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03/07/2002 | SUISSE | N°C.68/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juillet 2002, C.68/01


«AZA 7»
C 68/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 3 juillet 2002

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, 3003 Berne,
recourant,

contre

B.________, intimée, représentée par Me Charles Guerry,
avocat, rue du Progrès 1, 1701 Fribourg,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Après avoir accompli des études en France,
B.________, r

essortissante française, est venue s'installer
en Suisse le 15 juin 1998 afin d'y rejoindre son époux, de
nationalité suisse.

Du...

«AZA 7»
C 68/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 3 juillet 2002

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, 3003 Berne,
recourant,

contre

B.________, intimée, représentée par Me Charles Guerry,
avocat, rue du Progrès 1, 1701 Fribourg,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Après avoir accompli des études en France,
B.________, ressortissante française, est venue s'installer
en Suisse le 15 juin 1998 afin d'y rejoindre son époux, de
nationalité suisse.

Du 17 août 1998 au 31 août 1999, elle a perçu des
indemnités journalières de la Caisse interprofessionnelle
de chômage des industriels et artisans fribourgeois (ci-
après : la caisse interprofessionnelle). Ensuite de la
reprise, dès le 1er janvier 2000, de cette caisse par la
Caisse publique de chômage du canton de Fribourg (ci-
après : la caisse publique), le Secrétariat d'Etat à l'éco-
nomie (seco) - en sa qualité d'autorité de surveillance - a
procédé à un contrôle des dossiers. A cette occasion, il a
constaté que le délai-cadre d'indemnisation ouvert en fa-
veur de B.________ l'avait été à tort, dès lors qu'à l'épo-
que, la prénommée ne remplissait pas les conditions rela-
tives à la période de cotisation et ne pouvait en être l-
ibérée.
Le 19 juin 2000, la caisse publique a rendu une déci-
sion par laquelle elle a réclamé à l'assurée la restitution
d'un montant de 16 152 fr. 25, représentant les indemnités
de chômage versées du 17 août 1998 au 31 août 1999.

B.- Par jugement du 25 janvier 2001, le Tribunal admi-
nistratif du canton de Fribourg a partiellement admis le
recours formé par B.________ contre la décision de la
caisse publique. Il a considéré que le droit de restitution
de cette dernière était périmé en ce qui concernait les in-
demnités versées durant la période allant du 17 août 1998
au 19 juin 1999.

C.- Le seco interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont il requiert l'annulation. Il invite
le Tribunal fédéral des assurances à dire, principalement,
que la créance de restitution de la caisse publique n'est
pas périmée, subsidiairement, que le délai de péremption
d'une année a commencé à courir le 24 décembre 1998 au plus
tôt.
B.________ conclut au rejet du recours, tandis que la
caisse publique se rallie aux conclusions formulées par le
seco.

Considérant en droit :

1.- La créance de restitution de la caisse publique
envers l'intimée n'est contestée ni dans son principe, ni
dans sa quotité. Seule est litigieuse la question de la
péremption, en tout ou en partie, de cette créance.

2.- Aux termes de l'art. 95 al. 4 LACI, première phra-
se, le droit de répétition se prescrit une année après que
l'organe qui a payé a eu connaissance des faits, mais au
plus tard cinq ans après le versement de la prestation.
Nonobstant la terminologie légale, il s'agit de délais de
péremption (ATF 122 V 274 consid. 5a et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, le délai de péremption d'une
année de l'art. 95 al. 4 LACI commence à courir dès le
moment où la caisse de chômage aurait dû connaître les
faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve
de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger
d'elle (ATF 122 V 275 consid. 5a). Cette jurisprudence
s'inspire des principes développés à propos de la réglemen-
tation analogue figurant à l'art. 47 al. 2 LAVS (ATF
122 V 275 consid. 5a; SVR 1997 ALV n° 84 p. 256 con-
sid. 2c/aa; voir, à propos de l'art. 47 al. 2 LAVS : ATF
119 V 433 consid. 3a, 111 V 17 consid. 3). Elle vise un
double but, à savoir obliger l'administration à faire
preuve de diligence, d'une part, et protéger l'assuré au
cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence,
d'autre part. Elle est au demeurant en harmonie avec les
principes développés par le Tribunal fédéral des assurances
à propos de l'art. 82 al. 1 RAVS, qui fixe le début du
délai d'une année dans lequel la caisse de compensation
doit demander la réparation d'un dommage selon l'art. 52
LAVS dans des termes semblables à ceux figurant à l'art. 47
al. 2 LAVS (voir par exemple ATF 121 V 240 consid. 3c/aa,
118 V 195 consid. 3a et les références citées).
D'après la jurisprudence rendue à propos de l'art. 47
al. 2 LAVS (et donc aussi applicable en matière d'assu-

rance-chômage; ATF 122 V 275 consid. 5b/aa), lorsque la
restitution est imputable à une faute de l'administration
(par exemple une erreur de calcul d'une prestation), on ne
saurait considérer comme point de départ du délai le moment
où la faute a été commise, mais bien celui auquel l'admi-
nistration aurait dû, dans un deuxième temps, (par exemple
à l'occasion d'un contrôle comptable), se rendre compte de
son erreur en faisant preuve de l'attention requise. En
effet, si l'on plaçait le moment de la connaissance du dom-
mage à la date du versement indu, cela rendrait souvent
illusoire la possibilité pour une administration de récla-
mer le remboursement de prestations versées à tort en cas
de faute de sa part (ATF 110 V 304).

3.- a) Il est admis par les parties qu'au moment où la
caisse interprofessionnelle a statué pour la première fois
sur le droit de B.________ aux indemnités de chômage
- apparemment le 24 décembre 1998 -, ladite caisse aurait
pu constater que la prénommée ne remplissait pas les condi-
tions pour prétendre des prestations de l'assurance-chôma-
ge. Dans le dossier ouvert au nom de l'assurée figuraient
en effet toutes les informations utiles à l'examen de sa
demande d'indemnité, notamment une photocopie de l'autori-
sation de séjour dont elle était alors titulaire, à savoir
un permis B - ce qui, en l'occurrence, la privait de la
possibilité de se prévaloir de l'art. 14 al. 3 LACI (libé-
ration des conditions relatives à la période de cotisa-
tion).

b) Eu égard au fait que la caisse interprofessionnelle
disposait d'entrée de cause de tous les éléments nécessai-
res pour rendre une décision conforme au droit en vigueur,
la juridiction cantonale a jugé, en s'inspirant de la solu-
tion retenue par le Tribunal fédéral des assurances dans
l'arrêt ATF 122 V 270 en matière de réduction de l'horaire
de travail, que le droit à la restitution de la caisse
publique était périmé en ce qui concernait les indemnités

versées plus d'un an avant le prononcé de la décision de
restitution. N'échappaient donc à la péremption que les
prestations perçues par l'intimée pendant la période allant
du 20 juin au 31 août 1999.

c) Le seco conteste ce point de vue. Selon lui, les
premiers juges ont accordé à l'arrêt cité une portée plus
large qu'il n'avait. La solution préconisée revenait en
définitive à réduire le droit de répétition de l'adminis-
tration aux seuls cas où l'erreur serait découverte dans
l'année au cours de laquelle les prestations indues avaient
été versées, rendant par là même superflu la fixation d'un
délai de péremption absolu de cinq ans. Le point de départ
du délai d'une année devait bien plutôt être rattaché au
moment à partir duquel l'administration aurait pu, dans un
deuxième temps, se rendre compte de son erreur en faisant
preuve de l'attention requise.

4.- L'affaire qui a donné lieu à l'arrêt ATF 122 V 270
porte sur la restitution d'indemnités allouées à un membre
du conseil d'administration d'une société anonyme travail-
lant au service de celle-ci. Etant donné l'effet de publi-
cité de l'inscription au registre du commerce, a estimé le
Tribunal fédéral des assurances, la caisse est réputée
avoir connaissance d'emblée de l'appartenance du travail-
leur audit conseil - circonstance excluant le droit de
l'intéressé à une indemnité en cas réduction de l'horaire
de travail (art. 31 al. 3 let. c LACI). Dans cette éventua-
lité, un report du point de départ du délai d'une année au
sens de l'arrêt ATF 110 V 304 ne se justifie pas : le droit
de restitution se périme en ce qui concerne les indemnités
versées plus d'un an avant le prononcé de la décision de
restitution (ATF 122 V 276 consid. 5b/bb).
Cette jurisprudence constitue un cas spécial (ATF
124 V 383 consid. 2a in fine). Elle pose le postulat
suivant : lorsque l'erreur de la caisse porte sur un élé-
ment auquel est attaché un effet de publicité, ladite

caisse doit se laisser opposer la fiction selon laquelle
elle est réputée avoir connaissance d'emblée des circons-
tances excluant l'allocation des prestations en cause (le
point de départ du délai d'une année coïncide alors avec la
date du versement de ces prestations). Cette fiction trouve
sa justification exclusivement dans l'opposabilité à tout
tiers des faits contenus dans les registres publics (prin-
cipe de la foi publique; cf. art. 970 al. 3 CC pour le
registre foncier; art. 932 al. 2 CO pour le registre du
commerce). En dehors de ce cas de figure particulier, les
principes généraux développés à propos de l'art. 47 al. 2
LAVS, lesquels n'ont pas été fondamentalement remis en
cause par l'ATF 122 V 270 contrairement à ce que les pre-
miers juges en ont déduit, demeurent pleinement valables.
Dans le cas d'espèce - où l'erreur de la caisse inter-
professionnelle ne concerne pas un fait inscrit dans un re-
gistre public -, la fiction de la connaissance d'emblée par
l'administration des circonstances fondant la restitution
ne saurait donc trouver application. L'on doit bien plutôt
considérer, à la lumière de l'ATF 110 V 304, que le délai
de péremption d'une année n'a pas commencé à courir à l'é-
poque où la caisse précitée a, par erreur, versé ses pres-
tations à l'intimée, mais bien au moment où le seco a dé-
couvert cette erreur, soit au plus tôt lors du contrôle du
28 avril 2000, dès lors que dans l'intervalle, il ne peut
être reproché à la caisse interprofessionnelle un manque
d'attention. On ne saurait en effet exiger de cette derniè-
re, après avoir statué une première fois, qu'elle s'adonne
encore lors de chaque versement périodique des indemnités
journalières à une vérification approfondie des conditions
matérielles du droit aux prestations des assurés. Il s'en-
suit qu'en rendant sa décision le 19 juin 2000, la caisse
publique a agi en temps utile et sauvegardé le délai de pé-
remption annal prévu par l'art. 95 al. 4 LACI.
Le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif du canton de Fribourg du 25 janvier 2001 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, et à la Caisse publique de
chômage du canton de Fribourg.

Lucerne, le 3 juillet 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.68/01
Date de la décision : 03/07/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-03;c.68.01 ?
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