La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/08/2002 | SUISSE | N°2P.38/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 août 2002, 2P.38/2001


{T 0/2}
2P.38/2001 /mks

Séance du 30 août 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffière Kurtoglu-Jolidon.

1. Association cantonale des droguistes fribourgeois,

2. A.________,

3. B.________,

4. C.________,

5. D.________,

6. E.________,

7. F.________,

8. G.________,

9. H.________,

10. I.________,

11. J.________,

12. K.______

__,

13. L.________,

14. M.________,
recourants, tous les quatorze représentés par Me Dominique Morard,
avocat,
rue Rieter 9, case postal...

{T 0/2}
2P.38/2001 /mks

Séance du 30 août 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffière Kurtoglu-Jolidon.

1. Association cantonale des droguistes fribourgeois,

2. A.________,

3. B.________,

4. C.________,

5. D.________,

6. E.________,

7. F.________,

8. G.________,

9. H.________,

10. I.________,

11. J.________,

12. K.________,

13. L.________,

14. M.________,
recourants, tous les quatorze représentés par Me Dominique Morard,
avocat,
rue Rieter 9, case postale 236, 1630 Bulle,

contre

Conseil d'Etat du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700
Fribourg.

art. 27, 49, 94 Cst.: liberté économique, primauté du droit fédéral,

(recours de droit public contre le règlement du Conseil d'Etat du
canton de
Fribourg du 28 novembre 2000 concernant les produits thérapeutiques).

Faits:

A.
Dans le canton de Fribourg, l'exercice de la profession de droguiste
a été
régi jusqu'au 30 décembre 2000 par la loi cantonale du 6 mai 1943 sur
la
police de santé et son règlement d'exécution du 16 mars 1948. Depuis
le 1er
janvier 2001, il est soumis à la loi du 16 novembre 1999 sur la
santé, entrée
en vigueur le 1er janvier 2001. Le 28 novembre 2000, le Conseil
d'Etat du
canton de Fribourg a adopté le règlement concernant les produits
thérapeutiques, qui a été publié dans la Feuille des avis officiels
du canton
de Fribourg du 29 décembre 2000.

Ce règlement contient notamment les dispositions suivantes:

Art. 3 - Fabrication des médicaments
1 Quiconque fabrique des médicaments doit être au bénéfice d'une
autorisation
délivrée par la Direction de la santé publique et des affaires
sociales
(ci-après: la Direction) et est soumis à son contrôle.
2 L'autorisation est délivrée par la Direction conformément aux
directives de
l'OICM concernant la fabrication des médicaments ou aux directives de
l'autorité fédérale compétente.
3 Avant de délivrer l'autorisation, la Direction s'assure notamment
que le
fabricant:

a) dispose du personnel compétent, des locaux nécessaires ainsi que de
l'appareillage et des équipements adéquats afin de garantir le
respect des
règles de qualité du médicament, d'hygiène et de sécurité;

b) possède un système d'assurance de qualité correspondant au type et
à
l'ampleur des activités qu'il exerce;

c) travaille conformément aux règles reconnues des bonnes pratiques de
fabrication et aux exigences de la législation concernant le contrôle
de la
fabrication.
4 Le fabricant est tenu de fournir à la Direction toutes les
informations
nécessaires démontrant qu'il remplit les conditions d'autorisation.
Art. 5 - Principe
Les fabricants, distributeurs et répartiteurs fournissent les produits
thérapeutiques uniquement aux personnes et aux maisons qui possèdent
une
autorisation de les délivrer. Tous les médicaments distribués ou
vendus
doivent être autorisés par l'OICM ou par l'autorité fédérale
compétente. Les
produits thérapeutiques pour les essais cliniques ou au bénéfice d'une
autorisation spéciale pour usage dans un cas isolé font exception.

Art. 8 - Spécialités de comptoir
1 Les spécialités de comptoir que le pharmacien ou la pharmacienne ou
le ou
la droguiste fabrique lui-même ou elle-même doivent être annoncées au
pharmacien ou à la pharmacienne cantonal/e qui autorisera leur
fabrication et
remise conformément aux directives de la Direction.
2 Les spécialités de comptoir doivent satisfaire aux exigences de la
Convention intercantonale sur le contrôle des médicaments, à ses
dispositions
d'exécution et à la législation fédérale en la matière et ne
correspondre
qu'à des spécialités de liste C, D ou E de l'OICM.

Art. 13 - Présence
1 Le/la ou les pharmacien-ne-s responsables assurent personnellement
la
direction de la pharmacie. A cet effet, ils doivent être présents aux
heures
d'ouverture.
2 Si un pharmacien ou une pharmacienne n'est pas toujours présent/e,
il lui
incombe de désigner un pharmacien remplaçant, ou une pharmacienne
remplaçante
autorisé/e à pratiquer pour assumer la responsabilité de la pharmacie
durant
ses absences.
3 Le nom et le titre du pharmacien ou de la pharmacienne ou de son
remplaçant
ou de sa remplaçante présent/e dans la pharmacie doivent être
clairement
affichés à l'entrée de la pharmacie ainsi que sur le comptoir.
Art. 33 - Autorisation
a) Principe
1 Toute création, reprise, transformation ou tout transfert d'une
droguerie
exige, du ou de la droguiste responsable, le dépôt d'une requête
adressée à
la Direction. L'article 11 al. 1 à 3 ainsi que les articles 12 à 15
sont
applicables par analogie.
b) Conditions personnelles
2 La Direction délivre l'autorisation d'exploiter une droguerie
lorsque les
conditions suivantes sont remplies:

a) le requérant ou la requérante possède une autorisation de pratique
en tant
que droguiste;

b) le requérant ou la requérante qui n'est pas propriétaire de la
droguerie
dispose d'un contrat de bail et/ou d'un contrat de gérance lui
garantissant
l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa profession;

c) le requérant ou la requérante n'est pas déjà responsable d'une
autre
droguerie.
3 Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'une même droguerie,
chacune
d'elles doit satisfaire aux conditions personnelles liées à
l'autorisation
d'exploitation.
Art. 37 - Travaux
1 Les drogueries peuvent exercer le commerce de détail des drogues,
substances médicamenteuses et homéopathiques, ou des spécialités
pharmaceutiques des listes D et E de l'OICM, des produits chimiques et
substances toxiques pour l'agriculture, l'industrie, les laboratoires
scientifiques et les ménages.
2 Il est interdit aux droguistes:

a) d'exécuter des ordonnances de médecins, de dentistes ou de
vétérinaires,
et cela quel que soit le produit thérapeutique prescrit;

b) de préparer, de détenir et de vendre tous les produits dont la
préparation, la détention et la vente sont réservées aux pharmaciens
et
pharmaciennes;

c) d'employer, dans leur enseigne, leur en-tête de lettres, leurs
factures et
réclames, des désignations propres à induire en erreur.
Art. 58 - Dispositions transitoires
a) Spécialités de comptoir
Les spécialités de comptoir qui ont été annoncées au pharmacien ou à
la
pharmacienne cantonal/e en vertu de l'ancien droit doivent faire
l'objet
d'une demande d'autorisation au sens de l'article 8 dans un délai
d'une année
dès l'entrée en vigueur de la loi sur la santé et du présent
règlement.
Art. 61 - d) Remplacement
1 Pendant une période transitoire de trois ans passé la date d'entrée
en
vigueur du présent règlement, le pharmacien ou la pharmacienne
responsable
d'une pharmacie peut demander à titre exceptionnel à être remplacé/e,
sous sa
responsabilité, par un assistant pharmacien ou une assistante
pharmacienne,
les exigences de l'article 86 de la loi sur la santé étant réservées.
La
demande doit être adressée à la Direction.
2 Pendant une période transitoire de trois ans passé la date d'entrée
en
vigueur du présent règlement, le ou la droguiste responsable d'une
droguerie
peut demander à titre exceptionnel à être remplacé/e, sous sa
responsabilité,
par un ou une droguiste au bénéfice d'un certificat fédéral de
capacité, les
exigences de l'article 86 de la loi sur la santé étant réservées. La
demande
doit être adressée à la Direction.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, l'Association
cantonale des
droguistes fribourgeois, A.________, B.________,C.________,
D.________,
E.________, F.________, G.________, H.________, I.________,
J.________,
K.________, L.________ et M.________ demandent au Tribunal fédéral,
sous
suite de frais et dépens, d'annuler les art. 3, 5, 8 al. 1, 13 al. 2,
33 al.
1, 37 al. 2, 58 et 61 du règlement du 28 novembre 2000 concernant les
produits thérapeutiques et d'assortir leur recours de l'effet
suspensif. Ils
invoquent la violation des art. 49 Cst. (primauté et respect du droit
fédéral), 27 Cst. (liberté économique) et 94 Cst. (principes de
l'ordre
économique).

Le Conseil d'Etat du canton de Fribourg conclut au rejet du recours,
dans la
mesure où il est recevable. L'Office fédéral de la santé publique
propose son
admission partielle.

Les parties ont confirmé leurs conclusions lors d'un second échange
d'écritures.

C.
Par ordonnance du 17 mai 2001, le Président de la IIème Cour de droit
public
a rejeté la requête de suspension et d'effet suspensif. Il a confirmé
le
rejet de l'effet suspensif le 18 janvier 2002.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 13 consid.
1a p.
16, 46 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités).

1.1 Au regard de l'art. 84 OJ, la voie du recours de droit public
n'est
ouverte que si l'acte attaqué émane d'une autorité cantonale agissant
en
vertu de la puissance publique et qui affecte d'une façon quelconque
la
situation de l'individu, en lui imposant une obligation de faire, de
s'abstenir ou de tolérer, ou qui règle d'une autre manière
obligatoire ses
rapports avec l'Etat, soit sous la forme d'un arrêté de portée
générale, soit
sous celle d'une décision particulière (ATF 125 I 119 consid. 2a p.
121; 121
I 173 consid. 2a p. 174 et les arrêts cités). En l'occurrence, il
n'est pas
contesté que les dispositions critiquées du règlement cantonal
concernant les
produits thérapeutiques (ci-après: le règlement cantonal) sont des
mesures
juridiques de portée générale. Le recours est dès lors recevable au
regard de
l'art. 84 al. 1 lettre a OJ.

1.2 L'exigence de l'épuisement des voies de droit cantonales prévue
par
l'art. 86 al. 1 OJ s'applique également aux recours de droit public
formés
contre les arrêtés cantonaux de portée générale (ATF 119 Ia 321
consid. 2a p.
324). Le droit fribourgeois ne prévoyant aucune procédure de contrôle
direct
des normes cantonales de portée générale, le présent recours,
interjeté
directement devant le Tribunal fédéral, est donc recevable.

1.3 D'après l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être déposé
devant le
Tribunal fédéral dans les 30 jours dès la communication, selon le
droit
cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaquée. Dans le cas
particulier, le
règlement cantonal a été promulgué dans la Feuille des avis officiels
du
canton de Fribourg parue le 29 décembre 2000, de sorte que le recours
du 31
janvier 2001 a été interjeté en temps utile, compte tenu de la
suspension des
délais de fin d'année (art. 34 al. 1 lettre c OJ).

1.4 Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée
générale, la
qualité pour recourir, au sens de l'art. 88 OJ, est reconnue à toute
personne
dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement touchés
par
l'acte attaqué ou pourront l'être un jour (ATF 125 I 173 consid. 1b
p. 174,
474 consid. 1 p. 477; 125 II 440 consid. 1c p. 442). En leur qualité
de
droguistes, les treize recourants sont directement touchés dans leur
activité
professionnelle par les dispositions contestées du règlement
cantonal. Ils
ont donc qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ.

Une association peut également agir par la voie du recours de droit
public en
vue de sauvegarder les intérêts de ses membres, même si elle n'est pas
directement touchée par l'acte entrepris. Il faut notamment qu'elle
ait la
personnalité juridique et que la défense des intérêts de ses membres
figure
parmi ses buts statutaires. En outre, la majorité de ses membres, ou
tout au
moins un grand nombre, doivent être personnellement touchés par l'acte
litigieux et donc avoir la qualité pour agir (ATF 125 I 71 consid. 1b
p. 75,
369 consid. 1a p. 371; Walter Kälin, Das Verfahren der
staatsrechtlichen
Beschwerde, 1994, p. 268). Ces conditions étant remplies en l'espèce
(cf.
art. 1 et 4 des statuts du 3 avril 1976), la qualité pour recourir
doit
également être reconnue à l'Association cantonale des droguistes
fribourgeois.

1.5 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, sous
peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a
donc pas à vérifier d'office si l'arrêté attaqué est en tout point
conforme
au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 128 III
76
consid 1d p. 81; 127 I 38 consid. 3c p. 43; 127 III 279 consid. 1c p.
282;
126 III 524 consid. 1c p. 526, 534 consid. 1b p. 536 et les arrêts
cités).

1.6 Saisi d'un recours de droit public dirigé contre un arrêté de
portée
générale, le Tribunal fédéral contrôle librement la conformité de
celui-ci au
droit constitutionnel fédéral ou cantonal (ATF 128 I 46 consid. 5a p.
54; 123
I 313 consid. 2b p. 316; 119 Ia 321 consid. 4 p. 325; 114 Ia 350
consid. 2 p.
354 et les arrêts cités; voir aussi SJ 1998 p. 473 consid. 3b/cc p.
480,
2P.210/1996). Il n'annule toutefois cet arrêté que s'il ne se prête à
aucune
interprétation conforme au droit
constitutionnel. Le juge
constitutionnel
doit ainsi rechercher dans quelles circonstances pratiques les
dispositions
litigieuses seront appliquées et ne pas se borner à traiter le
problème de
manière purement abstraite; il y a lieu de prendre en considération
les
explications fournies par les autorités sur la manière d'appliquer les
dispositions en cause (ATF 125 I 65 consid. 3b p. 67, 369 consid. 2
p. 374;
125 II 440 consid. 1d p. 443; 124 I 11 consid. 1c p. 14, 193 consid.
3c p.
195; 123 I 112 consid. 2a et c p. 116/117, 313 consid. 2b p. 316 et
les
arrêts cités). Si une réglementation de portée générale apparaît comme
défendable au regard de la Constitution dans des situations normales,
telles
que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans
certains cas,
elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe
justifier
une intervention du juge constitutionnel au stade du contrôle
abstrait des
normes; les intéressés gardent la possibilité de faire valoir une
inconstitutionnalité de la réglementation lors de son application
dans un cas
particulier (ATF 120 Ia 299 consid. 2b p. 302; 118 Ia 305 consid. 1f
p. 309
et les arrêts cités).

Lors de l'adoption du règlement cantonal en cause, la loi fédérale
sur les
médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits
thérapeutiques,
LPTh; RS 812.21), entrée en vigueur le 1er janvier 2002, n'était pas
encore
applicable. Or, la constitutionnalité d'un acte cantonal est en
principe
examinée sur la base du droit en vigueur au moment où il a été adopté.
Toutefois, pour le contrôle abstrait d'une norme, le Tribunal fédéral
peut
tenir compte d'une modification ultérieure de la situation juridique
et, en
particulier, prendre en considération des règles de droit de niveau
supérieur
qui sont entrées en vigueur postérieurement (ATF 120 Ia 286 consid.
2c p.
290; 119 Ia 460 consid. 4d p. 473).

2.
2.1Les recourants soutiennent en premier lieu que quatre dispositions
du
règlement cantonal relatives aux spécialités de comptoir violent le
principe
de la primauté du droit fédéral garanti par l'art. 49 al. 1 Cst. Il
en irait
ainsi de l'art. 3 du règlement subordonnant la fabrication des
médicaments à
l'octroi d'une autorisation délivrée par la Direction cantonale de la
santé
publique et des affaires sociales; de l'art. 5 du règlement dans la
mesure où
il soumet à l'autorisation de l'autorité fédérale la distribution et
la vente
des médicaments; de l'art. 8 du règlement prévoyant l'annonce au
pharmacien
cantonal en vue d'autoriser la fabrication et la remise des
spécialités de
comptoir et de l'art. 58 du règlement imposant le dépôt, dans le
délai d'un
an dès l'entrée en vigueur du règlement, d'une nouvelle demande
d'autorisation pour les spécialités de comptoir déjà annoncées au
pharmacien
cantonal en vertu de l'ancien droit.

2.2 Selon l'art. 49 al. 1 Cst., qui a remplacé la règle déduite de
l'art. 2
Disp. trans. aCst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui
est
contraire. Cela signifie que les cantons ne sont pas autorisés à
légiférer
dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral
(ATF 128 I
46 consid. 5a p. 54; 127 I 60 consid. 4a p. 68 et les arrêts cités;
Ulrich
Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Die neue
Bundesverfassung, 2001, no 1185 à 1187, p. 335/336). Dans les autres
domaines, les cantons peuvent édicter des règles de droit qui ne
violent ni
le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la
réalisation (ATF 128 I 46 consid. 5a p. 54; 127 I 60 consid. 4 p. 68;
126 I
76 consid. 1 p. 77; 125 I 474 consid. 2a p. 480; 125 II 56 consid. 2b
p. 58;
125 II 315 consid. 2a p. 316 et les arrêts cités). Les règles
fédérales et
cantonales ne peuvent toutefois coexister qu'en l'absence de conflit
(Andreas
Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel
suisse, vol
I, no 1037 et 1040, p. 367/368).

2.3 L'art. 118 al. 2 lettre a Cst. donne à la Confédération la
compétence de
légiférer sur l'utilisation des denrées alimentaires ainsi que des
agents
thérapeutiques, des stupéfiants, des organismes, des produits
chimiques et
des objets qui peuvent présenter un danger pour la santé. C'est sur
la base
de cette disposition constitutionnelle que les Chambres fédérales ont
adopté
le 15 décembre 2000 la loi sur les produits thérapeutiques, entrée en
vigueur
le 1er janvier 2002. Entre le 17 octobre 2001 et le 9 novembre 2001,
le
Conseil fédéral a édicté les ordonnances suivantes:
Ordonnance du 17 octobre 2001 sur la pharmacopée (RS 812.211)

Ordonnance du 17 octobre 2001 sur les autorisations dans le domaine
des
médicaments (RS 812.212.1)
Ordonnance du 17 octobre 2001 sur les médicaments (RS 812.212.21)
Ordonnance de l'Institut suisse des produits thérapeutiques du 9
novembre
2001 sur les exigences relatives à l'autorisation de mise sur le
marché des
médicaments (RS 812.212.22)
Ordonnance de l'Institut suisse des produits thérapeutiques du 9
novembre
2001 sur l'autorisation simplifiée et l'annonce obligatoire des
médicaments
(RS 812.212.23)
Ordonnance du 17 octobre 2001 sur la publicité pour les médicaments
(RS
812.212.5)
Ordonnance du 17 octobre 2001 sur les dispositifs médicaux (RS 812.
213)
Ordonnance de l'Institut suisse des produits thérapeutiques du 9
novembre
2001 concernant l'édiction de la pharmacopée (RS 812.214.11)
Ordonnance du 17 octobre 2001 sur les essais cliniques de produits
thérapeutiques (RS 812.214.2)
Ordonnance du 9 novembre 2001 sur les émoluments de l'Institut suisse
des
produits thérapeutiques (RS 812.214.5)
Ordonnance du 28 septembre 2001 sur le personnel de l'Institut suisse
des
produits thérapeutiques (RS 812.215.4)
Ordonnance du 28 septembre 2001 sur l'organisation de l'Institut
suisse des
produits thérapeutiques (RS 812.216).

2.4 La loi fédérale sur les produits thérapeutiques définit les
spécialités
de comptoir comme des médicaments préparés notamment par une
droguerie,
d'après une formule propre à l'établissement et qui sont remis aux
clients de
cet établissement (art. 14 al. 1 lettre c LPTh).

Au plan fédéral, les spécialités de comptoir sont régies par l'art. 5
al. 2
lettre a LPTh pour ce qui concerne leur fabrication et par les art. 9
al. 2
lettre c LPTh et 14 al. 1 lettre c LPTh pour ce qui a trait à leur
mise sur
le marché.

2.4.1 L'art. 3 al. 1 du chapitre 2 intitulé "Dispositions concernant
la
fabrication et la distribution" du règlement cantonal subordonne la
fabrication de médicaments à l'autorisation de la Direction de la
santé
publique et des affaires sociales. Selon les recourants, cette
disposition
viole le droit fédéral puisqu'elle ignore le système des autorisations
fédérales et des dérogations mis en place par la loi fédérale sur les
produits thérapeutiques. Selon l'art. 5 al. 1 lettre a LPTh, quiconque
fabrique des médicaments doit posséder une autorisation délivrée par
l'Institut suisse des produits thérapeutiques (ci-après l'Institut).
D'après
l'alinéa 2 lettre a de cette disposition, le Conseil fédéral règle les
dérogations au régime de l'autorisation et peut notamment soumettre à
une
autorisation cantonale ou à l'obligation d'annoncer la fabrication de
médicaments d'après une formule magistrale, une formule officinale ou
une
formule propre à l'établissement, conformément à la Pharmacopée ou à
une
autre pharmacopée ou un formularium reconnus par l'Institut (art. 9
al. 2
lettres a, b et c et 14 al. 1 lettre c LPTh). Faisant usage de cette
compétence, le Conseil fédéral, à l'art. 6 de l'ordonnance du 17
octobre 2001
sur les autorisations dans le domaine des médicaments (OAMéd; RS
812.212.1),
entrée en vigueur le 1er janvier 2002, a prévu que quiconque fabrique
des
médicaments selon une formule magistrale, selon une formule
officinale ou
selon sa propre formule (art. 9, al. 2 lettres a, b et c LPTh) doit
être au
bénéfice d'une autorisation cantonale en lieu et place de
l'autorisation de
l'Institut. En vertu du droit fédéral, la fabrication des spécialités
de
comptoir est donc subordonnée à l'autorisation de l'autorité cantonale
compétente. L'art. 3 al. 1 du règlement cantonal, qui soumet la
fabrication
des médicaments à l'autorisation de la Direction cantonale de la santé
publique et des affaires sociales, est donc conforme au droit
fédéral, les
spécialités de comptoir étant définies comme un type particulier de
médicaments. Il ne viole donc pas l'art. 49 al. 1 Cst. Les recourants
n'invoquent par ailleurs aucun motif d'annulation des alinéas 2 à 4
de cette
disposition, de sorte que leurs conclusions sont irrecevables sur ce
point.

2.4.2 En ce qui concerne la remise des spécialités de comptoir,
l'art. 8 al.
1 du règlement cantonal prévoit que le pharmacien ou le droguiste qui
fabrique lui-même des spécialités doit les annoncer au pharmacien
cantonal
qui autorisera leur fabrication et leur remise. Selon les recourants,
le
règlement cantonal va au-delà des exigences du droit fédéral en
soumettant à
autorisation la remise des spécialités de comptoir préparées en
petites
quantités, et son art. 8 al. 1 violerait ainsi le principe de la
primauté du
droit fédéral. L'Office fédéral de la santé publique partage cet avis.

Il faut noter ici que la réglementation fribourgeoise, contrairement
à la loi
fédérale sur les produits thérapeutiques, ne mentionne pas la mise
sur le
marché (chapitre 2, section 2 LPTh). Elle traite en effet seulement
de la
fabrication, de la distribution (chapitre 2 du règlement cantonal) et
de la
remise (chapitre 3 du règlement cantonal). Ceci dit, la notion de
mise sur le
marché se retrouve intégralement dans celle de distribution et de
remise
puisque, selon l'art. 4 al. 1 lettre d LPTh, la mise sur le marché
inclut la
distribution et la remise de produits thérapeutiques. La
réglementation
fribourgeoise contient donc les mêmes phases de cheminement d'un
médicament
que la loi fédérale.

L'art. 8 al. 1 du chapitre 3 intitulé "Dispositions concernant la
remise" du
règlement fribourgeois soumet donc la remise de spécialités de
comptoir à
autorisation. Au plan fédéral, la mise sur le marché de médicaments
est
réglée à la section 2 du chapitre 2 de la loi sur les produits
thérapeutiques, dont l'art. 9 prévoit ce qui suit:
Art. 9 - Autorisation de mise sur le marché
1 Les médicaments prêts à l'emploi et les médicaments à usage
vétérinaire
destinés à la fabrication d'aliments médicamenteux (prémélanges pour
aliments
médicamenteux) doivent avoir été autorisés par l'institut pour
pouvoir être
mis sur le marché. Les accords internationaux sur la reconnaissance
des
autorisations de mise sur le marché sont réservés.
2 Sont dispensés de l'autorisation:

a. les médicaments qui sont préparés sur ordonnance médicale par une
officine
publique ou une pharmacie d'hôpital ou, sur mandat de celles-ci, par
un autre
établissement titulaire d'une autorisation de fabrication, et qui sont
destinés à une personne ou à un cercle de personnes déterminés ou à
un animal
ou à un cheptel déterminé (formule magistrale);

b. les médicaments qui sont préparés en petites quantités par une
officine
publique, par une pharmacie d'hôpital, par une droguerie ou par un
autre
établissement titulaire d'une autorisation de fabrication,
conformément à une
monographie spéciale de la Pharmacopée ou encore d'une autre
pharmacopée ou
d'un formularium reconnus par l'institut, et qui sont destinés à être
remis
aux clients de l'établissement (formule officinale);

c. les médicaments qui sont préparés en petites quantités par une
officine
publique, par une pharmacie d'hôpital, par une droguerie ou par un
autre
établissement titulaire d'une autorisation de fabrication, d'après une
formule propre à l'établissement, dans les limites du droit de remise
de la
personne responsable de la fabrication (art. 25), et qui sont
destinés à être
remis aux clients de l'établissement; le détenteur de la formule peut
charger
un autre établissement titulaire d'une autorisation de fabrication de
fabriquer les médicaments destinés à ses propres clients;

d. les médicaments qui sont destinés à des essais cliniques;

e. les médicaments qui ne peuvent être standardisés.
Les spécialités de comptoir, mentionnées à la lettre c de l'al. 2 de
l'art. 9
LPTh, sont dispensées de l'autorisation de mise sur le marché
délivrée par
l'Institut, à la condition d'être préparées en petites quantités. La
notion
de "petites quantités", dont la définition incombe au Conseil
fédéral, n'a
pas encore été fixée dans les ordonnances d'exécution de la loi sur
les
produits thérapeutiques publiées à ce jour. Les spécialités de
comptoir qui
ne sont pas préparées en petites quantités sont soumises à une
procédure
simplifiée d'autorisation de mise sur le marché dont la mise en oeuvre
incombe à l'Institut, conformément à l'art. 14 al. 1 lettre c LPTh.
L'art. 8
al. 1 du règlement cantonal, quant à lui, n'opère pas de distinction
entre
les spécialités de comptoir selon la quantité préparée puisqu'il
prévoit
qu'elles doivent toutes être annoncées au pharmacien cantonal qui
autorisera
leur fabrication et remise. La question se pose dès lors de savoir si
le
droit fédéral réglemente de manière exhaustive l'autorisation de mise
sur le
marché de spécialités de comptoir préparées en petites quantités ou
si les
cantons disposent encore d'une compétence résiduelle
en la matière.

L'art. 9 du projet de la loi sur les produits thérapeutiques
prévoyait une
autorisation pour la mise sur le marché des médicaments. Par contre,
les
médicaments préparés par une droguerie d'après une formule propre à
l'établissement et "destinés à être remis directement aux clients de
l'établissement" étaient dispensés de ladite autorisation (art. 9 al.
2
lettre c du projet de la loi sur les produits thérapeutiques). Selon
le
Message du Conseil fédéral du 1er mars 1999 concernant une loi
fédérale sur
les médicaments et les dispositifs médicaux - soit la loi sur les
produits
thérapeutiques - (FF 1999 III 3151 ss, p. 3192), il n'était pas
permis de
stocker ces préparations sans quoi elles ne seraient plus destinées à
être
remises directement aux clients. Elle seraient alors soumises à
l'art. 14 al.
1 lettre c du projet de la loi sur les produits thérapeutiques et, par
conséquent, à une autorisation de mise sur le marché. Il en résulte
que la
dispense d'autorisation ne valait que pour les spécialités de comptoir
fabriquées spécifiquement pour un client et remises directement à
celui-ci.
Ainsi, au stade de la remise, la protection du client était assurée
par
l'exigence de la remise directe et donc de la fabrication sur mesure.
Par la
suite, afin de supprimer une contradiction avec l'art. 14 LPTh,
l'art. 9 LPTh
a été modifié. La commission du Conseil des Etats, lors de la séance
du 27
septembre 2000 de la Chambre des cantons, a en effet proposé
l'introduction
de la notion de "petites quantités" ainsi que la suppression, dans la
formule
"destinés à être remis directement aux clients de l'établissement",
du mot
"directement" à l'art. 9 al. 2 lettres b et c du projet de loi. Cette
modification permettait de distinguer les spécialités de comptoir
soumises à
la procédure simplifiée de l'art. 14 al. 1 lettre c du projet de loi
de
celles qui en étaient libérées. L'art. 9 LPTh contient désormais une
dispense
de l'autorisation fédérale de l'Institut pour les spécialités de
comptoir
préparées en petites quantités et destinées à être remises aux
clients de
l'établissement, même si elles sont préalablement stockées.

A l'occasion de la modification du projet de loi, la question des
compétences
respectives de l'Institut et des autorités cantonales a été
expressément
abordée par le législateur. Il ressort de la discussion qu'un partage
des
compétences entre la Confédération et les cantons était prévu en
fonction des
quantités de spécialités de comptoir préparées et que la modification
du
projet impliquait une telle répartition des compétences. Ponctuant le
débat,
Mme Ruth Dreifuss, Conseillère fédérale, s'est exprimée en ces termes:

"Il est clair que cette délimitation quantitative, que nous fixerons
par
ordonnance, entraîne simultanément la répartition des compétences et
des
responsabilités entre l'institut et les autorités cantonales.

Dans tous les cas où le nombre de médicaments fabriqués est inférieur
à la
limite fixée, le contrôle de leur sécurité relève non seulement de la
compétence mais aussi de la responsabilité exclusive des cantons.
L'institut
n'assumera cette tâche qu'à partir des nombres que je viens de citer
ou,
lorsque l'autorité cantonale lui déléguera cette tâche, en dessous de
cette
limite, par exemple en obligeant une pharmacie d'hôpital à soumettre
une
préparation fabriquée depuis longtemps à l'autorisation de l'institut.
Toutefois, pour des raisons de police sanitaire, cette solution ne se
justifie que si les cantons assument leur mandat et garantissent
effectivement la sécurité des médicaments par leur contrôle.

Nous sommes persuadés que les cantons auront à coeur de le faire et
nous vous
prions donc de confirmer la proposition de votre commission" (Bulletin
officiel du Conseil des Etats 2000 595).

L'art. 9 al. 2 lettres b et c LPTh, ainsi modifié et commenté, a été
accepté
par le Conseil des Etats, et le Conseil national l'a approuvé dans sa
séance
du 30 novembre 2000 (Bulletin officiel du Conseil national 2000
1319). Loin
d'enlever toute compétence aux cantons, le législateur a, au
contraire,
expressément évoqué leur responsabilité pour garantir effectivement la
sécurité des spécialités de comptoir préparées en petites quantités.
Il a
même appelé de ses voeux un contrôle efficace des cantons dès la
phase de
fabrication et jusqu'à l'utilisation finale des spécialités de
comptoir
(Bulletin officiel du Conseil des Etats 2000 593 et ss).

En outre, comme cela a été examiné au considérant précédent, la
fabrication
des spécialités de comptoir est soumise à une autorisation cantonale.
Il en
ressort, d'une part, que le système des autorisations n'est pas
entièrement
de la compétence des autorités fédérales et, d'autre part, qu'une
autorisation cantonale pour la remise est un complément logique à
cette
autorisation de fabrication. Ceci est en outre attesté par le projet
de loi
initial et le système des autorisations qu'il prévoyait. Une
autorisation
cantonale va du reste dans le sens du but de la loi sur les produits
thérapeutiques, tel qu'il est défini à l'art. 1 al. 1 et al. 2 lettre
a et b,
soit contribuer à ce que les produits thérapeutiques soient utilisés
correctement et, d'une manière générale, protéger les consommateurs
contre la
tromperie. Il serait judicieux, à cet égard, de joindre auxdites
spécialités
toutes informations utiles pour le client (contre-indications,
dosage, effets
secondaires, etc.). Ainsi, l'art. 8 al. 1 du règlement cantonal
complète
utilement les dispositions de droit fédéral et ne constitue pas une
violation
de l'art. 49 al. 1 Cst. puisqu'il est susceptible d'une interprétation
conforme au droit fédéral.

2.5 Les recourants critiquent l'art. 5 du règlement cantonal dans la
mesure
où il prévoit l'autorisation de l'autorité fédérale pour la
distribution ou
la vente des spécialités de comptoir. Seule la 2ème phrase de cette
disposition est mise en cause par les recourants et leurs conclusions
en
annulation des phrases 1 et 3 sont irrecevables pour défaut de
motivation
(art. 90 al. 1 lettre b OJ; ATF 128 III 76 consid. 1d p. 81; 127 III
279
consid. 1c p. 282; 126 III 524 consid. 1c p. 526, 534 consid. 1b p.
536).

L'art. 5 figure au chapitre 2 du règlement entrepris, consacré à la
fabrication et à la distribution de médicaments. L'art. 3 du
règlement traite
de la fabrication, l'art. 4 du règlement de la distribution en gros
et l'art.
5 du règlement, qui limite la fourniture de produits thérapeutiques
aux
seules personnes et maisons possédant une autorisation de les
délivrer, vise
l'hypothèse de la distribution au sens de l'art. 2 lettre f du
règlement,
soit le transfert ou la mise à disposition, rémunéré ou non, d'un
produit
thérapeutique, à l'exclusion de la remise. Or, la remise au client
est l'une
des composantes de la définition de la spécialité de comptoir (art.
14 al. 1
lettre c LPTh). Dans la mesure où l'art. 5 du règlement cantonal ne
vise pas
la remise aux clients mais la fourniture d'un médicament à un tiers
en vue de
sa délivrance ultérieure, il ne concerne pas les spécialités de
comptoir. Il
ne viole donc pas les dispositions du droit fédéral consacrées à ces
spécialités. Pour le surplus, les recourants n'invoquent aucun autre
motif
qui pourrait constituer une violation du principe de la primauté du
droit
fédéral.

2.6 Enfin, les recourants font valoir que l'art. 58 du règlement
cantonal
violerait lui aussi l'art. 49 al. 1 Cst. Cet article impose le dépôt,
dans un
délai d'un an dès le 1er janvier 2001, d'une demande d'autorisation de
fabrication et de remise des spécialités de comptoir annoncées en
vertu de
l'ancien droit. Sans le formuler expressément, les recourants laissent
entendre que le délai d'un an de l'art. 58 du règlement cantonal
serait
contraire à l'art. 95 al. 2 LPTh, selon lequel les autorisations
cantonales
de médicaments sont valables pendant sept ans à compter de la date
d'entrée
en vigueur de la loi. Ils perdent cependant de vue que les
spécialités de
comptoir annoncées sous l'empire de la loi cantonale du 6 mai 1943
sur la
police de santé ne faisaient pas l'objet d'une autorisation cantonale
mais de
simples contrôles des délégués à la Direction de la santé publique.
Elles
n'entrent donc pas dans le champ d'application de l'art. 95 al. 2
LPTh. La
disposition transitoire consacrée aux demandes d'autorisation de mise
sur le
marché pour les médicaments non soumis à autorisation, ni par le droit
fédéral ni par le droit cantonal, est celle de l'art. 95 al. 3 LPTh.
Elle
prévoit un délai d'un an dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale,
pour les
médicaments soumis à autorisation selon le droit fédéral. Les demandes
d'autorisation pour les spécialités de comptoir qui ne sont pas
préparées en
petites quantités pourront donc être déposées jusqu'au 31 décembre
2002 et le
délai de l'art. 58 du règlement cantonal ne leur est pas applicable.
En
revanche, les spécialités de comptoir préparées en petites quantités,
libérées de l'exigence d'autorisation fédérale de mise sur le marché
mais
soumises à autorisation cantonale au sens de l'art. 8 al. 1 du
règlement
cantonal, sont visées par l'art. 58 de ce règlement. Il n'y a donc pas
d'incompatibilité entre les dispositions transitoires de droit
cantonal et de
droit fédéral et l'annulation de l'art. 58 du règlement attaqué ne se
justifie pas.

3.
3.1Les recourants font valoir également que les art. 3, 5, 8 al. 1 et
58 du
règlement cantonal, examinés ci-dessus, violent leur liberté
économique. Ils
soutiennent que c'est le cas également de quatre autres dispositions;
les
trois premières (art. 13 al. 2, 33 al. 1 et 61 du règlement cantonal)
ont
trait au remplacement des droguistes devant s'absenter pour une
courte durée,
la quatrième (art. 37 al. 2 du règlement cantonal) fait interdiction
aux
droguistes d'exécuter les ordonnances de médecins, de dentistes ou de
vétérinaires, et cela quel que soit le produit thérapeutique prescrit.

3.2 Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1)
; elle
comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à
une
activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2).
Cette
liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre
professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu
(ATF 128 I
19 consid. 4c/aa p. 29; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996
relatif à une nouvelle Constitution fédérale in: FF 1997 I p. 1 ss,
p. 176).
Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les
personnes morales (FF 1997 I 179; Andreas Auer/Giorgio
Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2000, no 605, p.
315).

L'article 94 Cst. impose à la Confédération et aux cantons de
respecter le
principe de la liberté économique (al. 1). Tous deux veillent à
sauvegarder
les intérêts de l'économie nationale et contribuent, avec le secteur
de
l'économie privée, à la prospérité et à la sécurité économique de la
population (al. 2). Dans les limites de leurs compétences
respectives, ils
veillent à créer un environnement favorable au secteur de l'économie
privée
(al. 3). Enfin, les dérogations au principe de la liberté économique,
en
particulier les mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que
si elles
sont prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits
régaliens
des cantons (al. 4).

Aux termes de l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit
fondamental doit
être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être
prévues
par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont
réservés (al.
1). Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par
un
intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui
(al. 2).
Toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au
but visé
(al. 3). L'essence des droits fondamentaux est inviolable (al. 4).

Les restrictions à la liberté économique peuvent prendre la forme de
prescriptions cantonales instaurant des mesures de police proprement
dites
mais également d'autres mesures d'intérêt général tendant à procurer
du
bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à
accroître ce
bien-être, telles que les mesures de politique sociale ou sanitaire.
Ces
restrictions cantonales doivent reposer sur une base légale, être
justifiées
par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la
proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation
des
buts d'intérêt public poursuivis. Les restrictions cantonales à la
liberté
économique ne peuvent toutefois se fonder sur des motifs de politique
économique et intervenir dans la libre concurrence pour favoriser
certaines
formes d'exploitation en dirigeant l'économie selon un certain plan,
à moins
que cela ne soit prévu par une disposition constitutionnelle spéciale
(ATF
128 I 3 consid. 3a et b p. 9/10; 125 I 209 consid. 10a p. 221 et les
arrêts
cités).

3.3 Les recourants ne contestent pas que les dispositions critiquées
du
règlement cantonal sur les spécialités de comptoir poursuivent un but
d'intérêt public, soit la protection de la santé des consommateurs.
Ils
soutiennent toutefois qu'elles sont disproportionnées, que la
protection des
patients est garantie par le niveau de formation exigé des droguistes
et
qu'elles restreignent à l'excès leur
liberté d'exercer l'une des
facettes de
leur art, à savoir la préparation des spécialités de comptoir. Ils
voient
également dans l'obligation de solliciter une autorisation de
fabrication et
de remise une tracasserie administrative destinée avant tout à
percevoir des
taxes et des émoluments.
Le principe de la proportionnalité implique que le moyen choisi,
propre à
atteindre le but poursuivi, soit celui qui porte l'atteinte la moins
grave
aux intérêts privés, compte tenu du résultat escompté du point de vue
de
l'intérêt public (ATF 127 II 306 consid. 8 p. 317; 125 I 474 consid.
3 p.
482, 209 consid. 10d/aa p. 223; 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les
arrêts
cités).

Avant l'entrée en vigueur du règlement entrepris, les spécialités de
comptoir
ne faisaient pas l'objet d'une d'autorisation mais étaient soumises à
des
contrôles ponctuels des autorités cantonales. L'expérience a montré
que les
médicaments en question n'étaient pas toujours accompagnés des notices
d'emballage nécessaires à une information complète des patients. Les
informations relatives aux indications, aux contre-indications, aux
limites
d'emploi, aux effets secondaires et aux interactions pouvaient faire
défaut.
De par la nature des contrôles instaurés, la protection de la santé du
patient n'était pas uniformément garantie. La nouvelle procédure
d'autorisation prévoit la généralisation du contrôle et établit une
meilleure
égalité de traitement entre droguistes, toutes les spécialités de
comptoir
faisant désormais l'objet d'un contrôle identique. A cet égard, les
mesures
imposées par le règlement cantonal ne sont pas disproportionnées.
Selon le
droit fédéral (art. 5 al. 2 lettre a LPTh, art. 6 OAMéd), la
fabrication des
spécialités de comptoir est soumise à l'autorisation des cantons.
L'autorisation de remise, qui certifiera la compatibilité du
médicament avec
les exigences d'information complète aux patients, pourra être
délivrée
simultanément, de sorte que les démarches administratives pourront
être
simplifiées et n'entraîneront pas la perception de taxes ou
d'émoluments
excessifs.

Il faut relever encore que les dispositions du règlement cantonal
mises en
cause ne privent pas les droguistes de leurs prérogatives en matière
de
préparation des spécialités de comptoir. Ces spécialités sont
simplement
soumises à un contrôle unifié et les refus d'autorisation devraient
être
l'exception, compte tenu du niveau élevé de formation des droguistes.
Les
griefs des recourants tirés d'une violation des art. 27 et 94 Cst.
sont donc
infondés.

3.4 Les art. 13 al. 2, 33 al. 1 et 61 al. 2 du règlement cantonal
prévoient
qu'un droguiste absent de son officine doit se faire remplacer par un
droguiste autorisé à pratiquer et que pendant un délai transitoire de
trois
ans, il peut demander, à titre exceptionnel, à être remplacé, sous sa
responsabilité, par un droguiste titulaire d'un certificat fédéral de
capacité.

Les recourants font valoir que la réglementation antérieure, qui
autorisait
le remplacement d'un droguiste diplômé par un confrère titulaire du
certificat fédéral de capacité, avait donné satisfaction et que
l'exigence de
la présence constante d'un droguiste diplômé était disproportionnée;
elle
entraînerait des difficultés pratiques considérables, compte tenu du
nombre
limité de droguistes diplômés; elle créerait en outre une inégalité de
traitement avec les pharmaciens, sensiblement plus nombreux que les
droguistes.
L'art. 94 al. 1 de la loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la
santé
dispose qu'une personne qui pratique à titre indépendant une
profession de la
santé peut se faire remplacer temporairement, pour cause de formation,
vacances, service militaire, congé de maternité ou pour raison de
santé et
que le remplaçant ou la remplaçante doit avoir l'autorisation de
pratiquer la
même profession. L'autorisation de pratiquer en qualité de droguiste
indépendant est réservée aux seuls droguistes titulaires du diplôme
supérieur, à l'exclusion des droguistes au bénéfice d'un certificat de
capacité (art. 1, 38 et 39 du règlement fribourgeois du 21 novembre
2000
concernant les fournisseurs de soins et la Commission de
surveillance). En
distinguant clairement ces deux catégories de professionnels, en
fonction de
leur niveau de formation, le législateur cantonal a voulu réserver,
dans
l'intérêt bien compris des clients, la responsabilité de
l'exploitation d'une
officine à ceux qui offraient les meilleures garanties au plan de la
qualité
des services. L'exigence réglementaire d'un remplaçant qualifié en cas
d'absence du titulaire s'inscrit dans la logique de ce choix et
constitue une
obligation liée à la position de monopole accordée aux droguistes
diplômés.
Même si elles ne doivent pas être minimisées, les difficultés
pratiques
évoquées par les recourants ne paraissent pas insurmontables. Les
craintes
exprimées par ceux-ci sont inspirées par la nécessité de mettre en
place de
nouvelles mesures d'organisation. A cet égard, la disposition
transitoire de
l'art. 61 al. 2 du règlement attaqué leur permettra de s'adapter
progressivement à la nouvelle réglementation. Les dispositions
critiquées ne
sauraient ainsi constituer une entrave inadmissible à leur liberté
économique.

Enfin, c'est à tort que les recourants invoquent le grief d'inégalité
de
traitement entre concurrents. En effet, selon la jurisprudence (ATF
120 Ia
236 consid. 2b p. 239; 119 Ia 433 consid. 2b p. 436; 89 I 27 consid.
4 p.
35), dans le cas où deux professions différentes ou deux catégories
d'entreprises se trouvent dans une situation de concurrence pour une
partie
de leurs activités seulement - tel que les pharmacies et les
drogueries dont
l'assortiment est partiellement semblable - le principe d'égalité de
traitement des concurrents d'une même branche ne s'applique pas. De
toute
façon, même si les pharmaciens étaient considérés comme des
concurrents des
droguistes, il n'y aurait pas inégalité de traitement puisqu'il faut
constater que les pharmaciens sont soumis aux mêmes exigences que les
droguistes en matière de remplacements; en outre, il n'est pas
certain que
l'organisation de leurs officines, en cas d'absence, présentera des
difficultés moindres du fait de leur plus grand nombre.

3.5 L'art. 37 al. 2 du règlement cantonal fait interdiction aux
droguistes:
"a) d'exécuter des ordonnances de médecins, de dentistes ou de
vétérinaires,
et cela quel que soit le produit thérapeutique prescrit;
b) de préparer, de détenir et de vendre tous les produits dont la
préparation, la détention et la vente sont réservées aux pharmaciens
et
pharmaciennes;
c) d'employer, dans leur enseigne, leur en-tête de lettres, leurs
factures et
réclames, des désignations propres à induire en erreur."
Selon les recourants, la disposition de la lettre b est inutile et
celle de
la lettre c est attentatoire à la dignité de la profession de
droguiste. Les
recourants n'indiquent pas en quoi les interdictions en cause
constitueraient
une violation des art. 27 et 94 Cst. et leur argumentation est
insuffisante
au regard des exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.

Pour ce qui concerne la lettre a de l'art. 37 al. 2 du règlement
cantonal,
les recourants font valoir que l'interdiction d'exécuter des
ordonnances
médicales, même pour des produits thérapeutiques en vente libre ou
autorisés
en droguerie, n'est pas justifiée par la protection des patients et
viole le
principe de l'égalité des concurrents.

Comme on l'a vu ci-dessus, la jurisprudence considère que les
pharmaciens et
les droguistes ne sont pas des concurrents. Le principe de l'égalité
de
traitement entre concurrents ne peut donc pas être invoqué. Par
contre, les
limites imposées à la liberté économique par l'Etat doivent respecter
l'art.
8 Cst., soit le principe d'égalité de traitement (entre
non-concurrents).
Ainsi, en toute circonstance, l'exploitant peut faire valoir qu'il
subit une
atteinte contraire audit principe (Etienne Grisel, Libéralisme et
droit
économique en Suisse, 1995, p. 45). Le principe de l'égalité de
traitement
est étroitement lié à celui de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Il est
violé
lorsqu'une disposition établit des distinctions juridiques qui ne se
justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de
fait à
réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui
s'imposent au
vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est
pas
traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne
l'est pas
de manière différente. Il faut également que le traitement différent
ou
semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante
(ATF 127
I 185 consid. 5 p. 192; 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et les arrêts
cités).

L'art. 37 al. 2 du règlement entrepris exclut l'exécution des
prescriptions
médicales par les droguistes et réserve en conséquence cette
compétence aux
seuls pharmaciens. Une telle restriction figurait déjà à l'art. 4 des
directives du 25 septembre 1988 de l'office intercantonal de contrôle
des
médicaments. Cette disposition concourt à réglementer de manière
précise les
compétences des droguistes et des pharmaciens. Lors des débats
parlementaires, le législateur fédéral s'est lui aussi montré
soucieux de
bien délimiter les champs d'activité respectifs des droguistes et des
pharmaciens et d'éviter la confusion des rôles entre ces deux
professions
(Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale 2000 IV 1322). Dès
l'instant où un
médicament fait l'objet d'une prescription médicale, il n'est pas
arbitraire
d'exiger que le suivi du patient, au plan de l'utilisation adéquate
des
médicaments, soit assuré par un pharmacien, soit par un professionnel
de la
santé (art. 2 lettre h OAMéd). Les droguistes ne sont pas rangés dans
cette
catégorie professionnelle et ne sont pas soumis aux exigences
réglementaires
imposées aux pharmaciens.

En outre, l'Association suisse des droguistes a expressément admis,
dans un
document du 27 mars 1997 signé conjointement avec la Société suisse
des
pharmaciens, que le pharmacien est le spécialiste de l'accompagnement
des
patients qui suivent un traitement médical et que l'exécution des
ordonnances
médicales relève exclusivement de sa compétence. L'association
faîtière des
droguistes s'est même obligée à s'engager activement pour que ce
principe
soit respecté et mis en pratique dans les cantons et sections.
L'exclusivité
de la compétence des pharmaciens pour exécuter les ordonnances
médicales est
donc reconnue dans les milieux professionnels respectifs. Elle vise à
garantir un traitement optimum pour le patient qui a consulté un
médecin ou
un dentiste. A ce titre, l'art. 37 al. 2 lettre a du règlement
cantonal ne
viole pas le principe de l'égalité de traitement; les distinctions
qu'il
opère entre droguistes et pharmaciens, au demeurant reconnues par les
représentants de ces professions, sont fondées sur l'intérêt
prépondérant de
la protection de la santé des patients. Au vu de ce qui précède, les
griefs
articulés par les recourants à l'encontre de cette disposition
réglementaire
ne peuvent pas être retenus.

4.
Mal fondé, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires
(art. 156
al. 1, 153 et 153a OJ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de fr. 5'000.- est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants
et au
Conseil d'Etat du canton de Fribourg ainsi qu'à l'Office fédéral de
la santé
publique.

Lausanne, le 30 août 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.38/2001
Date de la décision : 30/08/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-30;2p.38.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award