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18/07/2002 | SUISSE | N°5P.143/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2002, 5P.143/2002


{T 0/2}
5P.143/2002 /frs

Arrêt du 18 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Escher, Hohl,
greffier Braconi.

Dame D.________ (épouse),
recourante, représentée par Me Yves Magnin, avocat, rue de la
Rôtisserie 2,
case postale 3809, 1211 Genève 3,

contre

D.________ (époux),
intimé, représenté par Me Dominique Poncet, avocat, case postale
5715, 1211
Genève 11,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1

211 Genève 3.

art. 9 Cst. (divorce),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justic...

{T 0/2}
5P.143/2002 /frs

Arrêt du 18 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Escher, Hohl,
greffier Braconi.

Dame D.________ (épouse),
recourante, représentée par Me Yves Magnin, avocat, rue de la
Rôtisserie 2,
case postale 3809, 1211 Genève 3,

contre

D.________ (époux),
intimé, représenté par Me Dominique Poncet, avocat, case postale
5715, 1211
Genève 11,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (divorce),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 22 février 2002.

Faits:

A.
Dame D.________, née le 15 mai 1931, et D.________, né le 20 janvier
1935,
tous deux ressortissants suisses, se sont mariés à Genève le 19
décembre
1959. Un enfant, aujourd'hui majeur, est issu de leur union.

B.
Le 7 mai 1986, dame D.________ a ouvert action en séparation de
corps; son
mari a conclu reconventionnellement au divorce. Le divorce des époux
a été
prononcé le 16 juin 1988, en vertu de l'art. 142 al. 1 aCC, par le
Tribunal
de première instance de Genève, dont le jugement a été confirmé sur
ce point
par la Cour de justice le 27 janvier 1989. Le Tribunal fédéral a
déclaré
irrecevable le 23 juin 1989 le recours en réforme de la demanderesse
contre
cette décision. La dissolution du lien conjugal est ainsi entrée en
force en
1989, seuls demeurant litigieux les effets accessoires.

Dans son jugement du 16 juin 1988, le Tribunal de première instance a
refusé
toute pension (fondée sur l'art. 152 aCC) à l'épouse en raison de sa
situation; cette décision a été annulée le 27 janvier 1989 par la
Cour de
justice, la cause étant renvoyée au premier juge. Statuant à nouveau
le 8
novembre 1990, le Tribunal de première instance a condamné, en
application de
l'art. 152 aCC, le défendeur à payer une pension alimentaire de 700
fr. par
mois dès le 15 mai 1993; ce jugement a été annulé derechef par la
Cour de
justice, qui a renvoyé la cause à la juridiction inférieure.

C.
Parallèlement, le défendeur a introduit le 9 octobre 1987 une demande
tendant
à la liquidation du régime matrimonial. Par jugement du 13 septembre
1990, le
Tribunal de première instance a ordonné la liquidation du régime
matrimonial
et nommé un notaire pour procéder aux opérations utiles; figuraient,
notamment, parmi les biens matrimoniaux à liquider le montant de la
prestation de libre passage de la C.I.A. de 312'525 fr., versé à
l'époux au
terme de son activité professionnelle, sous déduction d'un prêt de
77'000 fr.
affecté à la reconstitution du fonds de prévoyance, et une créance de
45'000
fr. contre la société X.________. Le 27 septembre 1991, la Cour de
justice a
écarté des biens matrimoniaux la prestation de libre passage, ainsi
qu'un
montant de 450'000 fr. représentant les actifs de la société
X.________ parce
que l'époux n'en était pas le propriétaire économique. Le recours en
réforme
de l'épouse a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 13
novembre
1991, la décision attaquée n'étant pas finale au sens de l'art. 48
al. 1 OJ.
Par la suite, le 21 mars 1997, la Cour de justice a laissé indécise la
question de l'inclusion des actifs de la société X.________, vu la
procédure
pénale pendante contre le témoin B.________.

D.
La procédure en liquidation du régime matrimonial ayant été jointe à
la
procédure en divorce, le Tribunal de première instance a, par
jugement du 7
juin 2001, condamné le défendeur à payer une contribution d'entretien
de 700
fr. par mois, ordonné le partage des biens matrimoniaux et fixé la
part de la
demanderesse à 178'493 fr. et celle du défendeur à 325'401 fr.; la
créance
contre X.________ a été prise en considération (45'000 fr.), mais non
les
actifs de la société (450'000 fr.). Saisie d'un appel de la
demanderesse, la
Cour de justice a porté la contribution d'entretien à 800 fr. et
confirmé le
jugement entrepris sur les autres points.

E.
Dame D.________ exerce un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre
cet arrêt, concluant à son annulation.

L'intimé n'a pas été invité à répondre.

La recourante a déposé parallèlement un recours en réforme
(5C.103/2002).

F.
Le 13 juillet 2002, la recourante a produit un complément au recours
de son
avocat.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue en
dernière
instance cantonale, le présent recours est ouvert du chef des art. 86
al. 1,
87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ.

1.2 Le complément d'observations de la recourante n'ayant pas été
déposé
dans le délai de recours de 30 jours (art. 89 al. 1 OJ), il est
irrecevable.

2.
L'admission du recours en réforme connexe sur les questions relatives
à la
contribution d'entretien et au partage de la prévoyance
professionnelle a
rendu sans objet, dans cette mesure, le présent recours de droit
public (ATF
117 II 630 consid. 1a p. 631 et les arrêts cités). Quant à la
liquidation du
régime matri-monial, il y a lieu d'examiner d'abord ce dernier (cf.
5C.103/2002, consid.2).

3.
Dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial de l'union des
biens,
un seul poste est litigieux: les avoirs de la société X.________, qui
s'élèvent à 450'000 fr. en capital (représentant, au dire de la
femme, une
somme de 1'117'169 fr. en capital et intérêts au 31 décembre 2000).
Selon la
recourante, ce montant correspond aux économies réalisées durant le
mariage
et doit être inclus dans les biens matrimoniaux à partager.

3.1 D'après l'arrêt attaqué, l'intimé a toujours déclaré n'avoir
jamais été
propriétaire des actifs de la société X.________, mais avoir été le
dépositaire, à titre fiduciaire, des titres de celle-ci en raison des
bonnes
relations qu'il entretenait avec B.________. Ce dernier, entendu en
qualité
de témoin assermenté par le Tribunal de première instance le 8 mars
1989, a
confirmé la version donnée par l'intimé à ce sujet. La recourante a
alors
déposé plainte pénale contre l'intimé le 22 mars suivant, notamment
pour abus
de confiance, à savoir pour avoir remis à B.________ les fonds
inscrits sur
les comptes de la société X.________. Cette plainte a été classée par
le
Procureur général, dont la décision a été confirmée par la Chambre
d'accusation; celle-ci a relevé que toute l'argumentation de la
recourante se
fondait sur l'hypothèse que B.________ avait fait un faux témoi-gnage
en
justice, force étant toutefois de constater qu'il n'existait aucun
indice
permettant de croire que le prénommé avait menti au juge de première
instance. S'appuyant sur cette décision et considérant que les pièces
produites par la recourante, d'ailleurs incomplètes, étaient
dépourvues de
valeur probante au regard des déclarations du témoin, la Cour de
justice a,
par arrêt du 27 septembre 1991, écarté des biens matrimoniaux les
avoirs en
question. En mars 1994, la recourante a déposé plainte pénale pour
faux
témoignage contre B.________. Par arrêt du 27 septembre 1999, la
Chambre
pénale a admis qu'il ressortait des pièces bancaires versées au
dossier que
B.________ avait alimenté les comptes de la société X.________ à
concurrence
de 450'000 fr. et que cette somme lui avait été restituée; les pièces
bancaires antérieures à la procédure de divorce ne figurant pas au
dossier,
la preuve de l'origine des versements n'avait pas été apportée. La
recourante
a vainement déféré cette décision à la Cour de cassation pénale du
Tribunal
fédéral. Se référant à l'issue de la procédure pénale, la Cour de
justice a
donc retenu que la recourante n'a nullement établi que le témoin
B.________
aurait menti, ni que l'intimé aurait déposé et caché des fonds lui
appartenant sur le compte de la société X.________.

Autrement dit, l'autorité cantonale a considéré que les actifs
litigieux
n'étaient pas des biens matrimoniaux pour deux motifs: En premier
lieu,
confrontant les pièces produites par la recourante avec les
déclarations
claires et complètes de B.________ ainsi que les pièces bancaires de
la
procédure pénale, elle a constaté que ces dernières pièces
établissaient que
l'intéressé avait versé 450'000 fr. sur le compte de la société
X.________ et
que cet argent lui avait été restitué, de sorte qu'il n'avait pas
menti. En
second lieu, la Chambre pénale a relevé que l'intimé avait la
"maîtrise
effective" du compte de la société, qu'il avait peut-être utilisé
celui-ci à
des fins personnelles, mais que, les relevés bancaires antérieurs à la
procédure de divorce ne figurant pas au dossier, la "preuve de la
nature de
l'alimentation du compte" n'avait pas été apportée.

3.2 La Cour de justice n'indique pas la moindre référence aux pièces
bancaires sur lesquelles se fonde son appréciation, l'arrêt de la
Chambre
pénale étant pareillement muet à ce propos. Dans la mesure où la
recourante
ne se plaint pas d'une violation du droit d'être entendu (art. 29 al.
2
Cst.), sous l'angle d'un défaut de motivation (ATF 126 I 97 consid.
2b p.
102/103 et la jurisprudence citée), la cour de céans ne peut en
connaître
d'office, sa cognition étant limitée aux griefs expressément invoqués
(art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76).

3.3 Les deux griefs que la recourante soulève contre cette double
motivation
apparaissent, respectivement, irrecevable et mal fondé.

3.3.1 A l'encontre du premier motif, concernant tout d'abord le
versement de
450'000 fr. par B.________, la recourante se borne à objecter qu'il
ressort
de la "logique et des pièces versées à la procédure" que le prénommé
n'a pas
alimenté le compte à hauteur de 450'000 fr., mais que les montants de
412'000
fr. en titres et de 30'000 fr. en compte courant au 31 décembre 1985
ne sont
que le fruit d'un versement de 120'000 fr. opéré par l'intimé et des
réinvestissements d'intérêts; B.________ n'aurait pas versé d'autres
commissions, de sorte qu'il n'est pas possible qu'il ait transféré
sur ce
compte la somme en question. Quant à la restitution de celle-ci à
B.________
- laquelle aurait été établie, selon la Chambre pénale et la Cour de
justice,
par "pièces bancaires" -, la recourante se limite à affirmer que ce
montant
n'a manifestement pas pu lui être restitué puisqu'il ne l'avait pas
versé,
que, l'intimé ayant prélevé 155'000 fr. sur le compte de la société,
la
restitution ne pouvait de toute façon avoir lieu à concurrence de
450'000 fr.
et que, si les titres ont été détenus par X.________ jusqu'en 1995, ce
montant n'a pas pu être rendu.

Purement appellatoire, cette critique est irrecevable (ATF 125 I 492
consid.
1b p. 495 et les arrêts cités).

3.3.2 Au second motif, la recourante répond, en renvoyant aux pièces
112,
223 et 269 PP, que son ex-mari a expressément admis avoir déposé une
somme de
120'000 fr. représentant des biens matrimoniaux sur le compte de
X.________
en 1975 et que cette somme, après avoir été placée en obligations et
les
intérêts réinvestis, aurait atteint 412'000 fr. en titres et 30'000
fr. en
compte courant au 31 décembre 1985. Or, il résulte de la pièce 112 que
l'intimé, s'il a certes concédé avoir placé 120'000 fr. sur le compte
de la
société, a aussi déclaré avoir retiré par la suite 75'000 fr., qui
"ont été
réinjectés dans le circuit familial", et a reconnu le solde de 45'000
fr. au
titre de "bien matrimonial", lequel a été pris en considération dans
la
liquidation du régime matrimonial. Dès lors que la recourante ne
conteste pas
ces allégations, sa critique se révèle infondée.

3.3.3 La recourante soutient encore qu'il est arbitraire de ne pas
avoir
pris en considération les pièces démontrant que l'intimé était le
"seul et
unique ayant droit économique et propriétaire des comptes et avoirs de
X.________". L'arrêt attaqué ne se prononce pas sur ce point, alors
qu'il est
établi que l'intéressé avait la maîtrise exclusive des avoirs et
comptes, sur
lesquels il a déposé 120'000 fr., qu'il a octroyé des procurations à
son
épouse puis à sa maîtresse, qu'il a prélevé différents montants, que
des
commissions ont été versées par B.________ de 1969 à 1973 en raison de
services professionnels et que celui-ci a avoué que l'intimé n'est
jamais
intervenu à titre fiduciaire.

A supposer même que ces faits soient avérés, le grief ne serait pas
moins
dénué de portée. En effet, la recourante déclare elle-même que les
avoirs de
X.________ s'élèvent à environ 450'000 fr. en capital. Or, comme on
l'a vu,
les critiques soulevées à l'encontre des motifs de l'autorité
cantonale ont
été déclarées respectivement irrecevable (cf. consid. 3.3.1) et mal
fondée
(cf. consid. 3.3.2). On ne voit dès lors pas sur quels autres actifs
sociaux,
dont l'intimé aurait été le propriétaire, l'arrêt attaqué aurait omis
de se
prononcer. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

4.
Le recours étant en partie sans objet (cf. supra, consid. 2) et mal
fondé
pour le surplus, les frais de la procédure doivent être mis, en
principe, à
la charge de la recourante (art. 156 al. 1 OJ).

Dans une lettre accompagnant son recours de droit public, le conseil
de la
recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire. Il se borne
toutefois à alléguer que sa mandante se trouve dans le besoin (cf.
ATF 125 IV
161 consid. 4a p.
164/165), renvoyant à l'arrêt attaqué pour ce qui
est de
ses ressources et de ses charges, et précisant - ce qui n'est pas
déterminant
(ATF 122 III 392 consid. 3a p. 393) - qu'elle a plaidé au bénéfice de
l'assistance judiciaire devant les juridictions cantonales. Comme il
ressort
des constatations de fait de l'auto-rité cantonale que la recourante
dispose
d'une fortune de 170'000 fr., qui pourrait être mise à contribution
pour
payer ses frais de procès (ATF 119 Ia 11 consid. 5 p. 12 et la
jurisprudence
citée), et qu'elle n'a pas établi non plus qu'une provisio ad litem ne
pourrait lui être allouée à cette fin (ATF 91 II 253 consid. 1 p.
255), sa
requête d'assistance judiciaire doit être rejetée.

L'intimé n'ayant pas été invité à répondre, il n'y a pas lieu de lui
allouer
de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté autant qu'il n'est pas sans objet.

2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 18 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.143/2002
Date de la décision : 18/07/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-18;5p.143.2002 ?
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