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10/07/2002 | SUISSE | N°4C.132/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juillet 2002, 4C.132/2002


{T 0/2}
4C.132/2002 /ech

Arrêt du 10 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin.

X. ________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par Me Caroline Koenemann,
avocate,
place de la Taconnerie 5, 1204 Genève,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me François P. Gillioz, avocat,
ch. de la
Tour-de-Champel 1, case postale 173, 1211 Genève 25.

évacuation; maxime d'office
> (recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière
de baux
et loyers du canton de Genève du 18 février 2002...

{T 0/2}
4C.132/2002 /ech

Arrêt du 10 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin.

X. ________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par Me Caroline Koenemann,
avocate,
place de la Taconnerie 5, 1204 Genève,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me François P. Gillioz, avocat,
ch. de la
Tour-de-Champel 1, case postale 173, 1211 Genève 25.

évacuation; maxime d'office

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière
de baux
et loyers du canton de Genève du 18 février 2002).
Faits:

A.
Par contrat du 28 janvier 1999, X.________ SA a remis à bail pour une
durée
indéterminée un appartement de 4 pièces à A.________, contre un loyer
annuel
de 16 200 fr., ascendant à 18 252 fr. avec le parking et les charges.

Devant la carence du locataire, la bailleresse lui a fixé
successivement des
délais de paiement et de résiliation en application de l'art. 257d
al. 1 et 2
CO, qui n'ont pas été respectés, de sorte qu'elle a requis du
Tribunal des
baux et loyers de Genève son évacuation, prononcée le 3 octobre 2001.
Sur
appel du locataire, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers
a, par
arrêt du 18 février 2002, annulé le jugement de première instance et
rejeté
la requête d'évacuation. La Chambre d'appel a retenu que la
bailleresse
n'avait pas déposé auprès d'elle les pièces à l'appui de sa requête,
dont
elle devait être déboutée, faute de preuve. Elle a indiqué qu'elle ne
pouvait
pas "les lui réclamer actuellement, sauf à avantager procéduralement
une
partie, ce qui n'est pas admissible du point de vue de l'égalité de
traitement entre parties dans le cadre d'un appel (ordinaire ou
extraordinaire)."

B.
La bailleresse recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à
l'annulation de l'arrêt du 18 février 2002 et à l'évacuation
immédiate du
locataire. Invoquant la violation des art. 274d al. 3 CO, 274f al. 2
CO et 29
al. 1 Cst., elle reproche à la juridiction cantonale d'être entrée en
matière
sur un appel non signé du locataire ou de son avocat et de n'avoir pas
sollicité d'elle-même la production des pièces de première instance,
ces
dernières restant en possession du Tribunal des baux et loyers pour
transmission à la cour cantonale, en cas d'appel.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les arrêts rendus sur recours par la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève contre des jugements d'évacuation pour
défaut de
paiement du loyer sont considérés comme des décisions finales, au
sens de
l'art. 48 al. 1 OJ, par le Tribunal fédéral (arrêt 4C.413/1996 du 27
février
1997, in: SJ 1997 p. 538 ss consid. 1b; cf. aussi ATF 122 III 92).

1.1 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ème phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Les griefs d'atteinte aux garanties générales de procédure au sens de
l'art.
29 al. 1 Cst., ainsi que de violation des prescriptions de forme en
matière
de requête d'appel (selon l'art. 444 LPC/GE, que la recourante ne
mentionne
pas expressément), auraient dû être soulevés dans un recours de droit
public.
Ils sont irrecevables ici.

1.2 En cas de contestation au sujet de la validité d'un congé, la
valeur
litigieuse se calcule en fonction de la période pendant laquelle le
contrat
subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, et qui
s'étend
jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé peut être donné ou l'a
été
effectivement (arrêt 4C.310/1996 du 16 avril 1997, in SJ 1997, p.
493/494
consid. 2a et les références). Lorsque le bail est de durée
indéterminée, la
valeur litigieuse se fixe en application de l'art. 36 al. 5 OJ. En
l'occurrence, le bail est de durée indéterminée et le loyer annuel
s'élève à
16 200 fr. La valeur litigieuse à laquelle l'art. 46 OJ subordonne la
recevabilité du recours en réforme est en conséquence largement
dépassée.

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire
son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille
compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait
qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'y a pas
lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189
consid.
2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des
parties,
lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b
in fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni
par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248
consid.
2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 274d al. 3 CO,
faisant
valoir que la Chambre d'appel n'a pas sollicité de sa part la
production des
pièces déposées en première instance.

2.1 L'art. 274d al. 3 CO prescrit au juge d'établir d'office les
faits, à
charge des parties de lui soumettre toutes les pièces nécessaires à
l'appréciation du litige. Il pose ainsi le principe d'une maxime
inquisitoriale sociale, que l'on distinguera de la maxime officielle
absolue.
Le juge doit interroger les parties et les informer de leur devoir de
collaboration et de production de preuves, mais il n'a pas à instruire
d'office le litige lorsque l'une d'elles renonce à expliquer sa
position. Il
n'est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont
complètes que s'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur
ce point.
Il n'a pas d'autre initiative à prendre que celle d'inviter les
parties à
mentionner les preuves et à les présenter. La maxime inquisitoire
prévue par
le droit du bail ne permet pas d'étendre à bien plaire
l'administration des
preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231
consid. 4a, p. 238).

La maxime inquisitoriale sociale, instituée à l'art. 274d al. 3 CO,
est la
concrétisation procédurale de l'évolution du droit de fond dans le
sens d'une
plus grande recherche de la vérité et d'une plus grande protection de
la
partie faible au contrat. Dans ce sens, le renforcement du rôle du
juge, dans
les domaines du droit qui actualisent l'intervention de l'Etat dans
la vie
économique et sociale, postule un effacement de la maxime des débats
au
profit de la maxime d'office, directement inspirée de la procédure
administrative, notamment en matière de droit économique, de droit du
bail et
de droit du travail (Christoph Rohner, Probleme des Rechtsschutzes,
in RDS
107 (1988) II, p. 245, 246, 291 et 292). Se référant à la
jurisprudence, la
doctrine rappelle que la maxime inquisitoriale sociale est un élément
par
lequel le droit de fond tendant à la protection de la partie la plus
faible,
au contrat et dans le procès, est mis en oeuvre (Oscar Vogel/Karl
Spühler,
Grundriss des Zivilprozessrechts, p. 334 et 335); elle ne va
cependant pas
jusqu'à supprimer le devoir des parties de formuler leurs allégués et
d'avancer leurs moyens de preuve, auquel le juge n'est pas tenu
(Vogel/Spühler, loc. cit., p. 329 et 330).

2.2 En l'espèce, il est constant que la Chambre d'appel n'a disposé
d'aucune
des pièces qui avaient été remises au Tribunal des baux et loyers et
qu'elle
n'avait dans son dossier qu'un certain nombre de quittances de loyer,
apportées comme moyen libératoire par le locataire. Faisaient en
particulier
défaut le contrat de bail, un décompte des loyers établi par la
bailleresse,
l'avis comminatoire de mise en demeure avec menace de résiliation et
l'avis
officiel de congé, au sens de l'art. 257d CO. Or, la bailleresse
devait
présenter les pièces nécessaires à l'appréciation du litige et son
attitude
passive s'avère contraire à son devoir de collaboration et à la
nécessité de
défendre son argumentation juridique sur la base des moyens de preuve
qu'elle
devait fournir. La Chambre d'appel, en présence d'un dossier ne
contenant pas
certaines pièces déterminantes de la recourante, aurait pu éprouver
des
doutes quant au caractère complet des offres de preuves, notamment si
le
dossier transmis d'office par le Tribunal des baux et loyers, en
application
de l'art. 444 al. 2 LPC/GE, lui paraissait lacunaire. Une éventuelle
violation du droit cantonal sur ce point ne peut cependant être
sanctionnée
par le Tribunal fédéral dans la procédure du recours en réforme, on
l'a déjà
rappelé. Cela étant, au vu de l'obligation incombant aux parties de
communiquer toutes les pièces utiles à l'appréciation du litige posée
par
l'art. 274d al. 3 in fine CO, et ceci aussi bien en première instance
qu'en
appel, il n'apparaît pas que l'interprétation donnée par la cour
cantonale à
cette disposition soit contraire au droit fédéral. Cette constatation
est
d'autant plus vraie lorsque la partie qui s'est abstenue de présenter
les
pièces nécessaires est assistée d'un mandataire professionnellement
qualifié.

Il s'ensuit que l'argument de violation de l'art. 274d al. 3 CO doit
être
écarté pour les raisons indiquées ci-dessus, et non pas parce que
l'autorité
judiciaire de seconde instance ne pourrait pas réclamer les pièces à
l'une
des parties, au risque de ne pas respecter l'égalité de traitement
entre
elles dans le cadre de l'appel. A cet égard, la motivation apportée
par la
juridiction cantonale à l'arrêt entrepris est dénuée de pertinence,
puisque
la maxime inquisitoriale sociale prévoit l'obligation d'interpeller
la partie
qui manifeste des insuffisances sous l'angle du devoir de
collaboration et de
la production des preuves. Dans ces circonstances, l'égalité entre
parties et
la loyauté du débat judiciaire postulent justement que l'une des
parties soit
mise en mesure de pallier un manquement procédural dont l'autre
partie n'est
pas affectée. La décision de la Chambre d'appel peut ainsi être
confirmée,
mais par substitution de motifs.

3.
Le grief de violation de l'art. 274f al. 2 CO n'est assorti d'aucune
motivation spécifique; sa simple citation ne suffit pas à remplir les
exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ. Il doit en conséquence être
déclaré
irrecevable.

4.
Vu l'issue du litige, la recourante supportera les frais de justice.
Le
locataire n'ayant pas réagi, aucune indemnité à titre de dépens ne
lui sera
allouée (art. 156 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt
attaqué
est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 10 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.132/2002
Date de la décision : 10/07/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-10;4c.132.2002 ?
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