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16/07/2002 | SUISSE | N°1A.95/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 juillet 2002, 1A.95/2002


{T 0/2}
1A.95/2002/col

Arrêt du 16 juillet 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Zimmermann.

C. ________,
recourant, représenté par Me Henri Baudraz, avocat, avenue
Juste-Olivier 17,
case postale 3293, 1002 Lausanne,

contre

Juge d'instruction du canton de Vaud, rue du Valentin 34, 1014
Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois, route du Signal
8,

1014
Lausanne.

entraide judiciaire à la Grande-Bretagne; séquestre; refus de
consultation de
dossier,

rec...

{T 0/2}
1A.95/2002/col

Arrêt du 16 juillet 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Zimmermann.

C. ________,
recourant, représenté par Me Henri Baudraz, avocat, avenue
Juste-Olivier 17,
case postale 3293, 1002 Lausanne,

contre

Juge d'instruction du canton de Vaud, rue du Valentin 34, 1014
Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois, route du Signal
8, 1014
Lausanne.

entraide judiciaire à la Grande-Bretagne; séquestre; refus de
consultation de
dossier,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
d'accusation du
Tribunal cantonal vaudois du 22 février 2002.

Faits:

A.
Le 19 mars 2001, le Ministère de l'Intérieur du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a adressé à l'Office fédéral de
la
justice (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide fondée
sur la
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, entrée
en
vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 27 novembre 1991 pour le
Royaume-Uni (CEEJ; RS 0.351.1). Cette demande était présentée pour les
besoins de l'enquête conduite par la Brigade criminelle nationale
notamment
contre M.________ et C.________, ressortissants britanniques
domiciliés
respectivement en Angleterre et à Gibraltar. Les prévenus sont
soupçonnés de
trafic de drogue et de blanchiment d'argent. La demande tendait
notamment à
la remise de la documentation relative aux comptes bancaires qui
auraient pu
servir au transfert du produit du trafic.

Le Juge d'instruction du canton de Vaud - auquel l'Office fédéral
avait
délégué l'exécution de la demande - a rendu une décision d'entrée en
matière.
La procédure d'exécution y relative a été désignée sous la rubrique
PR01.010143-JTR. Dans le cadre de celle-ci, le Juge d'instruction a
ordonné
notamment la saisie de la documentation relative au compte n°xxx
ouvert
auprès de la Banque Dexia (ci-après: la Banque), dont C.________ est
le
titulaire.

Parallèlement, le Juge d'instruction a ouvert une procédure pénale
contre
M.________ et consorts, prévenus de blanchiment d'argent, en relation
avec
les faits évoqués à l'appui de la demande d'entraide. Cette procédure
a été
désignée sous la rubrique PE01.015752-JTR.

Le 23 mai 2001, le Juge d'instruction a, dans le cadre de cette
procédure,
ordonné le séquestre du compte n°xxx. Cette décision, accompagnée de
la
demande d'entraide, a été notifiée à la Banque.

Le 21 novembre 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision de
clôture
partielle de la procédure PR01.010143-JTR, ordonnant notamment la
transmission à l'Etat requérant de la documentation relative au
compte n°xxx.
Cette décision, notifiée à la Banque, est entrée en force.

Le 28 janvier 2002, C.________ s'est adressé au Juge d'instruction,
en lui
demandant à pouvoir consulter le dossier.

Le 30 janvier 2002, le Juge d'instruction a répondu à C.________ que
la
décision de séquestre, rendue pour les besoins de la procédure pénale
cantonale, avait été notifiée à la Banque le 23 mai 2001. C.________
ne
pouvait accéder au dossier de cette procédure qui n'était pas dirigée
contre
lui. Pour le surplus, la procédure d'entraide était terminée pour ce
qui le
concernait.

Le 4 février 2002, C.________ est revenu à la charge. Il a expliqué
que la
Banque avait refusé de lui notifier la décision de séquestre, en
l'invitant à
s'adresser à l'autorité pénale. Il a réitéré sa demande de
consultation du
dossier et demandé la notification de l'ordonnance de clôture du 21
novembre
2001.

Le 6 février 2002, le Juge d'instruction a rendu une décision formelle
refusant à C.________ l'accès au dossier de la procédure
PE01.015752-JTR.
Contre cette décision, C.________ a recouru auprès du Tribunal
d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, en demandant l'annulation de
la
décision de séquestre du 23 mai 2001, faute de motivation, et le
droit de
consulter l'intégralité des dossiers, qu'ils relèvent de l'entraide
ou de la
procédure pénale.

Par arrêt du 22 février 2002, notifié le 24 avril suivant, le Tribunal
d'accusation a rejeté le recours et confirmé les décisions des 23 mai
2001 et
6 février 2002. Il a considéré, en bref, que la décision du 23 mai
2001
trouvait une motivation implicite à l'art. 223 al. 1 CPP/VD et que,
faute
d'avoir démontré que les conditions du séquestre n'étaient pas
réalisées,
C.________ ne pouvait se plaindre d'une violation de son droit d'être
entendu
à cet égard. Quant au refus de laisser consulter le dossier de la
procédure
PR01.010143-JTR, il était justifié par le besoin de protéger les
enquêtes
ouvertes en Suisse et à l'étranger. De même, l'intérêt de la
procédure pénale
commandait de ne pas donner à C.________ l'accès au dossier de la
procédure
PE01.015752-JTR.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, C.________
demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 22 février
2002,
subsidiairement de lui accorder le droit de consulter les dossiers des
procédures PR 01.010143-JTR et PE01.015772-JTR. Il invoque les art.
29 al. 2
Cst., 6 CEDH et 14 al. 3 du Pacte ONU II, ainsi que l'art. 80b de la
loi
fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars
1981
(EIMP; RS 351.1).

Le Tribunal d'accusation se réfère à son arrêt. Le Juge d'instruction
a
renoncé à se déterminer. L'Office fédéral a produit des observations
tendant
à ce que le recours soit rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Invité à se déterminer à ce sujet, le recourant n'a pas produit
d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a
p. 48;
128 II 13 consid. 1a p. 16, 46 consid. 2a p. 47, 56 consid. 1 p. 58,
66
consid. 1 p. 67, et les arrêts cités).

1.1 Selon les art. 97 et 98 let. g OJ, mis en relation avec l'art. 5
PA, la
voie du recours de droit administratif est ouverte contre les
décisions des
autorités cantonales de dernière instance et qui sont fondées sur le
droit
fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour autant qu'aucune des
exceptions
prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit
réalisée
(ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 128 II 13 consid. 1b p. 16, 56
consid.
1a/aa p. 58; 127 II 1 consid. 2b/aa p. 3/4, 198 consid. 2a p.
201/202, et les
arrêts cités). Le recours de droit administratif est aussi recevable
contre
les décisions cantonales fondées à la fois sur le droit fédéral et
sur le
droit cantonal, dans la mesure où la violation de dispositions du
droit
fédéral directement applicables est en jeu (cf. art. 104 let. a OJ;
ATF 128 I
46 consid. 1b/aa p. 49; 128 II 56 consid. 1a/aa p. 58; 127 II 198
consid. 2a
p. 202, et les arrêts cités). En revanche, c'est la voie du recours
de droit
public qui est ouverte contre des décisions fondées uniquement sur le
droit
cantonal et qui ne présentent pas de lien de connexité suffisamment
étroit
avec l'application du droit fédéral (ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p.
49; 126 II
171 consid. 1a p. 173; 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414, et les arrêts
cités).
Ces principes s'appliquent également dans le domaine de l'entraide
judiciaire
internationale en matière pénale (ATF 127 II 198 consid. 2a p.
201/202).

1.2 En l'état, la procédure d'entraide est close, pour ce qui
concerne le
recourant, après le prononcé de la décision de clôture partielle du 21
novembre 2001. En tant que titulaire du compte n°xxx, le recourant
avait en
principe le droit de se voir notifier cette décision. Le Juge
d'instruction
pouvait toutefois se dispenser de toute notification, puisque le
recourant
n'est pas domicilié en Suisse et n'y avait pas élu un domicile de
notification (art. 80m EIMP). En pareil cas, la notification se fait
par le
truchement du détenteur des documents, soit, en l'occurrence, la
Banque, à
moins que l'autorité d'exécution n'ait interdit cette communication
(art. 80n
al. 1 EIMP). Or, tel n'était pas le cas en l'espèce. Le recourant
objecte à
cela que la Banque aurait refusé de lui communiquer une copie de la
demande
d'entraide et de la décision de séquestre. Cela ne change rien au
fait qu'à
teneur de l'art. 80n EIMP, mis en relation avec l'art. 80m EIMP, la
notification est réputée être intervenue, sans qu'il soit nécessaire
pour le
surplus d'examiner la manière avec laquelle la Banque a géré ses
rapports
avec le recourant. Celui-ci serait donc forclos s'il entendait
remettre en
discussion la décision de clôture de la procédure d'entraide, ainsi
que les
décisions incidentes antérieures. La démarche du recourant ne va
cependant
pas aussi loin: elle se limite, sous ce rapport, à la consultation du
dossier
de la procédure PR01.010143-JTR.

1.3 Le refus de donner accès au dossier de cette procédure peut faire
l'objet d'un recours de droit administratif au sens de l'art. 25 al.
1 EIMP.
La question de savoir si le recourant était légitimé à consulter le
dossier
relève du fond (cf. consid. 2 ci-dessous). Il convient, partant,
d'entrer en
matière sur le recours de droit administratif, en tant qu'il est
dirigé
contre le rejet de la demande de consultation du dossier
PR01.010143-JTR.

1.4 Le séquestre du compte n°xxx, fondé sur l'art. 59 CP, mis en
relation
avec l'art. 223 CPP/VD, a été ordonné pour les besoins de la procédure
PE01.015752-JTR. Dans l'arrêt Abacha, le Tribunal fédéral a admis que
la
décision relative à la consultation du dossier d'une procédure pénale
cantonale puisse être entreprise par la voie du recours de droit
administratif, pour autant que cette décision influe directement sur
le sort
d'une demande d'entraide pendante et étroitement connexe (ATF 127 II
198).
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Le séquestre litigieux est
indépendant
de la demande d'entraide, laquelle ne tend pas (du moins, en l'état)
à la
remise en vue de restitution ou de confiscation des valeurs placées
sur le
compte n°xxx. Sans doute les faits de blanchiment à l'origine de cette
procédure sont-ils les mêmes que ceux évoqués dans la demande
d'entraide,
raison pour laquelle une copie de cette demande a été versée au
dossier de la
procédure PE01.015752-JTR. En outre, le compte et les personnes
impliquées
sont les mêmes. Cela étant, la procédure d'entraide et la procédure
pénale ne
sont pas imbriquées au point que l'accès au dossier de la deuxième
équivaudrait à laisser consulter celui de la première, comme c'était
le cas
dans l'affaire Abacha. En effet, la demande d'entraide a aussi porté
sur
d'autres comptes et d'autres personnes, que le séquestre du compte
n°xxx ne
touche pas. A défaut du lien de connexité exigé par la jurisprudence
qui
vient d'être rappelée, l'arrêt attaqué, en tant qu'il concerne le
séquestre
litigieux, repose exclusivement sur le droit cantonal; seule la voie
du
recours de droit public est ouverte en l'occurrence. Le recours de
droit
administratif est ainsi irrecevable dans la mesure où il a trait à la
procédure PE01.015752-JTR.

1.5 Irrecevable, le recours de droit administratif peut néanmoins être
converti en recours de droit public (ATF 117 Ia 107 consid. 2a p.
110/111),
la désignation erronée du recours ne nuisant pas au recourant pour
autant que
les conditions de forme légales sont respectées (ATF 122 I 328
consid. 2d p.
333; 120 Ib 379 consid. 1a; 118 Ib 326 consid. 1b p. 330; 115 Ib 347
consid.
1b p. 352, et les arrêts cités). En l'occurrence, se prévalant de
l'art. 29
al. 2 Cst., le recourant a réservé, pour le surplus, les "éléments du
recours
de droit public contre l'ordonnance de séquestre". Il s'est plaint à
cet
égard de ce que la simple référence aux art. 223 al. 1 CPP/VD et 80b
EIMP ne
pourrait justifier la décision du 23 mai 2001. Ainsi formulé, le
grief tiré
de la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. répond, de manière juste
suffisante,
aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 128 II 50 consid.
1c p.
53/54; 127 I 38 consid. 4 p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536, et
les arrêts
cités). Le recours, traité comme recours de droit public, est ainsi
recevable
en tant qu'il concerne la motivation de la décision du 23 mai 2001
rendue
dans le cadre de la procédure PE01.015752-JTR. Il ne l'est pas, en
revanche,
faute de grief topique, contre le refus d'autoriser la consultation du
dossier de cette procédure.

2.
Le recourant reproche au Juge d'instruction, puis au Tribunal
d'accusation,
de ne pas lui avoir donné accès au dossier de la procédure
PR01.010143-JTR.

2.1 Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être
entendu
garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10).
Tels
qu'ils sont invoqués, les art. 6 CEDH et 14 par. 3 du Pacte ONU II
n'ont pas
de portée propre à cet égard. Le droit de consulter le dossier peut
être
exercé non seulement au cours d'une procédure, mais aussi de manière
indépendante, notamment pour consulter, comme en l'espèce, le dossier
d'une
affaire liquidée. Dans ce cas, le requérant doit faire valoir un
intérêt
digne de protection à l'exécution de cette mesure (ATF 127 I 145
consid. 4a
p. 151; 126 I 7 consid. 2b p. 10, 125 I 257 consid. 3b p. 260, et les
arrêts

cités). Le droit de consulter le dossier archivé peut en outre être
supprimé
ou limité dans la mesure où l'intérêt public ou l'intérêt
prépondérant de
tiers exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets
(ATF 127
I 145 consid. 4a p. 151; 125 I 257 consid. 3b p. 260; 122 I 153
consid. 6a p.
161, et les arrêts cités). Dans cette hypothèse, conformément au
principe de
la proportionnalité, doit être autorisé l'accès aux pièces dont la
consultation ne compromet pas les intérêts en cause (ATF 125 I 257
consid. 3b
p. 260; 122 I 153 consid. 6a p. 161, et les arrêts cités).

2.2 Ces principes déduits des art. 29 al. 2 Cst. et 4 aCst. sont
concrétisés,
dans le domaine de l'entraide judiciaire, par l'art. 80b EIMP, dont le
recourant se prévaut. A teneur de l'art. 80b al. 1 EIMP, les ayants
droit
peuvent participer à la procédure et consulter le dossier si la
sauvegarde de
leurs intérêts le commande. Ces droits peuvent, selon l'art. 80b al.
2 EIMP,
être limités si l'exige l'intérêt de la procédure à l'étranger (let.
a); la
protection d'un intérêt juridique important, allégué par l'Etat
requérant
(let. b); la nature ou l'urgence des mesures à prendre (let. c); la
protection d'intérêts privés importants (let. d) ou l'intérêt d'une
procédure
conduite en Suisse (let. e). Le refus d'autoriser la consultation de
pièces
ou la participation à la procédure ne peut s'étendre qu'aux actes
qu'il y a
lieu de tenir secrets (art. 80b al. 3 EIMP).

Est un ayant droit au sens de l'art. 80b EIMP celui qui a qualité de
partie à
la procédure et qui dispose, par conséquent, de la qualité pour agir
au sens
de l'art. 80h let. b EIMP (cf. ATF 127 II 104 consid. 4 p. 110/111;
arrêts
1A.303/2000 du 5 mars 2001, consid. 2; 1A.314/2000 du 5 mars 2001,
consid.
3a; 1A.313/1997 du 27 février 1998, consid. 2c; pour ce qui concerne
l'art. 9
LTEJUS, disposition analogue à l'art. 80b EIMP, cf. l'arrêt
1A.60/2000 du 22
juin 2000, consid. 2). En tant que titulaire du compte n°xxx, le
recourant
aurait eu qualité pour agir contre la décision de clôture du 21
novembre
2001; partant, il aurait pu consulter les pièces du dossier de la
procédure
d'entraide le concernant, soit la demande d'entraide et ses annexes,
ainsi
que les pièces relatives aux mesures prises au sujet du compte n°xxx
(cf.
arrêt 1A.109/2000 du 18 juillet 2000 consid. 2a). Il a perdu ce droit
après
l'entrée en force de la décision de clôture, à la notification de
laquelle il
ne peut plus prétendre (art. 80m al. 2 et 80n al. 2 EIMP; consid. 1.2
ci-dessus).

Dans la procédure d'entraide, la consultation du dossier a pour but
essentiel
d'assurer l'exercice des droits garantis aux parties à la procédure,
soit
notamment le droit d'être entendu et le droit de recours.
Conséquemment, ce
droit s'éteint en principe lorsque l'entraide a été accordée et la
demande
exécutée (arrêts 1A.60/2000, précité, consid. 4e et 1A.233/1997, du 10
octobre 1997). Le recourant - qui n'indique pas, hormis l'exigence de
la
transparence de la procédure, quel intérêt commanderait de lui
accorder ce
qu'il réclame - pourra consulter les pièces remises par la Suisse
dans le
cadre de la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant. Pour le
surplus,
la consultation des pièces du dossier terminé le concernant ne lui
permettrait pas d'entreprendre la décision de clôture, ainsi que les
décisions incidentes antérieures, qui sont entrées en force. La
demande
devait être rejetée pour ces seuls motifs, sans qu'il eût été
nécessaire de
rechercher, comme l'a fait le Tribunal d'accusation, si des intérêts
opposés,
mentionnés à l'art. 80b EIMP, auraient de toute manière fait obstacle
à la
requête présentée par le recourant.

3.
S'agissant de la procédure PE01.015752-JTR, le recourant se plaint de
ce que
la décision du 23 mai 2001 ne serait pas motivée. C'est dans cette
mesure
limitée que le recours, traité comme recours de droit public, est
recevable
(cf. consid. 1.5 ci-dessus).

3.1 Il découle du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2
Cst.,
l'obligation pour l'autorité d'indiquer dans son prononcé les motifs
qui la
conduisent à sa décision (cf. pour la jurisprudence relative à l'art.
4
aCst., ATF 123 I 31 consid 2c p. 34; 112 Ia 107 consid. 2b p. 109).
L'autorité n'est pas tenue de discuter de manière détaillée tous les
arguments soulevés par les parties; elle n'est pas davantage
astreinte à
statuer séparément sur chacune des conclusions qui lui sont
présentées. Elle
peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du
litige; il
suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de
la
décision et l'attaquer à bon escient (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p.
17; 125
II 369 consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149; 124 V 180
consid. 1a
p. 181, et les arrêts cités). En tant que partie à la procédure
cantonale de
recours, le recourant est habilité à soulever ce grief (ATF 123 I 25
consid.
1 p. 26/27).

3.2 La décision du 23 mai 2001 ne contient aucun exposé de ses
motifs; elle
ne mentionne aucune disposition légale. Si les organes de la Banque à
qui
elle a été notifiée ne s'en sont pas alarmés, c'est parce qu'il
devait leur
sembler évident que cette mesure, ordonnée dans la procédure pénale,
était
fondée sur les motifs à la base de la demande d'entraide. Répondant au
recourant qui lui avait demandé, le 28 janvier 2002, les motifs de ce
séquestre, le Juge d'instruction s'est borné à lui répondre, le 30
janvier
2002, que cette mesure avait été prise "dans le cadre d'une procédure
locale
fondée sur l'art. 59 CP". Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal
d'accusation a
considéré que la décision du 23 mai 2001 trouvait sa motivation à
l'art. 223
al. 1 CPP/VD, à teneur duquel le juge a le droit de séquestrer tout
ce qui
peut avoir servi ou avoir été destiné à commettre l'infraction, tout
ce qui
paraît en avoir été le produit, ainsi que tout ce qui peut concourir
à la
manifestation de la vérité; le juge peut également séquestrer les
passeports
ou autres pièces d'identité du prévenu, s'il craint la fuite de ce
dernier.
Il apparaissait ainsi, selon le Tribunal d'accusation, que le Juge
d'instruction avait admis l'existence d'indices suffisants pour étayer
l'hypothèse que les valeurs saisies aient pu servir à commettre une
infraction ou puissent en être le produit; le séquestre était dès lors
nécessaire pour assurer l'exécution d'une confiscation éventuelle. A
défaut
d'avoir démontré que les conditions du séquestre n'étaient pas
réunies, le
recourant ne pouvait se prévaloir, dans ce contexte, d'une violation
de son
droit d'être entendu.

3.3 Cette solution n'est pas compatible avec les exigences de l'art.
29 al. 2
Cst. La personne privée de la libre disposition de ses biens a le
droit de
savoir pour les besoins de quelle procédure cette mesure est
ordonnée. Cela
exige de lui indiquer, de manière succincte, contre qui l'action
pénale est
engagée, quels sont les faits poursuivis et surtout pour quelles
raisons le
séquestre doit être prononcé (cf. les arrêts 1P.437/2000 du 27
septembre
2000, consid. 2b; 1P.510/1994 du 28 octobre 1994, consid. 1c;
1P.542/1993 du
15 décembre 1993, consid. 5a; cf. aussi, en relation avec un séquestre
ordonné en application de la PPF; ATF 120 IV 297 consid. 3e p. 299).
Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal d'accusation, la seule
référence à
la norme donnant la base légale à la restriction à la propriété
qu'entraîne
le séquestre ne suffit pas. En lisant l'art. 223 al. 1 CPP/VD, au
demeurant
non mentionné dans la décision du 23 mai 2001, le recourant n'aurait
pas pu
discerner si le séquestre avait pour but de réunir des moyens de
preuve ou
avait été ordonné en vue d'une remise ou d'une confiscation
ultérieure. La
prise de position du Juge d'instruction du 30 janvier 2002 a sans
doute
éclairé le recourant sur ce dernier point, puisque l'art. 59 CP,
auquel le
Juge d'instruction s'est référé dans cette écriture, porte sur le
séquestre
en vue de confiscation. Cela ne suffisait cependant pas pour admettre
que le
recourant était, sur la base de cette seule indication, au fait de la
situation au point d'être en mesure d'attaquer la décision à bon
escient.
N'ayant pas été informé par le Juge d'instruction, même de manière
minimale,
des raisons pour lesquelles le séquestre avait été prononcé, le
recourant
s'est trouvé dans l'impossibilité de le contester efficacement devant
le
Tribunal d'accusation. En cela, son droit d'être entendu a été violé.

L'obligation de motiver, même succinctement, la décision de séquestre
découle
en outre du système de la loi. L'art. 223 al. 3 CPP/VD parle d'une
ordonnance
de séquestre qui est notifiée. Le terme d'ordonnance au sens du CPP
équivaut
à celui de décision formelle, au sens usuel du terme, ce qui
présuppose
qu'elle soit désignée comme telle, motivée, signée et notifiée avec
l'indication des voies de droit (cf. art. 300 CPP/VD). En outre,
l'existence
d'une voie de recours auprès du Tribunal d'accusation contre la
décision
relative au séquestre (art. 298 CPP/VD) implique que la décision
attaquable
contienne un exposé minimal de ses motifs. A défaut, on ne voit pas
comment
le recours pourrait lui-même être suffisamment motivé comme la loi
l'exige,
ni sur quoi pourrait porter l'examen de l'autorité de recours.

3.4 Le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé sur ce point
précis,
indépendamment de son sort au fond (ATF 126 V 130 consid. 2b p. 132;
124 V
180 consid. 4a p. 183 et les arrêts cités). Les autorités cantonales
n'ont
pas fourni, dans leurs réponses au recours, des indications de nature
à
remédier aux défauts de la procédure cantonale; ceux-ci ne peuvent,
partant,
être guéris dans le cadre de la présente procédure (cf. ATF 124 I 336
consid.
4d in fine p. 342; 107 Ia 1). Il appartiendra au Tribunal
d'accusation de
statuer à nouveau sur le grief formel du recourant. L'admission du
recours
sur ce point n'entraîne pas l'annulation de la décision du 23 mai
2001,
laquelle ne fait pas l'objet du recours (cf. art. 86 OJ).

4. Le recours doit être admis partiellement, en tant qu'il est traité
comme
recours de droit public, et l'arrêt attaqué annulé au sens du
considérant qui
précède. Le recours doit être rejeté pour le surplus, dans la mesure
où il
est recevable. Le recourant n'emportant que partiellement gain de
cause, il
se justifie de mettre les frais à sa charge (art. 156 OJ). L'Etat de
Vaud
versera au recourant une indemnité réduite à titre de dépens (art.
159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, en tant qu'il est traité comme
recours de
droit public, et l'arrêt attaqué est annulé au sens du considérant 3.
Le
recours est rejeté pour le surplus, dans la mesure où il est
recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
L'Etat de Vaud versera au recourant une indemnité de 1000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de
Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 125 889).

Lausanne, le 16 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.95/2002
Date de la décision : 16/07/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-16;1a.95.2002 ?
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