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10/07/2002 | SUISSE | N°2P.63/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juillet 2002, 2P.63/2001


{T 1/2}
2P.63/2001 /dxc

Arrêt du 10 juillet 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin,
greffière Ieronimo Perroud.

Résid'EMS, Association pour le bien-être des Résidants en
établissement
médico-social (EMS),
case postale 226, 1000 Lausanne 12,
requérante,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud,
Château cantonal, 1014 Lausanne.

demande d'interprétation de l'arrêt rendu le 24 juillet 2000 par la

IIe Cour
de droit public du Tribunal fédéral dans la cause opposant Résid'EMS
et
consorts au Conseil d'Etat du canton de ...

{T 1/2}
2P.63/2001 /dxc

Arrêt du 10 juillet 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin,
greffière Ieronimo Perroud.

Résid'EMS, Association pour le bien-être des Résidants en
établissement
médico-social (EMS),
case postale 226, 1000 Lausanne 12,
requérante,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud,
Château cantonal, 1014 Lausanne.

demande d'interprétation de l'arrêt rendu le 24 juillet 2000 par la
IIe Cour
de droit public du Tribunal fédéral dans la cause opposant Résid'EMS
et
consorts au Conseil d'Etat du canton de Vaud (2P.371/1997 et
2P.372/1997)

(demande d'interprétation du 1er mars 2001)

Faits:

A.
Par arrêt du 24 juillet 2000 (causes 2P.371/1997 et 2P.372/1997), la
IIe Cour
de droit public du Tribunal fédéral a statué notamment sur le recours
de
droit public présenté par l'association Résid'EMS contre l'arrêté du
19 mars
1997 fixant pour l'année 1997 les tarifs des prestations de soins et
des
prestations socio-hôtelières fournies par les établissements
médico-sociaux
et les divisions pour malades chroniques des hôpitaux, dans la cause
l'opposant au Conseil d'Etat du canton de Vaud. Le dispositif de cet
arrêt
est le suivant:
"1. Joint les causes 2P.371/1997 et 2P.372/1997.
2. Admet partiellement les recours dans le sens des considérants,
dans la
mesure où ils sont recevables et ne sont pas devenus sans objet;
annule les
art. 6 et 9 de l'arrêté litigieux ainsi que les annexes II B et III B.
3. Met à la charge des recourants 1 un émolument judiciaire réduit de
2'000
fr., solidairement entre eux.
4. Met à la charge des recourants 2 un émolument judiciaire réduit de
500
fr., solidairement entre eux.
5. Dit que le canton de Vaud versera aux recourants 1 une indemnité
réduite
de 1'500 fr. à titre de dépens.
6. Communique le présent arrêt (...)."

B.
Le 1er mars 2001, Résid'EMS s'est adressée au Tribunal fédéral en
demandant
l'interprétation de l'arrêt précité et en prenant les conclusions
suivantes:
"qu'il soit confirmé que l'arrêt du 24 juillet 2000 est directement
applicable, s'agissant de résidants bénéficiant d'une aide du canton;
que l'on ne reconnaît pas en revanche une liberté sans limite aux EMS,
s'agissant de fixer le tarif des prestations socio-hôtelières
applicables aux
résidants financièrement indépendants (...)."

C.
Le Conseil d'Etat du canton de Vaud a présenté ses observations le 5
avril
2001.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à l'art. 145 al. 1 OJ, lorsque le dispositif d'un arrêt
est peu
clair, incomplet ou équivoque ou que ses éléments sont
contradictoires entre
eux ou avec les motifs ou qu'il contient des fautes de rédaction ou de
calcul, le Tribunal fédéral, à la demande écrite d'une partie,
interprète ou
rectifie l'arrêt.

1.1 Selon la jurisprudence, l'interprétation tend à remédier à une
formulation peu claire, incomplète, équivoque ou en elle-même
contradictoire
de la décision rendue (dispositif). Elle peut, en outre, se rapporter
à des
contradictions existant entre les motifs de la décision et le
dispositif
(Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire,
vol. V,
p. 81 ss; Knapp, Précis de droit administratif, 4e éd., nos 1146 et
1147 p.
253, 2069-2071 p. 428-429; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e
éd., p.
228; Grisel, Traité de droit administratif, t. II, p. 945-946;
Saladin, Das
Verwaltungsverfahrensrecht des Bundes, p. 261). Les considérants ne
peuvent
faire l'objet d'une interprétation que si et dans la mesure où il
n'est
possible de déterminer le sens de la décision (dispositif) qu'en ayant
recours aux motifs (ATF 110 V 222 consid. 1; 104 V 53 consid. 1; 101
Ib 223
consid. 3). Enfin, l'interprétation a pour but de rectifier des
fautes de
rédaction, de pures fautes de calcul ou des erreurs d'écriture (ATF
99 V 64
consid. 2; Gygi, op. cit., p. 228 et les références).

1.2 Ne sont pas recevables, en revanche, les demandes
d'interprétation qui
visent à la modification du contenu de la décision. Il n'est pas
davantage
admissible de provoquer, par la voie de la demande d'interprétation,
une
discussion d'ensemble sur la décision entrée en force (relative, par
exemple,
à la conformité au droit ou à la pertinence de celle-ci), ayant pour
objet
tous les propos du tribunal, en particulier les notions juridiques et
les
mots utilisés. Seul est accessible à l'interprétation ce qui, du
contenu de
l'arrêt, présente le caractère d'une prescription. Tel n'est pas le
cas,
notamment, des questions que le tribunal n'avait pas à examiner et
qu'il ne
devait donc pas trancher (cf. ATF 104 V 55 in fine; 101 II 374;
Kölz/Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, no 458
p. 259;
Birchmeier, Bundesrechtspflege, p. 516; Guldener, Schweizerisches
Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 505 et 535; Hauser/Hauser, GVG:
Erläuterungen
zum Gerichtsverfassungsgesetz des Kantons Zürich, 3e éd., p. 586 à
590;
Walder-Bohner, Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 469).

1.3 Dans son arrêt du 24 juillet 2000, au chiffre 2 du dispositif, le
Tribunal fédéral a partiellement admis les recours dans le sens des
considérants, dans la mesure où ils étaient recevables et n'étaient
pas
devenus sans objet, et a annulé les art. 6 et 9 de l'arrêté litigieux
ainsi
que les annexes II B et III B. Il s'ensuit qu'en l'espèce le sens de
la
décision (dispositif), notamment la première phrase du chiffre 2, ne
peut
être déterminé qu'à la lumière des considérants: la présente demande
d'interprétation est donc, en principe, recevable.

2.
2.1Dans l'arrêt susmentionné, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur
la
constitutionnalité d'un arrêté vaudois. Celui-ci fixait, pour l'année
1997,
le tarif forfaitaire, à charge des caisses-maladie, des soins fournis
dans
les EMS ainsi que le tarif forfaitaire, à charge des résidents, des
prestations socio-hôtelières des EMS. Après avoir relevé que le
Conseil
d'Etat avait aménagé ces tarifs de façon à ce que l'addition des deux
forfaits permette à chaque EMS de fonctionner selon un système dit de
vases
communicants, le Tribunal fédéral a constaté que celui-ci violait
l'art. 2
Disp. trans. aCst. Le Conseil d'Etat avait élaboré un système confus,
lequel
mélangeait les soins pris en charge par les assurances-maladie en
vertu de
l'art. 7 al. 2 OPAS (RS 832.112.31), le solde du coût des soins
assumés
partiellement par les assureurs-maladie selon l'art. 7 al. 2 OPAS, le
coût
des soins non couverts par les assureurs-maladie, le coût des soins
effectués
par d'autres fournisseurs de prestations et supportés par les
assureurs-maladie en vertu d'autres dispositions, les quotes-parts et
franchises des assurés et, enfin, les frais socio-hôteliers. Il en
découlait
que les tarifs socio-hôteliers édictés ne correspondaient nullement
aux frais
socio-hôteliers effectifs et, surtout, que l'on ignorait ce que le
Conseil
d'Etat entendait par "la part des soins non remboursés par les
caisses-maladie" qu'il faisait transiter d'un tarif à l'autre, que ce
soit à
la charge des assurances-maladie ou à celle des résidents. Enfin,
comme jugé
par le Conseil fédéral dans sa décision du 23 juin 1999, il a été
rappelé que
la protection tarifaire prévue à l'art. 44 LAMal (RS 832.10)
interdisait que
les assurés supportent la part des soins à assumer par l'assurance de
base.

2.2 En l'espèce, la requérante relève que dans l'arrêt en question,
il a été
précisé que le champ d'application des tarifs socio-hôteliers prévus
par
l'arrêté litigieux était limité aux résidents en EMS qui
bénéficiaient des
régimes sociaux définis par trois lois vaudoises expressément
énumérées. Les
EMS restaient libres de fixer, dans une relation contractuelle, le
prix de
leurs prestations socio-hôtelières à leurs résidents financièrement
indépendants. Citant un courrier de l'Etat de Vaud, la requérante
affirme que
ce dernier en déduit que le supplément facturé pour les frais de
soins non
pris en charge par l'assurance-maladie, qui ne peut être mis à la
charge des
assurés bénéficiant d'une aide cantonale, peut en revanche être exigé
des
résidents financièrement indépendants. Selon la requérante, cet avis
est
erroné et ne constitue pas une interprétation correcte de l'arrêt du
24
juillet 2000.

2.3 Selon le Conseil d'Etat, il ressort de l'arrêt susmentionné que la
relation entre EMS et résidents financièrement indépendants n'est pas
régie
par l'arrêté litigieux ni, en conséquence, par l'arrêt du 24 juillet
2000. La
demande d'interprétation ne serait donc pas pertinente et sortirait
du cadre
de l'arrêt.

3.
3.1Ni la requérante ni le Conseil d'Etat vaudois ne contestent que le
champ
d'application des tarifs des prestations socio-hôtelières se limite
aux
résidents qui bénéficient des régimes sociaux définis par les trois
lois
mentionnées en préambule de l'arrêté attaqué. Ces lois régissent
l'octroi de
prestations aux personnes disposant de revenus insuffisants, par quoi
il faut
entendre les personnes bénéficiant de prestations complémentaires au
sens de
la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires
AVS/AI,
celles dont les ressources sont insuffisantes pour couvrir les frais
liés à
leur hébergement en EMS, et, enfin, celles ayant des difficultés
sociales et
séjournant dans des EMS non reconnus d'intérêt public. Dans l'arrêt
du 24
juillet 2000, le Tribunal fédéral s'est borné à constater la portée de
l'arrêté attaqué et a relevé qu'en raison de sa portée limitée, le
contenu de
celui-ci et ses annexes ne s'appliquaient qu'aux pensionnaires
susmentionnés.
Sur ce point, l'arrêt est clair et n'a besoin d'aucune
interprétation. A cet
égard, la demande d'interprétation est donc irrecevable.

3.2 Dans un obiter dictum, le Tribunal fédéral a relevé que les EMS
restaient
libres de fixer, dans une relation contractuelle, le prix de leurs
prestations socio-hôtelières à leurs résidents financièrement
autonomes, soit
à quelque 20 % de pensionnaires disposant de ressources suffisantes.
Comme
cela résulte de l'arrêt du 24 juillet 2000, les tarifs socio-hôteliers
englobent des prestations standard obligatoirement à la charge des
EMS. Leurs
coûts sont financés par les ressources personnelles des résidents qui
disposent de moyens financiers suffisants. Cela n'exclut pas qu'ils
puissent
en outre bénéficier de prestations (par exemple, une chambre
individuelle, un
balcon, une télévision personnelle, etc.) qui vont au-delà du
standard de
base, qui pourraient leur être facturées en sus. Le fait toutefois
que les
EMS restent libres de fixer, dans une relation contractuelle, le prix
de
leurs prestations socio-hôtelières aux résidents autonomes
financièrement ne
veut pas dire qu'ils puissent s'écarter sans motifs des tarifs
officiels pour
des prestations identiques. En effet, cela équivaudrait à reporter
sur ces
résidents des frais qui doivent être répartis sur l'ensemble des
pensionnaires et à soulager ainsi l'Etat d'une partie de ses
obligations
sociales découlant des lois spéciales susmentionnées. On peut en outre
relever que la notion de relation contractuelle, que l'on peut
définir comme
l'échange de manifestations de volonté concordantes qui produit
l'effet
juridique correspondant à l'accord, suppose qu'il y ait entre les EMS
et les
résidents concernés un accord sur un prix, ce qui n'est pas le cas en
l'espèce où le report de la part du coût des soins indûment mis à la
charge
des assureurs apparaîtrait comme un acte unilatéral, imposé a
posteriori aux
résidents indépendants.

3.3 Comme relevé par le Tribunal fédéral dans son jugement du 24
juillet 2000
et par le Conseil fédéral dans sa décision du 23 juin 1999, la
protection
tarifaire prévue par l'art. 44 LAMal s'étend à tous les résidents,
qu'ils
soient aidés financièrement par l'Etat ou non. Il est donc exclu,
comme
précisé dans l'arrêt du 24 juillet 2000, que les assurés supportent,
que ce
soit sous la rubrique intitulée "frais socio-hôteliers" ou à un autre
titre,
le financement des prestations de soins non couvertes par les
assureurs-maladie. En effet, le but de la protection tarifaire prévue
par
l'art. 44 LAMal est d'éviter que les assurés ne reçoivent une facture
supplémentaire pour des prestations accordées selon la loi fédérale
sur
l'assurance-maladie. Si les forfaits convenus ne suffisent pas à
couvrir les
frais découlant des prestations de soins mises à la charge de
l'assurance de
base en application de l'art. 7 al. 2 OPAS, un manque éventuel ne
peut pas
être reporté sur les assurés et doit être comblé par d'autres
ressources, le
cas échéant par des contributions des cantons ou des communes. En
vertu de la
protection tarifaire découlant de l'art. 44 LAMal, un accord
contractuel ne
pourrait porter que sur des prestations socio-hôtelières, en aucun
cas sur le
tarif de prestations de soins de l'assurance de base. La relation
contractuelle évoquée dans l'arrêt du 24 juillet 2000 ne concerne
donc que
les prestations socio-hôtelières effectives. Il est exclu d'y
inclure, même
par le biais d'un contrat, d'autres éléments, notamment la part des
soins non
remboursés par les assureurs-maladie.

3.4 Il est vrai que l'on ne peut pas exclure que dans la part des
soins non
remboursés par les caisses-maladie figurent d'autres éléments comme,

par
exemple, des soins non soumis à la LAMal ou non compris dans le
forfait fondé
sur l'art. 7 al. 2 OPAS. Toutefois, comme constaté dans l'arrêt du 24
juillet
2000, le Conseil d'Etat n'a fourni aucune explication sur ce qui était
compris dans la part des soins non remboursés, qu'il a par ailleurs
lui-même
implicitement qualifiée de frais tombant sous le coup de la LAMal en
la
facturant - à tort - aux assureurs par les tarifs des annexes II A et
III A.

4.
Il découle de ce qui précède que, dans la mesure où elle est
recevable, la
demande d'interprétation doit être admise et le chiffre 2 du
dispositif de
l'arrêt du 24 juillet 2000 doit être compris dans le sens développé
dans le
présent arrêt.

5.
Vu les circonstances particulières de la cause, il se justifie de
statuer
sans frais. Il n'est pas alloué de dépens à la requérante qui n'était
pas
assistée par un mandataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 145 OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure où elle est recevable, la demande d'interprétation est
admise.

2.
Le chiffre 2 du dispositif de l'arrêt du 24 juillet 2000 doit être
compris
comme il suit: dans la mesure où ils sont recevables et ne sont pas
devenus
sans objet, les recours sont partiellement admis; les art. 6 et 9 de
l'arrêté
litigieux ainsi que les annexes II B et III B sont annulés. La
protection
tarifaire prévue par l'art. 44 LAMal s'étend aussi aux résidents
financièrement indépendants de sorte que le Conseil d'Etat ne saurait
reporter sur ceux-ci, au titre de frais socio-hôteliers, la part du
coût des
soins non admise par la décision du Conseil fédéral du 23 juin 1999.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la requérante, au Conseil
d'Etat
du canton de Vaud ainsi que, pour information, à l'Office fédéral de
la
justice.

Lausanne, le 10 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.63/2001
Date de la décision : 10/07/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-10;2p.63.2001 ?
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