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25/06/2002 | SUISSE | N°1P.277/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 juin 2002, 1P.277/2002


{T 0/2}
1P.277/2002 /viz

Arrêt du 25 juin 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat,
case postale 1224, 1870 Monthey 2,

contre

Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois,
rue du Simplon 22, case postale, 1800 Vevey 1.

condamnation du prévenu aux frais après prescription de
l'action pénale



(recours de droit public contre le jugement du Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois du 24 avril 200...

{T 0/2}
1P.277/2002 /viz

Arrêt du 25 juin 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat,
case postale 1224, 1870 Monthey 2,

contre

Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois,
rue du Simplon 22, case postale, 1800 Vevey 1.

condamnation du prévenu aux frais après prescription de
l'action pénale

(recours de droit public contre le jugement du Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois du 24 avril 2002)

Faits:

A.
Par sentence municipale du 13 novembre 2001, la Commission de police
de
Montreux a condamné A.________ à 150 fr. d'amende pour violation des
art. 11
et 18 du règlement communal de police (résistance injustifiée aux
agents de
police et trouble de l'ordre et de la tranquillité publique), pour
des faits
intervenus le 28 janvier 2001 dans l'établissement public dirigé par
A.________.

B.
Sur appel d'A.________, le Tribunal de police de l'arrondissement de
l'est
vaudois a annulé cette sentence, par jugement du 24 avril 2002. Les
faits
litigieux s'étant déroulés à l'intérieur de l'établissement, l'ordre
et la
tranquillité publics n'avaient pas été troublés. Par ailleurs, s'il y
avait
bien eu résistance à une intervention justifiée des agents, au sens
de l'art.
11 du règlement communal, l'infraction, commise plus d'une année
avant le
jugement, était prescrite. Les frais de justice, par 300 fr., ont été
mis à
la charge d'A.________, dès lors qu'une infraction avait
objectivement été
commise (consid. 5 et ch. IV du dispositif du jugement).

C.
A.________ forme un recours de droit public contre ce dernier
jugement. Il
demande à être libéré du paiement des frais de justice.

Le Tribunal d'arrondissement a renoncé à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours est interjeté en temps utile, contre un jugement final qui
n'est
pas susceptible d'un recours cantonal. Comme l'explique le recourant,
les
jugements rendus en appel contre une sentence municipale sont
définitifs, ce
qui est d'ailleurs confirmé par le ch. V du dispositif du jugement
attaqué.
Le recours est dès lors recevable sous l'angle des art. 86, 87 et 89
OJ,
ainsi qu'au regard de l'art. 88 OJ, le recourant étant libéré de la
poursuite
pénale, mais condamné aux frais. Si le recourant conclut à être
libéré du
paiement de ces frais, il demande implicitement l'annulation du
jugement
rendu dans cette mesure. Ainsi comprises, ses conclusions sont
recevables.

2.
Le recourant invoque la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH)
et
l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Une condamnation aux
frais pour
des motifs liés à la culpabilité de l'accusé ne serait pas possible
lorsque
l'action pénale prend fin pour des motifs d'opportunité, de retrait de
plainte ou, comme en l'espèce, de prescription. La constatation de la
prescription empêcherait le tribunal d'examiner plus avant la
question de la
culpabilité du prévenu. Par ailleurs, il ne pourrait y avoir
condamnation aux
frais qu'en cas de comportement contraire à une règle de droit civil.
En
l'occurrence, l'art. 11 du règlement communal ne tendrait pas à la
protection
des particuliers, mais à assurer le bon fonctionnement de l'Etat, qui
ne
subirait d'ailleurs aucun dommage.

2.1 L'arrêt attaqué est fondé sur l'art. 158 du code de procédure
pénale
vaudois (CPP/VD), libellé comme il suit: "Lorsque le prévenu est
libéré des
fins de la poursuite pénale, il ne peut être condamné à tout ou
partie des
frais que si l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à
l'ouverture de
l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction". Cette
disposition
confère un pouvoir d'appréciation étendu au juge appelé à répartir
les frais
de la procédure pénale. Ce pouvoir est toutefois limité par les
garanties
offertes au prévenu libéré des fins de la poursuite pénale. En
particulier,
le principe de la présomption d'innocence, consacré aux art. 6 par. 2
CEDH et
32 Cst., interdit de prendre une décision défavorable au prévenu
libéré en
laissant entendre que celui-ci est coupable de l'infraction qui lui
était
reprochée (ATF 116 Ia 162).

Le paiement des frais de la procédure pénale n'est pas fondé sur une
responsabilité à raison d'un comportement pénalement répréhensible,
mais sur
des principes de droit civil qui, tel l'art. 41 CO, impose la
réparation d'un
dommage causé par la violation d'une norme de comportement découlant
de
l'ordre juridique suisse dans son ensemble (même arrêt, consid. 2c-e
p. 168
ss).

2.2 Lorsque le prévenu est libéré faute de preuves, il y a violation
de la
présomption d'innocence à le tenir néanmoins pour coupable au stade
de la
répartition des frais. Lorsque la libération intervient pour une autre
raison, telle la prescription, il n'y a certes pas contradiction à
constater
que le comportement du prévenu acquitté constitue objectivement
l'infraction
qui lui était reprochée. Une telle motivation doit toutefois
s'appuyer sur
des éléments de fait dûment établis et non contestés; par ailleurs,
les
droits procéduraux du prévenu doivent être respectés, en particulier
son
droit d'être entendu (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334). Enfin, la
condamnation aux frais, fondée sur la seule commission de
l'infraction pénale
ne doit pas constituer une sanction pénale déguisée.

En définitive, la condamnation aux frais d'un prévenu libéré n'est
admissible
que si celui-ci a clairement violé une règle de comportement et a
ainsi
provoqué ou compliqué l'instruction pénale (ATF 119 Ia 332 précité;
cf., en
dernier lieu, les arrêts non publiés du 21 août 2001 dans la cause
G., du 13
février 2001 dans la cause J., du 20 octobre 2000 dans la cause S.,
du 10 mai
2000 dans la cause S. et du 14 janvier 1999 dans la cause P.).
2.3 En l'occurrence, le jugement attaqué met 300 fr. de frais à la
charge du
recourant au seul motif qu'"il a été constaté qu'une contravention
avait été
objectivement commise". Il s'agit d'une déclaration de culpabilité
pure et
simple, incompatible avec les principes rappelés ci-dessus. Le
tribunal s'est
par ailleurs dispensé d'examiner si le comportement du recourant
constituait
en outre une violation d'une norme de comportement autre que la
disposition
pénale. En l'absence de toute constatation faite dans le respect des
droits
du prévenu et propre à fonder un tel reproche, il n'appartient pas au
Tribunal fédéral de se livrer à une substitution de motifs sur ce
point.

3.
Le recours doit par conséquent être admis, et le ch. IV du jugement
attaqué
est annulé. Une indemnité de dépens est allouée au recourant, à la
charge du
canton de Vaud. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire (art. 156
al. 2
OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le chiffre IV du dispositif de l'arrêt
attaqué est
annulé.

2.
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée au recourant, à la
charge du
canton de Vaud.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et au
Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois.

Lausanne, le 25 juin 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.277/2002
Date de la décision : 25/06/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-25;1p.277.2002 ?
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