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20/06/2002 | SUISSE | N°C.51/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2002, C.51/02


«AZA 7»
C 51/02 Kt

IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer, et Frésard.
Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 20 juin 2002

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Me Yanis Callandret,
avocat, Bassin 6, 2001 Neuchâtel,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance-chômage, avenue
Léopold-Robert 11a, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- M.________, né en 1961, s'est

annoncé à l'assu-
rance-chômage le 1er septembre 1996. A partir du 21 octobre
1996, il a été engagé à plein temps en qualité de gé...

«AZA 7»
C 51/02 Kt

IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer, et Frésard.
Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 20 juin 2002

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Me Yanis Callandret,
avocat, Bassin 6, 2001 Neuchâtel,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance-chômage, avenue
Léopold-Robert 11a, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- M.________, né en 1961, s'est annoncé à l'assu-
rance-chômage le 1er septembre 1996. A partir du 21 octobre
1996, il a été engagé à plein temps en qualité de gérant au
service de la société A.________ SA, à N.________. La
Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance-chômage (CCNAC)
a considéré comme gain intermédiaire les revenus réalisés
par l'assuré au service de cet employeur.

A l'occasion d'un contrôle pratiqué en juillet 2000,
la caisse d'assurance-chômage a appris que l'assuré rece-
vait chaque année de la société A.________ SA une prime
(«Erfolgsbeteiligung») payable une fois dans l'année, en
règle ordinaire au printemps et qui se rapportait à l'acti-
vité de l'année précédente. Les primes n'ont pas été décla-
rées par l'intéressé au titre de gain intermédiaire. Elles
se sont élevées pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999 à,
respectivement, 833 fr., 4500 fr., 3000 fr. et 6000 fr.
La caisse a procédé à un nouveau calcul des indemnités
de chômage en fonction de ces primes. Par décisions du
13 février 2001, elle a exigé de l'assuré la restitution
d'un montant de 5034 fr. 75 correspondant aux indemnités de
chômage touchées, à tort selon elle, pour la période du
21 octobre 1996 au 30 juin 1998 et d'un montant de
23 269 fr. 30 représentant les indemnités versées du
1er juillet 1998 au 30 juin 2000. L'assuré ayant réalisé un
salaire mensuel supérieur à l'indemnité de chômage dès le
1er janvier 1999, la restitution portait, à partir de cette
date, sur la totalité des indemnités de chômage.
Par décisions du 14 septembre 2001, le Département
cantonal neuchâtelois de l'économie publique a rejeté les
recours interjetés contre ces décisions par M.________.

B.- M.________ a recouru devant le Tribunal adminis-
tratif du canton de Neuchâtel. Statuant le 8 février 2002,
celui-ci, après avoir opéré une jonction des causes, a
rejeté les recours.

C.- M.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif dans lequel il conclut à l'annulation de ce juge-
ment. La caisse d'assurance-chômage s'en remet à justice.
Quant au Département de l'économie publique, il conclut,
implicitement, au rejet du recours. De son côté, le
Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) ne s'est pas déter-
miné.

Considérant en droit :

1.- Les notions de gain assuré (art. 23 LACI), de gain
intermédiaire (art. 24 LACI) sont distinctes l'une de l'au-
tre, mais étroitement liées. En effet, le gain réalisé par
le chômeur durant une période de contrôle (art. 24 al. 1
LACI) réduit le manque à gagner résultant du chômage
(art. 11 al. 1 LACI), de sorte que l'assurance-chômage
n'indemnise que la différence entre le gain assuré et le
gain intermédiaire (art. 24 al. 2 et 3 LACI); effectuer une
telle comparaison nécessite d'en définir les termes selon
des critères analogues (dans ce sens, ATF 121 V 360 con-
sid. 6a). Il convient par ailleurs d'éviter, autant que
possible, qu'un assuré se voie imputer un gain intermédiai-
re réalisé pendant un délai-cadre d'indemnisation et que ce
revenu ne soit pas ensuite pris en considération pour dé-
terminer son gain assuré (et inversement), lors de l'ouver-
ture d'un deuxième délai-cadre d'indemnisation.
Aussi, en règle ordinaire, le Tribunal fédéral des
assurances détermine le gain intermédiaire selon les mêmes
règles qu'il applique au calcul du gain assuré. Ainsi en
va-t-il, par exemple, du régime applicable aux indemnités
de vacances versées avec le salaire, sous forme de pourcen-
tage (cf. DTA 2000 n° 7 p. 35 consid. 2). La jurisprudence
n'exclut toutefois pas d'examiner, dans certains cas, le
droit d'un assuré à des indemnités compensatoires selon des
critères propres, en raison des particularités inhérentes
au système régi par l'art. 24 LACI (cf. SVR 2000 ALV n° 22
p. 63 consid. 3); la loi le prévoit parfois expressément,
notamment à l'art. 24 al. 3 LACI, qui prescrit de prendre
en considération un gain intermédiaire conforme aux usages
professionnels et locaux.

2.- Est litigieuse, tout d'abord, la nature de l'in-
demnité versée au recourant sous la dénomination «Erfolgs-
beteiligung». Le recourant soutient qu'il s'agit, princi-

palement tout au moins, d'une indemnité destinée à éteindre
toute créance du salarié en relation avec des heures sup-
plémentaires accomplies par le travailleur. Par conséquent,
elle devrait être assimilée à une indemnité pour différents
inconvénients liés à l'exécution du travail en sus des
heures de travail convenues contractuellement et qui, con-
formément à la jurisprudence, ne font pas partie du gain
assuré (ATF 116 V 281).

a) Les allocations de renchérissement, les gratifica-
tions, ainsi que les primes de fidélité et au rendement
sont incluses dans le gain assuré, même si l'employeur les
verse à bien plaire et que l'employé ne peut en déduire
aucun droit en justice (art. 23 LACI en relation avec les
art. 5 al. 2 LAVS et 7 let. b et c RAVS; ATF 122 V 363
consid. 3 et les références).
Par gratification, il faut entendre, selon l'art. 322d
CO, une rétribution spéciale accordée en sus du salaire par
l'employeur à certaines occasions, telles que Noël ou la
fin de l'exercice annuel. N'est dès lors pas une gratifica-
tion la rétribution dont le montant et l'échéance incondi-
tionnelle sont fixés d'avance par le contrat de travail,
tels le treizième mois de salaire ou une autre rétribution
semblable entièrement déterminée par le contrat (ATF
109 II 447 consid. 5c).
L'engagement de l'employeur de verser une gratifica-
tion peut être prévu dans le contrat de travail ou résul-
ter, pendant les rapports de travail, d'actes concluants,
comme le versement régulier et sans réserve d'une gratifi-
cation (Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de
travail, deuxième édition, note 5 ad art. 322d CO). Les
parties peuvent également soumettre, expressément ou taci-
tement, le versement de la gratification à des conditions,
notamment la réalisation d'objectifs fixés au travailleur
par l'employeur (Staehelin, Zürcher Kommentar, note 25 ad
art. 322d CO).

b) Dans le cas particulier, le versement de l'indemni-
té en question est régi par un «Reglement zur Erfolgsbetei-
ligung (EB)» applicable aux gérants de filiales et à leurs
suppléants. L'indemnité est versée une fois par année, en
règle ordinaire au mois de mars, et se rapporte à l'année
civile précédente (art. 2). Elle a pour but de motiver le
salarié pour la réalisation des objectifs qui lui ont été
assignés; en même temps, elle vise à compenser d'éventuel-
les prétentions du salarié pour des heures supplémentaires
(art. 3). Le montant maximum de l'indemnité est de 6000 fr.
pour un gérant de filiale. Dans cette limite, il varie en
fonction de différents objectifs budgétaires fixés par
l'employeur.
Sur la base de ces éléments, il y a lieu d'admettre
que le versement en question a le caractère d'une gratifi-
cation, qui devait en l'occurrence être prise en compte au
titre de gain intermédiaire, vu l'étroite connexité entre
ce type de gain et le gain assuré. Contrairement à ce que
soutient le recourant, l'indemnité n'est pas la contrepar-
tie d'heures supplémentaires éventuellement accomplies par
le travailleur. Elle dépend des performances du salarié.
Elle est accordée même si le salarié atteint les objectifs
qui lui sont assignés sans accomplir d'heures supplémentai-
res. A l'inverse, le salarié peut accomplir des heures
supplémentaires et, malgré cela, ne pas avoir droit à l'in-
demnité si les objectifs fixés ne sont pas atteints.
Le moyen soulevé n'est dès lors pas fondé.

3.- Le recourant soutient d'autre part que, si la
prime litigieuse devait être englobée dans le gain intermé-
diaire, il conviendrait alors de la comptabiliser, non pas
pour l'année qui a précédé son octroi, mais pour l'année de
son versement.
Ce moyen n'est pas plus fondé que le précédent. Les
gratifications constituent une rémunération pour une pres-
tation de travail effectuée tout au long de l'année qui a

précédé leur versement. Le Tribunal fédéral des assurances
détermine en effet le gain intermédiaire selon les mêmes
règles qu'il applique au calcul du gain assuré. Dans ce
contexte, il applique le principe selon lequel un revenu
est réputé avoir été réalisé au moment où l'assuré a fourni
la prestation de travail rémunératoire (cf. ATF 122 V 371
consid. 5b).
Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette jurispru-
dence dans le cas d'espèce.

4.- Lorsqu'elles statuent, en cours d'année, sur le
droit d'un assuré à des indemnités compensatoires, les
caisses de chômage ignorent si une gratification sera ver-
sée, à bien plaire, par l'employeur. Il leur appartient
donc, si elles apprennent le versement d'une telle gratifi-
cation, de procéder à une révision des décisions d'alloca-
tion d'indemnités compensatoires déjà entrées en force (cf.
ATF 126 V 399), au motif que la prestation de travail de
l'assuré s'est finalement avérée plus rémunératrice qu'ini-
tialement annoncée. Une telle révision, assortie d'une
décision de restitution de prestation, se fonde sur
l'art. 95 al. 1 LACI, ainsi que la jurisprudence y relative
(arrêt V. du 14 novembre 2001 [C 45/01]). En l'occurrence,
le calcul rectificatif de la caisse n'est pas contesté et
n'apparaît du reste pas sujet à discussion. C'est donc à
bon droit, dans le cas particulier, que la caisse a exigé
la restitution des indemnités versées à tort pour les
périodes de contrôle en cause.

5.- Quant à savoir si l'assuré peut obtenir une remise
de l'obligation de restituer, conformément à l'art. 95
al. 2 LACI, c'est un problème qu'il n'y a pas lieu d'exami-
ner ici, faute de décision sur ce point de la part de
l'administration.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel, au
Département de l'économie publique du canton de
Neuchâtel et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 20 juin 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.51/02
Date de la décision : 20/06/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-20;c.51.02 ?
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