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03/07/2002 | SUISSE | N°2P.282/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juillet 2002, 2P.282/2001


{T 0/2}
2P.282/2001 /dxc

Arrêt du 3 juillet 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Yersin et Merkli,
greffier Dubey.

Y. ________ et Z.________,
recourants, représentés par Me Patricia Clavien, avocate,
case postale 246, 1951 Sion,

contre

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2,
Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du
Valais,
bâtiment Planta 577, 1950 Sion,
Service canton

al des contributions du canton du Valais,
1951 Sion.

art. 8, 9 Cst. (impôts cantonaux 1995/96 et 1997/98)

...

{T 0/2}
2P.282/2001 /dxc

Arrêt du 3 juillet 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Yersin et Merkli,
greffier Dubey.

Y. ________ et Z.________,
recourants, représentés par Me Patricia Clavien, avocate,
case postale 246, 1951 Sion,

contre

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2,
Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du
Valais,
bâtiment Planta 577, 1950 Sion,
Service cantonal des contributions du canton du Valais,
1951 Sion.

art. 8, 9 Cst. (impôts cantonaux 1995/96 et 1997/98)

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton du
Valais, Cour de droit public, du 21 septembre 2001)

Faits:

A.
Y. ________ et Z.________ sont mariés et vivent en ménage commun avec
leurs
trois enfants, nés respectivement en 1986, 1988 et 1991. Ils exercent
tous
les deux une activité lucrative dépendante.

Pour la période fiscale 1995/1996, le revenu imposable du couple a
été arrêté
à 165'690 fr. et l'impôt cantonal annuel à fr. 19'339 fr. 90. Pour la
période
fiscale 1997/1998, le revenu imposable du couple a été arrêté à
171'941 fr.
et l'impôt cantonal annuel à 20'164 fr. 90.

La Commission d'impôt de district pour la commune de Sion ayant
rejeté leur
réclamation par décision du 19 août 1998, Y.________ et Z.________ ont
interjeté recours auprès de la Commission de recours en matière
fiscale du
canton du Valais (ci-après: la Commission de recours), alléguant que
le
système d'imposition des couples mariés fixé par le droit cantonal
violait le
principe de l'égalité de traitement en ce qu'il prévoyait à revenu
égaux une
charge fiscale nettement plus élevée pour les couples mariés que pour
les
concubins.

B.
Par décision du 25 avril 2001, la Commission de recours a
partiellement admis
le recours. La comparaison entre l'impôt cantonal sur les revenus
additionnés
du couple et l'impôt calculé sur les revenus ventilés entre les époux
et
taxés séparément démontrant une surimposition de 15,52 % (2'598 fr.
45) pour
1995/1996 et de 12,11 % (2'178 fr. 75) pour 1997/1998, la Commission
de
recours a ramené le montant d'impôt dû par le couple marié au montant
d'impôt
légalement dû par un couple de concubins dans la même situation, soit
à
16'741 fr. 45 pour la période 1995/1996 et à 17'986 fr. 15 pour la
période
fiscale 1997/1998.

Le 5 juin 2001, Y.________ et Z.________ ont déposé un recours contre
la
décision de la Commission de recours du 25 avril 2001 auprès du
Tribunal
cantonal, Cour de droit public, du canton du Valais (ci-après: le
Tribunal
cantonal). Ils faisaient valoir que le régime légal prévu pour les
concubins,
leur refusant certaines déductions, n'était de fait pas appliqué.

C.
Par arrêt du 21 septembre 2001, le Tribunal cantonal a rejeté le
recours
d'Y.________ et Z.________. Il a constaté que la Commission de
recours avait
remédié à l'inconstitutionnalité des taxations en leur concédant le
régime
normalement réservé aux concubins. Elle avait à juste titre tenu
compte des
dispositions légales pour les concubins. L'application d'une norme
était
présumée; la maxime d'office n'obligeait pas l'autorité fiscale à
procéder à
une enquête à cet égard. Il incombait par conséquent aux
contribuables de
prouver le défaut d'application de la norme en cause. Leur exposé
théorique
n'y suffisait pas au regard des statistiques fédérales citées dans
l'ATF 120
Ia 329 (consid. 4a); en outre les commissions d'impôt de district
connaissaient en général le mode de vie des contribuables en raison
de leur
proximité.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, Y.________ et
Z.________
demandent au Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens,
d'annuler
l'arrêt du 21 septembre 2001 du Tribunal cantonal, les époux étant
taxés
fiscalement comme le sont de facto des concubins avec enfants à
charge,
l'impôt sur le revenu d'Y.________ étant réduit de 30 % sur la base
des
projets de taxations qu'ils ont établis; subsidiairement, ils
concluent à
l'annulation de la décision et à son renvoi à l'autorité de taxation
pour
qu'elle taxe les époux Y.________ et Z.________ comme décrit dans la
conclusion principale.

Le Tribunal cantonal et la Commission de recours ont renoncé à
formuler des
observations. Le Service des contributions du canton du Valais
(ci-après: le
Service des contributions) propose de rejeter le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16, 46 consid. 2a p.
47).

1.1 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public est de nature purement cassatoire (ATF 128 III 50 consid. 1b
p. 53;126
II 377 consid. 8c p. 395; 125 II 86 consid. 5a p. 96 et la
jurisprudence
citée). Dans la mesure où les recourants demandent autre chose que
l'annulation de l'arrêt attaqué - en particulier une décision
arrêtant leur
imposition conformément aux chiffres exposés dans leurs conclusions
ou le
renvoi pour nouvelle décision dans ce sens - leurs conclusions sont
irrecevables.

1.2 Au surplus, déposé en temps utile contre un arrêt final pris en
dernière
instance cantonale, qui ne peut être attaqué que par la voie du
recours de
droit public et qui touche les recourants dans leurs intérêts
juridiquement
protégés, le présent recours est recevable au regard des art. 84 ss
OJ.

2.
2.1En vertu de l'art. 6 al. 1 de la loi fiscale valaisanne du 10 mars
1976
(LF; RSV 642.1), "le revenu et la fortune des époux qui vivent en
ménage
commun s'additionnent, quel que soit le régime matrimonial". En
revanche, les
concubins ne constituent pas une catégorie de contribuables de
l'actuel droit
fiscal valaisan. Ils sont imposés séparément comme les personnes
vivant
seules et il n'est pas tenu compte de la communauté de fait qu'ils
forment,
de sorte que chacun est imposé sur ses revenus propres et qu'aucune
compensation n'est possible entre les revenus, les pertes et les
déductions
de l'un et de l'autre (cf. sur ce point, Danielle Yersin, Egalité de
traitement: des principes et un projet pour le couple et la famille,
in:
Archives 70, p. 371 ss, p. 373 s.).

L'art. 32 al. 3 lettre a LF prévoit toutefois que "pour les époux
vivant en
ménage commun ainsi que pour les contribuables veufs, séparés,
divorcés ou
célibataires qui font ménage commun avec des enfants ou des personnes
nécessiteuses et dont ils assurent pour l'essentiel l'entretien,
l'impôt est
réduit de 30 %, au minimum 300 francs et au maximum 3000 francs
[...]" (dans
sa version en vigueur pour les périodes fiscales 1995/96 et 1997/98).
"Cette
déduction n'est pas accordée aux personnes vivant en union libre"
(art. 32
al. 3 lettre c LF).

2.2 En procédure de taxation, le Service cantonal a procédé au cumul
des
revenus des recourants conformément au prescrit de l'art. 6 al. 1 LF.
Dans sa
décision sur recours, la Commission de recours a constaté que la
comparaison
entre l'impôt cantonal sur les revenus additionnés du couple et
l'impôt
calculé sur les revenus ventilés entre les époux et taxés séparément
démontrait une surimposition de 15,52 % (2'598 fr. 45) pour 1995/1996
et de
12,11 % (2'178 fr. 75) pour 1997/1998; elle a ramené le montant
d'impôt dû
par le couple marié au montant d'impôt légalement dû par un couple de
concubins dans la même situation. Ce faisant, elle n'a pas tenu
compte de la
réduction d'impôt de 30 % conformément à l'art. 32 al. 3 lettre c LF.
Le
Tribunal cantonal a confirmé cette solution.

3.
Invoquant les art. 8 et 9 Cst., les recourants reprochent au Tribunal
cantonal d'avoir violé leur droit à l'égalité et d'être tombé dans
l'arbitraire en n'opérant pas la déduction de 30 % sur l'impôt de
l'un des
époux. Ils auraient en effet démontré que l'art. 32 al. 3 lettre c LF
- qui
interdit pareille déduction pour les personnes vivant en union libre
- reste
lettre morte, la déclaration d'impôt valaisanne ne comprenant en
effet aucune
rubrique sur l'union libre et l'Etat du Valais ne détenant aucun
fichier à
cet égard; la déduction de 30 % serait accordée automatiquement et
sans
distinction aux contribuables déclarant charge d'enfant. Le Tribunal
cantonal
serait également tombé dans l'arbitraire en affirmant que le groupe de
personnes vivant en concubinage avec enfant à charge est de 2,8 %,
donc
minime, alors qu'en Valais ce groupe peut aller jusqu'à 14,52 %, et
en ne
tenant pas compte de l'évolution des moeurs de ces dix dernières
années,
confirmée par l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 18 juin
1999.

3.1 Le droit à l'égalité (art. 8 Cst.) et la protection contre
l'arbitraire
(art. 9 Cst.) sont étroitement liés. Une décision est arbitraire
lorsqu'elle
ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni
but. Elle
viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des
distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif
raisonnable au
regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de
faire des
distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire
lorsque ce
qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce
qui est
dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 125 I 1 consid.
2b/aa p.
4 et les références citées).

La question de l'égalité ne se pose pas en l'espèce. D'une part, il a
été
établi par la Commission de recours que la comparaison entre le
montant
d'impôt cantonal sur les revenus additionnés du couple et les
montants de cet
impôt sur les revenus des époux, taxés séparément après avoir été
ventilés,
démontrait une surimposition en défaveur du couple marié, qui a été
supprimée
par la décision du 9 mai 2001. D'autre part, bien que douteuse aussi
bien du
point de vue de sa légalité et du principe de la séparation des
pouvoirs que
sur le fond, comme l'a relevé le Tribunal cantonal, cette solution ne
fait
pas l'objet de griefs dans la présente procédure. En particulier, il
n'a pas
été allégué que les concubins avec charge d'enfant sont
systématiquement
moins imposés que les couples mariés dans des situations comparables.
Le
Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier sa conformité au droit (art.
90 al.
1 lettre b OJ; ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76 et les références
citées).

3.2 D'une manière générale, le principe de la légalité l'emporte sur
le droit
à l'égalité. Lorsqu'une autorité n'a pas respecté la loi dans un cas,
le
citoyen qui se trouve dans une situation identique n'est en principe
pas en
droit d'exiger d'être mis au bénéfice de l'illégalité. En revanche,
lorsqu'une autorité, non pas dans un cas isolé, ni même dans
plusieurs cas,
mais selon une pratique constante, ne respecte pas la loi et qu'elle
fait
savoir qu'à l'avenir également, elle ne respectera pas la loi, le
citoyen est
en droit d'exiger d'être mis au bénéfice du traitement illégal en
cause, pour
autant que cela ne lèse pas d'autres intérêts légitimes. Ce n'est que
dans
cette dernière hypothèse que le droit à l'égalité du citoyen
l'emporte sur le
principe de la légalité (ATF 127 II 113 consid. 9b p. 121, I 1
consid. 3 p.
2-5; 125 II 152 consid. 5 p. 166; 122 II 446 consid. 4a p. 451-452 et
les
références citées).

ll est douteux que le mémoire de recours réponde aux exigences de
motivation
de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ sur ce point. Cette question peut
néanmoins
rester ouverte, puisque le recours doit de toute manière être rejeté
sous cet
angle.

3.3 Le Tribunal cantonal a jugé que le principe de la légalité
permettait une
application uniforme de l'art. 32 al. 3 lettre c LF; il appartenait
aux
recourants de prouver que tel n'était pas le cas pour y échapper. A
cet
égard, il a constaté que les recourants n'avaient pas cité des cas
concrets
d'inapplication de l'art. 32 al. 3 lettre c LF, se contentant d'un
exposé
abstrait sur la difficulté de recenser tous les cas de concubinage;
cela ne
suffisait pas à renverser la présomption d'une application correcte de
l'article en cause au regard du nombre peu élevé - selon les
statistiques
fédérales - de concubins avec enfants et de la présence dans les
commissions
d'impôt de district d'un représentant de la commune intéressée.

Ce point de vue échappe à l'arbitraire. En alléguant uniquement que
l'art. 32
al. 3 lettre c LF ne reçoit pas une application uniforme, les
recourants
perdent de vue qu'il n'y a illégalité ouvrant le droit à un traitement
semblable que lorsque la pratique de l'autorité fiscale de s'écarter
des
dispositions légales en vigueur est constante et que celle-ci déclare
ne pas
vouloir y renoncer. Or, que ce soit dans la procédure devant la
Commission de
recours (cf. observations sur recours du 2 décembre 1998, ch. 3.5) ou
dans
celle devant le Tribunal fédéral (cf. observations sur recours du 8
février
2002, ch. 9), le Service des contributions du canton du Valais a
clairement
déclaré appliquer l'art. 32 al. 3 lettre c LF et refuser aux
concubins ayant
charge d'enfant l'abattement pour contribuables veufs, divorcés,
célibataires
avec enfants à charge. Il a aussi exposé de manière satisfaisante les
mesures
mises en place pour assurer l'application effective de cette

disposition.
Cela suffit pour refuser aux recourants le bénéfice du traitement
illégal
qu'ils supposent être appliqué aux concubins. Contrairement à leur
avis, le
fait que certains contribuables vivant en union libre puissent encore
échapper accidentellement à l'application de l'art. 32 al. 3 lettre c
LF n'y
change rien. Les contribuables vivant en union libre avec charge
d'enfant ne
sauraient au demeurant être soupçonnés sans motifs de chercher à se
soustraire systématiquement à leurs obligations légales, en
particulier à
leur devoir de remplir la formule de déclaration d'impôt de manière
conforme
à la vérité et complète (art. 132 al. 2 LF). Enfin, dans un contrôle
concret
de la norme, comme en l'espèce, les statistiques ne sont pas
déterminantes.
Elles ne confirment d'ailleurs pas les allégations des recourants,
dès lors
que "la part des couples consensuels dans l'ensemble des ménages
familiaux
(avec ou sans enfants) s'établit à 8 %. Ces couples qui vivent en
union libre
restent le plus souvent sans enfants: un cinquième seulement d'être
eux en
ont [...]" (Annuaire statistique de la Suisse, 2002).

3.4 Par conséquent, en confirmant la décision de la Commission de
recours de
ne pas tenir compte de la déduction de 30 % de l'art. 32 al. 3 lettre
c LF
dans la comparaison entre la charge fiscale supportée par les
recourants et
celle de concubins dans une situation identique, le Tribunal cantonal
n'est
pas tombé dans l'arbitraire et n'a pas non plus violé le droit à
l'égalité
des recourants.

4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la
mesure
où il est recevable.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires
(art. 156
al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al.
1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à charge des recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, à la
Commission cantonale de recours en matière fiscale, au Tribunal
cantonal du
canton du Valais, Cour de droit public, ainsi qu'au Service cantonal
des
contributions du canton du Valais.

Lausanne, le 3 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.282/2001
Date de la décision : 03/07/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-03;2p.282.2001 ?
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