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30/07/2002 | SUISSE | N°4C.130/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juillet 2002, 4C.130/2002


{T 0/2}
4C.130/2002 /ech

Arrêt du 30 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Nyffeler, Favre, Hohl,
greffier Ramelet.

G. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Edmond Perruchoud, avocat,
Avenue
du Général-Guisan 19, Case postale 700, 3960 Sierre,

contre

S.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Jocelyn Ostertag, avocat,
Avenue des
Alpes 6, Case postale 236, 3960 Sierre.

contrat d'entreprise

(recours en réforme contre le jugement de la Ire Cour civile du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du 27 février 2002)

...

{T 0/2}
4C.130/2002 /ech

Arrêt du 30 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Nyffeler, Favre, Hohl,
greffier Ramelet.

G. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Edmond Perruchoud, avocat,
Avenue
du Général-Guisan 19, Case postale 700, 3960 Sierre,

contre

S.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Jocelyn Ostertag, avocat,
Avenue des
Alpes 6, Case postale 236, 3960 Sierre.

contrat d'entreprise

(recours en réforme contre le jugement de la Ire Cour civile du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du 27 février 2002)

Faits:

A.
Par contrat du 13 octobre 1987 intégrant la norme SIA N° 118
S.________ a
confié à G.________ les travaux d'électricité de "trois chalets
contigus avec
discothèque et un chalet individuel" à A.________ (complexe
Z.________), pour
une valeur approximative de 180 000 fr. Sous le titre "art. 7
Arrangements
spéciaux", le contrat prévoyait ce qui suit :
"L'ensemble de ces travaux sera payé exclusivement par les
contre-prestations
suivantes sans intérêt jusqu'au 31 décembre 1992 dans l'ordre de
priorité :

Mandat d'ing. civil complet pour l'ensemble des constructions
G.________ et &
(sic), prévues à l'entrée de C.________l aux conditions suivantes : B
sur b.a
terrassements, charpentes et structures porteuses avec coéff. de
difficulté
n=0.53. Prestations q=0.1.Pourcentage p selon B,n et SIA en cours.
Frais non
compris selon SIA en cours.

Autres mandats d'ingénieurs civils.

Travaux d'isolation de bâtiments intérieure ou extérieure par
l'entreprise
X.________ SA à N.________".
En 1988, des tensions ont surgi entre les parties, essentiellement à
propos
de la campagne aux élections communales valaisannes.

Les travaux d'électricité ont duré de 1987 jusqu'au début 1994. Suite
à
diverses procédures et à une transaction judiciaire du 19 mai 1999,
les
prestations de G.________ ont été fixées à 220 000 fr., alors que
l'expert
judiciaire a estimé à 78 784 fr. les prestations d'ingénieur
effectuées par
S.________ en faveur de l'entrepreneur précité. En effet, G.________
n'avait
pas confié à S.________ le mandat d'ingénieur civil complet de la
promotion
"D.________" à C.________l, mais seulement à concurrence de ce dernier
montant. Par la suite, en raison de la dégradation des affaires dans
le
bâtiment, G.________ a déclaré qu'il ne lui avait pas été possible de
confier
d'autres mandats d'ingénieur civil à S.________, comme le prévoyait
l'art. 7
al. 3 du contrat du 13 octobre 1987. Quant aux prestations, à titre de
paiement, que devait exécuter X.________ SA, S.________ a indiqué à
G.________ qu'il continuait de commercialiser le procédé d'isolation
extérieure X.________, indépendamment de la mise en liquidation de
cette
société, le 4 décembre 1992.

Le 24 janvier 1994, les deux intéressés ont eu un entretien
téléphonique dont
S.________ a confirmé le lendemain le contenu par fax à G.________, en
insistant sur le paiement de la créance de ce dernier par "la
compensation
intégrale par des contre-prestations" et en l'invitant à "proposer,
le plus
rapidement possible d'autres contre-prestations contractuelles", dans
le
désir de "régler à l'amiable ce problème, mais selon nos engagements
contractuels".

A réception de cette télécopie, G.________ a demandé à S.________ de
lui
faire une offre pour la livraison de différents systèmes d'isolation
des
bâtiments; cette invitation est demeurée sans suite.

B.
Le 22 juin 1995, G.________ a ouvert action contre S.________ devant
le
Tribunal cantonal valaisan. En dernier lieu, le demandeur a conclu au
paiement en capital de 141 216 fr. (ch. 1) et à l'inscription
définitive
d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour le même
montant
(ch. 2). Le défendeur a conclu au rejet des deux actions.

Par jugement du 27 février 2002, la Ire Cour civile du Tribunal
cantonal a
rejeté l'action en paiement, mais ordonné l'inscription à titre
définitif de
l'hypothèque légale pour 141 216 fr., devant grever en faveur du
demandeur la
parcelle N° ..., MC sur la commune de A.________, propriété du
défendeur. En
substance, la juridiction cantonale a retenu que les parties avaient
convenu
que le demandeur serait payé par les travaux d'ingénieur civil qu'il
s'engageait à confier au défendeur, les prestations de celui-ci devant
éteindre par compensation celles de celui-là. Une fois les travaux
d'électricité accomplis, G.________ devenait créancier d'une
prestation en
nature dont il devait rendre l'exécution possible en confiant des
mandats à
S.________. Or, le demandeur n'a satisfait que partiellement à cette
obligation. G.________ n'a pas prouvé que les conditions de
l'impossibilité
subséquente au sens de l'art. 119 CO étaient réalisées. En effet, le
renoncement à bâtir d'autres immeubles lui était imputable; en outre,
malgré
la liquidation de l'entreprise X.________ SA, le défendeur pouvait
encore
fournir des prestations sous forme de travaux d'isolation selon le
procédé
utilisé par cette ancienne entreprise. Le demandeur ne disposait en
conséquence pas d'une créance en espèces exigible contre le
défendeur, de
sorte que son action en paiement devait être rejetée. Par contre,
l'autorité
cantonale a ordonné l'inscription définitive de l'hypothèque légale à
concurrence de 141 216 fr., les conditions des art. 837 ch. 3 et 839
CC étant
réalisées, malgré l'inexigibilité de la créance garantie.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté par arrêt
de ce
jour, le demandeur exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral.
Requérant l'annulation du jugement attaqué, il requiert la
condamnation du
défendeur à lui payer 141 216 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er
juillet 1993
et l'inscription définitive de l'hypothèque légale pour cette somme,
également avec intérêt à 5% dès cette date.

L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie demanderesse dont les conclusions
condamnatoires
ont été en grande partie rejetées, et dirigé contre un jugement final
rendu
en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al.
1 OJ)
sur une contestation civile, le recours en réforme est en principe
recevable
puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ et 34 al. 1
let. a OJ)
dans les formes requises (art. 55 OJ).

Bien que le demandeur exerce deux prétentions se montant chacune à
141 216
fr., qui impliquent normalement l'addition des chefs de conclusions
(art. 47
al. 1 OJ), il convient d'admettre que les droits contestés dans la
dernière
instance cantonale atteignaient en valeur 141 216 fr. car,
économiquement,
une seule prestation est en jeu (ATF 55 II 39 consid. 1;
Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zivilprozessordnung für den
Kanton
Bern, 5e éd., n. 1f ad art. 139, p. 356). Le recours est également
recevable
au regard de l'art. 46 OJ.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de
fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut
être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a;
125 III
78 consid. 3a).
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des
parties,
lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b
in fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni
par ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la
qualification juridique des faits constatés (art. 63 al. 3 OJ; ATF
127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.
Le recourant critique l'interprétation qu'a donnée la cour cantonale
de
l'art. 7 de l'accord du 13 octobre 1987. D'après lui, les parties
auraient
passé ce jour-là deux contrats, soit un contrat d'entreprise pour les
prestations incombant au demandeur, et un contrat d'ingénieur
complet, soumis
aux règles du mandat (art. 394 ss CO), pour les prestations à charge
du
défendeur.

Le demandeur souligne qu'en vertu de l'art. 404 CO, la résiliation
dudit
contrat d'ingénieur pouvait intervenir en tout temps. Le recourant
fait ainsi
valoir qu'il a résilié le contrat d'ingénieur en cause et qu'il n'a
pas lésé
l'intimé dès l'instant où les prestations au titre du contrat
d'entreprise
avec fourniture de matériaux et main-d'oeuvre ont été accomplies par
le
demandeur, ce dont profite le défendeur depuis de nombreuses années.
La seule
chose qui change pour ce dernier est qu'il doit désormais s'acquitter
de sa
dette en espèces, et non plus en nature. A en croire le recourant, le
fait
que le rapport de confiance entre les parties ait presque disparu
militerait
pour la solution juridique qu'il préconise. Pour n'avoir pas raisonné
de la
sorte, l'autorité cantonale aurait enfreint le droit fédéral.

2.1 En présence d'un litige qui porte sur l'interprétation d'une
clause
contractuelle, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la
commune
et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou
dénominations inexactes dont elles ont pu se servir soit par erreur,
soit
pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO;
ATF 127
III 444 consid. 1b).

S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait qui ne peut
être remise
en cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 consid. 3c, 375
consid.
2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa).

Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de
conclure
relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (ATF
118 II 58
consid. 3a; 113 II 25 consid. 1a).

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle
est
divergente, c'est une question de droit - que le Tribunal fédéral
peut revoir
librement en instance de réforme - que de rechercher, selon le
principe de la
confiance, le sens que chacune des parties pouvait et devait
raisonnablement
prêter aux déclarations de volonté de l'autre, en tenant compte des
termes
utilisés ainsi que du contexte et de l'ensemble des circonstances dans
lesquelles elles ont été émises (ATF 127 III 248 consid. 3a, 444
consid. 1b;
126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa).
Même si une déclaration paraît claire à première vue, il peut résulter
d'autres circonstances que son destinataire devait lui donner un sens
différent de celui découlant d'une interprétation littérale (ATF 127
III 444
ibidem). Il n'en demeure pas moins, lorsqu'aucune circonstance
particulière
pertinente n'est établie, qu'il faut supposer que le destinataire
d'une
déclaration la comprend selon le sens ordinaire des mots.

Il doit être rappelé que le principe de la confiance permet d'imputer
à une
partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement,
même si
celui-ci ne correspond pas à son volonté intime (ATF 127 III 279
consid.
2c/ee p. 287 et les références doctrinales).

2.2 En l'occurrence, il résulte du jugement déféré (consid. 8b/bb, p.
10/11)
que la cour cantonale a déterminé la volonté réelle et commune des
plaideurs.
Elle a ainsi retenu que l'ouvrage exécuté par le recourant,
consistant en des
travaux d'électricité, devait être exclusivement payé par le maître
(soit le
défendeur) par des prestations d'ingénieur et par des travaux
d'isolation
effectués par X.________ SA à fournir à l'entrepreneur (soit le
demandeur),
ce dernier devenant ainsi simplement créancier de "prestations en
nature".
Ces constatations lient le Tribunal fédéral en instance de réforme
(art. 63
al. 2 OJ).

Il sied maintenant de qualifier juridiquement ce que les parties ont
voulu.

La doctrine admet qu'il y a un contrat mixte lorsque la rétribution
qui est
due à l'entrepreneur en contrepartie de l'exécution de l'ouvrage doit
être
fournie par le maître sous la forme de l'obligation principale
typique d'un
autre contrat (cf. Peter Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation
française
par Benoît Carron, n. 111 p. 34 et n. 326 p. 103; Alfred Koller,
Commentaire
bernois, n. 84 ad art. 363 CO).

Alfred Koller, op. cit.,
n. 149 ad art. 363 CO, parle en particulier
de
contrat d'entreprise avec clause de paiement par contre-prestations
(Werkvertrag mit anderstypischer Gegenleistung), lorsque l'obligation
principale du maître n'est pas de payer une rémunération à
l'entrepreneur.
Cet auteur, op. cit., n. 84 ad art. 363 CO, admet l'existence d'un tel
contrat même si la valeur de la prestation du maître est exprimée en
numéraire, car l'argent joue alors le rôle d'une simple grandeur de
calcul de
la prestation en cause, mais ne constitue pas le contenu
obligationnel.

2.3 Dans un contrat mixte où l'entrepreneur n'est créancier à
l'endroit du
maître que d'une "prestation en nature" tendant à l'obtention de
travaux
d'ingénieur et de travaux d'isolation, le droit subjectif du
créancier ne se
transforme en une créance pécuniaire que si la prestation promise par
le
maître n'est pas exécutée ou est mal exécutée. Tel pourrait être le
cas si le
défendeur s'était trouvé en demeure et si le demandeur avait renoncé à
l'exécution de la prestation de celui-là (art. 97 ss CO, spéc. 107
al. 2 CO).
Aucune de ces circonstances ne résulte du jugement déféré. Au
contraire, il a
été retenu que l'intimé n'a fourni qu'une partie des prestations
promises,
parce que le demandeur ne lui a pas attribué le mandat d'ingénieur
civil
complet de la promotion "D.________" et que l'entrepreneur ne lui a
pas
fourni d'autres mandats d'ingénieurs. Le défendeur ne saurait être
responsable de cet état de fait.

Sous cet angle, l'art. 404 CO n'est d'aucun secours au demandeur.
Certes, on
peut parfaitement admettre que le recourant disposait du droit de
résilier en
tout temps l'élément du contrat mixte ayant trait aux services que
promettait
de lui rendre le défendeur à titre de contre-prestations aux travaux
d'électricité effectués sur l'immeuble de celui-ci. Mais ce pouvoir de
résiliation n'a pas pour effet de transformer la créance en
prestations en
nature dont est titulaire le demandeur en une créance pécuniaire. Il
en irait
toutefois différemment si c'était l'obligé, c'est-à-dire le
défendeur, qui,
exerçant son droit de résiliation, se refusait à rendre les
prestations de
services susrappelées. Cette question ne se pose cependant pas dans
le cas
présent.

En résumé, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
considérant,
sur la base de la convention du 13 octobre 1987 qui prévoyait
exclusivement
le paiement de l'entrepreneur sous la forme de la fourniture de
prestations
d'ingénieur par son cocontractant, que le recourant ne disposait
d'aucune
créance en argent contre l'intimé.

3.
Concernant l'interprétation de l'art. 7 al. 4 de l'accord litigieux,
le
recourant relève que si la formulation littérale était retenue, soit
l'exécution de travaux d'isolation des bâtiments, cette prestation
était
devenue impossible en raison de la mise en liquidation de X.________
SA le 4
décembre 1992, précédant sa radiation du registre du commerce en mars
1995.
Mais par contre, s'il fallait entendre par "travaux d'isolation" une
activité
de services et de conseils relevant d'un contrat de mandat, alors le
recourant avait-il le droit de résilier en tout temps cette relation
contractuelle en application de l'art. 404 CO.

La question de la qualification exacte des rapports entre les parties
tels
qu'ils étaient envisagés par l'art. 7 al. 4 du contrat du 13 octobre
1987
n'est pas décisive, dans la mesure où, d'après l'état de fait
souverainement
établi par le Tribunal cantonal, le recourant ne s'est adressé à
X.________
SA que le 26 janvier 1994, soit plus d'un an après sa mise en
liquidation,
survenue le 4 décembre 1992. Dans ces conditions, le recourant ne
peut pas
invoquer un cas d'impossibilité subséquente non fautive de sa part,
au sens
de l'art. 119 CO, puisqu'il n'a pas mis - ou voulu - mettre en oeuvre
X.________ SA avant qu'elle ne devienne inapte à lui fournir les
prestations
susceptibles de réduire la dette de son administrateur envers lui
(art. 739
al. 2 et 743 al. 1 CO).

4.
4.1 Le recourant soutient encore que la compensation par échange de
prestations d'entrepreneur et d'ingénieur envisagée par l'art. 7 du
contrat
n'empêchait pas l'exigibilité de sa créance et le cours des intérêts.

4.2 En l'occurrence, l'art. 7 de la convention prévoyait que
l'entrepreneur
serait payé par des contre-prestations du maître, "sans intérêt
jusqu'au 31
décembre 1992". En réalité, en dérogation à la règle de l'art. 75 CO,
déterminant le caractère immédiatement exigible des obligations
contractuelles ou délictuelles, les parties ont conventionnellement
stipulé
un terme indéterminé, mais résultant de la nature de l'affaire. Dans
ce sens,
pour obtenir le paiement par le maître de la prestation
caractéristique du
contrat d'entreprise qu'il a effectuée de manière satisfaisante,
l'entrepreneur devait accomplir les actes préparatoires qui lui
incombaient,
pour que son débiteur soit en mesure de le payer par l'exécution des
contre-prestations fixées dans leur accord. Vu le mode de paiement
spécial
adopté, l'entrepreneur se trouvait ainsi en demeure, au sens de
l'art. 91 CO,
et il doit supporter le risque découlant de cette situation de la même
manière que s'il avait refusé la prestation (en l'espèce, la
contre-prestation) de son débiteur (ATF 119 II 437 consid. 2b p. 440
et les
références).
Dans le cas présent, à l'opposé de la situation ordinaire où il
appartient au
maître de l'ouvrage de remplir son devoir de collaboration et
d'accomplir les
actes préparatoires lui incombant (Gauch, op. cit., n. 1325, p. 384;
PierreTercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 3760 p. 460), c'est à
l'entrepreneur, soit au demandeur, qu'il revenait d'effectuer ces
démarches.
En l'absence de ces actes préparatoires, la créance correspondant à la
contre-prestation promise par le défendeur n'est pas exigible, en
application
de l'art. 7 du contrat, et ce dernier, débiteur d'un créancier en
demeure, a
un motif pour refuser sa prestation, que son cocontractant n'a pas
encore le
droit d'exiger de lui (Gauch / Schluep / Schmid / Rey, Schweizerisches
Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, Tome II n. 2194 et n. 2195, p.
28, et n.
2935, p. 171 et les références).

Comme, s'il y a demeure du créancier, il ne saurait y avoir demeure du
débiteur, les intérêts moratoires ne sont pas dus (art. 104 al. 1
CO), ce que
l'autorité cantonale a constaté à juste titre.

5.
5.1Le recourant a prétendu en instance cantonale qu'il lui était
devenu
impossible de confier des travaux d'ingénieur civil au défendeur en
raison,
d'une part, de la conjoncture économique, laquelle l'avait empêché de
participer à une nouvelle promotion immobilière depuis 1987, et,
d'autre
part, de son âge. Il a aussi indiqué que certains de ses partenaires
ou
clients ne voulaient pas traiter avec le défendeur, en qualité
d'ingénieur
civil.

Quand bien même le recourant ne reprend pas formellement ce grief
dans son
recours en réforme, la question mérite d'être examinée.

5.2 Selon l'art. 119 al. 1 CO, l'obligation s'éteint lorsque
l'exécution en
devient impossible par suite de circonstances non imputables au
débiteur.
L'impossibilité subséquente et non fautive peut être d'origine
juridique (ATF
111 II 352 consid. 2a), ou factuelle. Dans les contrats bilatéraux,
l'extinction d'une obligation dont l'exécution est devenue impossible
sans
faute du débiteur dispense l'autre partie de la prestation qu'elle
devait
fournir en échange (art. 119 al. 2 CO; ATF 107 II 144 consid. 3).

Dans le cas particulier, il ne résulte pas des constatations
cantonales - qui
lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al.
2 OJ) -,
que le demandeur se soit trouvé dans l'impossibilité d'accomplir les
actes
préparatoires nécessaires à la fourniture des contre-prestations par
le
défendeur. Et ce dernier a indiqué qu'il était, et est, toujours prêt
à
accomplir des travaux d'ingénieur civil aux fins d'éteindre la dette
qu'il a
contractée à l'égard du demandeur. Même si les circonstances évoquées
par
celui-ci sont vraisemblables, elles n'ont pas été démontrées et ne
ressortent
pas de l'état de fait déterminant. La juridiction intimée n'a pas
violé
l'art. 119 al. 1 CO lorsqu'elle a estimé, sur la base de ses
constatations,
que le demandeur ne s'était pas trouvé dans l'impossibilité de
confier à son
cocontractant des mandats (ou des commandes) pour permettre à celui-ci
d'effectuer des prestations en nature destinées à payer celui-là.

6.
Au vu des considérants qui précèdent, la cour cantonale pouvait, sans
heurter
le droit fédéral, constater que le demandeur ne disposait pas d'une
créance
pécuniaire exigible contre le défendeur, ce qui entraînait le rejet
de la
demande en paiement.

7.
Le demandeur voit, dans le résultat consacré par le jugement
entrepris, une
atteinte au principe de la bonne foi au sens de l'art. 2 al. 1 CC, en
ce sens
que cette décision fait perdurer, pour une durée indéterminée, voire
illimitée, les relations exacerbées entre les parties, qui devraient
être
dénouées. Cette situation serait propre à porter une atteinte au
droit de sa
personnalité, selon les art. 27 et 28 CC, en raison de la dépendance
inadmissible à l'égard de son adverse partie dans laquelle il est
placé.

7.1 En réalité, le demandeur reproche essentiellement à l'autorité
cantonale
d'avoir rendu un jugement qui le lèse dans sa liberté personnelle, en
le
mettant à la merci du défendeur. La question est dès lors de savoir
si la
juridiction cantonale a admis à bon droit que l'art. 7 du contrat du
13
octobre 1987 ne constituait pas un engagement excessif susceptible de
porter
une atteinte démesurée à l'avenir économique de la partie qui s'en
plaint.
Selon la jurisprudence, une restriction contractuelle de la liberté
économique n'est considérée comme excessive, au regard de l'art. 27
al. 2 CC,
que si elle livre celui qui s'est obligé à l'arbitraire de son
cocontractant,
supprime sa liberté économique ou la limite dans une mesure telle que
les
bases de son existence économique sont mises en danger (ATF 123 III
337
consid. 5 p. 345; 114 II 159 consid. 2a et les arrêts cités). L'art.
27 al. 2
CC, qui sanctionne les engagements qui restreignent de manière
exagérée la
liberté de décision de l'individu, a pour but d'empêcher la personne
d'hypothéquer fortement son avenir. Cette disposition vise les
engagements
excessifs en raison de leur intensité et de leur durée, soit ceux qui
mettent
une personne dans la dépendance totale d'une autre personne, ou les
engagements de nature économique si extraordinaires que la personne
concernée
se trouve privée, dans une mesure illimitée, de sa liberté de
décision pour
le futur. L'art. 27 al. 2 CC traite aussi des engagements excessifs
en raison
de leur objet, c'est-à-dire de ceux qui touchent à certains droits de
la
personnalité dont l'importance est telle qu'une personne ne peut se
lier pour
l'avenir à leur égard (cf. à ce propos Andreas Bucher, Personnes
physiques et
protection de la personnalité, 4e éd., p. 102 ss, n. 426 ss).

7.2 En l'espèce, les engagements du demandeur à l'égard du défendeur,
selon
l'art. 7 du contrat litigieux, n'ont pas une intensité suffisante
pour tomber
sous le coup de l'interdiction de l'art. 27 al. 2 CC. En effet, le
système de
contre-prestations mis en place porte pour l'essentiel sur deux
promotions
immobilières (à A.________ et à C.________), pour lesquelles les
travaux
d'électricité exécutés par le recourant ont été estimés par l'expert
judiciaire à 220 000 fr., étant précisé que la compensation prévue a
pu être
opérée déjà à concurrence de 78 784 francs. Le solde encore litigieux
représente le montant réclamé dans le ch. 1 de la demande, à savoir
141 216
fr., qui a été considéré comme une créance non exigible, mais pouvant
donner
lieu à l'inscription à titre définitif d'une hypothèque légale sur un
immeuble du défendeur, indépendamment du sort d'une éventuelle
poursuite en
réalisation du gage immobilier.

Malgré sa relative importance, l'affaire conclue entre les parties ne
met pas
le demandeur dans la dépendance totale du défendeur, même si le
recourant
rencontre de sérieuses difficultés à accomplir les actes
préparatoires qui
lui incombent en raison d'une conjoncture économique peu favorable et
même
s'il dispose d'une créance en principe incessible en raison de la
nature de
l'affaire (Gauch / Schluep / Schmid / Rey, op. cit., n. 3563, p.
300). Quant
à la durée de l'engagement, elle dépend essentiellement de la volonté
du
demandeur, et des quelques efforts qu'il doit faire pour respecter ses
incombances, de sorte qu'il ne peut se plaindre, à cet égard, ni de la
violation de l'art. 27 al. 2 CC, ni de celle de l'art. 2 CC.

Le dernier moyen soulevé par le demandeur doit en conséquence être
également
rejeté. En définitive, celui-ci se plaint d'avoir conclu une mauvaise
affaire
avec le défendeur, ce qui ne fonde pas une prétention à son égard,
sous
réserve de l'hypothèse de la lésion, au sens de l'art. 21 al. 1 CO,
qu'à
juste titre il n'invoque pas (sur cette notion: ATF 115 II 232
consid. 4c et
les références, p. 236).

8.
Tout en concluant au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable, le
défendeur fait valoir que le jugement cantonal ne met pas un terme
définitif
au litige et demande au Tribunal fédéral de fixer le délai jusqu'à
l'échéance
duquel
"il devra souffrir l'inscription d'une hypothèque légale sur
son
immeuble."

Le jugement du Tribunal cantonal comporte, sous chiffre 2 de son
dispositif,
l'inscription à titre définitif d'une hypothèque au sens de l'art.
837 al. 1
chiffre 3 CC, d'un montant de 141 216 fr. grevant un immeuble du
défendeur, à
A.________, en faveur du demandeur. S'il entendait remettre en cause
le
jugement cantonal sous cet aspect, le défendeur aurait dû former un
recours
joint pour solliciter la réforme de ce prononcé au détriment du
demandeur,
dans le sens de la restriction alléguée. Le défendeur ne présente
toutefois
pas de conclusions tendant à l'annulation du chiffre 2 du dispositif
du
jugement entrepris, et sa réponse au recours en réforme, en p. 12 i.
f. et 13
i. i., ne peut être considérée comme une conclusion implicite, dans
la mesure
où il ne soutient pas que la décision de la cour cantonale ne serait
pas
valable ou consacrerait une violation du droit fédéral. En effet, le
défendeur se borne à proposer une autre solution plus favorable à ses
intérêts, comme la fixation d'un délai de déchéance au demandeur, ou
la
limitation dans le temps de l'inscription de l'hypothèque légale.
Ainsi
formulée, la réponse au recours en réforme ne peut être assimilée à un
recours joint (ATF 121 III 420 consid. 1 p. 423). Le Tribunal fédéral
n'a en
conséquence pas à examiner un tel moyen. S'il s'y estime fondé, le
défendeur
peut requérir par la voie adéquate la radiation au registre foncier de
l'inscription de l'hypothèque légale.

9.
Il suit de là que le recours doit être rejeté, le jugement attaqué
étant
confirmé.
Vu l'issue du recours, les frais de justice seront mis à la charge du
recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Celui-ci devra également
payer
une indemnité de dépens en faveur de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 5500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 5500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Ire Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 30 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.130/2002
Date de la décision : 30/07/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-30;4c.130.2002 ?
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