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16/07/2002 | SUISSE | N°H.74/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 juillet 2002, H.74/02


{T 7}
H 74/02 /Tn

Arrêt du 16 juillet 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme
Moser-Szeless

L.________, recourant, représenté par Me Shahram Dini, avocat, rue
Saint-Ours
5, 1205 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 16 novembre 2001)

Faits :

A.
La société

X.________ a été inscrite au Registre du commerce le 24
octobre
1989. Le conseil d'administration de cette société était composé de
L.__...

{T 7}
H 74/02 /Tn

Arrêt du 16 juillet 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme
Moser-Szeless

L.________, recourant, représenté par Me Shahram Dini, avocat, rue
Saint-Ours
5, 1205 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 16 novembre 2001)

Faits :

A.
La société X.________ a été inscrite au Registre du commerce le 24
octobre
1989. Le conseil d'administration de cette société était composé de
L.________, président, de A.________, secrétaire, de B.________,
directeur,
tous trois titulaires de la signature collective à deux, ainsi que de
C.________, administratrice.

Par le biais de la fondation collective LPP de La Genevoise
Assurances, la
Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a
appris le
24 août 1993 que la société X.________ occupait du personnel salarié
sans
être affiliée auprès d'une caisse de compensation. Elle a dès lors
procédé à
son affiliation avec effet rétroactif (confirmation du 27 octobre
1993) et
lui a, par décision du 13 octobre 1994 précédée de plusieurs
sommations,
réclamé le versement des cotisations arriérées pour les années 1991 à
1993.

La faillite de X.________ a été prononcée le 8 décembre 1994. A la
suite de
la publication officielle du prononcé de liquidation sommaire, le 8
mars
1995, la caisse a produit une créance de 12 114 fr. 65 au titre de
cotisations AVS demeurées impayées. Les créanciers ont été informés
du dépôt
de l'état de collocation par une publication officielle du 6
septembre 1995.
Par avis spécial aux créanciers du 18 juin 1996, l'Office des
poursuites et
des faillites de Y.________ a indiqué à la caisse que sa créance
était admise
et que le dividende était de 0 %. Le 28 juin 1996, il lui a délivré
un acte
de défaut de biens pour le montant de sa créance.

Le 12 août 1996, la caisse a pris des décisions en réparation du
dommage
contre chacun des ex-administrateurs, hormis A.________. A l'égard de
L.________, elle a conclu au paiement de 12 202 fr. 10,
«conjointement et
solidairement avec Mme C.________, et avec B.________ à concurrence
de 10 365
fr. 10».

B.
Les destinataires de ces décisions ont tous trois formé opposition.
Aussi
bien la caisse a-t-elle porté le cas devant la Commission cantonale
genevoise
de recours en matière d'AVS/AI/APG qui, par jugement du 16 novembre
2001, a
déclaré «lever» les oppositions formées par C.________ et B.________,
ainsi
que par L.________.

C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, sous suite de frais et dépens, en concluant
au rejet
de l'action en responsabilité de la caisse et à l'annulation de sa
décision
du 12 août 1996.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

D.
C.________ et B.________ ont également recouru devant le Tribunal
fédéral des
assurances contre le jugement les concernant. Leur recours de droit
administratif fait l'objet d'une procédure séparée. En leur qualité de
co-intéressés, ils proposent l'admission des conclusions de
L.________, tout
en contestant certains faits présentés par celui-ci.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice
subi par
l'intimée, aux conditions de l'art. 52 LAVS. Dès lors, la décision
litigieuse
n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou l'abus de
leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés
d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation
avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
Les juges cantonaux ont exposé correctement les dispositions légales
ainsi
que les principes jurisprudentiels applicables en matière de
responsabilité
de l'employeur et de connaissance du dommage, de sorte qu'il suffit
d'y
renvoyer.

On ajoutera que selon la jurisprudence, le principe selon lequel dans
le cas
d'une faillite, la caisse a en règle générale suffisamment
connaissance du
dommage au sens de l'art. 82 al. 1 RAVS au moment où l'état de
collocation et
l'inventaire ont été déposés et peuvent être consultés (ATF 121 V 236
consid.
4a, 119 V 92 consid. 3, 118 V 196 consid. 3a et les références) est
également
valable lorsque la faillite est liquidée selon la procédure de
liquidation
sommaire, dès lors que le prononcé de liquidation sommaire de la
faillite ne
signifie pas encore que la connaissance du dommage est établie (ATF
116 V 77
consid. 3c et les arrêts cités; VSI 1995 p. 199 consid. 3c; arrêt J.
du 4
septembre 2001, H 300/00, arrêt I. du 27 juin 2000, H 12/99, arrêt
non publié
S. et K. du 2 décembre 1999, H 250/98 et H 252/98).

3.
3.1Le recourant soutient que, contrairement à l'avis de la juridiction
cantonale, la péremption d'une année en matière de connaissance du
dommage
(art. 82 al. 1 RAVS) était acquise lorsque la caisse a rendu sa
décision en
réparation, le 12 août 1996. Selon lui, le point de départ du délai de
connaissance du dommage (art. 82 al. 1 RAVS) a commencé à courir dès
le
moment où l'intimée a produit sa créance, le 16 mars 1995, dès lors
qu'elle
était de ce fait en droit de consulter l'inventaire établi par
l'office
compétent, daté du 10 février 1995. Dans la mesure où la liquidation
sommaire
avait été ordonnée, puis publiée le 8 mars 1995, l'intimée se devait
de
consulter l'inventaire qui laissait clairement apparaître l'absence
d'actifs,
et prendre les mesures qui s'imposaient.

3.2 Le simple fait que la procédure de liquidation sommaire a, comme
en
l'espèce, été ordonnée ne permet pas, selon la jurisprudence citée
(cf.
consid. 2), d'établir le moment de la connaissance du dommage, de
sorte que
le recourant ne peut rien déduire en sa faveur de cet événement en
tant que
tel. Il reste à examiner s'il existe une circonstance spéciale
permettant de
considérer que la connaissance du dommage a été acquise par la caisse
avant
le dépôt de l'état de collocation le 6 septembre 1995 (cf. ATF 126 V
452
consid. 2a et arrêt cité).

3.3 Selon l'art. 231 al. 1 let. 1 LP, qui reprend en substance sur ce
point
la version de cette disposition valable jusqu'au 31 décembre 1996,
l'office
propose au juge de la faillite d'appliquer la procédure sommaire
lorsqu'il
constate que le produit des biens inventoriés ne suffira probablement
pas à
couvrir les frais de liquidation. De manière générale, on peut partir
de
l'idée que le double examen de l'inventaire par l'office des
poursuites et
par le juge garantit une appréciation correcte des circonstances. La
constatation que le produit des biens inventoriés ne suffira pas à
couvrir
les frais de liquidation constitue certes un indice important pour le
créancier que sa créance ne sera probablement pas réglée. Il n'en
demeure pas
moins que l'inventaire, qui est une mesure interne de
l'administration de la
faillite, ne produit aucun effet à l'égard des tiers et ne fixe pas
encore
définitivement quels sont les biens qui font partie de la masse
(Gilliéron,
Poursuite pour dettes, faillite et concordat, Lausanne 1993, p. 318;
cf. Urs
Lustenberger, in : Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung
und
Konkurs, ad art. 221 LP, n° 7 et 24). En effet, comme dans le cas
d'une
procédure ordinaire, un appel aux créanciers et une procédure en
collocation
avec dépôt de l'état de collocation et de l'inventaire ont lieu par
la suite
au cours de la procédure sommaire (sur le déroulement de la procédure
sommaire, voir Urs Lustenberger, op. cit., ad art. 231 LP, n° 16 ss).
Etant
donné que le créancier n'est ou ne serait en principe en mesure de
connaître
le montant des actifs, sa propre collocation dans la liquidation,
ainsi que
le dividende prévisible avec suffisamment de certitude que dans cette
phase
de la liquidation, il n'y a pas lieu, dans le cas d'une procédure
sommaire,
de rendre une décision en réparation à un stade antérieur, soit avant
le
dépôt de l'état de collocation (ATF 116 V 77 consid. 3c). Ce d'autant
moins
qu'une procédure préventive en réparation du dommage rend nécessaire
la
conduite de procès qui peuvent s'avérer en fait inutiles par la suite
- parce
que le montant du dommage s'est modifié et n'a pu être arrêté de
manière
certaine qu'au moment du dépôt de l'état de collocation. En revanche,
le
risque d'entreprendre des procédures inutiles reste minime lorsque la
décision en réparation du dommage, qui précède l'action judiciaire,
est
prononcée dans le délai d'un an à compter du dépôt de l'état de
collocation
et de l'inventaire, délai qui apparaît donc nécessaire mais tout à
fait
suffisant (cf. ATF 116 V 78 consid. 3c).

3.4 En conséquence de ce qui précède, on peut retenir que l'intimée
n'était
pas tenue en l'espèce de consulter l'inventaire avant le dépôt de
l'état de
collocation. Admettre le contraire reviendrait en fait à considérer,
d'une
part, le prononcé de liquidation sommaire comme une circonstance
spéciale qui
permettrait à la caisse de compensation d'acquérir la connaissance
nécessaire
du dommage avant le dépôt de l'état de collocation, ce que la Cour de
céans a
justement nié dans une jurisprudence constante (cf. consid. 2).
D'autre part,
on imposerait par ce biais une nouvelle incombance à la caisse de
compensation, qui serait tenue de s'enquérir spontanément, une fois sa
créance produite dans la faillite, auprès de l'office des poursuites
et
faillite à quel moment est établi l'inventaire afin d'en prendre
connaissance
le plus tôt possible. Or, on ne saurait exiger de l'administration
qu'elle
suppute les chances de succès de recouvrement de créances portées à
l'inventaire ou qu'elle évalue la solvabilité d'un débiteur en
particulier,
sur la seule base de l'inventaire, sans aucune indication précise du
préposé
ou d'une autre personne autorisée, avant même le dépôt de l'état de
collocation (et de l'inventaire). On constate donc que les deux
événements
invoqués par le recourant, à savoir l'établissement d'un inventaire
par
l'office des poursuites et faillite et le prononcé de liquidation
sommaire,
ne constituent pas des circonstances exceptionnelles qui
justifieraient de
faire courir le délai d'une année déjà avant le dépôt de l'état de
collocation.

Partant, le moyen tiré de la péremption se révèle infondé.

4.
4.1Le recourant allègue qu'il ne s'est pas rendu coupable d'une
négligence
grave au sens de l'art. 52 LAVS, dès lors que selon la répartition
interne
des tâches entre les administrateurs de X.________, il ne s'occupait
ni de la
gestion du personnel, ni des salaires et assurances sociales, ce qui
est au
demeurant contesté par les co-intéressés, C.________ et B.________.
Il nie
tout comportement dolosif en invoquant par ailleurs le fait que,
jusqu'au
moment où le bilan de liquidation de la société - dont il était
pourtant le
président - lui a été présenté, il ignorait que les cotisations
paritaires
n'avaient pas été payées. Ces arguments ne sauraient être décisifs.

En effet, en sa qualité d'administrateur-président de la société
faillie et
nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du
conseil
d'administration - que le recourant se contente du reste d'alléguer
sans en
démontrer la réalité -, il lui incombait de veiller personnellement à
ce que
la société fût régulièrement déclarée à une caisse de compensation et
à ce
que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent
effectivement payées à l'AVS (art. 51 LAVS). Un administrateur ne
peut se
libérer de cette responsabilité en soutenant qu'il faisait confiance
à ses
collègues chargés de l'administration du personnel de l'entreprise et
du
versement desdites cotisations à la caisse de compensation. Il a au
contraire
le devoir d'exercer la haute surveillance sur les personnes chargées
de la
gestion pour s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les
statuts, les
règlements et les instructions données (art. 716a al. 1 ch. 5 CO).
Si, comme
le relève le recourant, les membres du conseil d'administration qui
n'ont pas
été chargés de la gestion ne sont pas tenus de surveiller chaque
affaire des
personnes chargées de la gestion et de la représentation mais peuvent
se
limiter au contrôle de la direction et de la marche des affaires, ils
doivent
cependant, entre autres obligations, se mettre régulièrement au
courant de la
marche des affaires, exiger des rapports et les étudier
minutieusement et, au
besoin, demander des renseignements complémentaires et essayer de
tirer au
clair d'éventuelles erreurs (ATF 114 V 223 consid. 4a). Le recourant
ne
pouvait donc s'en tenir, en sa qualité d'administrateur-président, à
la
répartition des tâches alléguée. Il lui incombait précisément de
s'occuper du
domaine des cotisations en raison justement de l'importance que revêt
celui-ci (SVR 2001 AHV n° 15 p. 53 consid. 6b).

La négligence est d'autant plus grave que sur le vu des
constatations
de fait
de la juridiction cantonale, le recourant, pas plus que les autres
administrateurs de la société faillie d'ailleurs, ne s'est réellement
soucié
d'affilier le personnel salarié de la société, à savoir B.________ et
lui-même, auprès d'une caisse de compensation. Même après avoir été
informé
par l'intimée, en août 1993, des obligations de l'employeur à cet
égard, les
administrateurs de la société ne lui ont répondu qu'avec réticence et
tardivement après avoir reçu maints rappels et sommations. De ce
fait, les
cotisations paritaires pour les années 1991 à 1994 sont restées en
grande
partie impayées.

Par conséquent, en ne prenant pas des mesures propres à garantir le
paiement
des cotisations, alors qu'il en avait le devoir, le recourant a
commis une
négligence grave, comme l'ont retenu avec raison les premiers juges.

4.2 Pour le reste, il est incontestable que les omissions du
recourant sont
en relation de causalité avec le dommage subi par l'administration.
Quant à
l'étendue de celui-ci, elle n'est pas remise en cause par le
recourant et les
premiers juges l'ont confirmé, implicitement, tout au moins. Ce calcul
apparaît au surplus conforme aux pièces du dossier, de sorte qu'il
n'y a pas
de raison de le remettre en discussion.

5.
Succombant, le recourant supportera les frais de la procédure, qui
n'est pas
gratuite en l'occurrence (art. 134 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice d'un montant de 1200 fr. sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais, d'un même
montant, qu'il
a versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à C.________ et
B.________, à
la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI/APG
ainsi
qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 juillet 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.74/02
Date de la décision : 16/07/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-16;h.74.02 ?
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