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24/06/2002 | SUISSE | N°I.36/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juin 2002, I.36/02


«AZA 7»
I 36/02 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Ursprung et Frésard.
Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 24 juin 2002

dans la cause

K.________, recourante, représentée par Me Michel Béguelin,
avocat, rue Dufour 12, 2502 Bienne,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5,
2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- K.________ travaillait à son propre compte comme
pei

ntre en bâtiments. Le 11 octobre 1998, elle a été vic-
time d'un accident de la circulation, ce qui a occasionné
une distorsion de la ...

«AZA 7»
I 36/02 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Ursprung et Frésard.
Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 24 juin 2002

dans la cause

K.________, recourante, représentée par Me Michel Béguelin,
avocat, rue Dufour 12, 2502 Bienne,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5,
2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- K.________ travaillait à son propre compte comme
peintre en bâtiments. Le 11 octobre 1998, elle a été vic-
time d'un accident de la circulation, ce qui a occasionné
une distorsion de la colonne cervicale avec des douleurs
dans la région cervicale (certificat du docteur A.________
du 26 octobre 1998). Le cas a été pris en charge par la
Bâloise Assurances, auprès de laquelle elle était assurée
pour les accidents professionnels et non professionnels.

Les examens pratiqués ont révélé un syndrome douloureux
cervical, ainsi qu'une petite hernie discale C 6/7 (rap-
ports du docteur B.________ de l'Hôpital X.________ du
18 novembre 1998 et du docteur C.________ du 28 décembre
1998). Le docteur C.________ a attesté d'une incapacité de
50 % dès le 11 octobre 1998 pour une durée indéterminée. De
janvier à juin 1999, l'intéressée a travaillé à 100 % en
qualité de représentante au service de la société
Y.________. Elle a été licenciée pour «manque d'efficacité
à la vente» (courrier de l'employeur du 31 mai 1999). Elle
n'a pas exercé d'activité lucrative jusqu'au 26 avril 2000,
date à laquelle elle a requis des indemnités de l'assuran-
ce-chômage.
Le 25 octobre 1999, K.________ a déposé une demande de
prestations à l'Office de l'assurance-invalidité du canton
de Neuchâtel (ci-après : l'office) tendant à une orienta-
tion professionnelle ou au reclassement dans une nouvelle
profession. L'office a confié une expertise au Professeur
D.________, médecin-chef du service de rhumatologie, méde-
cine physique et réhabilitation du Centre hospitalier
Z.________. Dans un rapport du 5 octobre 2000, l'expert a
posé le diagnostic de cervico-brachialgies bilatérales sans
substrat organique décelable, de troubles somatoformes dou-
loureux et de status après traumatisme cervical. Il a con-
clu à une incapacité de travail de 50 % dans une activité
de peintre en bâtiment en raison des cervicalgies et des
sensations vertigineuses ressenties par la patiente. Dans
une activité adaptée, sans travaux trop lourds, - par
exemple dans le métier de représentante sans devoir porter
de charges de plus de 10 kg de façon répétitive - la capa-
cité de travail pouvait en revanche être considérée comme
totale; il était par ailleurs inutile d'envisager des me-
sures de reclassement professionnel, de simples conseils
d'orientation professionnelle étant suffisants.
Se fondant sur les conclusions de l'expert, l'office a
rendu une décision, le 13 mars 2001, par laquelle il a re-
fusé toute prestation à K.________.

B.- Cette décision fut déférée par l'assurée au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel qui rejeta le
recours par jugement du 17 décembre 2001.

C.- K.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont elle requiert l'annulation.
Elle conclut, sous suite de frais et dépens, au renvoi de
la cause à l'administration pour nouvelle décision, et
produit un rapport du docteur E.________, neurologue, du
5 décembre 2001.
L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Of-
fice fédéral des assurances sociales ne s'est pas détermi-
né.

D.- Le 16 avril 2002, K.________ a encore produit un
courrier des docteurs F.________ et G.________ de la Cli-
nique W.________, puis, le 6 mai 2002, un rapport de ces
mêmes médecins.

Considérant en droit :

1.- Les premiers juges ont exposé correctement les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels
relatifs aux conditions posées à l'octroi de mesures de
reclassement professionnel ainsi que la jurisprudence sur
la valeur probante des rapports médicaux et leur apprécia-
tion par le juge. Sur ces points, il convient de renvoyer
au jugement entrepris.
On précisera qu'est réputé invalide au sens de
l'art. 17 LAI celui qui n'est pas suffisamment réadapté,
l'activité lucrative exercée jusque-là n'étant plus raison-
nablement exigible ou ne l'étant plus que partiellement en
raison de la forme et de la gravité de l'atteinte à la san-
té. Le seuil minimum fixé par la jurisprudence pour ouvrir
droit à une mesure de reclassement est une diminution de la

capacité de gain de 20 % environ (ATF 124 V 110 consid. 2b
et les références).

2.- a) A l'instar de l'administration, les premiers
juges, se fondant sur le rapport du docteur D.________ du
5 octobre 2000, ont nié à la recourante le droit à un re-
classement dans une nouvelle profession. Considérant
qu'elle dispose d'une capacité de travail de 50 % dans sa
profession de peintre en bâtiment et de 100 % dans une
activité adaptée, telle que représentante, ils ont impli-
citement retenu que l'invalidité économique de la recou-
rante n'était pas significative, sans estimer nécessaire
d'en chiffrer le degré précisément. L'intimé avait, dans la
décision litigieuse du 13 mars 2001, indiqué qu'il existait
sur le marché un grand nombre de postes correspondant aux
limitations fonctionnelles de l'assurée et susceptibles de
lui procurer des revenus équivalents à ceux qu'elle obte-
nait en exerçant son activité indépendante, sans qu'une
formation ou qualification soit nécessaire.

b) En l'espèce, selon le rapport d'expertise du Pro-
fesseur D.________, la recourante souffre de cervico-
brachialgies bilatérales et de troubles somatoformes dou-
loureux, sans qu'il existe un substrat organique décelable.
Les examens effectués n'ont ainsi révélé ni discopathie, ni
rétrécissement des canaux de conjugaison, ni image compres-
sive de la moelle, ni hernie discale évidente. Sur le plan
du diagnostic, ces constatations ne diffèrent que peu de
celles des médecins consultés par la recourante. Dans son
rapport du 24 mars 2000, le docteur H.________, neuropsy-
chiatre, retient un syndrome douloureux cervical et une
petite hernie discale («kleine Bandscheibenhernie rechts
medio-lateral»), alors que selon le rapport du docteur
B.________ de l'Hôpital X.________ du 18 novembre 1998, il
n'y a pas de rétrecissement spinal, ni d'instabilité disco-
ligamentaire. De même, le docteur E.________ qui, à la de-
mande de l'assureur-accident de la recourante, a rendu un

rapport le 5 décembre 2001, - produit par celle-ci à l'ap-
pui de son recours et dont il peut être tenu compte dès
lors qu'il se rapporte aux conséquences, sur le plan médi-
cal, de l'accident du 11 octobre 1998 - ne décèle qu'une
légère limitation de la mobilité de la colonne cervicale et
diagnostique un syndrome douloureux chronique cervico-
céphal («chronifiziertes zerviko-zephales Schmerzsyndrom
bei Status nach Frontalkollision vom 11.10.98»). En
revanche, il n'y a pas lieu de prendre en considération le
courrier des médecins de la Clinique W.________ du 20 mars
2002 ni leur rapport du 9 avril 2002, versés à la procédure
pour le premier, le 16 avril 2002 et pour le second, le
6 mai 2002, soit postérieurement à l'échéance du délai de
recours et sans qu'un second échange d'écritures ait été
ordonné (ATF 127 V 357 consid. 4a).
En réalité, le seul point significatif sur lequel les
médecins qui ont examiné la recourante divergent d'opinion
est le degré d'incapacité de travail dans sa profession de
peintre en bâtiments. D'un côté, rejoignant l'appréciation
faite par le docteur C.________ (certificat du 28 décembre
1998), le Professeur D.________ reconnaît à la recourante
une incapacité de travail de 50 % dans son métier de
peintre en bâtiments, dès lors qu'elle ne pourrait plus
faire de travaux en hauteur à cause des cervicalgies et de
sensations vertigineuses qu'elle ressent. De l'autre, les
docteurs H.________ (certificat médical du 24 mars 2000) et
E.________ (rapport du 5 décembre 2001) admettent une inca-
pacité de travail de 100 % dans cette activité.
Dans la mesure où l'expert D.________ retient que la
recourante est empêchée, en raison des cervicalgies et de
sensations de vertige, de travailler en hauteur, on ne voit
pas pourquoi l'incapacité de travail serait limitée à 50 %
seulement. En effet, l'activité de peintre en bâtiments
implique l'utilisation d'une échelle ou d'échafaudages pour
atteindre la partie supérieure d'une façade ou un plafond,
ainsi que de pouvoir tourner librement la tête pour couvrir
l'ensemble de la surface à peindre. Il en résulte que la

recourante, qui ne peut plus, au dire de l'expert, effec-
tuer de travaux en hauteur, ni porter de charges de plus de
10 kg de manière répétitive, ne peut donc plus exercer sa
profession de peintre en bâtiments, de sorte qu'une incapa-
cité de travail de 100 % dans cette activité doit être ad-
mise. On ne saurait en effet réalistement exiger d'un
peintre en bâtiments qu'il travaille à 50 % en ne s'occu-
pant que de la partie inférieure d'un mur, parce qu'il lui
est impossible d'utiliser une échelle, ou qu'il se limite à
lever des seaux de peinture de moins de 10 kg pour ne pas
porter de charges trop lourdes.

c) En ce qui concerne une activité adaptée à l'état de
santé de la recourante du point de vue médical, l'expert
D.________ s'est contenté d'indiquer que dans un métier de
représentante, «sans charges trop lourdes à porter (plus de
10 kg de façon répétitive)», celle-ci dispose d'une capaci-
té de travail entière. Or, il ressort du dossier que la re-
courante a déjà tenté une reconversion professionnelle dans
la vente de produits de peinture, mais sans succès dès lors
que l'employeur a mis fin aux relations de travail «pour
manque d'efficacité à la vente». Cette activité ne saurait
donc convenir d'emblée à la recourante qui ne dispose d'au-
cune qualification dans le domaine de la vente. Quant aux
autres médecins consultés, ils ne se sont pas prononcés sur
la question de l'activité adaptée, ni, partant, sur la ca-
pacité de travail dans une telle activité. A cet égard, le
docteur E.________ mentionne simplement qu'il serait impor-
tant, après un séjour de réhabilitation, d'évaluer les pos-
sibilités de la recourante sur le plan professionnel et sa
réadaptation dans un centre d'évaluation de l'assurance-
invalidité (BEFAS à Burgdorf). De même, le docteur
I.________ estime indispensable la réintégration «impéra-
tive» de la patiente dans le processus de travail, tout en
préconisant une évaluation de la situation pour déterminer
quelles activités elle est susceptible d'exercer (rapport
du 3 avril 2001).

d) Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral des
assurances ne dispose pas d'éléments suffisants pour sta-
tuer en connaissance de cause sur le litige. On ignore en
particulier quel type de travail léger la recourante, con-
crètement, serait à même d'accomplir et ce, à quel taux.
Par ailleurs, il conviendra d'établir avec précision l'in-
validité économique de la recourante et d'en chiffrer le
degré, afin de voir si le droit au reclassement dans une
nouvelle profession, - qu'il reste à déterminer -, est ef-
fectivement ouvert. A cet égard, les pièces au dossier ne
contiennent aucune indication quant au revenu obtenu par la
recourante avant ses problèmes de santé, dans son activité
exercée en qualité d'indépendante, de sorte que l'instruc-
tion devra également porter sur ce point.
Il convient donc d'annuler le jugement attaqué et de
renvoyer l'affaire à l'intimé pour qu'il complète l'ins-
truction, au besoin par une deuxième expertise sur la
capacité de travail de la recourante dans une activité
adaptée, et qu'il rende ensuite une nouvelle décision.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal
administratif du Canton de Neuchâtel du 17 décembre
2001, ainsi que la décision de l'Office de l'assu-
rance-invalidité du 13 mars 2000 sont annulés.

II. La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-inva-
lidité du canton de Neuchâtel pour complément d'ins-
truction au sens des considérants et nouvelle déci-
sion.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'Office de l'assurance-invalidité versera à la recou-
rante une indemnité de dépens de 2500 fr. (y compris
la taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure fédé-
rale.

V. Le Tribunal administratif statuera sur les dépens de
la procédure de première instance, au regard de l'is-
sue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Of-
fice fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 24 juin 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.36/02
Date de la décision : 24/06/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-24;i.36.02 ?
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