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09/07/2002 | SUISSE | N°C.311/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 2002, C.311/01


«AZA 7»
C 311/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 9 juillet 2002

dans la cause

Office cantonal de l'emploi, Service des agences
économiques (SAE), rue des Glacis-de-Rive 6, 1211 Genève,
recourant,

contre

S.________, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- S.________ a longtemps travaillé comme opératrice
de saisie. Inscri

te au chômage depuis le mois d'août 1998,
elle a été mise au bénéfice d'un deuxième délai-cadre d'in-
demnisation courant du 17 août 2...

«AZA 7»
C 311/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 9 juillet 2002

dans la cause

Office cantonal de l'emploi, Service des agences
économiques (SAE), rue des Glacis-de-Rive 6, 1211 Genève,
recourant,

contre

S.________, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- S.________ a longtemps travaillé comme opératrice
de saisie. Inscrite au chômage depuis le mois d'août 1998,
elle a été mise au bénéfice d'un deuxième délai-cadre d'in-
demnisation courant du 17 août 2000 au 16 août 2002.
Le 13 décembre 2000, le Service de placement profes-
sionnel de l'Office cantonal genevois de l'emploi (ci-
après : le SPP) a enjoint l'assurée de contacter l'agence

de placement X.________ pour un poste à pourvoir d'ouvrière
en fabrique. Une semaine plus tard, cette agence a informé
le SPP que S.________ avait pris contact avec la personne
responsable du dossier, mais que l'entretien avait tourné
court parce que le poste proposé était temporaire et que la
prénommée souhaitait exclusivement obtenir un emploi fixe.
Après avoir invité l'assurée à s'expliquer, le SPP a
rendu une décision, le 6 mars 2001, par laquelle il a sus-
pendu le droit à l'indemnité de chômage pendant 31 jours,
au motif que cette dernière n'avait pas fait tout ce qu'on
peut raisonnablement exiger d'elle pour obtenir le travail
qui lui avait été assigné. L'assurée a déféré cette déci-
sion au Groupe de réclamations de l'Office cantonal gene-
vois de l'emploi, qui a rejeté son recours (décision du
9 mai 2001).

B.- Saisie d'un recours de S.________, la Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chô-
mage (ci-après : la commission) a, par jugement du 16 août
2001, réduit à 16 jours la durée de la suspension prononcée
par le SPP.

C.- Le SPP interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
S.________ conclut, sous suite de frais, à la confi-
rmation du jugement de la commission, voire même à une d-
iminution de la durée de suspension fixée par cette der-
nière, tandis que le Secrétariat d'Etat à l'économie ne
s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Dans sa réponse, l'intimée conclut formellement au
rejet du recours du SPP tout en demandant que le jugement
attaqué soit réformé en sa faveur. Dès lors qu'elle n'a pas
interjeté recours de droit administratif contre ce jugement

dans le délai légal de 30 jours (art. 106 al. 1 OJ), elle
ne peut toutefois que proposer l'irrecevabilité ou le re-
jet, en tout ou en partie, du recours mais n'a pas la fa-
culté de prendre des conclusions indépendantes. La procédu-
re de recours de droit administratif ne connaît pas, en ef-
fet, l'institution du recours joint. Par conséquent sa de-
mande tendant à une réduction de la durée de suspension
fixée par les premiers juges est irrecevable (ATF 124 V 155
consid. 1).
Il faut cependant rappeler que lorsque le litige con-
cerne l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, com-
me c'est le cas ici, le Tribunal fédéral des assurances
peut s'écarter des conclusions des parties, à l'avantage ou
au détriment de celles-ci (art. 132 let. c OJ). Rien n'em-
pêche par conséquent la partie intimée de développer dans
sa réponse au recours une argumentation qui conduira éven-
tuellement le juge à réformer à son avantage la décision
entreprise. Mais ces suggestions n'ont pas la valeur de
conclusions formelles.

2.- Selon l'art. 17 al. 3 première phrase LACI, le
chômeur est tenu d'accepter le travail convenable qui lui
est proposé. Par ailleurs, l'art. 16 al. 1 LACI prévoit
qu'en règle générale, l'assuré doit accepter immédiatement
tout travail en vue de diminuer le dommage. Son droit à
l'indemnité de chômage est suspendu s'il n'observe pas les
prescriptions de contrôle de chômage ou les instructions de
l'office du travail, notamment en refusant un travail con-
venable qui lui est assigné (art. 30 al. 1 let. d LACI).
Les éléments constitutifs d'un refus de travail convenable
sont réunis également lorsque le chômeur ne se donne pas la
peine d'entrer en pourparlers avec l'employeur, ou qu'il ne
déclare pas expressément, lors de l'entrevue avec le futur
employeur, accepter l'emploi bien que, selon les circons-
tances, il eût pu faire cette déclaration (ATF 122 V 38
consid. 3b et les références; DTA 1999 no 33 p. 196 con-
sid. 2).

La durée de la suspension est proportionnelle à la
gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de sus-
pension, 60 jours (art. 30 al. 3 LACI). Elle est de 1 à
15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de
faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de fau-
te grave (art. 45 al. 2 OACI). Il y a faute grave lorsque
l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être
assuré d'obtenir un nouvel emploi ou lorsqu'il refuse un
emploi réputé convenable sans motif valable (art. 45 al. 3
OACI).

3.- En l'espèce, les premiers juges ont retenu que le
comportement de S.________ était assimilable à un refus
d'accepter un travail convenable, si bien que les condi-
tions d'une suspension de son droit à l'indemnité de chô-
mage en application de l'art. 30 al. 1 let. d LACI étaient
réunies. Ils ont toutefois estimé que la prénommée avait un
motif valable de refuser le travail qui lui avait été as-
signé par le SPP, et partant, réduit la durée de la sanc-
tion prononcée à son encontre de 31 à 16 jours. Les juges
cantonaux ont en particulier, pris en considération le fait
que le poste proposé avait un caractère temporaire, qu'il
ne correspondait que partiellement aux qualifications de
l'assurée, que cette dernière s'était toujours efforcée de
réaliser des gains intermédiaires depuis le début de son
inscription au chômage, et enfin, qu'elle n'avait encore
jamais fait l'objet d'une suspension de son droit à l'in-
demnité par le passé.

4.- Il n'y a pas lieu de remettre en cause le bien-
fondé du motif de suspension prononcé par le SPP comme l'a
jugé à juste titre la juridiction cantonale.
On doit en effet admettre que le poste assigné à l'in-
timée répond aux critères d'un travail convenable. Ce poste
diffère, il est vrai, de son ancienne activité en qualité
d'opératrice de saisie. Mais outre qu'il incombe au chômeur

de chercher du travail au besoin en dehors de la profession
qu'il exerçait précédemment (art. 17 al. 1 LACI), l'assurée
avait d'ores et déjà travaillé dans des emplois similaires
de 1995 à 1998; on ne saurait donc en conclure que le tra-
vail proposé ne tenait pas suffisamment compte de ses apti-
tudes (art. 16 al. 2 let. b LACI). Quant au caractère tem-
poraire de cet emploi, il ne fait pas partie des motifs
- exhaustifs - prévus par le législateur permettant de dé-
roger à l'obligation d'accepter le travail proposé (art. 16
al. 2 LACI; Nussbaumer, op. cit., n. 237 p. 94 et les réfé-
rences citées). En effet, si l'assurance-chômage a certes
entre autres buts de favoriser la réinsertion la plus dura-
ble possible du chômeur dans le circuit économique (cf.
art. 1er al. 2 LACI), l'assuré demeure tenu, de son côté,
d'entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de
lui pour sortir du chômage; cela signifie qu'il doit, le
cas échéant, accepter une occupation temporaire. Enfin,
l'intimée n'a jamais fait valoir d'autres circonstances
telles que son âge, sa situation personnelle ou encore son
état de santé qui pourraient à leur tour justifier un refus
du travail proposé (art. 16 al. 2 let. c LACI).
On doit également reconnaître que par son attitude
- soit en manifestant un désintérêt évident pour les em-
plois à caractère temporaire -, S.________, a amené l'age-
nce de placement à renoncer à sa candidature. Ce faisant,
elle a implicitement montré sa volonté de ne pas entrer en
matière sur un éventuel engagement - ce qu'elle n'a d'ail-
leurs jamais sérieusement contesté.
Dans cette mesure, les éléments constitutifs d'un re-
fus de travail convenable sont manifestement remplis et
justifient une suspension du droit à l'indemnité de l'assu-
rée (art. 30 al. 1 let. d LACI).

5.- Reste à examiner si, au vu des circonstances du
cas particulier, les premiers juges étaient fondés à ré-

duire la durée de la sanction de 31 à 16 jours en retenant
que l'intimée avait des motifs valables pour agir comme
elle l'a fait, de sorte que sa faute devait tout au plus
être qualifiée de moyenne (cf. art. 45 al. 2 et 3 OACI).
Dans un arrêt non publié U. du 9 novembre 1998
[C 386/97], le Tribunal fédéral des assurances a jugé que
l'art. 45 al. 3 OACI était conforme à la loi et que par
conséquent, dans le cadre de cette disposition, le pouvoir
d'appréciation de l'administration et du juge des assuran-
ces sociales était limité par la durée de la sanction pré-
vue pour une faute grave - à savoir entre 31 et 60 jours.
Ultérieurement, dans un arrêt DTA 2000 no 8 p. 42, il a
toutefois a laissé la question ouverte de savoir si, en cas
d'un refus de travail convenable au sens de l'art. 30 al. 1
let. d LACI, l'administration et le juge des assurances
pouvaient s'écarter de la règle posée par l'art. 45 al. 3
OACI lorsque des circonstances particulières le justi-
fiaient (eu égard, notamment, au type d'activité proposé,
au salaire offert ou à l'horaire de travail), et fixer une
suspension d'une durée inférieure au minimum prévu de
31 jours. Pour les motifs qui suivent, il n'est pas néces-
saire de répondre à cette question.
Ainsi qu'on l'a vu ci-dessus (consid. 4), le travail
proposé à l'intimée revêt un caractère convenable sans
qu'il y ait lieu d'émettre des réserves à ce sujet. Con-
trairement à ce qu'ont estimé les juges cantonaux, on ne se
trouve donc pas devant un cas limite justifiant - le cas
échéant - d'apprécier avec moins de sévérité la faute de
l'assurée au sens de la jurisprudence précitée. Il n'existe
par ailleurs aucun autre motif valable pour ce faire (pour
des exemples de motif valable de refus voir Chopard, die
Einstellung in der Anspruchsberechtigung, Zurich 1998,
p. 169). Il s'ensuit que la faute commise par l'intimée
doit être qualifiée de grave et que le recours est bien
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement de la Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-
chômage du 16 août 2001 est annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage, et au Secrétariat d'Etat à l'éco-
nomie.

Lucerne, le 9 juillet 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.311/01
Date de la décision : 09/07/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-09;c.311.01 ?
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