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04/09/2002 | SUISSE | N°U.121/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 septembre 2002, U.121/02


{T 7}
U 121/02

Arrêt du 4 septembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Moser-Szeless

La Mobilière Suisse, Société d'assurances, Bundesgasse 35, 3001 Berne,
recourante,

contre

G.________, intimée, représentée par Me Charles-Marie Crittin,
avocat, rue de
la Poste 3, 1920 Martigny

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 13 mars 2002)

Faits :

A.
G. ________, née en 1937, travaillait

comme vendeuse qualifiée au
bazar
X.________; à ce titre, elle était assurée contre le risque d'accident
professionnel et non pro...

{T 7}
U 121/02

Arrêt du 4 septembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Moser-Szeless

La Mobilière Suisse, Société d'assurances, Bundesgasse 35, 3001 Berne,
recourante,

contre

G.________, intimée, représentée par Me Charles-Marie Crittin,
avocat, rue de
la Poste 3, 1920 Martigny

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 13 mars 2002)

Faits :

A.
G. ________, née en 1937, travaillait comme vendeuse qualifiée au
bazar
X.________; à ce titre, elle était assurée contre le risque d'accident
professionnel et non professionnel par la Mobilière Suisse, société
d'assurances (ci-après: La Mobilière).

Le 5 février 1988, elle a fait une chute qui a entraîné une fracture
supramalléolaire externe gauche avec rupture de la syndesmose
tibio-péronière. Elle a présenté une incapacité de travail totale
jusqu'au 31
mai et de 50 % jusqu'au 31 juillet 1988. Par la suite, elle a
développé une
arthrose tibio-astragalienne progressive (rapport du docteur
A.________ du 30
avril 1993). Le cas a été pris en charge par la Mobilière.

Le 13 février 1993, G.________ a été victime d'un accident de la
circulation
qui a provoqué des contusions et des plaies multiples aux membres
inférieurs.
En raison de l'arthrose douloureuse de l'articulation
tibio-astragalienne
gauche, elle a subi deux arthroscopies avec synovectomie et nettoyage
articulaire, les 22 novembre 1994 (rapport du docteur B.________,
spécialiste
FMH en chirurgie orthopédique, daté du même jour) et 22 novembre 1995
(rapport du docteur C.________ daté du même jour); le 20 février
1998, une
prothèse totale de la cheville gauche avec synovectomie complète a
été mise
en place (rapport du docteur D.________ du 23 février 1998). Dans les
suites
immédiates de l'accident, puis des trois interventions chirurgicales,
l'assurée a présenté une incapacité de travail totale, en alternance
avec des
périodes d'incapacité partielle.

La Mobilière a fait procéder à une première expertise auprès du
docteur
E.________, spécialiste FMH en chirurgie et orthopédie (rapport du 22
novembre 1994), puis à une seconde auprès du docteur F.________,
spécialiste
FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie (rapport du 30 août
1999).
Selon ce dernier spécialiste, l'assurée présente un status après
fracture-luxation de la cheville gauche avec arthrose secondaire et
un status
après mise en place d'une prothèse à la cheville gauche pour arthrose
tibio-astragalienne; le traumatisme et l'évolution de la cheville sont
entièrement en rapport avec l'accident du 5 février 1988. Quant à la
capacité
de travail de l'assurée, le praticien est d'avis qu'avec une prothèse
au
niveau de la cheville gauche et l'obésité, le travail en position
debout est
définitivement impossible, même pour une personne de 40 à 45 ans; en
revanche
en faisant abstraction de l'obésité et des problèmes vertébraux qui y
sont
liés, un travail assis pourrait se faire probablement à 75 %, dans une
occupation légère.

Par décision du 25 novembre 1999, confirmée sur opposition le 23 août
2000,
la Mobilière a mis fin au droit au traitement ainsi qu'aux indemnités
journalières et alloué à G.________ une indemnité pour atteinte à
l'intégrité
de 40 %; en revanche, elle a nié le droit de l'assurée à une rente
d'invalidité, considérant qu'elle ne présentait aucun préjudice
économique.

B.
G.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances
du canton du Valais, en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité
totale
dès le 1er novembre 1999.

Par jugement du 13 mars 2002, l'instance cantonale a admis le
recours, annulé
la décision attaquée et renvoyé la cause à La Mobilière pour nouvelle
décision au sens des considérants.

C.
La Mobilière interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont elle demande l'annulation en concluant à la confirmation de sa
décision
sur opposition.

G. ________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du
recours.

Pour sa part, l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide à la suite d'un
accident, il a droit à une rente d'invalidité (al. 1). Est réputé
invalide
celui dont la capacité de gain subit vraisemblablement une atteinte
permanente ou de longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le
revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un accident
pourrait
obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de
lui,
après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu
d'une
situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait
pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).

1.2 Aux termes de l'art. 28 al. 4 OLAA, si, en raison de son âge,
l'assuré ne
reprend pas d'activité lucrative après l'accident ou si la diminution
de la
capacité de gain est due essentiellement à son âge avancé, les
revenus de
l'activité lucrative déterminants pour l'évaluation du degré
d'invalidité
sont ceux qu'un assuré d'âge moyen dont la santé a subi une atteinte
de même
gravité pourrait réaliser.

Cette disposition, qui vise à empêcher l'allocation de rentes
d'invalidité
qui comporteraient, en fait, une composante de prestation de
vieillesse, est
conforme à la loi (ATF 122 V 428 consid. 6, 113 V 135 consid. 4b).
Selon la
jurisprudence, la notion d'âge moyen au sens de cette norme se situe
autour
de 42 ans ou entre 40 et 45 ans; on considère que l'âge est avancé
lorsque
l'assuré est âgé d'environ 60 ans au moment où il a droit à la rente
(ATF 122
V 419 consid. 1b, 427 consid. 2; RAMA 1990 n° U 115 p. 392 consid. 4d
et e).
L'âge déterminant est celui au début de la rente et non l'âge au
moment de
l'accident (ATF 122 V 419 consid. 1b, 427 consid. 2; RAMA 1998 n° U
296 p.
239 consid. 3a). En outre, la comparaison doit être établie avec une
personne
ayant les mêmes aptitudes professionnelles et personnelles que
l'assuré (ATF
114 V 315 consid. 4a).

1.3 Selon l'art. 48 al. 1 LAA, l'assureur peut prendre les mesures
qu'exige
le traitement approprié de l'assuré en tenant compte équitablement des
intérêts de celui-ci et de ses proches. Les prestations d'assurance
sont
totalement ou partiellement refusées si l'assuré, malgré une mise en
demeure,
se soustrait à un traitement ou à une mesure de réadaptation ordonnée
par
l'assurance-invalidité auxquels on peut raisonnablement exiger qu'il
se prête
et dont on peut attendre une amélioration notable de sa capacité de
gain
(art. 48 al. 2 LAA).

D'après l'art. 61 al. 2 OLAA, si l'assuré refuse, sans motifs
suffisants, de
se soumettre à une mesure médicale ou de réadaptation raisonnablement
exigible, il n'a droit qu'aux prestations qui auraient probablement
dû être
allouées si ladite mesure avait produit le résultat escompté. Les
traitements
qui ne sont pas exigibles ne se limitent pas à ceux qui représentent
un
danger pour la vie ou pour la santé de l'assuré (cf. art. 61 al. 3
OLAA); ils
incluent également les traitements qui provoquent des douleurs
excessives ou
ont un impact sur l'aspect physique de l'assuré trop important,
notamment
dans les cas d'opérations chirurgicales (cf. ATF 105 V 179; RAMA 1995
n° U
213 p. 69 consid. 2b). La question de l'exigibilité d'un traitement
doit être
examinée au regard des circonstances concrètes et en fonction de la
personne
concernée (Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 300).

2.
Dans sa décision sur opposition du 23 août 2000, la Mobilière a nié
le droit
de G.________ à une rente d'invalidité, considérant qu'en raison des
seules
séquelles accidentelles dont elle avait à répondre, l'assurée était à
même
d'exercer une activité légère assise à un taux d'occupation de 75 %.
En
application de l'art. 28 al. 4 OLAA, elle a retenu qu'une assurée
d'âge moyen
dans cette situation pourrait réaliser un revenu comparable à celui
obtenu
par l'assurée sans atteinte à la santé, si bien qu'il n'en résultait
aucun
préjudice économique.

De leur côté, les premiers juges ont considéré que la Mobilière avait
omis,
en 1995, d'exiger de son assurée qu'elle se soumette à une arthrodèse
ou à la
mise en place d'une prothèse totale de la cheville gauche, en la
menaçant
qu'à défaut d'y satisfaire son droit aux prestations serait examiné
en tenant
compte des résultats escomptés d'une telle intervention. Forts de
cette
prémisse, ils ont estimé que l'assureur avait lésé le droit de
G.________ à
un examen de son droit à la rente en 1995 - époque où celui-ci aurait
été
effectué sans référence au revenu réalisable par un assuré d'âge
moyen.
Assimilant cette irrégularité à une violation de l'assureur d'établir
d'office les faits pertinents, laquelle ne pouvait être réparée, ils
ont
annulé la décision attaquée et renvoyé le dossier à la Mobilière afin
qu'elle
rende une nouvelle décision sur le droit à une rente d'invalidité en
ne
tenant pas compte du revenu que pourrait réaliser un assuré d'âge
moyen, mais
en procédant selon la méthode ordinaire de comparaison des revenus au
sens de
l'art. 18 al. 2 LAA. En outre, ils ont invité la Mobilière à se
prononcer sur
la question de l'obésité présentée par l'assurée en tant que suite
éventuelle
des accidents de 1988 et de 1993.

3.
Les premiers juges ne peuvent être suivis dans leur premier motif de
renvoi.

Il y a lieu de relever tout d'abord que l'âge limite, au-delà duquel
l'examen
des prétentions d'un assuré s'effectue en fonction des revenus qu'un
assuré
d'âge moyen réaliserait, se situe, selon la jurisprudence citée, aux
environs
de 60 ans; la limite d'âge permettant, le cas échéant, l'application
de
l'art. 28 al. 4 OLAA, n'est ainsi pas aussi rigide que l'instance
cantonale
l'a retenu. Le fait que l'intimée était âgée de 58 ans à la fin de
l'année
1995 ne suffirait pas, à lui seul, sans tenir compte également des
usages
propres à la profession envisagée et d'autres circonstances du cas
d'espèce,
à exclure l'application de cette disposition.

Par ailleurs, s'il est vrai que le docteur E.________ préconisait, à
la fin
du mois de novembre 1994 déjà, que l'intimée se soumette à une
arthrodèse de
la cheville gauche et qualifiait cette opération de standard, il n'en
précisait pas moins que cette intervention bloquait l'articulation de
manière
définitive et que le pronostic n'était favorable que si la
consolidation
intervenait sans complication (rapport du 22 novembre 1994). En
outre, il
proposait que l'intimée, le médecin et la recourante trouvent une
solution
concertée (courrier à la Mobilière du 20 octobre 1994). De son côté,
le
docteur B.________ a rappelé à l'assureur le 1er mars 1995 qu'une
arthrodèse
représentait une importante diminution fonctionnelle et précisé que
cette
intervention n'était en aucun cas un geste anodin, la rééducation
après une
arthrodèse étant toujours extrêmement longue jusqu'à l'obtention
d'une marche
correcte et indolore; en outre, à ce moment, les suites du nettoyage
articulaire subie par l'intimée le 22 novembre 1994 n'étaient pas
encore
stabilisées.

Au vu de ces éléments, face à une femme de 57 ans, craignant une
intervention, que l'on ne saurait taxer d'anodine, ainsi que la perte
définitive de son emploi en cas d'absence prolongée, il apparaît pour
le
moins douteux que la Mobilière eût été en droit d'exiger de son
assurée
qu'elle se soumette à cette intervention avec menace des sanctions
prévues à
l'art. 61 al. 2 OLAA. Dans le cas d'espèce, l'examen de l'exigibilité
d'une
telle intervention n'a pas besoin d'être plus approfondi, il suffit de
constater qu'il ne peut en aucun cas être reproché à la recourante,
de ne pas
avoir exigé une telle intervention en 1995 ou 1996.
Au demeurant, à supposer que la recourante eût été en droit d'exiger
que
l'intimée se soumît à un certain moment à un traitement approprié -
susceptible d'augmenter sa capacité de gain - auquel elle se serait
refusée,
encore faudrait-il, pour qu'une omission puisse être reprochée à la
recourante, qu'elle s'en fût abstenue à dessein, afin de pouvoir
statuer sur
le droit aux prestations de l'intimée à un moment qui fût
préjudiciable aux
intérêts de celle-ci, soit en raison d'une négligence qui fasse
apparaître
l'application de l'art. 28 al. 4 OLAA dans la détermination des
prestations
dues à l'intimée constitutive d'abus de droit. On ne voit pas en
effet,
hormis ces hypothèses, que le fait que l'assureur s'abstienne
d'exiger de son
assuré, au sens de l'art. 61 al. 2 OLAA, qu'il se soumette à un
traitement
auquel il se refuserait, puisse réellement léser les droits de cet
assuré. En
l'espèce, l'examen du dossier ne laisse apparaître ni une telle
manoeuvre, ni
une négligence, de sorte que l'on ne saurait retenir une omission
fautive de
la recourante.

4.
Les juges cantonaux ne peuvent pas non plus être suivis dans leur
second
motif de renvoi. D'une part, tant dans sa décision du 25 novembre
1999, que
dans sa décision sur opposition du 23 août 2000 et en procédure
cantonale, la
recourante a clairement exprimé qu'elle n'entendait pas répondre de
l'obésité
présentée par l'intimée en raison de l'absence de lien de causalité
avec l'un
ou l'autre des accidents subis par l'assurée.
Si les premiers juges
entendaient reprocher à la recourante un vice de nature formelle,
leur grief
n'est ainsi pas fondé. D'autre part, à l'examen des différentes pièces
médicales au dossier depuis 1988, l'autorité cantonale disposait de
suffisamment d'éléments, rapports et expertises, pour examiner et
trancher la
question de la prise en compte de l'obésité dans les prétentions de
l'intimée, au regard des griefs soulevés.

5.
Il n'appartient cependant pas à la Cour de céans de se prononcer
directement
sur le sort des prétentions de l'intimée, son intérêt à exercer dans
la plus
large mesure possible son droit d'être entendue dans les divers degrés
d'instance l'emportant sur celui à une prompte décision. Dès lors, il
convient d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à
l'instance
inférieure pour qu'elle examine concrètement le bien-fondé de la
décision sur
opposition qui avait été portée devant elle.

6.
L'intimée, qui obtient partiellement gain de cause, est représentée
par un
avocat. Elle a droit à une indemnité de dépens réduite pour la
procédure
fédérale (art. 159 al. 1 OJ en relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal
des
assurances du canton du Valais du 13 mars 2002 est annulé, la cause
étant
renvoyée à l'autorité judiciaire de première instance pour qu'elle
statue à
nouveau en procédant conformément aux considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La recourante versera à l'intimée la somme de 1500 fr. (y compris la
taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton du Valais, ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 septembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.121/02
Date de la décision : 04/09/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-04;u.121.02 ?
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