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18/07/2002 | SUISSE | N°5C.114/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2002, 5C.114/2002


{T 0/2}
5C.114/2002 /frs

arrêt du 18 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

X. ________ Assurances,
défenderesse et recourante, représentée par Me Stéphane Felder,
avocat, 13,
boulevard Georges-Favon, 1204 Genève,

contre

P.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue de
Beaumont
11, 1206 Genève.

contrat d'assurance

recours en réforme contre l'arrêt du 22 mars 200

2 de la Chambre
civile de la
Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
X. ________ Assurances, assurance-acciden...

{T 0/2}
5C.114/2002 /frs

arrêt du 18 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

X. ________ Assurances,
défenderesse et recourante, représentée par Me Stéphane Felder,
avocat, 13,
boulevard Georges-Favon, 1204 Genève,

contre

P.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue de
Beaumont
11, 1206 Genève.

contrat d'assurance

recours en réforme contre l'arrêt du 22 mars 2002 de la Chambre
civile de la
Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
X. ________ Assurances, assurance-accidents de caisses-maladie
suisses,
couvre les risques d'invalidité et de décès de P.________, dans le
cadre
d'une assurance complémentaire contre les accidents contractée auprès
de
Y.________ Assurances. Les conditions générales d'assurance
applicables
prévoient que si l'accident entraîne dans les cinq ans à dater de
l'accident
une invalidité probablement permanente, X.________ paie, en cas
d'invalidité
partielle, le capital assuré en proportion du degré d'invalidité
(échelle des
invalidités par membre); tout accident qui pourrait obliger
X.________ au
paiement de prestations doit être annoncé à Y.________ sans délai.

B.
Le 24 mars 1993, P.________ a été victime d'un accident de la
circulation
routière qui lui a causé des lésions corporelles, notamment au niveau
de la
colonne cervicale. Il a repris son travail à 100% le 22 avril 1993,
mais a
ressenti à nouveau des douleurs cervicales dès l'été 1993.

Un rapport d'expertise neuro-psychologique établi le 5 janvier 1995 à
la
requête de la SUVA a évalué l'atteinte à l'intégrité de l'assuré à
10%. Selon
un autre rapport concernant les troubles psychosomatiques, établi le
5 août
1996 également à la demande de la SUVA, l'assuré ne peut travailler
qu'à 50%;
l'expert émet un pronostic réservé, indiquant que "ce type de trouble
(état
de stress post-traumatique compliqué d'un trouble panique) peut
évoluer la
plupart du temps vers une incapacité totale de travail".

C.
Le 20 février 1998, P.________ a annoncé à Y.________ l'accident dont
il
avait été victime le 24 mars 1993 et l'a informée de ce qu'il suivait
au
centre ORIPH de Morges des cours de réadaptation professionnelle.

Les 18 juin et 7 juillet 1999, Y.________ a fait savoir, avant de
transmettre
le dossier à X.________, que le délai pour faire valoir un droit aux
prestations était échu, dès lors que l'invalidité alléguée n'avait
pas été
fixée dans les cinq ans à dater de l'accident.

Par courrier du 21 mars 2000, X.________ a renoncé à se prévaloir de
la
prescription jusqu'au 24 mars 2001 pour autant qu'elle ne fût pas déjà
acquise le 21 mars 2000. Le 6 juillet 2000, elle a pris position sur
la
demande de prestations réclamées par P.________; elle s'est notamment
prévalue de la prescription du droit à l'indemnité, en exposant que la
constatation de l'atteinte à l'intégrité de l'assuré avait été
définitivement
établie par le rapport d'expertise du 5 janvier 1995.

Par courrier du 18 juillet 2000, X.________ a maintenu sa position,
tout en
indiquant que si la prescription n'était pas acquise, la prestation
d'assurance s'élèverait à 17'500 fr. (soit 17,5% de la somme assurée
de
100'000 fr.), eu égard d'une part à une limitation de fonction au
niveau de
la colonne cervicale estimée à 7,5% et d'autre part à des troubles
neurologiques résiduels estimés à 10%.

D.
Le 20 décembre 2000, P.________ a actionné X.________ et Y.________,
prises
solidairement, en paiement de 17'500 fr. plus intérêts.

Par jugement du 25 septembre 2001, le Tribunal de première instance
du canton
de Genève, retenant que la prescription était acquise dès le mois de
janvier
1997, a débouté le demandeur de ses conclusions.

Statuant par arrêt du 22 mars 2002 sur appel du demandeur, la Chambre
civile
de la Cour de justice du canton de Genève a réformé ce jugement en ce
sens
qu'elle a condamné X.________, avec suite de frais et dépens, à payer
au
demandeur la somme de 17'500 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 20
décembre
2000.

E.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral,
X.________
conclut avec suite de dépens à la réforme de cet arrêt en ce sens que
P.________ soit débouté des fins de sa demande en paiement.

L'intimé conclut avec suite de dépens au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les droits contestés dans la dernière instance cantonale dépassent
largement
la valeur d'au moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait dépendre la
recevabilité du recours en réforme dans les affaires pécuniaires
autres que
celles visées à l'art. 45 OJ; le recours est donc recevable sous cet
angle.
Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale, il est également recevable du chef des art. 54 al. 1 et 48
al. 1
OJ.

2.
Seule est litigieuse devant le Tribunal fédéral la question de savoir
si
l'action était prescrite au regard de l'art. 46 LCA.

2.1 Rappelant que le point de départ de la prescription biennale
(art. 46
LCA) du droit aux prestations d'assurance en cas d'invalidité est
selon la
juris-prudence le moment où l'invalidité est acquise, les juges
cantonaux ont
consi-déré que si le demandeur avait pu reprendre son activité dans un
premier temps, l'atteinte à son intégrité s'était révélée par la
suite sans
que la SUVA puisse fixer son incapacité de travail. En effet, alors
que le
rapport d'expertise du 5 janvier 1995 évaluait à 10% l'atteinte à
l'intégrité
consécutive à une encéphalopathie post-traumatique minime, celui du 5
août
1996 réservait le pronostic, en exposant que l'état de stress
post-traumatique qui affectait alors la capacité de travail de
l'assuré à
raison de 50% pouvait évoluer vers une incapacité totale de travail.
Ainsi,
l'invalidité de l'assuré n'était en tous les cas pas acquise en août
1996, de
sorte que sa créance n'était pas prescrite à la date de la demande de
prestations, le 20 février 1998.

2.2 La recourante soutient que toutes les séquelles invalidantes
auraient
déjà été constatées dans le rapport d'expertise du 5 janvier 1995,
qui a
évalué l'atteinte à l'intégrité à 10%, ou au plus tard après le
rapport du 5
août 1996. L'intimé n'aurait jamais allégué que ces éléments auraient
évolué
par la suite, et c'est sur ces mêmes éléments, résultant des rapports
d'expertise des 5 janvier 1995 et 5 août 1996, que l'intimé aurait
fondé sa
demande en paiement du 20 décembre 2000. La prescription prévue à
l'art. 46
LCA aurait ainsi commencé à courir au plus tard le 5 août 1996. Or
aucun acte
interruptif de prescription n'est intervenu entre cette date et le 21
mars
2000, date à laquelle la recourante a renoncé à se prévaloir de la
prescription pour autant qu'elle ne fût pas alors déjà acquise. La
demande de
prestations du 20 février 1998 n'ayant pas pu avoir pour effet
d'interrompre
la prescription, la créance de l'intimé était prescrite lors de
l'ouverture
d'action le 20 décembre 2000.

2.3 Aux termes de l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du
contrat
d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît
l'obligation. Selon la jurisprudence, le délai de prescription
institué par
cette disposition ne court pas, pour la prestation payable en cas
d'invalidité, dès le jour de l'accident, mais dès que l'invalidité de
l'assuré est acquise; peu importe en revanche le moment où celui-ci a
eu
connaissance de son invalidité, l'art. 46 al. 1 LCA n'exigeant pas la
connaissance par l'assuré des faits propres à justifier sa prétention
(ATF
118 II 447 consid. 3; cf. ATF 126 III 278 consid. 7b). Comme toute
prescription, celle de l'art. 46 LCA peut être interrompue lorsque le
débiteur reconnaît la dette (art. 135 ch. 1 CO) ou lorsque le
créancier fait
valoir ses droits par l'une des voies énumérées par l'art. 135 ch. 2
CO (cf.
ATF 118 II 447 consid. 4c p. 458).

2.4 En l'occurrence, il appert que les éléments de fait contenus dans
l'arrêt attaqué, et sur la base desquels le Tribunal fédéral doit
conduire
son raisonnement en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c), ne permettent pas de contrôler la conformité de cet
arrêt au
droit fédéral (cf. art. 63 al. 3 et 64 al. 1 OJ). La cour cantonale
n'a en
effet pas indiqué quand le délai de prescription avait selon elle
commencé à
courir; elle s'est au contraire contentée d'exposer que la
prescription
n'avait en tout cas pas encore commencé à courir en août 1996, car le
rapport
d'expertise du 5 août 1996 réservait le pronostic en

ce sens que l'état de stress post-traumatique qui affectait alors la
capacité
de travail de l'assuré à raison de 50% pouvait évoluer vers une
incapacité
totale de travail (cf. consid. 2.1 supra).

Or, comme le relève à raison la recourante (cf. consid. 2.2 supra),
s'il
devait s'avérer qu'aucun élément nouveau n'est apparu entre le mois
d'août
1996 et la demande en paiement du 20 décembre 2000, l'invalidité du
demandeur
devrait être considérée comme acquise dès le mois d'août 1996. En
pareil cas,
le délai de prescription aurait commencé à courir dès ce moment et
serait
arrivé à échéance bien avant le 21 mars 2000, date à laquelle la
recourante a
déclaré renoncer à se prévaloir de la prescription pour autant
qu'elle ne fût
pas alors déjà acquise. En effet, contrairement à ce que pourrait
laisser
penser l'arrêt attaqué, qui se réfère à la date de la demande de
prestations
du 20 février 1998 (cf. consid. 2.1 supra), la prescription n'a pas
pu être
interrompue par les divers courriers du demandeur, et en particulier
pas par
celui du 20 février 1998 (cf. ATF 118 II 447 consid. 4c p. 458).

3.
Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé et
la cause
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens du
considérant qui précède. L'intimé, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que les frais engagés par la
recourante
pour la procédure fédérale (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2.
Sont mis à la charge de l'intimé:
2.1 un émolument judiciaire de 1'200 fr.;
2.2 une indemnité de 1'200 fr. à verser à la recourante à titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties ainsi qu'à la
Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 18 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.114/2002
Date de la décision : 18/07/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-18;5c.114.2002 ?
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