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30/08/2002 | SUISSE | N°2A.172/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 août 2002, 2A.172/2002


{T 0/2}
2A.172/2002/svc

Arrêt du 30 août 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart et Yersin,
greffière Dupraz.

A. ________, recourant, représenté par Me Alain Droz, avocat,
avenue Krieg 7, 1208 Genève,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

art. 7 LSEE: refus d'approuver la prolongation d'une autorisation de
séjour
et renvoi de Suisse

(recours de droit administratif contre la décision du Département

©déral de
justice et police du 26 février 2002)

Faits:

A.
Ressortissant de la République démocratique du Congo né e...

{T 0/2}
2A.172/2002/svc

Arrêt du 30 août 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart et Yersin,
greffière Dupraz.

A. ________, recourant, représenté par Me Alain Droz, avocat,
avenue Krieg 7, 1208 Genève,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

art. 7 LSEE: refus d'approuver la prolongation d'une autorisation de
séjour
et renvoi de Suisse

(recours de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 26 février 2002)

Faits:

A.
Ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1967,
A.________
est entré en Suisse le 1er décembre 1989. Il y a déposé, sous une
fausse
identité, une demande d'asile qui a été rejetée, un délai de départ
étant
fixé au 15 août 1992, puis prolongé jusqu'au 31 août 1992. Sous la
même
identité, l'intéressé a déposé, le 26 avril 1994, une nouvelle demande
d'asile en Suisse qui a été rejetée le 4 août 1995, un délai de
départ étant
fixé au 31 octobre 1995. Cette décision a été confirmée sur recours,
un délai
échéant le 15 juin 1996 étant imparti à A.________ pour quitter la
Suisse. Le
5 novembre 1996, l'intéressé a demandé l'asile à la France. Le 6
décembre
1996, A.________ a épousé en France B.________, ressortissante suisse
née en
1959. Il s'est par conséquent vu accorder une autorisation de séjour à
l'année en Suisse, qui a été prolongée jusqu'au 13 avril 1999. Le 19
juin
1998, B.________ a adressé une demande de divorce au Tribunal de
première
instance du canton de Genève (ci-après: le Tribunal de première
instance).

Par décision du 4 août 1999, l'Office cantonal de la population du
canton de
Genève (ci-après: l'Office cantonal) a refusé de renouveler
l'autorisation de
séjour de A.________ et fixé à l'intéressé un délai de départ échéant
le 28
octobre 1999. Il a considéré que l'existence d'un mariage fictif
n'était pas
établie, mais que l'intéressé se prévalait abusivement de l'art. 7
al. 1 de
la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des
étrangers (LSEE; RS 142.20).

B.
Par jugement du 9 décembre 1999, le Tribunal de première instance a
prononcé
le divorce des époux A.________ en application de l'ancien art. 142
al. 1 CC.
Ce jugement a été cassé le 21 juin 2000, la cause étant renvoyée au
Tribunal
de première instance pour nouvelle décision selon le droit en vigueur
depuis
le 1er janvier 2000.

C.
Par décision du 3 octobre 2000, la Commission cantonale de recours de
police
des étrangers du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale
de
recours) a admis le recours formé par A.________ contre la décision de
l'Office cantonal du 4 août 1999, annulé cette décision et renvoyé la
cause à
l'Office cantonal pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

D.
Par jugement du 8 février 2001, le Tribunal de première instance a
débouté
B.________ des fins de sa demande de divorce.

E.
Le 22 mars 2001, l'Office fédéral des étrangers (ci-après: l'Office
fédéral)
a décidé de refuser son approbation au renouvellement de
l'autorisation de
séjour de A.________ et de renvoyer ce dernier de Suisse, un délai de
départ
étant fixé au 1er mai 2001. Il a retenu en particulier que l'intéressé
voulait maintenir une union conjugale qui avait échoué dans le seul
but
d'obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour, ce qui
constituait
un abus de droit.

F.
Le 26 février 2002, le Département fédéral de justice et police
(ci-après: le
Département fédéral) a rejeté le recours de A.________ a contre la
décision
de l'Office fédéral du 22 mars 2001 et ordonné à l'intéressé de
quitter la
Suisse dans le délai que lui communiquerait l'Office fédéral. Le
Département
fédéral n'a pas tranché la question de savoir si le mariage des époux
A.________ était fictif, tout en relevant qu'il existait un faisceau
d'indices permettant de le penser. En revanche, il a estimé que
l'intéressé
commettait un abus de droit manifeste en se prévalant de l'art. 7 al.
1 LSEE
pour obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour. Il a
également
exclu que A.________ puisse obtenir une autorisation d'établissement à
l'échéance du délai fixé à l'art. 7 al. 1 2e phrase LSEE, l'abus de
droit
ayant existé avant l'écoulement de ce délai. Au demeurant, la
poursuite du
séjour en Suisse de l'intéressé n'était pas justifiée au regard des
art. 4 et
16 LSEE.

G.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________
demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler la décision du
Département
fédéral du 26 février 2002, de dire qu'il remplit les conditions pour
prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour annuelle et
de
confirmer la décision de la Commission cantonale de recours du 3
octobre
2000. Il se plaint de violation du droit fédéral, notamment de l'art.
7 LSEE,
ainsi que de constatation inexacte ou incomplète de faits pertinents.
Subsidiairement, il allègue la violation de l'art. 8 CEDH. Il prétend
qu'aucun abus de droit ne peut lui être reproché, la désunion de son
couple
résultant uniquement de l'adultère commis par sa femme.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours, dans la mesure où
il est
recevable.

H.
Le 12 août 2002, l'Office cantonal a produit son dossier.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers
contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne
confère
pas un droit. D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes
statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi
d'une
autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est
irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière
du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance
d'une
telle autorisation (ATF 127 II 60 consid. 1a p. 62/63). Par ailleurs,
la voie
du recours de droit administratif est ouverte contre la décision de
refus
d'approbation des autorités administratives fédérales lorsqu'elle
l'aurait
été contre une décision cantonale refusant l'autorisation de séjour.

D'après l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse a
droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour.
Selon la
jurisprudence, pour juger de la recevabilité du recours de droit
administratif, seule est déterminante la question de savoir si un
mariage au
sens formel existe (ATF 124 II 289 consid. 2b p. 291). Le recourant
est marié
avec une Suissesse, de sorte que le recours est recevable au regard
de l'art.
100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, dans la mesure où la décision attaquée a
été
prise en application de l'art. 7 LSEE.

En revanche, en tant que la décision entreprise se fonde uniquement
sur les
art. 4 et 16 LSEE, elle n'est pas susceptible de recours au Tribunal
fédéral.

1.2 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites
par la
loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art.
97 ss OJ.

2.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision
qui
n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le
cas
échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105
al. 1
OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit
fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des
citoyens
(ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388) - en
examinant
notamment s'il y a eu excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art.
104
lettre a OJ) -, sans être lié par les motifs invoqués par les parties
(art.
114 al. 1 in fine OJ). En revanche, il ne peut pas revoir
l'opportunité de la
décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen
dans ce
domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise
n'émane
pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe
ses
jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de
droit
existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a
p. 365;
122 II 1 consid. 1b p. 4).

3.
3.1Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse
a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour;
après un
séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à
l'autorisation
d'établissement; ce droit s'éteint lorsqu'il existe un motif
d'expulsion.
Quant à l'art. 7 al. 2 LSEE, il prévoit que le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la prolongation de
l'autorisation de séjour lorsque le mariage a été contracté dans le
but
d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers et
notamment celles sur la limitation du nombre des étrangers. D'après la
jurisprudence, le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE peut être
constitutif
d'un abus de droit en l'absence même d'un mariage contracté dans le
but
d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers, au
sens de l'art. 7 al. 2 LSEE, (ATF 127 II 49 consid. 5a p. 56; 121 II
97
consid. 4a p. 103).

3.2 Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution juridique
est
utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts que cette
institution juridique ne veut pas protéger (ATF 121 II 97 consid. 4
p. 103).
L'existence d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans
chaque cas
particulier et avec retenue, seul l'abus de droit manifeste pouvant
être pris
en considération (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).

L'existence d'un abus de droit découlant du fait de se prévaloir de
l'art. 7
al. 1 LSEE ne peut en particulier être simplement déduit de ce que
les époux
ne vivent plus ensemble, puisque le législateur a volontairement
renoncé à
faire dépendre le droit à une autorisation de séjour de la vie
commune (cf.
ATF 118 Ib 145 consid. 3 p. 149 ss). Pour admettre l'existence d'un
abus de
droit, il ne suffit pas non plus qu'une procédure de divorce soit
entamée; le
droit à l'octroi ou à la prolongation d'une autorisation de séjour
subsiste
en effet tant que le divorce n'a pas été prononcé, car les droits du
conjoint
étranger ne doivent pas être compromis dans le cadre d'une telle
procédure.
Enfin, on ne saurait uniquement reprocher à des époux de vivre
séparés et de
ne pas envisager le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque
le
conjoint étranger invoque un mariage n'existant plus que formellement
dans le
seul but d'obtenir une autorisation de séjour, car ce but n'est pas
protégé
par l'art. 7 al. 1 LSEE (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103/104). Pour
admettre
l'abus de droit, il convient de se fonder sur des éléments concrets
indiquant
que les époux ne veulent pas ou ne veulent plus mener une véritable
vie
conjugale et que le mariage n'est maintenu que pour des motifs de
police des
étrangers. L'intention réelle des époux ne pourra généralement pas
être
établie par une preuve directe mais seulement grâce à des indices -
démarche
semblable à celle qui est utilisée pour démontrer l'existence d'un
mariage
fictif - (cf. ATF 127 II 49 consid. 5a p. 57).

4.
4.1Les époux A.________ se sont mariés en France le 6 décembre 1996,
mais ils
n'ont fait ménage commun qu'à partir du 14 avril 1997, date à
laquelle le
recourant a été autorisé à entrer en Suisse. Depuis le mois de
septembre
(voire d'août) 1998, ils vivent séparés. Ainsi, leur vie commune a
duré
environ seize mois et demi au maximum et, pendant cette période,
l'intéressé
a effectué plusieurs voyages de deux ou trois mois dans son pays sans
sa
femme, ce qui réduit encore la durée effective de leur vie commune.
Le 19
juin 1998, B.________ a adressé une demande de divorce au Tribunal de
première instance. Par jugement du 9 décembre 1999, le divorce a été
prononcé
en application de l'ancien droit. Cependant, ce jugement a été cassé
et la
cause a été renvoyée à l'autorité inférieure pour nouvelle décision
selon le
droit en vigueur depuis le 1er janvier 2000. C'est ainsi que le
Tribunal de
première instance a débouté B.________ des fins de sa demande, le 8
février
2001. Le recourant, qui s'est toujours opposé au divorce, ne prétend
pas
avoir maintenu des contacts avec sa femme; il ne soutient pas non
plus qu'il
existerait des perspectives de réconciliation et de reprise de la vie
commune. Il fait valoir en revanche que sa femme a accouché, le 28
décembre
2001, d'un fils prénommé C.________ et que cet enfant a adressé, le 18
février 2002, une demande en désaveu de paternité au Tribunal de
première
instance. Il ressort de cette demande que le père de C.________ serait
D.________, qui entretiendrait une relation intime avec B.________
depuis le
début de l'année 2000 au moins. Le recourant affirme en effet que
cette
relation remonterait à 1997, ce qui prouverait que la désunion de son
couple
serait imputable à sa femme. En l'espèce,
il importe peu de savoir à
qui
incombe la désunion; ce qui compte, c'est que le mariage des époux
A.________
n'existe plus que formellement. Et cela est confirmé par la naissance
de
l'enfant C.________ dont le recourant admet qu'il n'est pas le père
biologique. En se prévalant d'une union conjugale strictement
formelle pour
obtenir la prolongation de son autorisation de séjour, le recourant a
commis
un abus de droit.

Le degré d'intégration économique du recourant en Suisse et
l'utilisation de
ses revenus en faveur de ses frères et soeur en République
démocratique du
Congo ainsi que de sa fille en Belgique ne sauraient modifier cette
situation.

4.2 Cet abus de droit existant avant l'écoulement du délai de cinq
ans prévu
à l'art. 7 al. 1 2e phrase LSEE, l'intéressé ne saurait prétendre à
l'octroi
d'une autorisation d'établissement.

4.3Au demeurant, le recourant ne peut pas invoquer l'art. 8 CEDH pour
obtenir
la prolongation de son autorisation de séjour. En effet, pour pouvoir
se
réclamer de cette disposition, il faudrait qu'il entretienne une
relation
étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de
résider durablement en Suisse (ATF 124 II 361 consid. 1b p. 364). Or
tel
n'est pas le cas. En particulier, le fait qu'il entretient des
relations
suivies avec sa fille domiciliée en Belgique ne saurait justifier
qu'il
obtienne une autorisation de séjour ou d'établissement en Suisse.

4.4 Au regard de ce qui vient d'être dit, l'autorité intimée a eu
raison de
rejeter le recours de l'intéressé contre la décision de l'Office
fédéral du
22 mars 2001. En particulier, elle n'a pas violé le droit fédéral ni
constaté
les faits pertinents de manière inexacte ou incomplète.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il
est
recevable.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Département fédéral de justice et police et à l'Office cantonal de la
population du canton de Genève.

Lausanne, le 30 août 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.172/2002
Date de la décision : 30/08/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-30;2a.172.2002 ?
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