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04/09/2002 | SUISSE | N°I.774/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 septembre 2002, I.774/01


«AZA 7»
I 774/01 Bh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 4 septembre 2002

dans la cause

L.________, 1957, recourant, représenté par Me Pierre
Gabus, avocat, Boulevard des Philosophes 17, 1205 Genève,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
Boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- L.________ a occ

upé divers emplois comme aide-
cuisinier depuis 1980. Licencié au mois de novembre 1992,
il s'est inscrit au chômage. De janvier ...

«AZA 7»
I 774/01 Bh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 4 septembre 2002

dans la cause

L.________, 1957, recourant, représenté par Me Pierre
Gabus, avocat, Boulevard des Philosophes 17, 1205 Genève,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
Boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- L.________ a occupé divers emplois comme aide-
cuisinier depuis 1980. Licencié au mois de novembre 1992,
il s'est inscrit au chômage. De janvier à août 1994, il a
régulièrement obtenu des gains intermédiaires en tra-
vaillant en tant que plongeur dans un restaurant. Souffrant
de douleurs lombaires, il a été reconnu incapable de tra-
vailler dès le 1er septembre 1994; depuis lors, il a cessé
d'exercer toute activité professionnelle. Le 8 juin 1995,
il a présenté une demande de prestations de l'assurance-
invalidité.

Après avoir élucidé la situation médicale de l'assuré,
l'Office AI du canton de Genève (ci-après : l'office AI) a
organisé à son intention un stage d'observation profession-
nelle du 3 mars au 2 juin 1997. A l'issue de ce stage, les
responsables de la réadaptation ont estimé que l'assuré
était capable de travailler à plein temps, mais avec un
rendement de 50 %, dans une activité adaptée essentielle-
ment en position assise et ne nécessitant pas le port de
charges lourdes (rapport du 10 juin 1997).
Par décision du 14 avril 1999, l'office AI a refusé
d'accorder à L.________ un reclassement professionnel, tout
en l'informant qu'il se verrait allouer, dans une décision
ultérieure, une demi-rente fondée sur un taux d'invalidité
de 55 % dès le 1er novembre 1995.

B.- Par acte du 7 mai 1999, l'assuré a recouru contre
la décision du 14 avril 1999 devant la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité (ci-après : la commission), en
concluant à l'allocation d'une rente d'invalidité entière.
Entre-temps, l'office AI a octroyé à L.________ une
demi-rente dès le mois juin 1996 (décision du 6 mai 1996).
Le paiement du montant rétroactif de la demi-rente a fait
l'objet d'une troisième décision du 13 juillet 1999 que le
prénommé a également contestée. Ultérieurement, l'office AI
a encore rendu plusieurs décisions rectificatives qui ont
toutes été déférées à la commission.
Par jugement du 7 septembre 2001, cette dernière a
procédé à la jonction des causes et déclarés recevables les
différents recours formés par l'assuré; elle les a rejetés
sur le fond.

C.- Reprenant ses conclusions formulées en première
instance, L.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement. Il requiert en outre le bénéfice
de l'assistance judiciaire.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.- Le recourant ne contestant pas le bien-fondé des
conclusions médicales retenues par les premiers juges, le
litige porte uniquement sur le degré d'invalidité qu'il
présente, singulièrement sur la détermination des revenus
avec et sans invalidité.

2.- Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité
doit être déterminé sur la base d'une comparaison des
revenus. Pour cela, le revenu du travail que l'invalide
pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raison-
nablement attendre de lui, après exécution éventuelle de
mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28
al. 2 LAI). La comparaison des revenus s'effectue, en règle
ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les
montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un
avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus;
ATF 104 V 136 consid. 2a et 2b).

3.- a) S'agissant d'évaluer le revenu sans invalidité
du recourant, la commission a estimé que faute d'éléments
concrets disponibles, il devait être déterminé à partir de
valeurs statistiques. A la lumière des données ressortant
de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS)
publié par l'Office fédéral de la statistique, elle a
retenu le montant de 46'188 fr. (3849 fr. x 12), qui
correspond au salaire moyen versé en 1996 dans la branche
de la restauration et de l'hôtellerie pour les hommes de

niveau de qualification 3 [ESS 1996, table TA1, ch. 55,
p. 17].

b) Hypothétique, le revenu sans invalidité n'en doit
pas moins être évalué de manière aussi concrète que
possible. C'est pourquoi, il convient en règle générale de
se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant
l'atteinte à la santé, en prenant en considération
l'évolution des salaires jusqu'au moment du prononcé de la
décision (Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenver-
sicherung (IVG), 1997, p. 205 et 206). Certaines circons-
tances peuvent toutefois justifier qu'on s'en écarte. Il
n'est ainsi pas admissible de se baser sur le dernier
salaire lorsque celui-ci ne correspond manifestement pas à
ce que l'assuré aurait été en mesure de réaliser, au degré
de la vraisemblance prépondérante, s'il n'était pas devenu
invalide, compte tenu de sa situation personnelle et de ses
aptitudes professionnelles; par exemple lorsqu'avant d'être
reconnu définitivement incapable de travailler, il a ren-
contré des difficultés professionnelles en raison d'une
aggravation progressive de son état de santé (RCC 1985
p. 662 sv.).

c) En l'occurrence, L.________ a subi une période de
chômage relativement longue (2 ans) avant de connaître une
incapacité de travail totale. On doit admettre que le
revenu qu'il a obtenu durant cette période ne représente
pas la mesure de ce qu'il est véritablement apte à gagner
en tant que personne valide. Au regard de l'assurance-
invalidité, c'est une situation extraordinaire et passa-
gère, si bien qu'elle ne saurait, à l'instar de celle
décrite dans l'arrêt mentionné ci-dessus, servir de réfé-
rence pour déterminer le revenu sans invalidité de l'assu-
ré. C'est donc à juste titre que les premiers juges n'en
ont pas tenu compte dans l'évaluation de l'invalidité du
recourant.

Cela étant, on peut se demander si, dès lors qu'il y a
lieu de s'écarter du dernier revenu effectif de L.________,
il faut se baser sur le salaire que le prénommé avait
réalisé antérieurement à son inscription au chômage comme
il le soutient, ou s'il faut plutôt se référer aux salaires
moyens de la branche professionnelle concernée comme l'ont
fait les premiers juges. Cette question peut cependant
demeurer ouverte car, ainsi qu'on le verra ci-après, même
si l'on retenait les derniers revenus que le recourant a
réalisés en 1992 (soit 58'500 fr. par an, ce qui représente
un montant plus élevé que le salaire moyen statistique pris
en compte par les premiers juges), cela ne change rien à la
solution du litige.

4.- a) Pour le revenu d'invalide, lorsque l'assuré n'a
pas repris d'activité lucrative, on peut se fonder, selon
la jurisprudence constante, sur les salaires qui ressortent
des enquêtes statistiques officielles (ATF 126 V 76 con-
sid. 3b/aa et bb). Est alors déterminante la valeur cen-
trale de la statistique des salaires bruts standardisés
(ATF 124 V 323 consid. 3b/bb; VSI 1999 p. 182). Le montant
obtenu sera le cas échéant encore réduit en fonction des
empêchements propres à la personne de l'invalide, par
exemple certaines limitations liées au handicap, à l'âge, à
la nationalité, à la catégorie de permis de séjour ou au
taux d'occupation. Il n'y a toutefois pas lieu d'opérer des
déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en
considération, mais il convient plutôt de procéder à une
évaluation globale des effets de ces facteurs sur le revenu
d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du
cas concret. La jurisprudence n'admet pas de déduction
globale supérieure à 25 % (ATF 126 V 78 consid. 5).

b) En l'espèce, le salaire de référence est celui au-
quel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités
simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir
4268 fr. par mois (ESS, 1998, TA1, p. 25, niveau de quali-

fication 4). Au regard du large éventail d'activités
simples et répétitives que recouvrent les secteurs de la
production et des services, on doit en effet convenir qu'un
certain nombre d'entre elles sont légères et permettent le
travail en position assise, et sont donc adaptées aux
problèmes dorsaux du recourant. Comme les salaires bruts
standardisés tiennent compte d'un horaire de travail de
40 heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la
moyenne usuelle dans les entreprises en 1999 (41,8 heures;
La Vie économique 3/2001, p. 100, tableau B9.2), ce montant
doit être porté à 4460 fr., soit 53'520 fr. par an. Après
adaptation de ce chiffre à l'évolution des salaires de 1998
à 1999 (+ 0,3 %; La Vie économique, op. cit., p. 101, ta-
bleau B10.2), et compte tenu de la capacité de travail
résiduelle de L.________ (50 %), on obtient un salaire
annuel de 26'840 fr.
Eu égard à l'âge du prénommé (né en 1957), au fait
qu'il ne peut plus effectuer des travaux lourds et qu'il a
un rendement diminué, il y a par ailleurs lieu de procéder
à une réduction de ce salaire statistique. On ne saurait
toutefois opérer dans son cas une réduction de 25 %, comme
il le voudrait. Les facteurs à prendre en considération en
l'espèce ne sont en effet pas d'une importance telle qu'ils
justifient l'application de la réduction maximale admise
par la jurisprudence. On doit bien plutôt admettre qu'une
réduction de 15 % tient raisonnablement compte de sa situa-
tion (pour un cas similaire cf. arrêt A. du 30 novembre
2001, I 430/01). Le revenu d'invalide s'élève ainsi à
22'814 fr.

5.- Or, dans l'hypothèse la plus favorable au recou-
rant, si l'on prend comme revenu sans invalidité le montant
qu'il a réalisé en 1992 adapté à l'évolution des salaires
jusqu'à la date de la décision litigieuse, à savoir
63'021 fr. (dans le secteur de la restauration, l'indice
des salaires nominaux a évolué comme suit : + 2,2 pour cent
en 1993, + 1,4 en 1994, + 1,5 en 1995, + 1,0 en 1996, + 0,3

en 1997, + 0,7 en 1998 et + 0,4 en 1999; La Vie économique,
7/1997, p. 27, tableau B10.2 et 3/2001, p. 101, ta-
bleau B10.2), et que l'on procède à la comparaison des deux
revenus déterminants, cela conduit à un taux d'invalidité
de 63,79 % [(63021 - 22814) x 100 : 63021], si bien
que L.________ n'a en tout état de cause droit qu'à une
demi-rente (art. 28 al. 1 LAI).
Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable
dans son résultat et le recours se révèle mal fondé.

6.- Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence,
les conditions de l'octroi de l'assistance judiciaire
gratuite sont en principe remplies si les conclusions ne
paraissent pas vouées à l'échec et si le requérant est dans
le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou
du moins indiquée (ATF 125 V 202 consid. 4a, 372 consid. 5b
et les références).
Dans le cas particulier, le recourant remplit ces
conditions, quand bien même il n'obtient pas gain de cause.
Il se justifie ainsi de lui accorder l'assistance judi-
ciaire pour la procédure fédérale. Le recourant est toute-
fois rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la
caisse du tribunal s'il devient ultérieurement en mesure de
le faire (art. 152 al. 3 OJ; ATF 124 V 309 consid. 6).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) de Me Pierre
Gabus sont fixés à 2500 fr. pour la procédure fédérale
et seront supportés par la caisse du tribunal.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité,
ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 septembre 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.774/01
Date de la décision : 04/09/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-04;i.774.01 ?
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