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05/09/2002 | SUISSE | N°1E.5/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 septembre 2002, 1E.5/2002


{T 0/2}
1E.5/2002 /col

Arrêt du 5 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Catenazzi,
greffier Jomini.

SI Valverne A, 1214 Vernier,
recourante, représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat,
boulevard des
Tranchées 16, case postale 328, 1211 Genève 12,

contre

Etat de Genève,
intimé,
représenté par Me David Lachat, avocat,
rue du Rhône 100, case postal

e 3403, 1211 Genève 3,
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, p.a. M.
Jean-Marc
Strubin, Président-suppléa...

{T 0/2}
1E.5/2002 /col

Arrêt du 5 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Catenazzi,
greffier Jomini.

SI Valverne A, 1214 Vernier,
recourante, représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat,
boulevard des
Tranchées 16, case postale 328, 1211 Genève 12,

contre

Etat de Genève,
intimé,
représenté par Me David Lachat, avocat,
rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3,
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, p.a. M.
Jean-Marc
Strubin, Président-suppléant, Tribunal
de première instance, CP 3736, 1211 Genève 3.

expropriation, droits de voisinage

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
d'estimation du 1er arrondissement du 12 avril 2002

Faits:

A.
La société anonyme SI Valverne A S.A. a été constituée en 1959, avec
comme
but statutaire l'achat, la vente, la construction, la location et
l'exploitation d'immeubles. Cette société a acquis, le 22 décembre
1959, la
parcelle n° 970 du registre foncier, sur le territoire de la commune
de
Vernier, ainsi qu'une part de copropriété de 1/13e de la parcelle
dépendante
n° 3629 (chemin privé de Bel-Ebat). En 1960, SI Valverne A a
construit un
bâtiment d'habitation (villa familiale) sur la parcelle n° 970, qui a
une
surface de 1540 m2.

La parcelle n° 970 se trouve à environ 500 m de l'extrémité sud-ouest
de la
piste de l'Aéroport international de Genève, et à 300 m environ de
l'axe de
cette piste.
Le capital-actions de SI Valverne A, appartenant alors à M.________,
a été
vendu en 1977 dans son intégralité soit à T.________ seul, soit à ce
dernier
et à G.________, qui était alors son épouse. Celle-ci est devenue
actionnaire
unique de la société en 1994, en acquérant les actions détenues par
T.________ dans la liquidation du régime matrimonial.

B.
Le 27 août 1992, SI Valverne A a écrit au Département des travaux
publics de
la République et canton de Genève (actuellement: Département de
l'aménagement, de l'équipement et du logement) pour demander une
indemnité
d'expropriation, en relation avec les nuisances causées par
l'exploitation de
l'aéroport. Elle faisait valoir que ces nuisances entraînaient une
dévaluation de sa propriété, pour laquelle elle prétendait à une
réparation à
concurrence de 750'000 fr. L'instruction de cette affaire a été
suspendue
jusqu'au mois de mai 1999. A ce moment-là, SI Valverne A a adressé à
la
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement une demande en
indemnisation, dans laquelle elle a précisé et complété les
prétentions à
l'encontre de l'Etat de Genève, déjà annoncées en 1992. Elle a
conclu, en
substance, au paiement d'une indemnité d'expropriation (formelle) de
550'000
fr., plus intérêts compensatoires et moratoires, ainsi qu'à la
réalisation,
par l'Etat de Genève, de mesures d'isolation acoustique de sa villa.

C.
Le 1er septembre 1999, le Département fédéral de l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication a octroyé à l'Etat de
Genève
le droit d'expropriation, sur la base de la loi fédérale sur
l'aviation (LA;
RS 748.0), afin qu'il puisse faire ouvrir, par le Président de la
Commission
fédérale d'estimation du 1er arrondissement, une procédure dans
laquelle il
serait statué sur les prétentions de SI Valverne A.

D.
Devant la Commission fédérale d'estimation, l'Etat de Genève a
contesté la
réalisation de la condition de l'imprévisibilité (l'une des
conditions, avec
celles de la spécialité et de la gravité, auxquelles la jurisprudence
subordonne l'octroi d'une indemnité pour l'expropriation des droits de
voisinage à cause des immissions de bruit de l'aéroport). Par une
ordonnance
du 6 décembre 1999, le Président de la Commission a invité la société
à lui
fournir des indications et des pièces au sujet de ses actionnaires
successifs, éléments nécessaires pour statuer sur l'imprévisibilité.
La
société a recouru contre cette ordonnance auprès du Tribunal fédéral;
ce
recours de droit administratif a été déclaré irrecevable par un arrêt
rendu
le 26 janvier 2000 (cause 1E.1/2000).

E.
La Commission fédérale d'estimation a rendu le 12 avril 2002 sa
décision sur
les prétentions de SI Valverne A. Elle a rejeté la demande
d'indemnité pour
expropriation formelle des droits de voisinage et elle a mis à la
charge de
l'Etat de Genève les frais de la procédure, ainsi que des dépens à
allouer à
la société. Elle a considéré, en substance, que SI Valverne A abusait
manifestement d'un droit en demandant une indemnité d'expropriation
formelle,
car c'est son actionnaire unique qui profiterait de cette indemnité;
or cette
actionnaire était au courant des nuisances provenant de
l'exploitation de
l'aéroport au moment de l'acquisition du capital-actions.

F.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, SI Valverne A
demande
au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission fédérale
d'estimation, de lui reconnaître le droit à une indemnité pour
expropriation
formelle des droits de voisinage et de renvoyer l'affaire à l'autorité
inférieure pour la suite de l'instruction. A titre subsidiaire, elle
conclut
à ce que l'Etat de Genève soit condamné à fournir et installer à ses
frais
toute mesure d'isolation utile dans ses locaux d'habitation, et à lui
verser
une indemnité de 550'000 fr., plus intérêts compensatoires (dès le 1er
janvier 1985) et moratoires (dès le 3 septembre 1992). La recourante
soutient
qu'en tant que propriétaire depuis 1959, avec une personnalité
juridique
propre et distincte de celle de ses actionnaires, elle pouvait
elle-même
réclamer une indemnité d'expropriation en invoquant l'imprévisibilité
des
nuisances; pour déroger au principe de la dualité juridique, il
aurait fallu
une base légale spéciale car on ne saurait, en l'occurrence, lui
reprocher un
abus de droit.

L'Etat de Genève conclut au rejet du recours.

La Commission fédérale d'estimation a renoncé à répondre au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif est recevable contre une décision
prise par
une commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1 LEx, art. 115 al.
1 OJ).
La société SI Valverne A, partie principale à la procédure en tant
qu'expropriée, a qualité pour recourir (art. 78 al. 1 LEx). Les autres
conditions de recevabilité sont manifestement remplies et il y a lieu
d'entrer en matière.

2.
La contestation porte sur la réalisation de la condition de
l'imprévisibilité, la recourante reprochant à la Commission fédérale
d'estimation de l'avoir appliquée en prenant en considération la
situation de
son actionnaire unique, et non pas sa propre situation de propriétaire
foncier.

2.1 D'après la jurisprudence, développée sur la base des art. 5 LEx
et 684
CC, la collectivité publique, en sa qualité d'expropriante, peut être
tenue
d'indemniser le propriétaire foncier voisin d'une route nationale,
d'une voie
de chemin de fer ou d'un aéroport s'il subit, à cause des immissions
de
bruit, un dommage spécial, imprévisible et grave (cf. ATF 124 II 543
consid.
3a p. 548 et 5a p. 551 et les arrêts cités). Seule la condition de
l'imprévisibilité est en l'espèce litigieuse.

S'agissant des nuisances du trafic aérien sur l'un des aéroports
nationaux,
le Tribunal fédéral a posé la règle selon laquelle on ne tient pas
compte de
la condition de l'imprévisibilité quand le bien-fonds exposé au bruit
a été
acquis par l'exproprié avant le 1er janvier 1961 (ATF 121 II 317
consid. 6b
p. 334ss). En revanche, si l'exproprié a acquis son bien-fonds à
partir du
1er janvier 1961, on doit considérer que les effets de l'exploitation
de
l'aéroport, avec le développement du trafic aérien, étaient
prévisibles voire
connus, ce qui exclut l'octroi d'une indemnité d'expropriation fondée
sur
l'art. 5 LEx (ATF 121 II 317 consid. 6c p. 337s.; cf. également arrêt
1E.25/2001 du 28 mai 2002, destiné à la publication, consid. 2.2).
2.2 Le Tribunal fédéral a déjà considéré que, dans certaines
situations
particulières, le propriétaire d'un bien-fonds acquis après le 1er
janvier
1961 pouvait néanmoins se prévaloir de l'imprévisibilité des
nuisances de
l'aéroport. Ainsi, d'après la jurisprudence, la date d'acquisition de
l'immeuble par le précédent propriétaire est déterminante quand la
demande
d'indemnité d'expropriation est présentée par son héritier, actuel
propriétaire - à savoir lorsque celui-ci a acquis l'immeuble après le
1er
janvier 1961 par la dévolution de la succession -, ou encore lorsque
le
transfert de propriété à celui qui prétend à une indemnité
d'expropriation
résulte d'une libéralité entre vifs faite à titre d'avancement
d'hoirie (ATF
121 II 317 consid. 6c p. 337; cf. arrêt 1E.25/2001 du 28 mai 2002,
destiné à
la publication, consid. 2.3). Dans ces situations-là, le transfert de
propriété n'a donc pas les mêmes effets, du point de vue du droit à
une
indemnité pour l'expropriation de droits de voisinage, que le
transfert
résultant d'une vente immobilière (cf. ATF 111 Ib 233 consid. 2a p.
235;
arrêt 1E.25/2001 du 28 mai 2002, destiné à la publication, consid.
2.3).

Le Tribunal fédéral ne s'est en revanche jamais prononcé au sujet
d'une autre
situation particulière: celle de la vente, après le 1er janvier 1961,
de
toutes les actions d'une société immobilière elle-même propriétaire,
déjà
avant le 1er janvier 1961, d'un immeuble exposé au bruit provenant de
l'exploitation d'un aéroport national. On peut se demander si la
vente des
actions doit être assimilée à la vente de l'immeuble lui-même, quand
bien
même aucune vente immobilière au sens des art. 216ss CO n'a été
conclue,
puisque le patrimoine de la société immobilière demeure intact. Telle
est
précisément la question litigieuse en l'espèce: la recourante, ou
expropriée,
est en effet une société immobilière stricto sensu (SI), soit une
société
anonyme dont le capital-actions est réparti entre quelques
actionnaires ou
réuni en une seule main et dont l'activité consiste dans l'exercice
du droit
de propriété sur un ou quelques immeubles (définition donnée par
Arnold
Schlaepfer, in: La vente du capital-actions d'une société anonyme
immobilière, thèse Genève 1948, p. 39). Son capital-actions a été
vendu en
bloc en 1977, par l'actionnaire unique d'alors, soit aux deux époux
T.________, soit au mari seul, l'instruction n'ayant pas permis
d'établir
plus en détail les circonstances de cette vente; cela n'est toutefois
pas
décisif car on peut sans autre assimiler à une société à actionnaire
unique
une société immobilière propriétaire d'une villa familiale dont les
actionnaires sont des époux. Il ressort en outre clairement du
dossier que
depuis 1994, la société recourante a une actionnaire unique.

2.3 L'expropriation des "droits résultant des dispositions sur la
propriété
foncière en matière de rapports de voisinage" (on parle aussi
d'"expropriation des droits de voisinage" - cf. Grégory Bovey,
L'expropriation des droits de voisinage, thèse Lausanne 2000) est
expressément prévue à l'art. 5 al. 1 LEx; les droits expropriés ne
sont pas
des "droits personnels" (comme les droits des locataires ou fermiers
- cf.
art. 5 al. 1 in fine LEx), mais bien de droits attachés à la propriété
foncière en vertu des art. 679ss CC. C'est pourquoi la partie
expropriée,
dans une telle procédure, ne peut être que le propriétaire du
bien-fonds
exposé aux immissions excessives (cf. art. 684 al. 2 CC).

La condition de l'imprévisibilité n'est pas une condition prévue par
les art.
679ss CC; c'est une création de la jurisprudence du Tribunal fédéral,
s'appliquant dans le cadre de l'art. 5 LEx, lorsque l'expropriation a
pour
objet des "droits de voisinage" (cf. ATF 121 II 317 consid. 5a p.
330/331 et
les arrêts cités). Il ne s'agit donc pas, en l'occurrence,
d'interpréter une
norme du droit civil définissant la propriété foncière, ni de déroger
à une
règle existante, mais bien de préciser une notion jurisprudentielle
dont la
portée est limitée aux cas d'expropriation selon la législation
fédérale.

2.4 La société anonyme à actionnaire unique ("Einmanngesellschaft") -
notamment lorsqu'elle a pour but l'exploitation d'un immeuble - ne
correspond
pas à la société anonyme type, telle que la voulait le législateur,
c'est-à-dire une grande société de caractère capitaliste et
collectiviste qui
exerce une activité commerciale ou industrielle (cf. Schlaepfer, op.
cit., p.
38). Ce genre de société anonyme, création de la pratique, est
néanmoins
toléré en droit suisse et, malgré l'identité économique entre la
société et
l'actionnaire, on les traite en principe comme des sujets de droit
distincts,
avec des patrimoines séparés (cf. notamment ATF 92 II 160 consid. 1
p. 164;
85 I 91 consid. 2 p. 97). Cependant, la jurisprudence tient parfois
compte de
l'identité économique entre la société et son actionnaire lorsque,
dans les
rapports de la société avec des tiers, le principe de la bonne foi en
affaires exige qu'il soit fait abstraction de son indépendance
formelle; on
évite ainsi, le cas échéant, de consacrer un abus de droit (principe
de la
transparence [Durchgriff], déduit de l'art. 2 CC - cf. ATF 113 II 31
consid.
2c p. 36; 112 II 503 consid. 3b p. 506; arrêt 4C.335/1999 reproduit
in SJ
2001 I 186 consid.
5c).

2.5 La Commission fédérale d'estimation s'est inspirée de la
jurisprudence
précitée pour considérer que la société recourante ne pouvait pas se
prévaloir de son indépendance juridique afin de demander une
indemnité qui
profiterait à son actionnaire unique. On peut s'interroger sur la
pertinence
de cette application du principe de la transparence dans un cas
d'expropriation formelle, où seul le propriétaire foncier - la société
immobilière en l'occurrence - est admis à faire valoir des
prétentions à une
indemnité. Cette question peut toutefois demeurer indécise.

En effet, pour appliquer la condition de l'imprévisibilité, il y a
lieu de
prendre en considération l'analogie de fait entre l'actionnaire
unique de la
société dont le seul actif est un immeuble, et un propriétaire
foncier. De
même, quand l'actionnaire unique de cette société vend à un tiers
l'ensemble
de ses actions, il donne à son tour à l'acheteur une position
analogue à
celle du propriétaire de l'actif social, en l'occurrence à celle du
propriétaire de l'immeuble (cf. Jean-Jacques Fatton, La vente de
toutes les
actions d'une société immobilière, thèse Lausanne 1949, p. 41). La
vente en
bloc des actions équivaut économiquement à une vente immobilière,
quand bien
même elle s'en distingue sur le plan du droit civil, notamment à
propos des
exigences de forme, des conditions de la garantie, etc. (Fatton, op.
cit., p.
43, 62ss; Arthur Meier-Hayoz, Commentaire bernois, vol. IV/1/2, n. 75
ad art.
657 CC; Hans Giger, Commentaire bernois, vol. VI/2/1/3, n. 20 ad art.
216
CO). Cela étant, dans l'application de certaines normes du droit
fédéral, on
assimile la vente des actions d'une société immobilière à la vente de
l'immeuble lui-même: il en va ainsi, en particulier, en matière
d'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes à
l'étranger
(cf. art. 4 al. 1 let. e de la loi fédérale sur l'acquisition
d'immeubles par
des personnes à l'étranger [LFAIE; RS 211.412.41]; Jean-Christophe
Perrig,
L'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes à l'étranger,
thèse
Lausanne 1990, p. 210ss), ou dans des cas d'application de la loi
fédérale
sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11 - cf. art. 4 al. 2 et
61 al.
3 LDFR; Beat Stalder, in: Christoph Bandli et al., Le droit foncier
rural,
Brugg 1998, n. 19ss ad art. 61 LDFR; cf. aussi ATF 127 III 90 consid.
5a p.
97; 97 I 548 consid. 2b p. 550), ou encore à propos de l'approbation
de
l'autorité tutélaire pour la vente d'immeubles du pupille, prévue à
l'art.
404 CC (cf. Albert Guler, Commentaire bâlois, vol. CC I/2, n. 7 ad
art. 404
CC). Pareille appréciation économique des faits, lors de la vente des
actions
d'une société immobilière, est également courante en droit fiscal (cf.
notamment ATF 85 I 91 consid. 3 p. 99ss; Urs P. Gähwiler, Die
Besteuerung der
Immobiliengesellschaft und der daran Beteiligten, thèse Saint-Gall
1991, p.
131ss; Olivier Bourgeois, Le statut fiscal des sociétés immobilières
dans les
cantons de Vaud et de Genève, thèse Lausanne 1964, p. 191ss).

Pour déterminer si le propriétaire actuel de l'immeuble peut se
prévaloir de
la condition de l'imprévisibilité, la jurisprudence admet déjà que
le juge
de l'expropriation doit dans certaines circonstances apprécier la
situation
sous l'angle économique (cf. arrêt 1E.25/2001 du 28 mai 2002, destiné
à la
publication, consid. 2.4.2.4 - à propos du caractère successoral du
transfert
de la propriété dans le cadre familial). Une telle appréciation
économique
s'impose dans le cas particulier: il faut examiner si la personne qui
domine
la société immobilière, ou son actionnaire unique, pouvait prévoir les
nuisances de l'aéroport au moment où elle a obtenu la disposition
effective
de l'immeuble en acquérant le capital-actions; en d'autres termes, la
vente
en bloc des actions doit de ce point de vue être assimilée à la vente
de
l'immeuble lui-même, la société immobilière (soit l'expropriée) ne
pouvant se
prévaloir de l'imprévisibilité qu'au cas où son capital-actions
n'aurait pas
changé de mains depuis le 1er janvier 1961 (voire dans l'hypothèse où
ces
actions auraient ensuite été transmises par voie successorale - cf.
supra,
consid. 2.2).

Il en résulte que, dans le cas particulier, la Commission fédérale
d'estimation était fondée à considérer que la condition de
l'imprévisibilité
n'était pas satisfaite, le capital-actions de la société recourante
n'appartenant plus, au moment de l'ouverture de la procédure
d'expropriation,
à la personne qui le détenait le 1er janvier 1961. Le recours de droit
administratif doit donc être rejeté.

3.
Les frais et dépens de la présente procédure sont mis à la charge de
l'expropriant (art. 116 al. 1, 1re phrase LEx).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'Etat de
Genève.

3.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à titre de dépens à la société
anonyme SI
Valverne A, est mise à la charge de l'Etat de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement.

Lausanne, le 5 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.5/2002
Date de la décision : 05/09/2002
1re cour de droit public

Analyses

Expropriation formelle, droits de voisinage (art. 5 LEx). Pour l'application de la condition de l'imprévisibilité, lorsque l'exproprié est une société immobilière, la vente de toutes les actions de la société doit être assimilée à la vente de l'immeuble lui-même (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-05;1e.5.2002 ?
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