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20/06/2002 | SUISSE | N°4P.89/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2002, 4P.89/2002


{T 0/2}
4P.89/2002 /ech

Arrêt du 20 juin 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Ramelet.

les époux M.________,
recourants, représentés par Me Thierry Thonney, avocat, case postale
3309,
1002 Lausanne,

contre

A.________,
Dame B.________,
C.________,
Dame D.________,
intimés,
tous quatre représentés par Me Yves Hofstetter, avocat, rue du
Petit-Chêne
18, case postale 3420, 1002 Lausanne,
Chambre des re

cours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

arbitraire; contrat de travail; conciergerie...

{T 0/2}
4P.89/2002 /ech

Arrêt du 20 juin 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Ramelet.

les époux M.________,
recourants, représentés par Me Thierry Thonney, avocat, case postale
3309,
1002 Lausanne,

contre

A.________,
Dame B.________,
C.________,
Dame D.________,
intimés,
tous quatre représentés par Me Yves Hofstetter, avocat, rue du
Petit-Chêne
18, case postale 3420, 1002 Lausanne,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

arbitraire; contrat de travail; conciergerie

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 26 février 2002).

Faits:

A.
A.a A.________ et dame B.________, C.________ et dame D.________,
copropriétaires en société simple d'un immeuble, à Moudon, ont passé
le 20
avril 1974 un contrat de conciergerie avec dame M.________, qui a
commencé
son activité le 1er mai 1974. Le salaire mensuel brut initial de 280
fr.
s'est progressivement élevé jusqu'à 570 fr. net. à l'occasion d'un
nouveau
contrat conclu entre les mêmes parties le 9 juillet 1991 pour le 1er
décembre
1991. En plus, les copropriétaires ont versé à la salariée des
gratifications
annuelles de 400 fr. en 1994, 430 fr. en 1995 et 500 fr. pour l'année
1996.
dame M.________ devait nettoyer et surveiller le bâtiment. Son mari
l'a aidée
pour certaines tâches, notamment pour sortir les containers.

Le 16 octobre 1984, M.________ a écrit aux copropriétaires une lettre
concernant le salaire de conciergerie. Les époux M.________ se sont
également
qualifiés de concierges dans des lettres du 24 octobre 1990 et 4
décembre
1997.

A.b Le 13 décembre 1999, dame M.________ a fait une chute dans les
escaliers
de l'immeuble; elle a été transportée à l'hôpital par le
copropriétaire
C.________ et s'est trouvée en incapacité de travail jusqu'à la fin
de
l'année 2000, selon des certificats médicaux datés des 6 mars, 30
juin, 9
octobre et 17 novembre 2000.

Le 3 mars 2000, les copropriétaires ont adressé un courrier
recommandé à dame
M.________ pour résilier le contrat de bail ainsi que le contrat de
conciergerie, à l'échéance du 30 novembre 2000. Une transaction est
intervenue quant à la résiliation du bail, les locataires ayant
accepté de
quitter leur appartement le 1er décembre 2000.

Le 12 septembre 2000, M.________, qui avait remplacé son épouse dans
son
activité de concierge dès le 13 décembre 1999, a informé les
copropriétaires
qu'il cesserait de le faire à partir du 1er novembre 2000.

B.
Le 8 janvier 2001, les époux M.________ ont introduit une action en
paiement
contre les copropriétaires devant le Tribunal de prud'hommes de
l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, en concluant
principalement
au paiement de 8785 fr. à dame M.________, ou, subsidiairement, de
2885 fr. à
dame M.________ et de 5900 fr. à M.________. Par jugement du 2 avril
2001, le
Tribunal de prud'hommes a condamné les copropriétaires, en leur
qualité
d'employeurs, à payer à dame M.________ la somme de 1792 fr. avec
intérêts à
5% dès le 8 janvier 2001, et à M.________ le montant de 4425 fr., aux
mêmes
conditions.
Par arrêt du 26 février 2002, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal
vaudois a rejeté le recours formé par les époux M.________ et
confirmé le
jugement de première instance.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, les époux M.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de
renvoyer la
cause à la Chambre des recours pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Invoquant l'art. 9 Cst., ils font valoir en substance
que seule
dame M.________ était partie au contrat de conciergerie passé avec les
copropriétaires, ce pourquoi elle avait droit à 209 fr. au titre de
complément pour la gratification 2000, et à 590 fr. comme salaire
pour la
période du 1er au 30 novembre 2000. De son côté, M.________ devait
recevoir
1770 fr. représentant son salaire pour la période du 13 décembre 1999
au 15
mars 2000, pendant laquelle il avait remplacé son épouse, en
incapacité de
travail. En retenant que M.________ devait être considéré également
comme
concierge, et qu'il n'avait pas droit de ce fait à une rémunération
indépendante de celle versée à son épouse, le Tribunal cantonal aurait
arbitrairement appliqué les art. 319 et 324a CO. De plus, les
compléments de
salaire et la gratification pour novembre 2000 auraient été refusés
par une
interprétation arbitraire de l'art. 336c al. 1 let. b CO et de l'art.
324a
CO, ainsi que de l'échelle bernoise.

Les intimés concluent au rejet du recours, alors que la cour
cantonale se
réfère à son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16, 46 consid. 2a p.
47, 56
consid. 1 p. 58, 66 consid. 1 p. 67 et les arrêts cités).

Le présent recours de droit public satisfait aux exigences posées par
les
art. 86 al. 1, 88 et 89 al. 1 OJ. Toutefois, vu la nature cassatoire
du
recours de droit public, les conclusions qui vont au-delà de la simple
demande d'annulation de l'arrêt entrepris sont irrecevables (ATF 127
II 1
consid. 2c; 127 III 279 consid. 1b; 126 II 377 consid. 8c p. 395). De
toute
manière, la demande de renvoi de la cause à la Chambre des recours est
superflue, dans la mesure où, en cas d'admission du recours de droit
public,
la procédure est replacée dans la situation où elle se trouvait
devant la
juridiction intimée avant que cette dernière ne statue par sa décision
finale.

2.
Les recourants estiment que le Tribunal cantonal a arbitrairement
refusé à
M.________ la somme de 1770 fr. représentant son salaire pour la
période du
13 décembre 1999 au 15 mars 2000 pendant laquelle il a remplacé son
épouse
incapable de travailler. Ils prétendent également que la cour
cantonale a
fait montre d'arbitraire en déniant à dame M.________ le droit de
recevoir
son salaire pour novembre 2000, ainsi qu'un complément de
gratification de
fin d'année.

2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la
situation
de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe
juridique clair
et indiscuté ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le
sentiment de la
justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte
de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si
elle
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit
certain.
Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué
soient
insoutenables; encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son
résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
que celle de l'autorité intimée apparaît comme concevable, voire
préférable
(ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70).

2.2 La cour cantonale a retenu que le contrat de conciergerie, passé
entre
dame M.________ et les copropriétaires pour la surveillance et
l'entretien de
leur immeuble, liait également l'époux de celle-ci, parce qu'il
effectuait
certaines interventions, en particulier la sortie des containers, et
qu'il
s'était qualifié de concierge dans quelques courriers adressés à
ceux-là.

Le contrat de travail est marqué par l'absence de formalisme; ce
dernier peut
être en conséquence réputé conclu lorsque l'employeur accepte pour un
temps
donné l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne
doit être
fourni que contre un salaire, en application de l'art. 320 al. 2 CO.

Dans le cas présent, il est constant que seule dame M.________
recevait un
salaire de 570 fr. par mois, en dernier lieu, à l'exclusion de toute
prestation versée par ses employeurs à son mari. En outre, les fiches
de
salaire démontrent que les cotisations sociales bénéficiaient
uniquement à
dame M.________ Ainsi, avant le 13 décembre 1999, les prestations
effectuées occasionnellement par M.________ l'étaient à titre
gratuit, et
sans attente d'une rémunération future. Le fait que la situation ait
changé
en raison de l'accident de son épouse, le 13 décembre 1999, ne peut
être
interprété comme l'indice de la conclusion d'un contrat de travail
entre les
intimés et M.________ pour la période initiale, antérieure au 13
décembre
1999, par application de la présomption posée à l'art. 320 al. 2 CO.
En
effet, cette dernière a été instituée pour apporter, en équité, un
tempérament à la rigueur de la situation de celui qui n'a pas réclamé
de
salaire parce qu'il comptait être rétribué ultérieurement d'une autre
manière
et qui voit déçue cette attente légitime à la suite d'un événement
imprévu
(ATF 107 Ia 107 consid. 2b p. 109/110 et les références).
La Chambre des recours ne peut pas davantage considérer que
M.________ était
lié dès 1974 par le contrat de conciergerie, du fait que le salaire
de la
concierge était payé par déduction du loyer dû par les époux
M.________ aux
propriétaires de l'immeuble. Le contrat de conciergerie est en effet
un
contrat mixte qui mêle les éléments du contrat de travail avec ceux
du bail,
celui-ci étant prépondérant si le loyer est supérieur à la
rémunération des
services et qu'une soulte reste due par le concierge à titre de
location
(Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 2515, p. 307). Dans le cas
présent, le mode de rétribution adopté par les employeurs et
bailleurs ne
permet pas de conclure à l'existence d'un rapport de travail entre ces
derniers et M.________ avant le 13 décembre 1999, et révèle bien
plutôt qu'en
aidant occasionnellement son épouse dans ses activités
professionnelles, il
se pliait aux devoirs généraux du mariage, au sens de l'art. 163 CC,
en
participant ainsi au paiement du loyer de l'habitation familiale.

Il apparaît que les actes accomplis par le recourant l'ont été en
qualité
d'auxiliaire de son épouse dans le cadre des prestations de travail
que cette
dernière devait exécuter pour les intimés. Le statut de salarié n'est
en
effet pas incompatible avec l'engagement, sous la propre
responsabilité du
travailleur, d'un auxiliaire (Staehelin/Vischer, Commentaire
zurichois, n. 7
ad art. 321 CO; Rehbinder, Commentaire bernois, n. 3 ad art. 321 CO,
p.
114/115).

Cette situation est communément admise dans le domaine des travaux
ménagers,
où l'employé peut se faire assister d'un auxiliaire pour les grands
nettoyages (Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n.
5 ad
art. 321 CO, p. 58). Enfin, la collaboration d'un conjoint à
l'activité
professionnelle de l'autre ne donne lieu à aucune rémunération en
application
de l'art. 165 al. 1 CC lorsque cette activité ne dépasse pas le devoir
général d'assistance entre époux (art. 163 CC).

En l'espèce, les prestations occasionnelles de l'époux ne dépassaient
pas
l'assistance due à son conjoint dans le cadre de la communauté
conjugale. Il
s'ensuit que M.________, jusqu'au 13 décembre 1999, n'avait aucune
relation
juridique directe avec les intimés dans le cadre du contrat de
conciergerie.

Enfin, les quelques interventions de M.________ auprès des employeurs
de son
épouse s'expliquent soit par la représentation de l'union conjugale
sous
l'empire de l'ancien droit matrimonial, soit par les incidences
déployées par
le salaire de la conciergerie sur le reliquat de loyer encore dû pour
l'appartement familial.

En conséquence, M.________ n'a droit qu'à la rémunération du travail
effectué
en qualité de remplaçant de sa femme pendant son incapacité, soit du
13
décembre 1999 au 31 octobre 2000, date à laquelle il a cessé cette
activité
de remplaçant. Comme il a déjà reçu de ses employeurs la somme de
4425 fr.
pour la période du 16 mars au 31 octobre 2000, le montant de 1770 fr.
représentant le salaire de remplaçant du 13 décembre 1999 au 15 mars
2000 lui
reste dû, son épouse ayant de son côté droit aux prestations de
l'assurance
pour accident professionnel contractée par ses employeurs pour la même
époque. En méconnaissant le travail effectué par M.________ du 13
décembre
1999 au 15 mars 2000, les juges vaudois sont tombés dans
l'arbitraire, raison
pour laquelle l'arrêt du Tribunal cantonal du 26 février 2002 sera
annulé en
ce qui concerne le recourant M.________, dans la mesure où son
recours est
recevable.

La procédure est ainsi replacée dans la situation où elle se trouvait
avant
que le Tribunal cantonal ne statue, ce dernier devant rendre une
nouvelle
décision dans le sens indiqué ci-dessus.

2.3 Du moment que M.________ a informé les intimés qu'il cesserait le
31
octobre 2000 de remplacer son épouse, incapable de travailler jusqu'à
la fin
de l'année 2000, dans son activité de concierge, la cour cantonale
était
fondée à retenir que le contrat de conciergerie liant dame M.________
à ces
derniers, résilié le 3 mars 2000 pour le 30 novembre 2000, avait pris
fin
prématurément le 31 octobre 2000 et que la recourante n'avait pas
droit au
paiement de son salaire pour le mois de novembre 2000, pas plus qu'à
un
complément de gratification pour l'année 2000. En ce sens, le recours
de
droit public interjeté par dame M.________ doit être rejeté.


3.
Vu la valeur litigieuse largement inférieure à celle prévue à l'art.
343 al.
2 CO dans sa teneur au 1er juin 2001 (RO 2001 p. 1048), la procédure
est
gratuite. Cette disposition ne dispense pas la partie qui succombe de
verser
à la partie adverse une indemnité à titre de dépens (ATF 115 II 30
consid. 5c
p. 42).

Toutefois, pour tenir compte du rejet du recours en ce qui concerne
dame
M.________, l'indemnité à titre de dépens versée au recourant
M.________ sera
réduite à 1000 fr.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de M.________ est partiellement admis dans la mesure où il
est
recevable et l'arrêt attaqué est annulé en ce qui le concerne.

2.
Le recours de dame M.________ est rejeté.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Les intimés verseront solidairement au recourant M.________ une
indemnité de
1000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 20 juin 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.89/2002
Date de la décision : 20/06/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-20;4p.89.2002 ?
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