu de cette garantie
constitutionnelle a été exposé ci-dessus (consid. 3.1). Il suffit de
rappeler
qu'elle ne confère aux parties le droit de faire administrer les
preuves
pertinentes que si elles sont offertes en temps utile et dans les
formes
requises par le droit cantonal (ATF 114 II 289 consid. 2a déjà cité).
En l'espèce, la cour cantonale a sans arbitraire jugé tardives les
conclusions préalables de la recourante. Leur rejet ne viole donc pas
le
droit d'être entendu de la recourante.

4.3
La recourante voit enfin dans le rejet de ses conclusions préalables
un
renversement arbitraire du fardeau de la preuve en ce qu'elle devrait
prouver
les défauts de conception des nouvelles créations sans pouvoir
disposer de
ces documents ni se fonder sur les conclusions des expertises
K.________ SA
et J.________ SA. Sur ce point, la recourante perd de vue que
l'application
de l'art. 8 CC relève du droit fédéral et ne peut être examinée dans
le cadre
d'un recours de droit public.

5.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de statuer
sur des
questions décisives pour l'issue du litige, à savoir la qualité des
montres,
les plans et cahiers des charges relatifs aux nouvelles collections,
les
défauts, la "cellule A.________" et la relation de confiance entre les
parties. Elle se plaint d'une violation de l'art. 29 al. 1 Cst.

5.1 L'autorité qui refuse indûment de se prononcer sur une requête
dont
l'examen relève de sa compétence commet un déni de justice formel
prohibé par
l'art. 29 al. 1 Cst., codifiant la jurisprudence tirée de l'art. 4
aCst. (ATF
107 Ib 160 consid. 3b p. 164; cf. également ZBl 96/1995 p. 174
consid. 2 p.
175; 81/1980 p. 265 consid. 2b p. 266; Ulrich Häfelin/Walter Haller,
Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 2001 p. 236 n. 829 à 832;
André
Grisel, Traité de droit administratif , vol. I, Neuchâtel 1984, p.
369; René
A Rhinow/Beat Krähenmann, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung,
Ergänzungsband, Bâle 1990, n° 80, p. 257/258; Arthur Haefliger, Alle
Schweizer sind vor dem Gesetze gleich, Berne 1985, p. 115 ss). En
principe,
l'interdiction du déni de justice formel ne s'adresse qu'aux autorités
administratives et judiciaires appelées à rendre, dans le cadre des
procédures prévues par la loi, des décisions et des jugements (Georg
Müller,
Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
29 mai
1874, n. 88 ad art. 4 aCst.).

Ainsi, la juridiction qui n'entre pas en matière sur un recours qui
lui est
soumis dans un domaine dont elle a la compétence matérielle, locale et
fonctionnelle pour en connaître commet un déni de justice formel, par
le
prononcé abusif d'une telle irrecevabilité (ATF 118 Ib 381 consid.
2b/bb, p.
390/391; ATF 117 Ia 116 consid. 3a et les arrêts cités). Il en va de
même de
l'autorité qui limite indûment son pouvoir d'examen, par exemple en
restreignant à l'interdiction de l'arbitraire la cognition complète
dont elle
dispose, sous réserve d'exceptions tenant à la nature de l'affaire,
dans
lesquelles une certaine retenue s'impose pour des question
d'opportunité ou
d'appréciation de circonstances techniques ou locales particulières
(ATF 120
Ib 27 consid. 3c/aa p. 35; ATF 115 Ia 5 consid. 2b et les arrêts
cités).
Dans l'usage juridique courant, l'expression "déni de justice"
renvoie en
général à la notion de déni de justice formel (dictionnaire juridique
et
administratif bernois, édité par la Chancellerie d'Etat du canton de
Berne,
1996, p. 554). Toutefois, dans la terminologie du droit suisse,
l'expression
désigne aussi bien la violation de prescriptions de forme que celle
du droit
de fond. Dans cette dernière acception, le déni de justice matériel
est
assimilé à l'interdiction de l'arbitraire, cette locution étant l'une
des
traductions en français des termes "materielle Rechtsverweigerung"
(Peter
Metzger, Schweizerisches Juristisches Wörterbuch, Berne 1996).

5.2 S'agissant de la qualité, la recourante soutient que l'arrêt
attaqué ne
permet pas de dire si les parties ont convenu d'une certaine qualité,
le cas
échéant, quelle était cette qualité, et si aucune qualité n'avait été
convenue, quelle était celle que B.________ devait fournir. Selon la
recourante, les pièces du dossier attestent que les parties avaient
convenu
de la qualité de "masterpieces", qualitativement irréprochables. Toute
constatation contraire résulterait d'une appréciation arbitraire des
preuves.

Les instances cantonales devaient déterminer si la résiliation des
contrats
par A.________ était ou non justifiée. La question de la qualité que
le
maître est en droit d'attendre se pose lorsqu'il s'agit de déterminer
si l'on
peut ou non exiger de lui qu'il accepte l'ouvrage défectueux (art.
368 al. 1
CO). Elle ne se pose plus, en revanche, s'il a accepté cet ouvrage. En
l'espèce, il a été constaté que les ouvrages défectueux n'ont pas été
refusés
par A.________, qui a demandé leur réparation puis les a conservés; il
n'était par conséquent pas nécessaire de déterminer quelle qualité
A.________
pouvait exiger de B.________.

5.3 La recourante estime que la cour cantonale a refusé de statuer
sur les
défauts des montres alors que cette question était primordiale pour
juger du
droit à une résolution du contrat par le maître. Elle soutient que la
cour
cantonale n'a pas déterminé si les montres livrées par B.________
étaient
entachées de défauts, et le cas échéant, quels étaient leur nature et
leur
nombre. Selon la recourante, le fait qu'un certain nombre de défauts
ait été
pris en charge par B.________, au titre de la garantie pour défauts,
ne doit
pas être confondu avec le fait que la multiplication de défauts, même
réparés, peut constituer un motif rendant intolérable l'acceptation
d'autres
ouvrages.

La juridiction cantonale a examiné la question des défauts allégués
par
A.________. Elle a notamment retenu ce qui suit:

"Même si la procédure a permis d'établir un certain nombre de défauts,
ceux-ci n'étaient manifestement pas rédhibitoires, puisque A.________
n'a
d'une part pas refusé les montres concernées et, d'autre part, a
continué à
les vendre même après avoir invoqué son droit de résoudre le contrat.
Comme
l'a à raison retenu le Tribunal, aucun défaut systématique ou de
conception
n'a été mis en évidence; la plupart des défauts soulevés relevaient
manifestement de la garantie des défauts et non de la résolution du
contrat.
Certes, dans certaines hypothèses, la multiplication des défauts peut
avoir
pour conséquence que l'ouvrage devient inacceptable. Tel n'est
toutefois pas
le cas en l'espèce. En effet, si réellement les défauts étaient à ce
point
graves, A.________ n'aurait ni commandé une nouvelle gamme de montres
en
1994, ni envisagé d'établir des liens encore plus serrés avec
B.________ à
fin 1994/début 1995".

La Cour de justice a ainsi examiné la question des défauts affectant
les
montres livrées par B.________. Elle n'a nullement commis de déni de
justice
formel sur ce point. A.________ conteste en outre le fait qu'aucun
défaut
systématique ou de conception n'ait été mis en évidence; elle n'expose
toutefois pas en quoi cette affirmation serait arbitraire de sorte
que cette
critique est irrecevable.

Par rapport aux montres livrées, il n'était pas nécessaire d'établir
si le
nombre de défauts constatés permettait à A.________ de résoudre les
contrats,
puisqu'elle a accepté ces ouvrages après leur réparation. Quant aux
montres
restant à fabriquer, A.________ ne saurait invoquer des défauts, même
multiples, sur les montres livrées pour se départir des contrats non
encore
exécutés sans indemniser l'entrepreneur. En effet, seul l'art. 366 CO
ouvre
cette possibilité au maître; or, en l'absence de défauts
systématiques ou de
conception, il n'était pas possible de prévoir avec certitude que les
nouveaux ouvrages seraient également défectueux.

5.4 La recourante estime que la cour cantonale a refusé de se
prononcer sur
l'existence de plans et cahiers des charges concernant les nouveaux
modèles
et sur celle d'une "cellule A.________" au sein de B.________, alors
que ces
éléments étaient importants pour déterminer si la demanderesse avait
respecté
ses obligations contractuelles.

A. ________ a déclaré s'être départie des contrats en raison des
défauts
ayant affectés les montres livrées par B.________. Dès lors que
l'existence
de défauts systématiques ou de conception a été niée par la cour
cantonale,
celle-ci n'avait pas besoin d'examiner si B.________ devait ou non
travailler
sur la base de plans et cahiers des charges ou si elle devait créer et
développer une "cellule A.________" dans son entreprise.

5.5 La recourante reproche enfin aux juges cantonaux de ne pas avoir
déterminé si "l'élément de confiance" entre les parties était
"prédominant à
leur relation contractuelle" et si la relation de confiance avait été
rompue
ou non. Elle soutient que l'existence d'une relation de confiance est
une
question fondamentale pour juger de l'ensemble des circonstances dans
le
cadre d'une "résiliation pour justes motifs" fondée sur l'art. 377
CO, "sans
indemnisation pour le maître", et pour le complètement du contrat
dans le
cadre d'un contrat innommé.

En septembre 1994, A.________ a passé une nouvelle commande de
montres à
B.________ et a envisagé, début 1995, de mettre sur pied avec elle une
"joint-venture" pour la création de montres de luxe. La cour
cantonale a
indiqué ne pas s'expliquer comment la recourante avait pu faire cette
nouvelle commande, renouvelant ainsi sa confiance à son partenaire
et, moins
de six mois plus tard, remettre en cause, de façon virulente, la
qualité
générale des livraisons de B.________ en soutenant que ce problème
était
récurrent depuis plusieurs années. La cour cantonale a constaté que
A.________ avait bel et bien perdu tout intérêt pour le type de
montres
produit par B.________ et voulait se débarrasser des montres
commandées, qui
ne correspondaient plus à ses nouvelles exigences. Cette dernière
constatation n'est pas remise en cause par la recourante. Il apparaît
ainsi
que, même si A.________ a allégué, au cours de la procédure, avoir
résilié
les contrats en raison des multiples défauts affectant les montres
livrées
par B.________, la Cour de justice a considéré que la recourante
avait été
guidée par un changement de stratégie commerciale, de sorte qu'elle a
implicitement estimé que la résiliation n'était pas intervenue en
raison
d'une rupture du lien de confiance entre les parties; pour ce motif,
aucun
déni de justice formel sur cette dernière question ne peut lui être
reproché.

6.
A.________ se plaint encore d'arbitraire dans l'appréciation des
preuves
concernant les rapports d'expertises produites par B.________. Elle
estime
que la cour cantonale a retenu
les conclusions du rapport de la . La
recourante soutient que ce rapport a été rendu sans examen des
montres, qu'il
a été établi en cours de procédure et sur la base d'explications
données par
B.________ et qu'il se fonde sur une prémisse totalement fausse, à
savoir
l'absence d'exigences particulières de l'acheteur quant à la qualité.
Or, les
parties divergeaient sur le sens qu'il fallait donner au terme de
"masterpiece qualitativement irréprochable".

Même si elle invoque l'interdiction de l'arbitraire, la recourante
n'indique
pas en quoi la Cour de justice a suivi spécifiquement les conclusions
de ce
rapport au détriment des quatre autres, de sorte que le défaut de
motivation
du grief entraîne son irrecevabilité au sens de l'art. 90 al. 1 let.
b OJ. Il
n'est guère possible de déduire implicitement du rejet des
conclusions de la
recourante par la juridiction cantonale et du fait que l'expertise de
L.________ écartait la plupart des critiques émises par les autres
experts,
une appréciation arbitraire des preuves. Ceci d'autant moins que la
Cour de
justice ne s'est pas expressément référée à cette expertise pour
asseoir sa
solution et qu'elle pouvait faire valoir son large pouvoir
d'appréciation à
l'égard des preuves documentaires apportées au dossier, aucun des cinq
rapports ne bénéficiant d'une force probante particulière en raison
de leur
nature d'expertises privées exécutées sur mandats des parties et
versées à la
procédure par l'une d'elles, B.________. Dans cette hypothèse, la cour
cantonale gardait sa pleine liberté d'appréciation de la preuve, pour
autant
qu'elle ne se fonde pas sur l'opinion d'un expert manifestement
contradictoire ou reposant sur des constatations de fait erronées
(ATF 118 Ia
144 consid. 1c p. 146 et les arrêts cités). Face à cinq expertises
privées,
la problématique d'une certaine priorité du rapport d'expertise d'un
organe
officiel indépendant ne se pose pas (ATF 125 II 591 consid. 7a et les
références, p. 602), pas davantage que celle, évidente, de la
priorité de
l'expertise sur l'avis d'un homme de l'art, proche d'une des parties
(par
ex., le cas du médecin-traitant, ATF 124 I 170 consid. 4 et les
références,
p. 175). A l'opposé de l'expert judiciaire, qui est l'auxiliaire du
juge dans
sa fonction de rendre une décision, sous l'angle des aspects
scientifiques ou
techniques de cette dernière (ATF 127 I 73 consid. 3f et les arrêts
cités, p.
80), les experts privés ne font que refléter l'opinion des parties,
en la
documentant à l'aide de leur savoir et de leur expérience.

En l'espèce, la divergence des parties sur l'exigence de qualité,
exprimée
par les termes de "masterpiece qualitativement irréprochable", ne
permet pas
de conclure que le rapport de L.________ a retenu des considérations
totalement étrangères aux faits quant à la qualité de l'ouvrage, même
si une
différence d'interprétation subsistait entre les parties quant à
l'expression
du niveau de cette qualité.

Il en résulte que l'appréciation des preuves résiste au grief
d'arbitraire.

7.
Le reproche d'une qualification arbitraire du contrat, respectivement
de la
confusion entre l'objet du contrat et l'objet du litige, a trait
essentiellement à l'application des art. 368 et 377 CO; le grief
relève donc
de l'application du droit fédéral et trouve sa place dans le recours
en
réforme interjeté parallèlement par la recourante; il est irrecevable
dans le
cadre du présent recours de droit public.

8.
Vu l'issue du recours, la recourante, qui succombe, est condamnée au
paiement
d'un émolument judiciaire de 30 000 fr., ainsi qu'à celui d'une
indemnité de
30 000 fr. à titre de dépens en faveur de l'intimée (art. 156 al. 1
et 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 30'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 30'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
civile
de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 10 septembre 2002

Au nom de la Ière Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.291/2001
Date de la décision : 10/09/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-10;4p.291.2001 ?
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