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03/09/2002 | SUISSE | N°4C.127/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 septembre 2002, 4C.127/2002


{T 0/2}
4C.127/2002 /ech

Arrêt du 3 septembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Rottenberg Liatowitsch et Favre,
greffière Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante principale, représentée par
Me Bernard Katz, avocat, avenue C.-F. Ramuz 60,
case postale 234, 1001 Lausanne,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Eric Golaz, avocat,
Petit-Chêne 18,
1003 Lausanne, et

B.________,

demandeur, intimé et recourant par voie de jonction, représenté par Me
Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy 14, case post...

{T 0/2}
4C.127/2002 /ech

Arrêt du 3 septembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Rottenberg Liatowitsch et Favre,
greffière Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante principale, représentée par
Me Bernard Katz, avocat, avenue C.-F. Ramuz 60,
case postale 234, 1001 Lausanne,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Eric Golaz, avocat,
Petit-Chêne 18,
1003 Lausanne, et

B.________,
demandeur, intimé et recourant par voie de jonction, représenté par Me
Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy 14, case postale 155, 1000
Lausanne
13.

contrat de travail; résiliation immédiate; indemnisation

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois du 10 avril 2001).

Faits:

A.
X. ________ S.A. est une société active dans l'industrie et le
commerce des
huiles minérales.

A. ________ a travaillé pour le compte de X.________ S.A. depuis
janvier
1972, B.________ à partir d'avril 1982, tous les deux à satisfaction
de leur
employeur jusqu'en 1992 en tout cas.

En 1993, A.________ occupait le poste de directeur des ventes et
B.________
celui de délégué commercial.

B.
Au début du mois de février 1993, A.________ a appris l'existence
d'un réseau
de distribution original de systèmes de purification d'eau et d'air
destinés
à une clientèle privée et mis sur pied par la société américaine
Y.________.
Selon la technique utilisée dite "marketing de réseau", chaque
distributeur
devait faire appel à ses relations personnelles en vue d'une part de
recruter
de nouveaux distributeurs, afin d'obtenir des commissions sur les
ventes de
ces derniers, et, d'autre part, de chercher à vendre les produits.

A. ________ a d'emblée refusé de participer à ce système, mais il a
proposé
ce travail à son épouse et il l'a aidée à se lancer, l'a accompagnée à
diverses séances, voire est intervenu dans la conclusion de quelques
contrats.

Plusieurs collaborateurs de X.________ S.A., dont B.________, ont été
invités
par A.________ à participer à l'une ou l'autre séance d'information de
Y.________ après le travail, tout en étant avisés que, s'ils
décidaient
d'adhérer, leurs activités devraient se dérouler en dehors de leurs
heures de
travail. A.________ a également abordé le sujet de Y.________ lors
d'un
entretien avec un client et dans une lettre adressée à un
correspondant
direct du groupe, qui faisait suite à une discussion s'étant déroulée
dans un
cadre privé.

Trouvant le système passionnant, B.________ est devenu distributeur
des
produits Y.________ le 18 février 1993, déployant une grande énergie
dans
cette activité accessoire. Il a démarché ses collègues de travail avec
insistance et à réitérées reprises durant les heures de bureau, pour
les
convaincre de participer au système Y.________.

En juillet 1993, A.________ a été convoqué par son employeur qui,
ayant
appris que certains de ses collaborateurs participaient au système
Y.________, l'a averti qu'il ne pouvait tolérer ces activités.
A.________
s'est engagé à faire cesser toute activité de ce type parmi les
employés qui
se trouvaient sous sa responsabilité. Il a alors réuni son équipe et a
signifié à ses subordonnés qu'il fallait dorénavant s'abstenir de
collaborer
avec la société Y.________.
Par courrier du 21 juillet 1993, X.________ S.A. a licencié avec effet
immédiat A.________ pour de justes motifs, lui reprochant en substance
d'avoir utilisé une partie de son temps de travail, les équipements
et la
notoriété de la société pour mettre en place une activité clandestine
dite
"système Y.________".

Lors d'une réunion du 22 juillet 1993, X.________ S.A. a informé
l'ensemble
de l'équipe de vente du renvoi de A.________, en leur ordonnant de
cesser
toute activité pour la société Y.________. Plus aucun démarchage n'a
eu lieu
au sein de l'entreprise depuis ce moment.

Le 13 septembre 1993, B.________ a signé, à la requête de son
employeur, un
document prérédigé confirmant qu'il avait cessé ses activités dans
l'organisation de vente Y.________ depuis le 22 juillet 1993.

Le 15 septembre 1993, B.________ a informé X.________ S.A. qu'il
démissionnait de son poste, avec effet au 31 décembre 1993. Deux
jours plus
tard, l'employeur l'a avisé qu'en raison de la poursuite de ses
activités
pour Y.________ durant les heures de travail, elle le renvoyait avec
effet
immédiat et pour justes motifs.

Il a été retenu qu'au cours du premier semestre 1993, X.________ S.A.
a
enregistré une baisse d'activité de 46 % sur l'ensemble de ses
secteurs par
rapport à la même période de 1992, mais qu'aucun lien de causalité ne
pouvait
être établi entre cette diminution du chiffre d'affaires et l'activité
accessoire exercée par certains collaborateurs.

C.
Au moment de son licenciement immédiat, le salaire mensuel brut de
A.________
s'élevait à 8'686 fr., payé treize fois par an, allocations familiales
comprises, plus 12'000 fr. par an versés depuis 1990 comme
contribution à la
constitution de son troisième pilier. Une part d'intéressement au
bénéfice
avait été convenue dès 1973 et A.________ a reçu 48'000 fr. à ce
titre pour
les années 1989 et 1992, le dernier versement remontant au 17 juin
1993. Il
disposait enfin d'une voiture d'entreprise qu'il pouvait utiliser
tant pour
ses besoins professionnels que privés, contre une participation de 80
fr. La
valeur de leasing de ce véhicule a été évaluée à 2'104 fr. par mois.

En 1993, B.________ recevait pour sa part un salaire mensuel de 4'880
fr.,
versé treize fois par an, plus les allocations familiales et une
indemnité
journalière de 30 fr. En sus de son salaire fixe, il percevait des
primes
dépendant des objectifs commerciaux atteints et des contrats conclus
avec de
nouveaux clients. Il bénéficiait également d'une voiture de service.

D.
Par demande du 26 novembre 1993 auprès de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois, A.________ a conclu à ce que X.________ S.A. soit reconnue sa
débitrice et lui doive immédiatement 314'690,25 fr., somme qu'il a
par la
suite réduite à 211'243,65 fr. plus intérêt.

Le 14 janvier 1994, B.________ a également agi en justice, demandant
pour sa
part à ce que X.________ S.A. soit condamnée à lui verser
immédiatement
155'444,95, montant qu'il a amplifié à 208'907,10 fr. plus intérêt,
sous
déduction des cotisations sociales, et à ce que son employeur verse
les
primes de l'assurance-accidents en sa faveur auprès de l'institution
d'assurance pour les mois de septembre à décembre 1993.

Les deux causes ont été jointes le 24 mai 1994.

X. ________ S.A. a conclu au rejet des prétentions dirigées à son
encontre et
a demandé, à titre reconventionnel, que A.________ soit condamné à
lui verser
150'000 fr. et B.________ 140'000 fr., plus intérêt.

Par jugement du 10 avril 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois,
considérant que le licenciement immédiat des deux employés était
injustifié,
a condamné X.________ S.A. à payer à A.________ 60'637,60 fr. sous
déduction
des charges sociales, représentant les prétentions salariales qu'il
aurait pu
faire valoir jusqu'au 31 octobre 1993 moins les allocations
familiales, et
97'390 fr. correspondant à une indemnité de six mois de salaire plus
les
allocations familiales, les deux montants portant intérêt annuel à 5
% dès le
22 juillet 1993. Quant à B.________, les juges ont condamné
X.________ S.A. à
lui verser 103'699,15 fr. sous déduction des charges sociales en
remboursement de prétentions diverses échues au moment du
licenciement et de
ce qu'il aurait gagné jusqu'au 31 décembre 1993, auxquels s'ajoute le
montant
de 22'167,85 fr. comprenant en particulier une indemnité de 20'000 fr.
équivalant à deux mois de salaire, le tout avec un intérêt de 5 %
l'an dès le
18 septembre 1993. Les conclusions reconventionnelles de l'employeur
ont été
rejetées.

E.
Contre ce jugement, X.________ S.A. interjette un recours en réforme
au
Tribunal fédéral. S'en prenant principalement au refus d'admettre
l'existence
de justes motifs de résiliation immédiate, elle conclut à ce qu'il
soit
déclaré qu'elle n'est débitrice ni de A.________ ni de B.________.

A. ________ propose le rejet du recours. Quant à B.________,
parallèlement à
ses conclusions tendant au rejet du recours principal dans la mesure
de sa
recevabilité, il dépose un recours joint dans lequel il requiert la
réforme
du jugement attaqué en ce sens que la défenderesse doit lui verser
108'423,60
fr. sous déduction des charges sociales et 42'167,85 fr., les deux
montants
portant intérêt à 5 % par an dès le 18 septembre 1993, la décision
entreprise
étant confirmée pour le surplus.

X. ________ S.A. conclut au rejet du recours joint.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La défenderesse s'en prend principalement au refus d'admettre le
caractère
justifié du licenciement avec effet immédiat des demandeurs. A titre
subsidiaire, elle conteste l'ampleur des indemnités prononcées par la
cour
cantonale. Le recourant par voie de jonction critique les montants
qui lui
ont été alloués, en soutenant, à l'inverse de la défenderesse, que
ceux-ci ne
sont pas suffisamment élevés. Dans ce contexte, il convient
d'examiner en
premier lieu le grief principal formé par la défenderesse, et, si
celui-ci
s'avère infondé, de se prononcer sur les indemnités fixées par la cour
cantonale, dans la mesure où celles-ci sont contestées par les
parties (cf.
art. 55 al. 1 let. b et c OJ).

2.
Au préalable, il y a lieu de rappeler que, saisi d'un recours en
réforme, le
Tribunal fédéral doit mener son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en
matière
de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des
constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulièrement
allégués (art.
64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Hormis ces
exceptions
que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté
de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de
preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Aussi bien la défenderesse que le recourant par voie de jonction
semblent
avoir perdu de vue ces principes dans leurs écritures respectives. A
plusieurs reprises, ils présentent leur propre interprétation des
événements,
sans tenir compte des constatations de fait ressortant du jugement
entrepris
et sans se prévaloir d'une des exceptions leur permettant de s'en
écarter, ce
qui n'est pas admissible. L'examen du respect du droit fédéral dont la
violation est invoquée se fera donc exclusivement sur la base de
l'état de
fait retenu par les juges cantonaux.

3.
A titre principal, la défenderesse soutient que la cour cantonale a
méconnu
les articles 321a et 337 CO en n'admettant pas que les deux employés
licenciés avaient gravement violé leur devoir de fidélité, ce qui
justifiait
leur licenciement immédiat pour justes motifs sans avertissement
préalable.

3.1 Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le
travailleur
peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes
motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les
circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de
travail (cf. art. 337 al. 2 CO).
La jurisprudence, se fondant sur la doctrine, a plusieurs fois
souligné que
la résiliation immédiate revêtait un caractère exceptionnel et
qu'elle devait
être admise de manière restrictive (cf. récemment ATF 127 III 153
consid. 1a,
310 consid. 3, 351 consid. 4a et les références citées). Ainsi, seul
un
manquement particulièrement grave du travailleur justifie son
licenciement
immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une
résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement.
Par
manquement du travailleur, on entend la violation d'une obligation
découlant
du contrat de travail, comme par exemple, la violation du devoir de
fidélité
(ATF 127 III 351 consid. 4a p. 353 s.; 121 III 467 consid. 4d p. 472).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al.
3 CO ab
initio). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC).
A cet
effet, il prendra en considération tous les éléments du cas
particulier,
notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et
la
durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance
des
manquements. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision
d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque
celle-ci
s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la
jurisprudence
en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des
faits qui,
dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore
lorsqu'elle
n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en
vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat
manifestement

injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127 III 153 consid. 1a p.
155, 310
consid. 3, 351 consid. 4a p. 354).

Enfin, c'est à l'employeur qui entend se prévaloir de justes motifs de
licenciement immédiat de démontrer leur existence (Rehbinder,
Commentaire
bernois, art. 337 CO no 2 p. 123; Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire
du
contrat de travail, 2e éd. Lausanne 1996, art. 337 CO no 13).

3.2 Si l'on s'en tient, comme il se doit dans un recours en réforme,
à l'état
de fait ressortant du jugement attaqué (art. 63 al. 2 OJ; cf. supra
consid.
2), il apparaît que les dispositifs de purification d'air et d'eau
fournis
par la filière Y.________ n'entrent pas en concurrence avec les
produits
commercialisés par la défenderesse. Quant au système de distribution
mis en
place, il s'apparente à une activité commerciale de vente à domicile,
de
sorte que, comme l'a souligné la cour cantonale, la simple
proposition d'y
adhérer, faite à des collaborateurs de la société en dehors des
heures de
travail, ne saurait à elle seule justifier un licenciement immédiat.
Il
convient donc de se demander si d'autres éléments auraient permis à la
défenderesse de mettre fin immédiatement aux contrats de travail la
liant aux
deux collaborateurs concernés, attendu que l'un a travaillé plus de
vingt
ans, l'autre plus de dix ans à satisfaction de l'entreprise, qui ne
s'en
prend qu'à leur comportement en relation avec le système Y.________.

3.3 S'agissant du demandeur A.________, la cour cantonale a précisé à
juste
titre que son attitude devait être appréciée avec plus de sévérité en
raison
de sa position dirigeante (cf. ATF 104 II 28 consid. 1 p. 30). Or, il
a été
retenu que celui-ci n'avait pas procédé à un véritable démarchage dans
l'entreprise, mais n'avait fait que proposer à certains
collaborateurs, dans
le cadre de "discussions de couloir" de participer à des séances
d'information sur le système Y.________, tout en soulignant que cette
activité devait s'effectuer durant leur temps libre. Dès que son
employeur le
lui a ordonné, il a d'ailleurs prié ses subordonnés de s'abstenir de
toute
activité pour Y.________. Il est vrai que le demandeur A.________ a
également
discuté de ce sujet avec un client et envoyé une lettre d'information
à un
correspondant de l'entreprise, mais la cour cantonale a précisé, ce
qui
semble avoir échappé à la défenderesse, que ni le cadre ni les
raisons de la
discussion avec le client n'avaient pu être établis et que la lettre
faisait
suite à un entretien privé. De plus, contrairement à ce qu'affirme
l'employeur, il n'a pas été démontré que ce salarié se serait livré à
une
activité pour le compte de Y.________ durant son temps de travail ou
qu'il
aurait utilisé à cette fin du matériel de l'entreprise. Enfin, comme
les
juges ont retenu qu'aucun lien de causalité ne pouvait être établi
entre la
baisse du chiffre d'affaires de la défenderesse durant les premiers
mois de
1993 et l'activité accessoire exercée par certains collaborateurs, on
ne peut
reprocher au demandeur A.________ d'avoir nui à la bonne marche de son
service en faisant connaître le système Y.________ à ses subordonnés.
En
pareilles circonstances, la cour cantonale n'a pas abusé de son
pouvoir
d'appréciation en considérant que le licenciement immédiat signifié à
cet
employé, sans avertissement préalable, n'était pas justifié.

3.4 Concernant le recourant par voie de jonction, le jugement attaqué
relève
que celui-ci s'est fortement impliqué dans le système Y.________ et
qu'il a
exercé cette activité durant son temps de travail, lorsqu'il a
cherché de
manière insistante à démarcher ses collègues. Les juges n'ont en
revanche pas
retenu de démarchage envers les clients de la défenderesse. Le
rendement de
ce collaborateur a baissé en 1993, mais il a été constaté, d'une
manière qui
lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ),
qu'aucun
lien de causalité entre l'activité de celui-ci pour Y.________ et la
diminution de la production dans les secteurs dont il était
responsable ne
pouvait être établi. Comme la baisse de productivité ne constitue en
principe
pas à elle seule un motif de renvoi immédiat (cf. ATF 97 II 142
consid. 2a p.
146, confirmé in ATF 127 III 351 consid. 4b/bb), le démarchage de
collègues
de manière insistante durant les heures de travail reste le seul
élément qui
puisse être reproché au recourant par voie de jonction. Si l'on peut
admettre
qu'un tel comportement constitue une violation du devoir de fidélité
de ce
collaborateur, dès lors que le fait de recruter de nouveaux
distributeurs
fait partie des activités qui permettent de toucher des commissions
dans le
système Y.________ (cf. art. 321a al. 3 CO; Rehbinder, op. cit., art.
321a CO
no 12; Rémy Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 78), il ne
saurait, dans
les circonstances susmentionnées, justifier un licenciement immédiat
sans
avertissement préalable. En l'espèce, à supposer que les consignes
données
collectivement aux employés par la défenderesse le 22 juillet 1993
puissent
constituer un tel avertissement au sens où l'entend la jurisprudence
(cf. ATF
127 III 153 consid. 1b et c), le recourant par voie de jonction s'y
est
conformé, puisqu'il a été constaté que, depuis lors, plus aucun
démarchage
n'avait eu lieu et que la défenderesse n'était pas parvenue à prouver
que
celui-ci aurait continué à travailler d'une autre manière pour
Y.________
durant ses heures de bureau. Cet employé ne pouvait donc être
licencié avec
effet immédiat pour ce motif (cf. arrêt du Tribunal fédéral non publié
4C.137/2000 du 16 août 2001, consid. 2b). L'appréciation de la cour
cantonale
quant au caractère injustifié du licenciement immédiat de ce second
collaborateur n'est donc pas non plus contraire à l'art. 337 CO.

Le grief principal de la défenderesse étant mal fondé, il convient
d'entrer
en matière sur les critiques formulées par celle-ci et par le
recourant par
voie de jonction au sujet des indemnités allouées en vertu de l'art.
337c al.
1 et 3 CO.

4.
La défenderesse critique l'indemnité versée sur la base de l'art.
337c al. 1
CO au demandeur A.________. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir
considéré que la part d'intéressement au bénéfice convenue
constituait un
élément du salaire et d'avoir violé l'art. 8 CC lors de l'évaluation
de la
contre-valeur du véhicule mis à disposition de cet employé. Quant au
recourant par voie de jonction, il reproche aux juges de ne pas
l'avoir
indemnisé pour les 7,5 jours de travail supplémentaire qu'il avait
effectués
en 1993.

4.1 Le salarié licencié de manière injustifiée a droit à ce qu'il
aurait
gagné, si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du
délai de
congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée
(art.
337c al. 1 CO). La prétention du travailleur fondée sur cette
disposition est
une créance en dommages-intérêts qui inclut non seulement le salaire,
y
compris en nature (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.250/1996 du 21
octobre
1996, in SJ 1997 p. 149, consid. 3b/bb p. 155), mais aussi la
compensation
des autres avantages résultant du contrat de travail, tels que les
gratifications ou indemnités de départ (cf. ATF 117 II 270 consid. 3b
et les
références citées).

L'établissement de cette indemnité peut prêter à difficulté lorsque la
rémunération dépend du chiffre d'affaires effectivement réalisé
(Wyler, op.
cit., p. 383), dès lors que la fin subite du contrat empêche le
salarié de
déployer des activités de nature à influencer les résultats de
l'entreprise
durant la période en cause (cf. ATF 125 III 14 consid. 2b p. 16). La
jurisprudence a précisé que, même si ce n'est pas le revenu moyen
réalisé
antérieurement, mais le salaire hypothétique durant le délai de congé
qui est
déterminant, il convient, pour l'évaluer, de se fonder sur les gains
obtenus
pendant des périodes comparables dans le passé. Le revenu moyen de
l'année
précédente peut servir de référence, dans la mesure où il est
caractéristique
du rapport contractuel, tout en tenant compte des variations
saisonnières et
du développement du chiffre d'affaires au cours des derniers mois
(ATF 125
III 14 consid. 2b p. 16 s. et les références citées).

4.2 D'après le jugement entrepris, les parties ont convenu, dès 1973,
que le
demandeur A.________ recevrait une part d'intéressement au bénéfice;
celle-ci
s'est élevée à 48'000 fr. pour les années 1989 et 1992, le dernier
versement
remontant au 17 juin 1993. Sur la base de ces éléments, la cour
cantonale en
a déduit que la part d'intéressement ne devait pas être considérée
comme une
participation proprement dite, mais comme un élément du salaire
équivalant à
4'000 fr. par mois, alors que la défenderesse, se fondant sur l'art.
322d CO,
soutient qu'il s'agit d'une gratification sans caractère régulier.

4.2.1 Selon la jurisprudence, la gratification au sens de l'art. 322d
CO est
une rétribution spéciale accordée en sus du salaire par l'employeur à
des
occasions particulières et dépendant, dans une certaine mesure en
tout cas,
de l'employeur, si ce n'est dans son principe, à tout le moins dans
son
montant (cf. ATF 109 II 447 consid. 5c); est en revanche un salaire à
l'exigibilité différée, non soumis à l'art. 322d CO, la rétribution
dont le
montant et l'échéance inconditionnelle sont fixés d'avance par le
contrat de
travail, telle que le 13e mois de salaire ou une autre rétribution
semblable
entièrement déterminée par contrat (ATF 109 II 447 consid. 5c p.
448). Selon
ce que les parties au contrat de travail ont prévu, le versement
d'une part
d'intéressement au bénéfice peut ainsi soit constituer un élément du
salaire
au sens de l'art. 322 CO (cf. Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 322 CO no 9), calculé
sur la
base de l'art. 322a CO (Wyler, op. cit., p. 115 s.), soit une simple
gratification au sens de l'art. 322d CO (cf. Brühwiler, Kommentar zum
Einzelarbeitsvertrag, 2e éd. Berne 1996, art. 322d no 2; Streiff/von
Kaenel,
op. cit., art. 322d CO no 4 in fine).

Si, dans la première hypothèse, le montant alloué doit nécessairement
être
pris en compte dans le calcul de l'indemnité de l'art. 337c al. 1 CO,
la
question est plus délicate s'il s'agit d'une gratification. L'employé
n'y a
en principe droit que si la gratification a été expressément prévue
ou si
elle résulte, pendant les rapports de travail, d'actes concluants
comme un
versement régulier et sans réserve de celle-ci
(Brunner/Bühler/Waeber, op.
cit., art. 322d CO no 5; Brühwiler, op. cit., art. 322d no 3); il est
admis
qu'une gratification est due lorsque l'employeur l'a versée au moins
trois
années consécutives (arrêt du Tribunal fédéral non publié 4C.263/2001
du 22
janvier 2002 consid. 4b; Rehbinder, op. cit., art. 322d no 7;
Staehelin,
Commentaire zurichois, art. 322d CO no 9; Wyler, op. cit., p. 120).
Par
ailleurs, l'art. 322d al. 2 CO dispose qu'en cas d'extinction des
rapports de
travail avant l'occasion qui donne lieu à la rétribution spéciale, le
travailleur n'a droit à une part proportionnelle à cette rétribution
que s'il
en a été convenu ainsi.

4.2.2 Il se trouve que les faits ressortant du jugement entrepris ne
permettent pas de contrôler si la prise en considération, dans
l'indemnité
versée au titre de l'art. 337c al. 1 CO, d'un montant de 12'000 fr.
équivalant à une perte d'intéressement au bénéfice de trois mois pour
le
demandeur A.________ respecte ces principes.

En premier lieu, il n'est pas possible de déterminer si la part
d'intéressement au bénéfice convenue a les caractéristiques d'un
élément du
salaire, auquel cas sa prise en compte dans le calcul de l'indemnité
de
l'art. 337c al. 1 CO ne porterait pas à discussion, ou d'une
gratification.
En effet, on ignore tout de l'accord de 1973 mettant en place cette
participation. En particulier, il n'est pas indiqué qu'une échéance
ait été
fixée (il est juste mentionné qu'un dernier versement a été fait à cet
employé en juin 1993) ou qu'un pourcentage, établi à l'avance, du
bénéfice
réalisé reviendrait à ce collaborateur. On ne peut donc confirmer la
position
de la cour cantonale selon laquelle il s'agirait d'un élément du
salaire. En
outre, s'il fallait admettre que cette rétribution possède les
caractéristiques d'une gratification au sens de l'art. 322d CO,
celle-ci ne
serait due que si les parties l'ont expressément convenu ou si elle a
été
versée régulièrement durant au moins trois ans, ce que les faits
constatés ne
permettent pas d'affirmer: d'une part le contenu et la portée de
l'accord de
1973 ne sont pas connus; d'autre part, il est seulement indiqué qu'un
montant
de 48'000 fr. a été payé en 1989 et en 1992, mais on ignore si des
versements
ont aussi eu lieu les autres années. De plus, le délai ordinaire de
congé
étant de trois mois (art. 335c al. 1 in fine CO), le contrat du
demandeur
A.________ serait arrivé à expiration le 31 octobre 1993, ce qui
n'est pas
contesté. Ce terme ne correspondant ni à la fin de l'exercice annuel
ni à une
occasion spéciale donnant habituellement lieu à une gratification,
celui-ci
n'aurait droit à une telle indemnité qu'en cas d'accord des parties,
ce que
l'on ignore également.

En second lieu, à supposer que le demandeur A.________ puisse
prétendre à une
participation au bénéfice et qu'il faille donc en tenir compte dans
le calcul

de l'indemnité de l'art. 337c al. 1 CO, la Cour de céans ne serait
pas en
mesure de prendre position quant au montant retenu à ce titre dans le
jugement entrepris. En effet, si l'on sait que cet employé a reçu
48'000 fr.
en 1989 et en 1992, la cour cantonale n'indique pas si des versements
ont été
opérés les autres années et, le cas échéant, à combien ceux-ci se sont
élevés. Elle n'a pas non plus fait de comparaison entre le bénéfice
réalisé
en 1989 et en 1992, de sorte que l'on ne peut en déduire que le
versement de
la même somme à trois ans d'intervalle signifierait qu'en réalité un
montant
fixe équivalant à 4'000 fr. par mois était alloué chaque année au
demandeur
A.________. Il convient également de relever que, se fondant sur une
expertise, les juges ont plusieurs fois souligné que les résultats de
la
défenderesse en 1992 étaient particulièrement bons, alors qu'en 1993
s'était
fait ressentir une baisse générale de la productivité, de l'ordre de
46 %
pour le premier semestre 1993 par rapport à la même période en 1992.
Dans ce
contexte, il est douteux que 1992 puisse servir de période de
référence au
sens où l'entend la jurisprudence (cf. supra consid. 4.1 in fine)
pour le
calcul hypothétique de la part d'intéressement au bénéfice à laquelle
aurait
pu prétendre le demandeur A.________ si son contrat avait pris fin au
31
octobre 1993.

Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause à
l'autorité
cantonale en application de l'art. 64 al. 1 OJ, afin qu'elle complète
au
besoin le dossier et qu'elle statue à nouveau sur ce point.

4.3 En ce qui concerne la compensation pour la perte de la voiture
mise à
disposition du demandeur A.________ par son employeur, les juges ont
pris
comme base la valeur de leasing du véhicule, moins la participation
demandée
pour son utilisation à titre privé. Ils ont toutefois relevé que ce
montant
aurait encore pu être réduit en fonction de la proportion dans
laquelle ce
véhicule avait été utilisé professionnellement, mais que l'employeur
n'avait
présenté aucune indication à cet égard.

Il est admis que la perte liée à la mise à disposition par
l'employeur d'une
voiture d'entreprise pour un usage privé doit être indemnisée en
vertu de
l'art. 337c al. 1 CO (cf. Rehbinder, op. cit., art. 337c CO no 3;
Streiff/von
Kaenel, art. 337c no 2 CO). Pour établir ce montant, il faut se
placer du
point de vue du salarié uniquement et se demander quelle est la
valeur du
véhicule dont il ne peut plus faire usage pour ses besoins privés,
sous
déduction d'une éventuelle participation due à l'employeur pour
compenser
cette utilisation. Le dommage subi par l'employeur n'est en revanche
pas
pertinent. Il importe donc peu de savoir dans quelle proportion la
voiture
mise à disposition était utilisée dans le cadre professionnel. Du
reste,
comme il appartient à l'employeur de fournir à ses employés les
instruments
de travail dont ceux-ci ont besoin ou de les indemniser (cf. art. 327
CO), il
ne serait pas conforme au droit fédéral de réduire l'indemnité
allouée au
travailleur pour compenser la perte de mise à disposition d'un
véhicule à
titre privé en fonction de son utilisation dans le cadre
professionnel. C'est
donc à juste titre que la cour cantonale n'a pas tenu compte de cet
élément.
Dès lors que le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs de la
décision
attaquée (ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29 et les arrêts cités), il
n'y a
pas lieu d'examiner si la cour cantonale, en refusant d'opérer cette
déduction, a violé l'art. 8 CC, comme l'invoque la défenderesse.

4.4 Lorsque le recourant par voie de jonction reproche à la cour
cantonale de
ne pas l'avoir indemnisé pour les heures supplémentaires qu'il
affirme avoir
effectuées en 1993, il s'écarte des constatations de fait et s'en
prend à
l'appréciation des preuves. La recevabilité de telles critiques est
donc
douteuse (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Au demeurant, celles-ci sont infondées, car, à supposer que le
principe d'une
indemnisation des heures supplémentaires soit admis en l'espèce, ce
qui est
contesté en doctrine (cf. Rehbinder, op. cit. art. 337c CO no 3 p.
159 s.;
Streiff/von Kaenel, op. cit., art. 337c no 2 et 18), on ne peut à
l'évidence
pas reprocher à la cour cantonale de n'avoir pas pris en compte ce
poste,
puisqu'il a été constaté que le recourant par voie de jonction
n'avait pas
allégué quel était son horaire de travail, ni produit de décompte de
ses
heures supplémentaires.

4.5 Sous réserve de la question des 12'000 fr. (3 X 4'000 fr.)
alloués au
demandeur A.________ pour compenser la perte de sa participation au
bénéfice,
les critiques dirigées contre les indemnités versées sur la base de
l'art.
337c al. 1 CO doivent donc être rejetées.

5.
La défenderesse et le recourant par voie de jonction s'en prennent
également
aux indemnités prononcées en application de l'art. 337c al. 3 CO.

5.1 D'après cette disposition, en cas de licenciement immédiat
injustifié, le
juge peut condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité
dont il
fixera librement le montant, compte tenu de toutes les circonstances,
parmi
lesquelles figurent notamment la situation sociale et économique des
deux
parties, la gravité de l'atteinte à la personnalité de la partie
congédiée,
l'intensité et la durée des relations de travail antérieures au
congé, la
manière dont celui-ci a été donné, ainsi que la faute concomitante du
travailleur; aucun de ces facteurs n'est décisif en lui-même (ATF 121
III 64
consid. 3c p. 69; 120 II 243 consid. 3e p. 247 s.; 119 II 157 consid.
2b p.
161). L'indemnité, qui ne peut dépasser le montant correspondant à
six mois
de salaire du travailleur, a une double finalité, punitive et
réparatrice
(ATF 123 III 391 consid. 3c p. 394).

Selon la jurisprudence, le versement d'une telle indemnité constitue
la règle
(ATF 121 III 64 consid. 3c p. 68; 120 II 243 consid. 3e p. 247; 116
II 300
consid. 5a), mais suppose un comportement fautif de l'employeur ou en
tout
cas des circonstances qui lui sont imputables (cf. ATF 116 II 300
consid. 5a
in fine).

Qu'il s'agisse du principe ou de l'ampleur de cette indemnité, le juge
cantonal possède, de par la loi (art. 4 CC), un large pouvoir
d'appréciation
(ATF 121 III 64 consid. 3c). Par conséquent, le Tribunal fédéral
s'impose la
même réserve en ce domaine que s'agissant de l'existence de justes
motifs de
résiliation immédiate, de sorte qu'il peut être renvoyé à ce qui a
été dit à
ce sujet (cf. supra consid. 3.1).
5.2 L'indemnité de deux mois de salaire allouée au recourant par voie
de
jonction est critiquée tant par la défenderesse, qui considère
qu'aucune
indemnisation n'aurait dû être prononcée, que par l'intéressé, qui,
pour sa
part, requiert quatre mois de salaire.

Il ressort des faits constatés que la défenderesse n'a pas hésité à se
séparer abruptement du recourant par voie de jonction, dont il a été
établi
qu'il travaillait à satisfaction de son employeur depuis plus de dix
ans,
deux jours après que celui-ci eût lui-même donné un congé ordinaire
et alors
qu'il s'était conformé aux injonctions reçues en cessant de démarcher
ses
collègues. Les conditions exceptionnelles qui légitimeraient un refus
de
l'indemnité prévue à l'art. 337c al. 3 CO ne sont donc pas réalisées.

Pour fixer le montant alloué à cet employé, la cour cantonale a tenu
compte
des éléments précités en faveur de celui-ci et, à son détriment, de
l'intense
activité qu'il avait exercée pour Y.________ au sein de l'entreprise
sous
forme de démarchage et du fait qu'il avait préalablement déjà donné
son
congé.

Contrairement à ce qu'affirme le recourant par voie de jonction, ces
dernières circonstances sont pertinentes. Tout d'abord, la faute
concomitante
de l'employé, en l'occurrence l'activité de démarchage durant les
heures de
travail, est un élément dont il n'est pas contesté qu'il puisse être
pris en
compte lors de l'établissement de l'indemnité prévue par l'art. 337c
al. 3 CO
(cf. supra consid. 5.1; Rehbinder, op. cit., art. 337c CO no 10;
Brühwiler,
op. cit., art. 337c no 11). L'auteur cité par le recourant par voie de
jonction à ce propos se prononce du reste uniquement sur la prise en
compte
d'une telle faute en relation avec l'art. 337c al. 1 CO (cf. Peter
Böhringer,
Arbeitsrecht, 2e éd., Zurich 2001, p. 337 s.). En outre, comme la
situation
économique des parties peut influencer l'indemnité (ATF 123 III 391
consid.
3c p. 394), le fait que cet employé ait lui-même donné son congé
implique que
les effets dommageables du licenciement immédiat doivent être
relativisés,
puisque celui-ci s'attendait de toute manière à perdre cette source
de revenu
à l'expiration du délai ordinaire de congé. Il s'agit donc aussi d'un
élément
pertinent, de sorte que les critiques du recourant par voie de
jonction à cet
égard sont infondées.

Dans ces circonstances, en fixant à deux mois de salaire l'indemnité
due à
cet employé en vertu de l'art. 337c al. 3 CO, la cour cantonale n'a
pas abusé
de son large pouvoir d'appréciation.

5.3 Quant à l'équivalent de six mois de salaire prononcé en faveur du
demandeur A.________, la défenderesse reproche à la cour cantonale de
n'avoir
pas tenu compte de la faute concomitante de cet employé. Celle-ci perd
cependant de vue que le jugement attaqué a constaté qu'il n'était pas
prouvé
que les activités effectuées à titre privé par le demandeur
A.________ pour
le compte de Y.________ aient entraîné une modification notable dans
son
travail, qu'il n'a pas été établi que celui-ci ait travaillé pour
Y.________
durant ses heures de bureau ou utilisé à cette fin du matériel de
l'entreprise et qu'en définitive, on peut seulement lui faire grief,
dans le
cadre de "discussions de couloir", d'avoir proposé à certains de ses
subordonnés de participer, en dehors des heures de bureau, à des
séances
d'information de Y.________. Dans ce contexte, on ne voit pas quelle
faute
concomitante aurait permis de réduire l'indemnité allouée à celui-ci.
En
fixant à six mois de salaire le montant dû au demandeur A.________,
la cour
cantonale n'a fait que tenir compte du contexte et des répercussions
du
licenciement immédiat sur cet employé dirigeant qui, à l'âge de 59
ans, a
brutalement perdu, en raison de reproches infondés, un emploi qu'il
exerçait
depuis 21 ans à la satisfaction de son employeur et pour lequel il
avait
consacré toute son énergie. Elle n'a donc pas non plus abusé de son
pouvoir
d'appréciation concernant le demandeur A.________.

Le montant de l'indemnité fixée à ce titre ne peut toutefois être
confirmé en
l'état, dès lors que, dans le salaire déterminant, la cour cantonale
a tenu
compte d'une somme équivalant à 4'000 fr. par mois à titre de part
d'intéressement au bénéfice. Or, on a vu que la qualification
juridique de
cette rétribution, en tant qu'élément du salaire, ne pouvait être
confirmée,
pas plus que la méthode de calcul adoptée, de sorte que la cause a été
renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle complète les éléments de
fait et
qu'elle statue à nouveau sur cette question (cf. supra ch. 4.2.2). De
la
solution adoptée à la suite de ce renvoi va donc dépendre la somme
déterminante pour la fixation de l'indemnité équivalant à six mois de
salaire
prononcée en faveur du demandeur A.________ en application de l'art.
337c al.
3 CO, attendu que celle-ci a pour base le salaire mensuel brut
(Streiff/von
Kaenel, op. cit., art. 337c CO no 17) et qu'elle n'inclut pas les
gratifications à caractère facultatif (cf. von Kaenel, Die
Entschädigung aus
ungerechtfertigter fristloser Entlassung nach Art. 337c Abs. 3 OR,
thèse
Zurich 1995, p. 87).

6.
Dans ces circonstances, il convient de rejeter le recours joint et
d'admettre
partiellement le recours principal. Le jugement attaqué sera par
conséquent
annulé en ce qu'il concerne l'indemnisation due au demandeur
A.________. La
cause sera renvoyée à la cour cantonale en application de l'art. 64
al. 1 OJ,
afin qu'elle complète au besoin le dossier et qu'elle statue à
nouveau sur le
principe et le montant d'une compensation liée à la perte de la part
d'intéressement au bénéfice convenue en application de l'art. 337c
al. 1 CO
(cf. supra consid. 4.2). En fonction de ses conclusions, elle devra
au besoin
établir à nouveau le salaire déterminant pour le calcul de l'indemnité
équivalant à six mois de salaire allouée au demandeur A.________ sur
la base
de l'art. 337c al. 3 CO. Enfin, il lui appartiendra de rendre, si
nécessaire,
une nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance
cantonale. Le
jugement attaqué sera confirmé pour le surplus.

7.
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions respectives des
demandeurs
à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41; 100 II 358
consid.
a), dépasse 30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al.
2 et 3
CO).

Dès lors que la défenderesse n'obtient que partiellement gain de
cause, que
le sort du litige demeure toutefois indécis et que le recours par
voie de
jonction s'avère infondé, il y a lieu de répartir les frais à raison
de trois
quart à la charge de la défenderesse et d'un quart à la charge des
demandeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 3 et 7 OJ).

S'agissant des dépens, la même clé de répartition sera appliquée, ce
qui
revient à condamner la défenderesse à allouer
aux demandeurs des
dépens
réduits de moitié (art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours joint est rejeté.

2.
Le recours principal est partiellement admis. Le jugement attaqué est
annulé
s'agissant des indemnités allouées au demandeur A.________, ainsi que
des
frais et dépens cantonaux le concernant. La cause est renvoyée à
l'autorité
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le
jugement
attaqué est confirmé pour le surplus.

3.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à raison de 6'000 fr. à
la
charge de la défenderesse et de 2'000 fr. à la charge des demandeurs,
solidairement entre eux.

4.
La défenderesse versera une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens
réduits
à chacun des deux demandeurs.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
civile du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 3 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.127/2002
Date de la décision : 03/09/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-03;4c.127.2002 ?
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