La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2002 | SUISSE | N°2P.8/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juin 2002, 2P.8/2001


{T 0/2}
2P.8/2001/dxc

Arrêt du 18 juin 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Meylan, juge suppléant,
greffier Addy.

X. ________, recourant, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat,
case
postale 65, 2900 Porrentruy 2,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont,
Chambre administrative du Tribunal cantonal du Jura,
Le Château, 2900 Porrentr

uy.

droit annuel de la patente de restaurant

(recours de droit public contre de la Chambre administrative
...

{T 0/2}
2P.8/2001/dxc

Arrêt du 18 juin 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Meylan, juge suppléant,
greffier Addy.

X. ________, recourant, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat,
case
postale 65, 2900 Porrentruy 2,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont,
Chambre administrative du Tribunal cantonal du Jura,
Le Château, 2900 Porrentruy.

droit annuel de la patente de restaurant

(recours de droit public contre de la Chambre administrative
du Tribunal cantonal du Jura du 20 novembre 2000)

Faits:

A.
Par décision du 16 octobre 1998, le Service cantonal jurassien des
arts et
métiers et du travail (ci-après: le Service cantonal) a accordé à
X.________
une patente de restaurant pour l'exploitation du restaurant
«A.________», à
Delémont, en remplacement de la patente de restaurant sans alcool qui
lui
avait été délivrée en avril 1991. Le chiffre 5 de cette décision fixe
le
droit annuel de la taxe de patente à 2'232 fr. dès le 1er janvier
1999.

Saisi d'une opposition partielle de X.________ par laquelle ce dernier
mettait en cause la constitutionnalité de la taxe annuelle de patente
réclamée, le Service cantonal l'a rejetée le 6 janvier 1999. Selon
cette
autorité, la disposition légale applicable pour calculer la taxe de
patente
«n'est pas manifestement irrégulière puisqu'il s'agit de la volonté
clairement manifestée dans la loi sur les auberges par le
législateur»; en
outre, la forte hausse de contribution dont se plaint X.________
s'expliquerait, d'après le Service cantonal, par l'introduction dans
la loi
d'un nouveau mode de perception ainsi que par le changement
d'affectation du
restaurant «A.________» qui est au bénéfice, depuis le 1er janvier
1999,
d'une patente autorisant la vente de boissons alcoolisées, ce qui
n'était pas
le cas jusque-là.

B.
Par arrêt du 20 novembre 2000, la Chambre administrative du Tribunal
cantonal
du canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le
recours formé
par X.________ contre la décision sur opposition du Service cantonal.
En
substance, cette autorité a jugé que la taxe de patente litigieuse
devait
être considérée comme une contribution mixte ayant à la fois le
caractère
d'un impôt et d'un émolument, que le critère retenu dans la loi comme
base de
calcul de la taxe, soit la valeur locative du restaurant, n'était ni
arbitraire, ni générateur d'inégalités de traitement et que, sous son
aspect
de taxe causale, la contribution en cause respectait les principes de
la
couverture des frais et de l'équivalence.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité du Tribunal cantonal sous
suite de
frais et dépens, en invoquant l'application manifestement erronée et
inexacte
du droit cantonal jurassien ainsi que la violation des art. 4 et 31
aCst.
(art. 8 et 27 Cst.).

Le Tribunal cantonal ne formule pas d'observations et se réfère aux
considérants de son arrêt, tandis que le Service cantonal conclut au
rejet du
recours sous suite de frais et dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (cf. ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16, 46 consid.
2a p. 47
et la jurisprudence citée).

1.1 Fondé sur le droit cantonal, l'arrêt attaqué est une décision
finale,
prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être attaquée que
par la
voie du recours de droit public (art. 86, 87 et 84 al. 2 OJ): le
recourant
n'avait en effet pas la possibilité de soumettre ses griefs à la Cour
constitutionnelle jurassienne qui ne peut plus statuer sur la
constitutionnalité d'une loi ou d'un autre acte législatif après sa
mise en
vigueur (cf. art. 177 et 190 de la loi jurassienne de procédure et de
juridiction administrative et constitutionnelle du 30 novembre 1978
[Code de
procédure administrative]).

Par ailleurs, soumis à contribution en sa qualité de titulaire d'une
patente,
le recourant est atteint dans ses intérêts juridiquement protégés par
l'arrêt
attaqué et a donc qualité pour recourir (art. 88 OJ).

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit,
à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous
points
conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de
renvoyer
aux actes cantonaux (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid.
4a p.
30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318).

En outre, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst.
(cf. art. 4
aCst.), l'intéressé ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué
comme
il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut
revoir
librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt
serait
arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif,
apparaîtrait
insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 125 I
492
consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les
moyens
soulevés par le recourant.

En l'espèce, il apparaît d'une manière générale que l'argumentation du
recourant est dirigée contre le système légal comme tel, sans que
l'intéressé
indique précisément en quoi il serait lui-même concrètement et
directement
touché par la réglementation mise en cause. Une telle manière de
procéder
n'est guère conforme aux exigences de motivation déduites de l'art.
90 al. 1
lettre b OJ: formé contre une décision prise dans un cas d'espèce, le
recours
de droit public tend en effet à un contrôle concret, et non abstrait,
des
normes attaquées. Peu importe toutefois, car il est de toute façon
mal fondé.

2.
2.1Entrée en vigueur le 1er juillet 1998, la loi jurassienne du 18
mars 1998
sur l'hôtellerie, la restauration et le commerce de boissons
alcooliques
(ci-après citée: loi sur les auberges ou LAub) a remplacé la loi du 26
octobre 1989 sur les hôtels, restaurants et établissements analogues,
ainsi
que sur le commerce des boissons alcooliques (ci-après citée:
ancienne loi
sur les auberges ou aLAub) (cf. art. 92 LAub).

L'art. 79 LAub, qui détermine le mode de calcul et de perception des
taxes, a
la teneur suivante:
1 Le titulaire d'une patente ou d'une licence doit s'acquitter d'une
taxe
annuelle.
2 Pour le titulaire d'une patente, la taxe est fixée sur la base de
la valeur
locative de l'établissement uniquement ou de la partie de l'immeuble
soumise
à la présente loi; elle ne peut excéder 7 % de la valeur locative et
peut
varier en fonction de la catégorie d'établissement.
3 La taxe due par le titulaire de la licence est calculée sur la base
du type
de licence et de la surface commerciale.
4 La taxe est déterminée lors de l'octroi de la patente ou de la
licence.
5 La valeur locative est déterminée selon le décret concernant la
révision
générale des valeurs officielles d'immeubles et de forces
hydrauliques; elle
est indiquée par celui qui sollicite une patente. A titre
subsidiaire, le
Service des contributions fournit au Service des arts et métiers et du
travail les informations concernant la valeur locative des immeubles
concernés.
6 Le Parlement arrête, par voie de décret, le taux, les barèmes ainsi
que les
modalités de perception de la taxe; il les adapte périodiquement à
l'évolution de la valeur locative.
7 (...).
L'affectation des taxes est prévue à l'art. 80 LAub, qui dispose que
le
produit des taxes sert, en premier lieu, à couvrir les frais
administratifs
découlant de l'exécution de la loi (al. 1). Le solde sert à
encourager la
qualité des services offerts au public, à favoriser l'activité
touristique et
à prévenir les dépendances (al. 2).

2.2 Conformément à l'art. 79 al. 6 LAub précité, le Parlement
jurassien a
adopté, le 20 mai 1998, le Décret concernant les taxes perçues en
matière de
patentes d'auberge, de licences d'alcool et d'autorisations de
spectacle
(ci-après cité: le Décret) qui précise notamment les modalités de
calcul, la
perception et l'affectation des taxes perçues pour les patentes
d'auberge
(cf. art. 1er du Décret).

D'après l'art. 4 du Décret, selon la catégorie d'établissement
concerné
(hôtel, restaurant, restaurant sans alcool, établissement de
divertissement),
la taxe est comprise entre 300 fr. (montant minimal) et 15'000 fr.
(montant
maximal), et le barème applicable pour son calcul varie entre 4,5 et
6 % de
la valeur locative.

L'art. 13 du Décret, qui traite de l'affectation des taxes, dispose:
1. La moitié du produit des taxes prélevées pour les patentes
d'auberge, les
dépassements de l'horaire légal et les licences d'alcool sert à
couvrir les
frais administratifs liés à la surveillance des établissements et
commerces
assujettis à la taxe.

2. Le Gouvernement affecte annuellement l'autre moitié aux fins
suivantes:
a) améliorer la qualité des services offerts par les établissements;
b) améliorer l'offre touristique;
c) lutter contre les dépendances.
Enfin, l'art. 14 du Décret délègue au Département de l'Economie et au
Département de la Santé et des Affaires sociales le soin d'arrêter la
répartition du produit des taxes qui doit être affecté aux buts visés
à
l'art. 13 al. 2 du Décret.

3.
3.1Le recourant considère que la taxe de patente qui lui est réclamée
est
"démesurée, prohibitive et excessive par rapport à la rentabilité de
son
établissement". Il relève que la suppression de la clause du besoin
contenue
dans l'ancienne loi sur les auberges a eu pour effet de soumettre son
activité à un régime de libre concurrence qui le prive désormais de
toute
garantie de rentabilité. Dès lors, il estime se trouver dans la même
situation que d'autres professions (telles celles d'avocat, de
médecin,
d'architecte,...) qui, bien que bénéficiant de l'aide et de la
surveillance
de l'Etat, au même titre, à ses yeux, que son activité, ne sont
pourtant pas
soumises au paiement d'une taxe. Il y voit l'expression d'une
violation du
principe de l'égalité de traitement.

Le recourant soutient par ailleurs que le critère pris en compte pour
le
calcul de la taxe serait inapproprié et consacrerait une inégalité de
traitement entre les aubergistes, car seuls ceux qui sont
propriétaires des
locaux commerciaux qu'ils exploitent peuvent prendre part à la
procédure
d'évaluation de la valeur locative de leur établissement, mais non
ceux qui,
comme lui, en sont simplement locataires.

Enfin, la taxe de patente aurait, étant donné son affectation (cf.
art. 80
LAub et 13 du Décret), à la fois le caractère d'un impôt (pour 50 %
de son
montant) et d'un émolument (pour le 50 % restant). Or, son
prélèvement au
titre d'un impôt ferait entorse au principe de la liberté du commerce
et de
l'industrie (art. 31 al. 2 aCst.), parce qu'il ne serait justifié par
aucun
intérêt public prépondérant. En outre, la perception de cette
contribution au
titre d'une taxe causale ne respecterait pas les principes de
l'équivalence
et de la couverture des frais, faute pour le canton du Jura d'avoir
démontré
que les montants prélevés servaient effectivement à couvrir les frais
administratifs générés par les contribuables concernés.

3.2 Les premiers juges et le recourant font fausse route lorsque,
qualifiant
la taxe litigieuse de contribution mixte, ils laissent entendre
qu'elle
présenterait un caractère causal: à défaut de contrepartie précise et
individualisée de l'Etat, une telle taxe ne peut en effet, en dépit
de son
nom, constituer ni un émolument, ni une charge de préférence (sur ces
notions, cf. Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, Bâle 1998, p. 4-6).

Certes, la loi prévoit (cf. art. 80 LAub et 13 du Décret) que la taxe
de
patente sert à couvrir les frais administratifs liés à la
surveillance des
établissements et commerces qui y sont assujettis, ainsi qu'à
financer un
certain nombre de dépenses relatives à des buts d'intérêts public
(amélioration de l'offre touristique et de la qualité des services
offerts
par les établissements, lutte contre les dépendances). Cela ne suffit
toutefois pas à lui donner un caractère causal permettant de
l'apparenter à
un émolument ou à une charge de préférence. En effet, les avantages,
notamment économiques, que les titulaires de patente sont censés
retirer de
l'affectation de la taxe dont ils s'acquittent sont par trop
abstraits et
indéterminés pour que cette contribution puisse être qualifiée de
charge de
préférence (pour comp. ATF 122 I 305 consid. 4c p. 310 s.). La
situation
serait différente si la taxe était calculée exclusivement sur la base
des
frais administratifs nécessités par la surveillance des
établissements soumis
à contribution, en fonction des caractéristiques de ceux-ci. Mais,
tel n'est
pas le cas en l'espèce, puisque c'est la valeur locative de ces
établissements qui sert de base
d'imposition (cf. art. 79 al. 2 et 5
LAub et
art. 13 du Décret); or, un tel critère vise davantage à saisir la
valeur
économique des établissements concernés qu'à taxer les frais
occasionnés par
leur surveillance.

Dès lors, même si elle n'est pas sans présenter quelque analogie avec
une
charge de préférence, notamment parce que son produit est affecté à la
réalisation de certains buts déterminés, la taxe de patente
litigieuse revêt
de manière prépondérante le caractère d'un impôt d'affectation
dépendant
notamment des coûts (cf. ATF 122 I 305 consid. 4c p. 309 s.). Dû
indépendamment de l'usage ou de l'avantage obtenu individuellement
par le
contribuable ou de la dépense que celui-ci a provoquée, un tel impôt
se
satisfait, au contraire de la charge de préférence, d'un lien
relativement
abstrait et lâche entre les dépenses financées par cette contribution
et les
personnes qui y sont assujetties (ATF 122 I 305 consid. 4b in fine p.
310).
Ce lien peut consister, par exemple, dans le fait que les
contribuables visés
obtiennent un avantage ou un profit que la collectivité publique
finance, en
tout ou en partie, grâce à l'impôt d'affectation, ou encore dans le
fait que
l'activité déployée par ces mêmes contribuables provoque des frais à
la
charge de la collectivité qui sont, en tout ou en partie, financés au
travers
de cet impôt.

3.3 Par ailleurs, dans la mesure où elle ne touche que certains genres
d'activités professionnelles ou certains types d'entreprises, la taxe
de
patente litigieuse constitue ce qu'il est convenu d'appeler un impôt
spécial
sur l'activité économique (René A. Rhinow, in: Kommentar BV, ch. 216
ad art.
31 aCst.; Hans Marti, Die Wirtschaftsfreiheit der schweizerischen
Bundesverfassung, Bâle 1976, p. 179 ss).

Jusqu'à l'abrogation de la Constitution fédérale du 29 mai 1874
(ci-après:
l'ancienne Constitution fédérale ou aCst.), les cantons pouvaient
prélever
des impôts spéciaux en se fondant sur l'art. 31 al. 2 aCst. (Rhinow,
loc.
cit., ch. 217 ad art. 31 aCst.; Jean-François Aubert, in: Kommentar
BV, ch.
32 ad art. 32quater aCst.; Marcel Mangisch, Die
Gastwirtschaftgesetzgebung
der Kantone im Verhältnis zur Handels- und Gewerbefreiheit, Berne
1982, p.
204 s.; Marti, loc. cit., p. 181 ss; Yvonne Eckstein, Das
Gastwirtschaftspatent im Kanton Baselland, thèse Bâle 1979, p. 56;
Albert
Krummenacher, Das Verhältnis der kantonalen Steuerhoheit zur Handels-
und
Gewerbefreiheit in der Rekurspraxis der Bundesbehörden, thèse Berne
1946, p.
44 ss; Willy Keller, Die kantonalen Sondergewerbesteuern und die
Bundesverfassung, thèse Zurich 1945, p. 80 ss, 84, 90).

Comme la Cour de céans a récemment eu l'occasion de le préciser (cf.
arrêt du
30 janvier 2002 destiné à la publication dans la cause 2P.130/2001),
si la
Constitution fédérale du 18 avril 1999 ne régit plus de manière aussi
explicite qu'auparavant les impôts cantonaux spéciaux sur l'activité
économique, ce silence ne signifie nullement que le prélèvement de
tels
impôts serait dorénavant prohibé de manière générale. En réalité, sous
réserve des compétences fiscales propres de la Confédération (art.
134 Cst.)
et dans le respect des droits et principes généraux constitutionnels
(cf.
l'art. 127 Cst. et, plus particulièrement dans le cas d'espèce,
l'art. 94 al.
1 et 4 Cst.), les cantons peuvent, sous l'empire de la nouvelle
Constitution
fédérale, continuer à prélever des impôts spéciaux dans la même mesure
qu'auparavant, conformément à la souveraineté fiscale que leur
confère de
manière générale l'art. 3 Cst. (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Vol. II, Berne 2000, ch.
692, p.
354; cf. aussi Jörg Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3ème
éd., Berne
1999, p. 665; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches
Bundesstaatsrecht, 5ème éd., Zurich 2001, p. 190 s.; Xavier
Oberson/Pierre-Alain Guillaume, Le régime financier dans le droit
constitutionnel des cantons, in: Daniel Thürer/ Jean-François
Aubert/Jörg
Paul Müller [Hrsg.], Verfassungsrecht der Schweiz, Zurich 2001, ch.
16, p.
1229).

3.4 Enfin, le fait que les titulaires de patentes bénéficiaient, sous
le
régime de la clause du besoin, d'une certaine protection contre la
concurrence, n'est pas de nature à remettre en cause la qualification
d'impôt
au sens formel des taxes de patente litigieuses. Le prélèvement de ces
dernières n'était en effet pas conçu, contrairement à l'opinion du
recourant,
comme une contrepartie due en vertu de la relative protection que la
clause
du besoin offrait aux titulaires de patente, mais visait à satisfaire
des
motifs de santé publique - qui demeurent, comme on le verra (infra
consid.
3.5), encore valables aujourd'hui -, notamment en alourdissant les
charges
des établissements publics, afin de rendre leur exploitation plus
difficile
(Krummenacher, loc. cit., p. 45, 47; Mangisch, loc. cit., p. 203, 205;
Keller, loc. cit., p. 83 s.). Prélevées dans tous les cantons, les
taxes de
patente poursuivaient également, comme c'est encore le cas à présent,
un but
fiscal (Mangisch, loc. cit., p. 212; cf. arrêt précité destiné à la
publication dans la cause 2P.130/2001, consid. 4b).

3.5 Comme impôt spécial, la taxe de patente doit toutefois reposer
sur des
motifs suffisants et respecter les principes généraux de l'égalité de
traitement (art. 8 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9
Cst.).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le prélèvement d'un impôt
spécial
sur l'activité économique est admissible s'il est justifié par des «
motifs
objectifs » (ASA 49 345 consid. 4a p. 352) ou « des motifs d'intérêt
général
» (ASA 32 425 consid. 2 p. 427; ATF 87 I 29 consid. 3 p. 30), dont la
reconnaissance ne doit pas être soumise à des critères trop rigoureux
(Jean-François Aubert, Bundes- staatsrecht der Schweiz, vol. II,
Bâle/Francfort-sur-le-Main 1995, no 1946 p. 885; Rhinow, loc. cit.,
ch. 222
ad art. 31 aCst.; ASA 49 345 consid. 4a p. 352).

Bien que la branche de la restauration et de l'hôtellerie soit l'une
des
dernières à faire l'objet d'une imposition spéciale, des motifs
valables n'en
existent pas moins qui justifient ce traitement particulier. Ainsi,
dans la
mesure où une telle imposition frappe des établissements publics qui
vendent
des boissons alcoolisées, elle se justifie déjà pour des motifs de
santé
publique. Certes, la vente de boissons alcoolisées est également le
fait du
commerce de détail. La consommation d'alcool dans les établissements
publics
a toutefois ceci de particulier qu'elle augmente de manière notable
le risque
de conduite en état d'ébriété, si bien que le prélèvement d'un impôt
spécial
trouve également une justification dans un motif de sécurité
publique. Par
ailleurs, l'exploitation d'établissements publics est une activité
qui, de
manière générale, induit des troubles à l'ordre public (notamment des
problèmes de bruit, de parcage ou de circulation), lesquels
engendrent des
dépenses spéciales à la charge des corporations publiques concernées.
Enfin,
et plus largement, cette activité requiert un important travail de
contrôle
de la part de l'Etat, qui doit s'assurer de manière continue du
respect des
nombreuses conditions attachées à la patente (heures d'ouverture,
conditions
d'hygiène, accès suffisant...).

Ces particularités inhérentes à la restauration et à l'hôtellerie,
auparavant
propres à justifier l'instauration des clauses du besoin, constituent
par
conséquent aujourd'hui encore des raisons valables et suffisantes pour
autoriser le prélèvement d'un impôt spécial sans heurter,
contrairement à
l'opinion du recourant, les principes de l'égalité de traitement et de
l'interdiction de l'arbitraire (cf. arrêt précité destiné à la
publication
dans la cause 2P.130/2001, consid. 6c).

4.
4.1Le présent cas doit être distingué de la cause publiée aux ATF 122
I 305,
dans laquelle le Tribunal fédéral avait jugé inconstitutionnel un
impôt
spécial décidé par le canton de Vaud qui était destiné à couvrir les
dépenses
de la défense contre l'incendie. Mise à la charge des seules
propriétaires
d'immeubles, cette contribution avait été déclarée contraire au
principe de
l'égalité de traitement, car si la catégorie de contribuables visée
avait
certainement un intérêt à bénéficier des moyens engagés par l'Etat
pour
lutter contre le feu, cet intérêt n'était cependant pas supérieur à
celui que
pouvaient prétendre les propriétaires de biens mobiliers (ATF 122 I
305
consid. 6b/bb p. 315 ss). Cet impôt consacrait également une
inégalité de
traitement entre les propriétaires de bâtiments eux-mêmes, dans la
mesure où
les cas d'exonération prévus par la Municipalité de Lausanne ne
reposaient
sur aucun motif objectif au regard du but poursuivi par l'impôt (ATF
122 I
305 consid. 6b/dd p. 317 s.).

Mais on ne constate rien de tel en l'occurrence, puisque le produit
des taxes
de patente sert, en premier lieu, à couvrir les frais administratifs
découlant de la loi sur les auberges (art. 80 al. 1 LAub): comme ils
sont les
principaux intéressés par cette loi, les établissements publics visés
par
l'art. 9 LAub (soit les hôtels, les restaurants, les restaurants sans
alcool
et les établissements de divertissement) doivent se laisser imposer
de tels
frais. Quant au solde du produit des taxes, il sert à encourager la
qualité
des services offerts au public, à favoriser l'activité touristique et
à
prévenir les dépendances (art. 80 al. 2 LAub), soit des buts qui,
pour les
deux premiers, profitent également de manière prépondérante aux
établissements soumis à patente par rapport au reste de la population
et,
pour le dernier, se justifie, comme on l'a déjà dit, par le fait que
l'activité économique déployée par ces établissements favorise plus
que toute
autre activité l'alcoolisme, ce qui nécessite des mesures de
prévention et
génère des coûts supplémentaires à la charge de la collectivité.

4.2 Les buts que la loi sur les auberges se propose de financer, en
plus de
l'amortissement des frais administratifs découlant de la loi, sont
donc dans
un rapport objectif avec les contribuables soumis à la taxe de patente
litigieuse; par ailleurs, le montant prélevé au titre de cette
contribution,
de l'ordre de 500'000 fr., est réparti, aux termes de l'art. 13 du
Décret, à
raison d'une moitié pour amortir les frais découlant de la loi et, de
l'autre
moitié, pour réaliser les buts fixés par celle-ci, soit environ
250'000 fr.
Vu sa relative modestie, un tel montant se situe assurément dans un
rapport
raisonnable avec les buts à atteindre. C'est le lieu de préciser
qu'en raison
de sa nature, un impôt d'affectation doit satisfaire aux mêmes
exigences
constitutionnelles strictes qu'un impôt ordinaire (cf. ATF 122 I 305
4c in
fine p. 311) et n'est, de la sorte, pas soumis aux principes de la
couverture
des frais et de l'équivalence. Les griefs du recourant tirés d'une
violation
de ces principes sont donc mal fondés.

Quant au point de savoir si le produit des taxes est versé dans les
recettes
générales ou dans un fond spécial (les dépenses étant également
passées le
cas échéant par le budget général) et s'il est effectivement utilisé
pour les
buts prévus, ce sont là des questions qui relèvent du contrôle
fiduciaire et
politique de l'activité de l'Etat; elles ne sauraient donc, dans le
cadre
d'un recours de droit public, être examinées autrement que d'une
manière très
sommaire qui se limite - comme cela a été fait - à s'assurer, d'une
part, que
les buts fixés dans la loi sur les auberges sont dans une relation
suffisamment étroite avec le cercle des personnes soumises à
contribution et,
d'autre part, que les montants prévus à cette fin apparaissent
proportionnés
aux dépenses envisagées.

4.3 En résumé, c'est donc de manière infondée que le recourant voit,
dans le
fait qu'il doit s'acquitter de la taxe de patente litigieuse, un
arbitraire
dans la loi et une inégalité de traitement par rapport à d'autres
professions. Son grief est mal fondé.

5. Il reste à examiner si, comme le soutient le recourant, le critère
retenu
comme base de calcul de la taxe de patente, soit la valeur locative
des
établissements publics concernés, serait totalement inapproprié au
point
d'être arbitraire, créerait des inégalités de traitement entre les
restaurateurs et porterait atteinte au principe de la liberté
économique.

5.1 Le Tribunal cantonal a constaté que, selon le procès-verbal
d'évaluation
des restaurants, des hôtels et des auberges, la valeur locative
déterminante
des bâtiments affectés directement à l'exploitation était fixée en
fonction
d'un certain nombre de critères et de facteurs (chiffre d'affaires,
nombre de
personnes occupées dans l'exploitation, situation et nature de
l'exploitation, âge du bâtiment,...) qui reflétaient de manière
fiable la
valeur de l'établissement public concerné "sur les plans économique,
géographique et financier".

Pour l'essentiel, le recourant fait valoir que "ces différents
critères ne
permettent pas d'arriver à une juste application du but recherché par
le
législateur, à savoir de saisir la valeur réelle de l'activité
économique de
l'exploitation à fin de l'imposer au titre de l'art. 79 LAub", car des
auberges ayant la même rentabilité économique peuvent avoir des
valeurs
locatives différentes. Il ne démontre cependant pas que les
considérations du
Tribunal cantonal seraient dénuées
de fondement, par exemple parce
que les
critères retenus ne seraient pas appliqués dans la réalité des faits
ou
qu'ils seraient sans pertinence pour établir la valeur locative ou,
plus
largement, que leur combinaison déboucherait sur une valeur qui ne
serait pas
propre à constituer un critère équitable pour répartir la charge des
dépenses
entre les différentes personnes soumises à contribution. Il ne dit
pas non
plus en quoi une taxe de patente d'un montant de 2'232 fr. serait
insoutenable dans son cas, le seul fait que celle-ci ait augmenté
ensuite du
changement de loi et de l'octroi d'une patente avec alcool ne
suffisant pas à
prouver l'arbitraire.

Faute de répondre aux exigences de motivation découlant de l'art. 90
al. 1
OJ, le grief tiré de l'arbitraire de l'objet et des bases de calcul
de la
taxe litigieuse est irrecevable.

5.2 S'agissant de la prétendue inégalité de traitement que la taxe de
patente
créerait entre les restaurateurs, selon qu'ils sont propriétaires de
l'établissement qu'ils exploitent ou seulement locataires, il faut
d'emblée
observer que, sur ce point également, les arguments développés dans le
recours sont de nature purement appellatoire: à aucun moment, en
effet, le
recourant n'entreprend de démontrer que le raisonnement qui a conduit
le
Tribunal cantonal à ne pas retenir le grief soulevé serait
insoutenable (cf.
jugement attaqué p. 9). Quoi qu'il en soit, celui-ci ne résiste pas à
l'examen.

La violation du principe de l'égalité de traitement ne peut en effet
être
invoquée avec succès, selon la formule consacrée, que lorsque ce qui
est
semblable n'est pas traité de manière identique ou lorsque ce qui est
dissemblable ne l'est pas de manière différente (cf. ATF 127 I 185
consid. 5
p. 192; 125 I 173 consid. 6b p. 178 et la jurisprudence citée). Or, en
l'espèce, les situations que compare le recourant ne sont,
contrairement à ce
qu'il affirme, justement pas semblables. Car les inégalités qu'il
dénonce ne
découlent pas de la loi sur les auberges et de ses textes
d'application, mais
des différences mêmes qui dérivent des statuts respectifs de
propriétaire et
de locataire: tandis que le premier peut, en principe, disposer
librement de
la chose sur laquelle il a un titre de propriété et faire valoir les
droits
en découlant directement auprès des autorités compétentes, le
locataire ne
peut le faire, en règle générale, qu'avec le consentement du
propriétaire. Il
n'y a donc pas d'inégalité de traitement à proprement parler dans le
fait que
le locataire n'ait pas d'emprise directe sur le cours de la procédure
d'évaluation de l'établissement public qu'il loue, mais doive, comme
l'ont
relevé les premiers juges, agir par l'intermédiaire du propriétaire
s'il
entend prendre part à cette procédure. Rien ne l'empêche d'ailleurs
d'exiger,
lors de la conclusion du contrat, l'introduction d'une clause qui lui
permette de renégocier les conditions du bail en cas de forte hausse
de la
valeur locative ou qui contraigne le propriétaire à requérir auprès de
l'autorité compétente la révision de la valeur locative dans certaines
circonstances, par exemple en cas de diminution sensible du chiffre
d'affaires.

Au demeurant, la valeur locative se fixe selon des critères
objectifs, si
bien que la possibilité de participer à la procédure d'évaluation
officielle
n'a, en réalité, qu'une portée limitée sur la valeur locative qui sera
finalement prise en compte. En outre, cette dernière est en règle
générale
fixée pour une durée de 10 ans (cf. art. premier al. 2 du Décret du
23 mars
1994 concernant la révision générale des valeurs officielles
d'immeuble et de
forces hydrauliques); il s'agit donc d'une donnée relativement stable
que la
personne intéressée à prendre à ferme un établissement public peut
vérifier
et intégrer dans un calcul de rentabilité à moyen terme quitte, le cas
échéant, à renoncer à conclure le bail.

Dans la mesure où il est recevable, le moyen est donc mal fondé.

5.3 Le prélèvement d'impôts spéciaux cantonaux viole le principe de la
liberté économique lorsque de telles contributions frappent de manière
prohibitive telle ou telle industrie au point de rendre son exercice
excessivement difficile voire même impossible (cf. ATF 75 I 112; voir
aussi
ATF 125 I 199; 114 Ib 23; 87 I 31; Rhinow, loc. cit., ch. 219 ad art.
31
aCst.; Marti, loc. cit., p. 186). De manière générale, il est
interdit aux
cantons de recourir aux impôts spéciaux en vue de satisfaire des buts
de pure
politique économique, par exemple en imposant certaines formes
d'activité
économique plus lourdement que d'autres à des seules fins
protectionnistes
(Rhinow, loc. cit., ch. 220 ad art. 31 aCst.; Marti, loc. cit., p.
182; arrêt
précité destiné à la publication, consid. 6b).

En l'espèce, le recourant se borne à émettre des affirmations toutes
générales sur le caractère confiscatoire de la taxe de patente
litigieuse,
sans étayer ses propos au moyen d'une argumentation et de faits
précis. Le
grief n'est donc pas recevable (cf. supra consid. 1.2).

6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.
Succombant, le recourant doit supporter les frais de justice (art.
156 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Service cantonal des arts et métiers et du travail et à la Chambre
administrative du Tribunal cantonal du Jura.

Lausanne, le 18 juin 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.8/2001
Date de la décision : 18/06/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-18;2p.8.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award