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02/08/2002 | SUISSE | N°2A.121/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 août 2002, 2A.121/2002


{T 0/2}
2A.121/2002/viz

Arrêt du 2 août 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Yersin,
greffier Langone.

A. ________, recourant,
représenté par Me Jacques Python, avocat,
rue Massot 9, 1206 Genève,

contre

Commission fédérale des banques,
Schwanengasse 12, case postale, 3001 Berne.

Retransmission par la COB aux autorités pénales françaises des
informations
obtenues de la Commission fédérale des banques par le biais de

l'entraide
administrative

(recours de droit administratif contre la décision de la
Commission fédérale des banques des...

{T 0/2}
2A.121/2002/viz

Arrêt du 2 août 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Yersin,
greffier Langone.

A. ________, recourant,
représenté par Me Jacques Python, avocat,
rue Massot 9, 1206 Genève,

contre

Commission fédérale des banques,
Schwanengasse 12, case postale, 3001 Berne.

Retransmission par la COB aux autorités pénales françaises des
informations
obtenues de la Commission fédérale des banques par le biais de
l'entraide
administrative

(recours de droit administratif contre la décision de la
Commission fédérale des banques des 30/31 janvier 2002)

Faits:

A.
Le 12 novembre 1996, la société X.________ a déposé un projet d'offre
publique d'échange des titres de la société Y.________. La Commission
française des opérations de bourse (ci-après: la COB) a alors ouvert
une
enquête pour s'assurer que les transactions réalisées auparavant
n'avaient
pas été effectuées dans des conditions contraires aux dispositions
légales et
réglementaires françaises relatives, notamment, à l'usage d'une
information
privilégiée. Son attention avait en effet été attirée par une
augmentation du
cours de l'action Y.________ (de 110,60 francs français [ci-après:
FF] à
116,90 FF) survenue le 8 novembre 1996 ainsi que par le cours atteint
par
cette action (136 FF) lors de la reprise des cotations suivant
l'annonce de
l'offre publique précitée. Elle avait également constaté que, dès le 4
novembre 1996, 6'000 lots d'options Y.________ avaient été échangés
quotidiennement alors que la moyenne habituelle était de l'ordre de
1'000 à
2'000 lots. Au fil de ses investigations, la COB a notamment
découvert que,
le 4 novembre 1996, la banque Z.________, à Lausanne, avait acquis
1'000
options Y.________ échéant au mois de décembre par l'intermédiaire
d'une
société de bourse.

B.
Le 11 mai 1999, la COB a requis l'assistance de la Commission
fédérale des
banques (ci-après: la Commission fédérale) afin d'obtenir des
informations
sur l'identité du ou des clients pour le compte du ou desquels ce
dernier
achat avait été effectué ainsi que sur l'identité de la personne
ayant donné
l'ordre d'y procéder; elle souhaitait également connaître les raisons
de
cette acquisition et, le cas échéant, la date et le prix de cession
des
titres. Elle s'engageait à ce que l'information reçue soit traitée
de
manière confidentielle et précisait que si les renseignements fournis
révélaient des faits susceptibles d'une qualification pénale, elle
pourrait
être tenue de les transmettre au Procureur de la République. Le 26
mai 1999,
la Commission fédérale a demandé à la banque Z.________ de lui
communiquer
les informations requises par la COB ainsi que les documents
d'ouverture de
compte, les relevés de transactions et tout document ou explication
donnant
une indication quant aux motifs de l'opération en cause. Le 17 juin
1999,
cette banque lui a remis les informations et documents souhaités
indiquant
que A.________, domicilié en France, avait donné l'ordre d'achat des
options
et était titulaire du compte (auprès de la succursale de Genève)
grâce auquel
cette acquisition avait été réalisée. Ces titres avaient en outre été
revendus les 20 et 22 novembre 1996 pour un montant total de l'ordre
de
1'503'000 FF. Le bénéfice de l'opération s'élevait à environ
1'356'000 FF.

A. ________ s'est opposé à la demande d'entraide de la COB. Il a
soutenu en
substance qu'il avait acquis les options Y.________ à la suite
d'articles de
presse qui, dès la fin du mois de septembre 1996, avaient fait état
d'un
rapprochement des sociétés X.________ et Y.________. L'achat réalisé
ne
représentait en outre pas une opération exceptionnelle, ni par son
montant,
ni par sa nature. Par ailleurs, dans la mesure où ses avoirs déposés
auprès
de la banque Z.________ n'avaient pas été déclarés au fisc français,
l'octroi
de l'entraide requise lui ferait perdre à l'avenir toute chance
d'obtenir
l'agrément de la COB pour occuper une fonction de commissaire aux
comptes
auprès de sociétés françaises cotées en bourse.

C.
Par décision du 26 août 1999, la Commission fédérale a notamment
décidé
d'accorder l'entraide administrative à la COB et de lui transmettre
les
informations communiquées par la banque Z.________ (chiffre 1 du
dispositif).
Elle a également autorisé la COB à retransmettre ces éléments, le cas
échéant, aux autorités pénales compétentes (chiffre 3 du dispositif).

Par arrêt du 24 février 2000 (2A.498/1999), le Tribunal fédéral a
partiellement admis le recours de A.________ et annulé cette dernière
décision en tant qu'elle autorisait l'autorité requérante, en l'état
du
dossier, à communiquer des informations aux autorités pénales
françaises. Il
a notamment estimé que l'Office fédéral de la police n'avait pas
valablement
consenti à cette retransmission en se contentant d'apposer sa
signature au
bas d'une lettre de la Commission fédérale dont le contenu était des
plus
sommaire. Pour le surplus, l'entraide administrative a été accordée
sous
certaines conditions.

D.
Par courrier du 17 avril 2000, la Commission fédérale a expliqué de
manière
détaillée à l'Office fédéral de la police les raisons pour lesquelles
elle
était d'avis que la COB devait être autorisée à retransmettre des
informations aux autorités pénales de son pays. Le 8 mai 2000, cet
Office a
donné son accord motivé à une telle retransmission.

E.
Le 31 mai 2000, la Commission fédérale a autorisé l'autorité
requérante à
communiquer aux autorités pénales françaises les informations
figurant au
chiffre 1 du dispositif de sa précédente décision du 26 août 1999,
tout en
lui rappelant qu'elle était tenue d'indiquer à ces autorités que
l'utilisation de ces informations était limitée à la poursuite du
délit
d'usage d'une information privilégiée (chiffre 1 du dispositif). Elle
précisait en outre que tous les obstacles empêchant la transmission
desdites
informations à l'autorité requérante étaient ainsi levés (chiffre 2 du
dispositif).
Par arrêt du 10 mai 2001 (2A.317/2000), le Tribunal fédéral a
partiellement
admis le recours de A.________ et annulé le chiffre 1 du dispositif
de la
décision du 31 mai 2000. Il a retenu en bref que - hormis la variation
inhabituelle du cours des titres en cause et l'augmentation
importante des
transactions sur les options dudit titre - il n'existait pas
d'éléments
supplémentaires insolites permettant de penser que l'intéressé ait pu
avoir
accès à une information privilégiée.

F.
Le 17 mai 2001, la Commission fédérale a transmis à la COB les
informations
figurant au chiffre 1 du dispositif de sa décision du 26 août 1999
dans le
cadre de l'entraide administrative.

Le 30 juillet 2001, la COB a adressé à la Commission fédérale une
demande
d'entraide complémentaire, en sollicitant formellement l'autorisation
de
transmettre les informations qu'elle avait reçues aux autorités
pénales. A
titre d'éléments nouveaux, elle faisait état des liens professionnels
étroits
qui unissaient A.________ à B.________, lequel était soupçonné
d'avoir commis
des opérations d'initié à l'occasion du rapprochement des sociétés
Y.________
et X.________, en précisant que les résultats de son enquête
effectuée sur
les activités de marché de B.________ avaient déjà été transmis au
Parquet de
Paris. A.________ était de fait le conseil et en certaines occasions
le
mandataire de B.________. A la lettre du 30 juillet 2001 était joint
un
procès-verbal d'audition de A.________ signé le 8 octobre 1998, dans
lequel
celui-ci affirmait devant la COB n'être jamais intervenu, à titre
personnel,
sur le titre Y.________ entre le 30 octobre et le 8 novembre 1996. La
COB en
concluait que la volonté de dissimulation de l'intéressé incitait à
penser
qu'il était susceptible d'avoir réalisé l'opération incriminée en
possession
d'une information privilégiée au même titre que B.________ et que les
autorités judiciaires devaient en prendre connaissance.

Le 20 septembre 2001, A.________ s'est opposé à ladite
retransmission. Tout
en soulignant que ces nouveaux éléments ne sauraient fonder un soupçon
suffisant de commission d'une infraction pénale, il faisait valoir
que les
(fausses) déclarations faites le 8 octobre 1998 devant les enquêteurs
de la
COB ne devaient pas lui porter préjudice, car il ne pouvait pas avouer
détenir un compte bancaire non déclaré au fisc français, eu égard à sa
qualité de commissaire aux comptes et aux conséquences fiscales qu'il
aurait
eu à supporter. En outre, il invoquait la prescription absolue de
l'éventuel
délit d'initié, qui aurait été acquise, selon lui, le 6 novembre
1999. Enfin,
il arguait du fait que la COB ne diligentait plus aucune enquête dans
l'affaire concernant B.________ et qu'il incombait dès lors aux
autorités
pénales, et non à la COB, de rassembler les informations nécessaires.

G.
Par décision des 30/31 janvier 2002, la Commission fédérale des
banques a,
sans avoir à nouveau requis l'accord de l'Office fédéral de la justice
(anciennement Office fédéral de la police), autorisé la transmission
par la
COB aux autorités pénales françaises compétentes des informations
figurant
sous chiffre 1 du dispositif de la décision rendue le 26 août 1999,
la COB
étant tenue de rappeler aux autorités pénales que l'utilisation de ces
informations était limitée à la poursuite du délit d'usage d'une
information
privilégiée (chiffre 1 du dispositif).

H.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision, soit de refuser la
retransmission
à l'autorité pénale étrangère des informations transmises par la
Commission
fédérale à la COB dans la présente affaire.
La Commission fédérale conclut au rejet du recours.

I.
Par ordonnance du 18 avril 2002, le Président de la IIe Cour de droit
public
a admis la requête d'effet suspensif présentée par le recourant.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée peut faire l'objet d'un recours de droit
administratif
au sens des art. 97 ss OJ (cf. art. 39 de la loi fédérale du 24 mars
1995 sur
les bourses et le commerce des valeurs mobilières [LBVM; RS 954.1];
ATF 125
II 65 consid. 1 p. 69, 79 consid. 2 p. 80).

2.
Le 17 mai 2001, la Commission fédérale a transmis à la COB les
informations
requises dans le cadre de la demande d'entraide administrative. Le
présent
litige est dès lors limité à la question de savoir si l'autorité
requérante
est fondée ou non à retransmettre les informations qu'elle a reçues
aux
autorités pénales françaises, compte tenu des nouveaux éléments
contenus dans
sa demande complémentaire du 30 juillet 2001.

3.
Aux termes de l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM, les informations reçues
par
l'autorité étrangère de surveillance des bourses et du commerce des
valeurs
mobilières ne peuvent être transmises à des autorités compétentes et
à des
organismes ayant des fonctions de surveillance dictées par l'intérêt
public
qu'avec l'assentiment préalable de l'autorité de surveillance suisse
ou en
vertu d'une autorisation générale contenue dans un traité
international.
Lorsque l'entraide judiciaire en matière pénale est exclue, aucune
information ne peut être transmise à des autorités pénales;
l'autorité de
surveillance décide en accord avec l'Office fédéral de la police
(depuis le
1er juillet 2000, c'est l'Office fédéral de la justice qui est
l'Office en
charge de l'entraide judiciaire en matière pénale, cf. art. 7 al. 6a
de
l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département
fédéral de
justice et police [Org DFJP; RS 172.213.1]).

4.
4.1Le 8 mai 2000, l'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office
fédéral)
avait donné à la Commission fédérale son accord motivé à l'éventuelle
retransmission des informations à remettre dans le cadre de l'entraide
administrative aux autorités pénales françaises pour ce qui est de la
poursuite du délit d'usage d'une information privilégiée. Dans son
arrêt du
10 mai 2001 (consid. 6d), le Tribunal fédéral a admis que la
Commission
fédérale avait recueilli le consentement de l'Office fédéral
conformément aux
exigences posées par la jurisprudence (ATF 125 II 450 consid. 4b; 126
II 86
consid. 7d/bb p. 94-95 et les références citées). Cet arrêt étant
entré en
force (art. 38 OJ), il n'y a pas lieu de revenir sur ce point qu'il a
définitivement tranché. Ainsi, le recourant ne peut pas demander
l'annulation
de la décision attaquée pour le seul motif que la Commission fédérale
n'aurait pas requis l'accord de l'Office fédéral conformément à la
jurisprudence précitée.

Au demeurant, le seul fait que le Tribunal fédéral ait jugé le 10 mai
2001
qu'en l'état du dossier, il n'existait pas suffisamment d'indices
permettant
de soupçonner concrètement et de manière vraisemblable l'utilisation
d'une
information privilégiée par l'intéressé, ne signifie pas que l'avis
donné le
8 mai 2000 par l'Office fédéral soit devenu caduc ou ait perdu toute
pertinence. Il n'y a que la décision du 31 mai 2000 de la Commission
fédérale
qui a été partiellement annulée par l'arrêt du 10 mai 2001; l'accord
du 8 mai
2000 de l'Office fédéral n'a pas été formellement remis en cause par
le
Tribunal fédéral. Il n'incombe du reste pas à l'Office fédéral - mais
à la
Commission
fédérale - de décider si la retransmission des
informations aux
autorités pénales étrangères peut ou non être autorisée. Il
appartient en
particulier à la Commission fédérale de déterminer s'il existe ou non
un
soupçon concret d'une infraction pénale justifiant une telle
retransmission.
Cela découle d'ailleurs expressément de la loi (cf. art. 38 al. 2
lettre c in
fine LBVM). Le rôle de l'Office fédéral se limite à indiquer si
toutes les
conditions matérielles de l'entraide judiciaire en matière pénale sont
remplies, y compris l'exigence de la double incrimination, et que, par
conséquent, les règles de l'entraide judiciaire en matière pénale ne
sont pas
éludées par le biais de l'entraide administrative (cf. ATF 125 II 450
consid.
4b p. 460 et 126 II 86 consid. 7d/bb p. 94 s.). Autrement dit,
l'accord donné
par l'Office fédéral en application de l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM
ne peut
pas faire l'objet d'une décision séparée susceptible de recours.
L'intéressé
a cependant la possibilité de faire valoir ses griefs à l'encontre de
cet
accord devant la Commission fédérale qui doit en examiner le
bien-fondé avant
de statuer. C'est ensuite dans le cadre du recours de droit
administratif
formé devant le Tribunal fédéral que l'intéressé peut, comme ici,
faire
valoir notamment que la Commission fédérale a violé le principe de la
spécialité au sens du droit en matière d'entraide judiciaire pénale
ou que la
requête de l'autorité requérante constituait une recherche
indéterminée de
moyens de preuve ("fishing expedition") prohibée dans le cadre d'une
telle
entraide. A noter que l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM ne précise pas à
quel
moment le consentement de l'Office fédéral de la justice doit être
demandé ni
quelle est la durée de validité d'un tel accord une fois qu'il a été
donné.

4.2 Ceci dit, il se pose la question de savoir si, en l'espèce, avant
de
rendre la décision attaquée des 30/31 janvier 2002, la Commission
fédérale
n'aurait cependant pas dû requérir un avis complémentaire de l'Office
fédéral, afin qu'il ait la possibilité de se déterminer sur les
nouveaux
éléments tels qu'exposés dans la requête complémentaire de la COB du
30
juillet 2001, étant rappelé que l'accord de l'Office fédéral remonte
au 8 mai
2000.

Il va de soi que lorsque les circonstances de fait ou de droit
subissent une
modification sensible depuis que l'Office fédéral a donné son accord,
la
Commission fédérale doit nécessairement demander un nouvel avis audit
office
avant d'autoriser formellement l'autorité requérante à retransmettre
des
informations aux autorités pénales étrangères. Tel serait notamment
le cas si
l'autorité requérante aggravait ou modifiait après-coup la
qualification
pénale de l'infraction dont l'intéressé était initialement soupçonné.
Pareille hypothèse n'est toutefois pas réalisée en l'espèce. Le 17
avril
2000, la Commission fédérale avait en effet expliqué de manière
détaillée à
l'Office fédéral les raisons pour lesquelles elle estimait que la COB
devait
être autorisée à retransmettre des informations aux autorités pénales
de son
pays pour la poursuite du délit d'initié. Le 8 mai 2000, cet Office
avait
donné son accord motivé à une telle retransmission sur la base des
seules
informations dont il disposait à l'époque, estimant que toutes les
conditions
de l'entraide judiciaire en matière pénale, y compris l'exigence de la
double-incrimination, étaient réunies. Si, le 30 juillet 2001, la COB
a
complété sa demande d'entraide, elle n'a cependant en aucune manière
modifié
ou aggravé la qualification juridique de l'infraction pour laquelle
l'entraide avait été requise. Dès lors, comme l'Office fédéral a
retenu sur
la base des seuls faits connus le 8 mai 2000 que toutes les
conditions de
l'entraide judiciaire en matière pénale étaient réalisées, il
l'aurait, à
plus forte raison, admis sur le vu des nouveaux éléments exposés par
la COB.
Ceux-ci ne font en effet que confirmer, voire renforcer, les soupçons
de
délit d'initié qui pèsent sur le recourant. Compte tenu de l'ensemble
de ces
circonstances, on peut admettre que, dans le cas particulier, la
Commission
fédérale pouvait se dispenser de requérir formellement un nouvel
accord de
l'Office fédéral.

Quoi qu'il en soit, quand l'autorité requérante présente des éléments
nouveaux décisifs après que l'Office fédéral a donné son accord, la
Commission fédérale serait bien inspirée de solliciter formellement un
nouveau consentement de cet Office avant de statuer, surtout lorsque,
comme
en l'espèce, il s'est écoulé un laps de temps relativement important
depuis
le premier accord donné par l'Office et que le recourant a entre-temps
soulevé l'exception de prescription (indépendamment du fait qu'une
telle
exception ne fait en principe pas obstacle à l'entraide [cf. consid. 6
ci-dessous]).

5.
5.1Si, lors du dépôt de sa demande d'entraide administrative, les
investigations de l'autorité requérante sont déjà suffisamment
avancées et
font apparaître la nécessité d'une éventuelle retransmission
d'informations
aux autorités pénales étrangères compétentes, la Commission fédérale
peut
directement y consentir dans sa décision accordant l'entraide
administrative.
Elle peut aussi, comme en l'espèce, donner un tel acquiescement dans
le cadre
d'une décision ultérieure après avoir obtenu, le cas échéant, des
compléments
d'informations. Ce consentement est toutefois soumis à des exigences
plus
élevées que celles nécessaires à l'octroi de l'entraide
administrative. Des
variations significatives du volume des titres échangés et de leur
cours peu
avant une annonce de rachat de société ne sont en particulier pas
suffisantes. L'autorité intimée doit disposer d'éléments
supplémentaires
insolites lui permettant de soupçonner concrètement et avec un
minimum de
vraisemblance l'existence d'un comportement tombant sous le coup du
droit
pénal. Il ne faut cependant pas poser d'exigences trop sévères quant à
l'exposé des faits figurant dans la demande, notamment parce qu'il
n'est pas
encore possible de savoir avec certitude si, compte tenu de ses
investigations ultérieures, l'autorité requérante transmettra ou non
- malgré
l'autorisation de la Commission fédérale - ses informations aux
autorités
pénales étrangères compétentes (cf. sur toutes ces questions ATF 127
II 142
consid. 7b p. 149, 323 consid. 7b p. 334 s. et les arrêts cités).

5.2
5.2.1Dans son arrêt du 10 mai 2001, le Tribunal fédéral a retenu, sur
la base
des informations dont il disposait à l'époque, que les achats
litigieux
d'options Y.________ avaient été effectués peu de jours avant
l'annonce
publique du projet de reprise de cette société par X.________, dans
une
période marquée par une importante augmentation des transactions sur
lesdites
options ainsi que par un mouvement inhabituel du cours de l'action
Y.________. Il était établi que, durant la période sensible, le
recourant
avait acquis par le truchement d'un compte bancaire en Suisse 1'000
options
Y.________ qu'il avait revendues après l'annonce du rapprochement
entre les
société Y.________ et X.________, réalisant au passage un bénéfice
considérable. L'intéressé exerçait en France des mandats de
commissaire aux
comptes au sein de plusieurs sociétés cotées en bourse et ne réalisait
habituellement pas d'investissements hautement spéculatifs, tels des
achats
d'options. Tout en admettant que ces éléments pouvaient susciter
certaines
questions sur le comportement de l'intéressé en rapport avec la
transaction
examinée, le Tribunal fédéral a considéré qu'ils demeuraient
insuffisants
pour faire naître un soupçon concret et vraisemblable de délit
d'initié. En
effet, s'il ne paraissait pas exclu qu'en raison de ses activités, le
recourant ait pu avoir accès à des informations "privilégiées"
concernant la
reprise de la société Y.________ par X.________, aucun élément du
dossier ne
permettait, en l'état du dossier, de tenir cette hypothèse pour
suffisamment
vraisemblable. Aucun lien entre ces deux sociétés et celles au sein
desquelles il exerçait ses mandats de commissaire aux comptes n'avait
en
particulier été établi. En l'état du dossier, la Commission fédérale
ne
disposait dès lors pas d'informations suffisantes lui permettant
d'autoriser
l'autorité requérante à retransmettre aux autorités pénales françaises
compétentes les informations qui lui étaient fournies.

5.2.2 Entre-temps, dans sa requête complémentaire du 30 juillet 2001,
la COB
a révélé les liens professionnels étroits qui unissaient A.________ à
B.________, lequel était également soupçonné d'avoir commis des
opérations
d'initié à l'occasion du rapprochement des sociétés Y.________ et
X.________.
Ce dernier avait déjà été dénoncé par la COB aux autorités pénales
pour de
tels agissements. Le recourant ne conteste pas qu'il est à la fois le
conseil
et le mandataire de B.________. Dès lors, il ne paraît pas
invraisemblable
que le recourant ait pu avoir accès, en raison de ses liens avec ce
dernier,
à des informations "privilégiées" concernant la reprise de la société
Y.________ par X.________. En outre, il ressort du dossier que le
recourant a
- faussement - déclaré le 8 octobre 1998 aux inspecteurs de la COB
qu'il
n'était jamais intervenu personnellement sur le titre Y.________
entre le 30
octobre et le 8 novembre 1996. Le recourant explique certes qu'il a
menti à
la COB de peur des conséquences notamment sur le plan fiscal. Peu
importe
toutefois les raisons qui l'ont poussé à faire de telles déclarations
mensongères. Le fait est qu'un tel comportement - au demeurant
difficilement
excusable - constitue un autre élément supplémentaire insolite
permettant
désormais de soupçonner concrètement et avec un minimum de
vraisemblance
l'utilisation d'une information privilégiée par le recourant en
rapport avec
les transactions litigieuses. C'est en vain que le recourant affirme
qu'il
n'a bénéficié d'aucune information privilégiée et s'est uniquement
fondé sur
des des articles parus dans la presse financière spécialisée. De
telles
allégations ne sont en effet pas déterminantes dans ce contexte (cf.
arrêt du
Tribunal fédéral 2A.150/2000 du 21 août 2000, consid. 9c/cc).
En résumé, quoiqu'en dise le recourant, il existe suffisamment
d'indices
concrets d'usage d'une information privilégiée par l'intéressé
permettant de
faire droit à la requête de la COB tendant à la retransmission des
informations reçues aux autorités pénales.

6.
Le recourant soutient que, s'agissant du délit d'initié passible de
l'emprisonnement, l'action pénale serait prescrite en droit français
depuis
le 7 novembre 1999.
La Confédération suisse et la République française sont toutes deux
parties à
la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du
20 avril
1959 (CEEJ; RS 0.351.1). Les dispositions de ce traité l'emportent
sur le
droit autonome qui régit la matière, soit la loi fédérale du 20 mars
1981 sur
l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1). Ce
dernier
texte reste toutefois applicable aux questions qui ne sont pas
réglées,
explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel (ATF 117
Ib 53
consid. 1a p. 55/56; SJ 1992 p. 397, 1A.215//1991, consid. 3). La
Convention
européenne ne contient pas de disposition excluant l'octroi de
l'entraide en
raison de la prescription de l'action ou de la peine. Il s'agit là
d'un
silence qualifié et non point d'une lacune à combler par voie
d'interprétation (ATF 117 Ib 53 consid. 3 p. 61). La Convention
l'emportant
sur le droit interne, l'application de l'EIMP ne saurait conduire à
des
résultats qui contrediraient la lettre et l'esprit du droit
conventionnel
(cf. ATF 112 Ib 576 consid. 2 p. 584; 108 Ib 525 consid. 2a p. 530).
Il n'y a
donc pas lieu d'examiner la question de la prescription lorsque,
comme en
l'espèce, l'Etat requérant demande à la Suisse l'exécution d'une
mesure
prévue par le Titre II de la CEEJ. Le grief tiré de la prescription,
traité
du point de vue de l'exigence de la double incrimination, ne peut
être admis
et ne saurait donc constituer un obstacle à la retransmission des
informations aux autorités pénales (cf. aussi Robert Zimmermann, La
coopération judiciaire internationale en matière pénale, Berne 1999,
n. 436).

7.
7.1Selon le recourant, la demande d'entraide administrative et son
complément
ne feraient état d'aucun soupçon suffisant à sa charge. En fait, les
renseignements le concernant ne seraient destinés qu'à alimenter
l'enquête
pénale dirigée contre B.________. Le recourant laisse entendre par là
que la
demande d'entraide équivaudrait à une recherche indéterminée de
preuves
("fishing expedition").

7.2 L'entraide judiciaire en matière pénale ne peut être accordée que
dans la
mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les
autorités
pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les
renseignements
demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale
instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à
l'appréciation des
autorités de cet Etat. L'Etat requis ne disposant généralement pas
des moyens
lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration
de
preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il
ne
saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle du
magistrat
chargé de l'instruction. La coopération internationale ne peut être
refusée

que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction
poursuivie et
manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la
demande
apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de
preuve
(ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243;
120 Ib
251 consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche
aussi
l'autorité requise d'aller au-delà des requêtes qui lui sont
adressées et
d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241
consid.
3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68 et
les
arrêts cités). Il incombe à la personne visée de démontrer, de
manière claire
et précise, en quoi les documents et informations à transmettre
excéderaient
le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la
procédure
étrangère (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371/372).

7.3 En l'occurrence, on ne voit pas en quoi les informations que la
COB se
propose de transmettre aux autorités pénales françaises compétentes
excéderaient le cadre de la demande d'entraide ou ne présenteraient
aucun
intérêt pour l'éventuelle ouverture d'une procédure pénale à
l'encontre du
recourant. Au contraire, les renseignements incriminés sont de nature
à
permettre aux autorités pénales compétentes de décider en toute
connaissance
de cause s'il y a matière ou non à ouvrir une enquête pénale à
l'encontre du
recourant, enquête qui devra le cas échéant se limiter, selon le
principe de
la spécialité, à la poursuite du délit pour usage d'informations
privilégiées. Dans ces conditions, l'on ne saurait affirmer que la
demande
d'entraide équivaut à une recherche indéterminée de preuves devant
servir à
alimenter l'enquête pénale sur un tiers, soit B.________. Point n'est
donc
besoin d'examiner plus avant l'argument du recourant selon lequel la
COB
n'instruit plus aucune enquête contre B.________ en rapport avec les
transactions effectuées avant l'annonce du rapprochement des sociétés
X.________ et Y.________ et que seules les autorités pénales
françaises
seraient habilitées à demander des renseignements pour ce qui
concerne ce
dernier aux autorités suisses par le biais d'une procédure d'entraide
judiciaire en matière pénale. En outre, il convient de rappeler que
l'objet
de la présente procédure concerne le recourant et non pas B.________.

7.4 Le recourant se plaint expressément d'un "détournement de
procédure",
reprochant à l'autorité requérante de tenter d'obtenir par la voie de
l'entraide administrative des informations et des documents le
concernant
personnellement pour alimenter la procédure pénale actuellement
pendante
contre B.________. Or, comme on vient de le voir, il n'existe aucun
indice
permettant de penser que les informations que la COB se propose de
transmettre aux autorités pénales françaises ne serviront pas, au
premier
chef, à l'enquête pénale qui pourrait éventuellement être ouverte
contre le
recourant. Le fait que les renseignements en cause soient aussi
susceptibles
de faire progresser d'autres enquêtes pénales en rapport avec les
transactions effectuées avant l'annonce de l'offre publique d'échange
des
titres de la société Y.________ par X.________ ne fait pas obstacle à
l'octroi de l'entraide. D'ailleurs, les enquêtes pénales progressent
souvent
par recoupement.

7.5 Le recourant invoque le principe de la spécialité. Il laisse
entendre que
les autorités pénales de l'Etat requérant pourraient être amenées à
communiquer aux autorités fiscales les renseignement fournis dans le
cadre de
l'entraide, en violation du principe de la spécialité.
Selon l'art. 67 al. 1 EIMP et la réserve faite par la Suisse à l'art.
2 let.
b CEEJ, les renseignements transmis ne peuvent, dans l'Etat
requérant, ni
être utilisés aux fins d'investigation, ni être produits comme moyens
de
preuve dans une procédure pénale visant une infraction pour laquelle
l'entraide est exclue, soit notamment pour la répression d'infractions
politiques, militaires ou fiscales (art. 3 EIMP et 2 let. a CEEJ; ATF
126 II
316 consid. 2b p. 319; 125 II 258 consid. 7a/aa p. 260/261; 124 II 184
consid. 4b p. 187, et les arrêts cités). Il va de soi que les Etats
liés par
la CEEJ se conforment à leurs engagements internationaux, tels le
respect de
la règle de la spécialité, sans qu'il soit nécessaire de le leur faire
préciser dans une déclaration expresse (ATF 115 Ib 373 consid. 8 p.
377; 107
Ib 263 consid. 4b p. 272, et les arrêts cités). L'Etat requérant est
réputé
observer fidèlement et scrupuleusement les obligations que le traité
met à sa
charge (ATF 118 Ib 547 consid. 6b p. 561; 110 Ib 392 consid. 5b p.
394/395;
107 Ib 264 consid. 4b p. 272; 104 Ia 49 consid. 5b p. 56-60); même une
violation passée du traité sur ce point ne saurait renverser cette
présomption. Il faut que, dans chaque cas concret, des circonstances
particulières justifient un tel renversement de présomption (ATF 110
Ib 392
consid. 5c p. 395; 109 Ib 317 consid. 14b p. 333).

En l'occurrence, il n'existe pas d'indices sérieux et caractérisés qui
fassent craindre que les autorités pénales françaises ne respecteront
pas le
principe de la spécialité. Dans la décision attaquée, la Commission
fédérale
a d'ailleurs expressément indiqué que la COB était tenue de rappeler
aux
autorités pénales que l'utilisation des informations était limitée à
la
poursuite du délit d'usage d'une information privilégiée (chiffre 1
in fine
du dispositif). Toutes les précautions ont ainsi été prises pour
prévenir le
danger que redoute le recourant. Celui-ci laisse entendre qu'un tel
risque
résiderait déjà dans le fait que les renseignements seront retransmis
aux
autorités pénales françaises par l'intermédiaire de la COB et non pas
transmis directement par les autorités suisses compétentes pour
accorder
l'entraide judiciaire en matière pénale. Le recourant perd toutefois
de vue
qu'un tel système est prévu par le législateur fédéral lui¿même.
Selon l'art.
38 al. 2 lettre c LBVM, la Commission fédérale peut, à la demande
d'une
autorité étrangère de surveillance des bourses et du commerce,
autoriser
cette dernière à retransmettre des informations aux autorités pénales
étrangères, sans exiger systématiquement le dépôt d'une demande
expresse
d'entraide pénale internationale (cf. ATF 125 II 460 consid. 4b). A
cela
s'ajoute que lorsque les informations ont été déjà transmises à
l'autorité
étrangère de surveillance des bourses et du commerce dans le cadre de
l'entraide administrative, les autorités pénales étrangères ne
doivent pas
encore requérir l'entraide judiciaire en matière pénale des autorités
suisses
compétentes pour obtenir lesdites informations; la retransmission aux
autorités pénales étrangères peut donc être autorisée par la
Commission
fédérale lorsqu'il est établi, comme en l'espèce, que les conditions
matérielles de l'entraide judiciaire en matière pénale sont réunies
et que
les règles relatives à l'entraide judiciaire n'ont pas été éludées
par le
biais de l'entraide administrative (cf. ATF 126 II 409 consid. 6b/aa
et 6b/bb
p. 417 s.). Enfin, le recourant fait état de dysfonctionnements et de
"scandales" au sein de la COB, laquelle a défrayé la chronique ces
derniers
temps. On ne voit pas très bien ce que le recourant entend déduire de
ces
circonstances dans le cadre de l'examen du respect du principe de la
spécialité par les autorités pénales. En tout cas, il n'est pas
établi que
ces "scandales" auraient un quelconque rapport avec la présente
affaire. Quoi
qu'il en soit, le recourant n'a pas démontré qu'il existe un risque
un tant
soit peu tangible que le principe de la spécialité ne soit pas
respecté par
les autorités pénales françaises.

8.
En fin de compte, c'est à bon droit que la Commission fédérale a
autorisé la
COB à retransmettre les informations et documents qu'elle avait reçus
aux
autorités pénales compétentes.

9.
Vu ce qui précède, le présent recours, mal fondé, doit être rejeté et
la
déci- sion entreprise confirmée. Succombant, le recourant doit
supporter
les frais judiciaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et à la
Commission fédérale des banques.

Lausanne, le 2 août 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.121/2002
Date de la décision : 02/08/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-02;2a.121.2002 ?
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