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19/07/2002 | SUISSE | N°5P.219/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 juillet 2002, 5P.219/2002


{T 0/2}
5P.219/2002 /frs

Arrêt du 19 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Braconi.

V. ________ (époux),
recourant, représenté par Me Christian Luscher, avocat, rue
Saint-Ours 5,
1205 Genève,

contre

Dame V.________ (épouse),
intimée, représentée par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue
Prévost-Martin
5, case postale 145, 1211 Genève 4,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,


1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mesures provisoires dans la procédure de divorce),

recours de droit public contre l'arr...

{T 0/2}
5P.219/2002 /frs

Arrêt du 19 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Braconi.

V. ________ (époux),
recourant, représenté par Me Christian Luscher, avocat, rue
Saint-Ours 5,
1205 Genève,

contre

Dame V.________ (épouse),
intimée, représentée par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue
Prévost-Martin
5, case postale 145, 1211 Genève 4,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mesures provisoires dans la procédure de divorce),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 17 mai 2002.

Faits:

A.
V. ________, né le 14 avril 1933, et dame V._______, née le 14
septembre
1944, tous deux de nationalité française, se sont mariés à
Neuilly-sur-Seine
(France) le 17 décembre 1976; un fils, aujourd'hui majeur, est issu
de leur
union. Par contrat de mariage, les époux ont adopté le régime de la
séparation des biens.

Les époux vivent séparés depuis 1996, chacun d'eux s'étant constitué
un
nouveau domicile à Genève. Le mari est marchand de tableaux; il vit
avec sa
compagne dans une villa, qu'ils louent. La femme est sans formation
profes-sionnelle; elle habite un appartement de 6 pièces à Genève.

Le 27 mai 1997, les époux ont passé deux conventions réglant les
modalités de
leur vie séparée. Par la première, le mari s'est engagé à servir à sa
femme
une contribution d'entretien de 7'500 fr. par mois, avec la précision
que
cette somme continuerait d'être versée pendant la durée de l'instance
en cas
de procédure en divorce. Par la seconde, signée le même jour et
destinée à
demeurer "occulte" tant sur le plan judiciaire que sur le plan
fiscal, il
s'est engagé à payer un montant complémentaire de 7'500 fr. par mois
à titre
d'aliments. L'époux a effectivement versé des sommes variant entre
7'500 et
15'000 fr. par mois. Le 7 mai 2000, son épouse lui a fait notifier un
commandement de payer à concurrence de 71'859 fr. d'arriérés de
pensions et
de 1'158 fr. d'intérêts de retard.

Le mari est titulaire d'un compte auprès de l'UBS, qui affichait un
solde
débiteur de 2'225'000 fr. au 30 juin 2000, avec des intérêts passifs
s'élevant à 10'312 fr. 50 par mois; au 21 février 2000, ses dettes
fiscales,
frais inclus, représentaient 668'329 fr. 40, montant sur lequel il a
allégué
avoir remboursé 100'000 fr.

B.
Le 24 avril 2001, V.________ a ouvert action en divorce devant le
Tribunal de
première instance de Genève, s'engageant à payer à son épouse une
pension de
3'000 fr. par mois, sans limitation dans le temps. Sur mesures
provisoires,
il a offert de lui verser mensuellement 4'000 fr. dès le mois de mai
2000.

Par jugement du 4 septembre 2001, le Tribunal de première instance a
condamné
le mari à payer une contribution d'entretien de 11'500 fr. par mois
dès le
1er mai 2001. Statuant sur appel des deux parties le 17 mai 2002, la
Cour de
justice a porté la pension à 13'000 fr. par mois et confirmé la
décision
entreprise pour le surplus.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
V.________ conclut à l'annulation de cet arrêt et au déboutement de
"tout
opposant de toutes autres ou contraires conclusions".

L'intimée n'a pas été invitée à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48 et les arrêts
cités).

1.1 Le recours de droit public est ouvert contre une décision de
mesures
provisoires prise en instance de divorce (art. 137 CC; ATF 126 III 261
consid. 1 p. 263 et les références citées). Déposé en temps utile
contre un
arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, statuant en dernière
instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 84,
86 al. 1
et 89 al. 1 OJ.

1.2 Vu la nature en principe cassatoire du recours de droit public
(ATF 128
III 50 consid. 1b p. 53 et les arrêts cités), les conclusions qui
excèdent la
seule annulation de l'arrêt attaqué sont irrecevables.

2.
2.1En vertu de l'art. 137 al. 2 CC, le juge ordonne, sur requête, les
mesures
provisoires nécessaires pour la durée de la procédure de divorce; les
dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 171
ss CC)
sont applicables par analogie.

De jurisprudence constante, les autorités cantonales jouissent d'un
large
pouvoir en matière d'appréciation des preuves. Saisi d'un recours de
droit
public, le Tribunal fédéral n'intervient que si cette appréciation se
révèle
arbitraire, c'est-à-dire manifestement insoutenable ou en
contradiction
évidente avec la situation de fait, ou encore repose sur une
inadvertance
manifeste (ATF 128 I 81 consid. 2 p. 86; 128 II 182 consid. 3d p.
186; 127 I
38 consid. 2b p. 41; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les références
citées).
Statuant sur recours contre une décision de mesures provisionnelles,
le
Tribunal fédéral montre une retenue d'autant plus grande que, compte
tenu du
but assigné à cette procédure particulière, le juge n'examine la
cause que de
manière sommaire et provisoire (ATF 120 II 393 consid. 4c p. 398; 104
Ia 408
consid. 4 p. 413; 97 I 481 consid. 3b p. 486/487 et les références
citées).

2.2 Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit
contenir
un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques
violés, précisant en quoi consiste la violation. Dans le cadre d'un
recours
de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs
expressément
soulevés et présentés de manière claire et détaillée, le principe de
l'application du droit d'office étant inapplicable (ATF 125 I 71
consid. 1c
p. 76). Par conséquent, celui qui se plaint d'arbitraire ne peut se
borner à
critiquer la décision attaquée comme il le ferait dans une procédure
d'appel,
où l'autorité de recours dispose d'un libre pouvoir d'examen (ATF 117
Ia 10
consid. 4b p 11/12; 110 Ia 1 consid. 2a p 3/4; 107 Ia 186 et la
jurisprudence
citée); en particulier, il ne peut se contenter d'opposer sa thèse à
celle de
l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation
précise, que
la décision attaquée repose sur une application de la loi ou une
appréciation
des preuves manifestement insoutenables (ATF 125 I 492 consid. 1b p.
495; 120
Ia 369 consid. 3a p. 373), sous peine d'irrecevabilité - partielle ou
totale
- de son recours (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558). En outre, dans un
recours pour arbitraire, les moyens de fait ou de droit nouveaux sont
prohibés (ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212; 118 III 37 consid. 2a p.
39 et la
jurisprudence citée).

3.
Le recourant reproche tout d'abord à la Cour de justice de s'être
écartée de
la méthode dite du minimum vital et d'avoir, en lieu et place, tenu
compte
des montants qu'il a versés en moyenne à l'intimée depuis la
séparation.

3.1 Selon l'autorité cantonale, le premier juge a retenu à juste
titre que
les éléments fournis par les parties au sujet de leur situation
financière ne
reflétaient que partiellement la réalité. Le mari a certes produit
les bilans
de son entreprise pour les années 1995 à 1999 ainsi que les
déclarations
fiscales des années 1997/1998; d'après ces documents, le bénéfice
brut s'est
élevé à 1'404'300 fr. 68 en 1995, 912'745 fr. 50 en 1996, 973'025
fr. 45 en
1997, 851'488 fr. 08 en 1998 et 1'005'757 fr. 27 en 1999, alors que
les
frais généraux ont représenté respectivement 931'882 fr. 68, 681'669
fr. 67,
710'989 fr. 59, 626'404 fr. 71 et 770'989 fr. 60. Aucune explication
n'a
toutefois été donnée sur la nature des frais comptabilisés, ni sur la
finalité des importantes dettes bancaires qui figurent au bilan. De
plus, les
allégations de l'intimée au sujet du train de vie mené par les époux
avant
leur séparation n'ont pas été contredites. L'épouse, quant à elle,
n'a fourni
aucune indication sur la valeur de sa collection de robes et de bijoux
offerts par son conjoint, ni sur les économies qu'elle aurait pu, à
en croire
ce dernier, se constituer.

En outre, aux termes des conventions passées en mai 1997, dont l'une
devait
demeurer occulte pour des motifs probablement fiscaux, le mari s'est
engagé à
verser à sa femme une pension mensuelle de 15'000 fr., et il n'a pas
rendu
vraisemblable avoir contracté sous l'empire d'un vice du
consentement, ni
ignoré, au moment de la signature de ces accords, les résultats de sa
galerie
pour l'année 1996, à tout le moins dans ses grandes lignes. Enfin, les
comptes produits par l'époux ne permettent pas de tenir pour
plausible la
diminution importante de ses revenus, laquelle serait survenue après
la
signature des conventions, en raison de la crise ayant sévi sur le
marché de
l'art; la dégradation de sa situation financière est d'autant moins
crédible
vu l'amortissement important de sa dette fiscale en 2000/2001, les
agrandissements entrepris dans sa galerie et les travaux d'aménagement
exécutés dans sa villa.

Le montant des pensions effectivement versées avoisine 13'000 fr. par
mois,
sans que le mari ne démontre avoir dû s'endetter pour ce faire; il
n'a pas
davantage allégué, ni rendu vraisemblable, que cette exécution
partielle des
conventions matrimoniales l'aurait mis dans une situation
financièrement
difficile. La cour cantonale en a déduit que, tout bien considéré, la
contribution d'entretien devait être fixée au montant réellement
versé en
moyenne depuis la séparation des conjoints, c'est-à-dire 13'000 fr.
par mois.

3.2 A l'appui de son moyen, le recourant affirme qu'il est
"significatif" de
constater que l'autorité précédente n'a pas tiré les conséquences de
l'absence de renseignements de l'intimée sur les éléments de fortune
qu'il
lui prête (vêtements et bijoux), préférant se fonder sur les seules
allégations de l'intimée quant au train de vie du couple. Il fait
valoir que
sa situation économique, telle qu'elle ressort des déclarations
fiscales et
des bilans de sa galerie, correspond au plus près à la réalité et ne
pourrait
pas être établie de façon plus complète, en particulier en ce qui
concerne la
diminution notable de ses revenus à compter de l'exercice 1996; son
comptable
a d'ailleurs confirmé que les comptes et bilans sont véridiques, et
les deux
contrôles fiscaux dont sa galerie a fait l'objet en 1996 et 1998
n'ont donné
lieu à aucun redressement. Il prétend avoir exposé à maintes reprises
les
circonstances dans lesquelles les conventions de mai 1997 ont été
conclues.
S'il a effectivement versé de telles pensions à son épouse, c'est
parce qu'il
n'avait pas d'autre choix que de s'en acquitter, celle-ci n'ayant
pas hésité
à introduire une poursuite. Enfin, se baser sur les montants
effectivement
versés violerait grossièrement l'art. 137 CC. Le résultat est
également
arbitraire, dès lors que le montant de la pension (13'000 fr.) absorbe
pratiquement tout le bénéfice dégagé par la galerie (16'025 fr.).

Cette critique, exclusivement appellatoire, est irrecevable. En
effet, le
recourant ne s'en prend nullement à la manière dont l'autorité
cantonale a
apprécié les comptes de la galerie; il ne prétend pas non plus que
c'est en
contradiction avec les preuves administrées que les juges cantonaux
ont
retenu qu'il n'avait pas été victime d'une erreur lors de la
signature des
conventions de mai 1997 et n'avait pas allégué avoir dû s'endetter,
ou s'être
trouvé dans une situation financière difficile, en raison des pensions
effectivement versées.

3.3 Le recourant fait en outre grief à la Cour de justice de n'avoir
pas pris
en considération ses dettes bancaires et fiscales, ainsi que les
intérêts
passifs, dans le calcul de ses charges.

3.3.1 Concernant la dette à l'égard de la Banque X.________,
l'autorité
précé-dente a retenu que la finalité de ce prêt n'a pas été établie,
ni même
rendue vraisemblable, le recourant n'ayant donné aucune explication à
cet
égard, que cette dette n'apparaît pas dans les déclarations fiscales
relatives aux années 1998 et 1999 et qu'aucune justification n'a été
fournie
sur la provenance des virements opérés en 2000; elle a considéré que
ces
éléments étaient insuffisants pour admettre, fût-ce au degré de la
vraisemblance, que l'emprunteur s'acquittait régulièrement des
intérêts. De
plus, des intérêts et frais bancaires importants figurent au bilan de
son
entreprise et il n'est pas exclu qu'il s'agisse bien des intérêts
relatifs au
prêt en question; si tel était le cas, ces intérêts seraient déjà
pris en
compte dans le calcul du bénéfice net de la galerie.

Sur ce point, le recourant se borne à affirmer que c'est à tort que
le calcul
de la cour cantonale ne tient pas compte de sa dette bancaire, alors
que
cette charge devait l'être "de toute évidence". Cette critique ne
contient
pas même le début d'une démonstration de l'arbitraire dans lequel
seraient
tombés les magistrats d'appel, de sorte qu'elle est irrecevable.

3.3.2 S'agissant des impôts, la cour cantonale a constaté que le
recourant
n'a fourni aucune indication sur sa charge fiscale courante, ni aucun
justificatif relatif aux acomptes provisionnels ou aux paiements;
quant aux
dettes antérieures, il a certes établi s'être acquitté de 75'000 fr.
en 2000
et
2001 à la suite de poursuites, mais cet élément ne permet pas, à
lui seul,
de tenir pour suffisamment vraisemblable un amortissement régulier de
la
dette fiscale

A ces motifs, le recourant objecte qu'il a produit différents
bordereaux
rectificatifs, une sommation de l'administration fiscale, un calcul
ainsi
qu'un décompte du solde de poursuites et deux quittances de
versements (pour
un montant total de 75'000 fr.) effectués à l'office des poursuites;
il ne se
réfère toutefois à aucune pièce, ni n'indique le montant mensuel à
prendre en
compte à titre de charge. Appellatoire et de surcroît imprécise, cette
critique est dès lors irrecevable.

4.
Vu le sort du recours, les frais de justice doivent être mis à la
charge du
recourant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à
l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 19 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.219/2002
Date de la décision : 19/07/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-19;5p.219.2002 ?
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