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17/06/2002 | SUISSE | N°H.339/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juin 2002, H.339/01


«AZA 7»
H 339/01 Kt

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, et Meyer, Boinay,
suppléant. Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 17 juin 2002

dans la cause

D.________ S.________ , hoir de feue C.________ S.________,
décédée, recourant,

contre

Caisse interprofessionnelle neuchâteloise de compensation
pour l'industrie, le commerce et les arts et métiers, rue
de la Serre 4, 2000 Neuchâtel, intimée,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI p

our les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) C.________ S.________, née en 1908, de natio-
nalités suisse et am...

«AZA 7»
H 339/01 Kt

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, et Meyer, Boinay,
suppléant. Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 17 juin 2002

dans la cause

D.________ S.________ , hoir de feue C.________ S.________,
décédée, recourant,

contre

Caisse interprofessionnelle neuchâteloise de compensation
pour l'industrie, le commerce et les arts et métiers, rue
de la Serre 4, 2000 Neuchâtel, intimée,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) C.________ S.________, née en 1908, de natio-
nalités suisse et américaine, était bénéficiaire d'une
rente AVS versée par la Caisse interprofessionnelle neuchâ-
teloise de compensation pour l'industrie, le commerce et
les arts et métiers (ci-après : la caisse). Elle a été mise
sous curatelle volontaire par l'autorité tutélaire du dis-

trict de B.________ (ci-après : l'autorité tutélaire). Me
H.________, notaire à B.________, a été désigné en qualité
de curateur.
Le 6 août 1996, C.________ S.________ a quitté la
Suisse pour les Etats-Unis, afin d'aller y vivre auprès de
l'un de ses fils, D.________ S.________. A la suite d'une
requête demandant la mainlevée de sa curatelle, l'autorité
tutélaire a, par jugement du 6 décembre 1996, maintenu la
curatelle et instauré une curatelle de gestion à l'égard
des biens situés en Suisse tout en chargeant Me H.________
de cette nouvelle tâche. En sa qualité de curateur, ce der-
nier percevait la rente AVS de C.________ S.________,
payait les factures à charge de celle-ci et lui versait le
solde aux Etats-Unis, malgré diverses démarches de
D.________ S.________ auprès de la caisse visant à obtenir
le paiement direct de la rente AVS à sa mère. La caisse,
ayant reçu du fils de l'assurée deux certificats de vie la
concernant, datés du 21 septembre 1998 et du 17 septembre
1999, - qui se sont avérés faux par la suite - a régulière-
ment versé la rente AVS à son curateur jusqu'au 30 avril
2000.

b) Par lettre du Consulat général de Suisse à Houston
du 11 juillet 2000, Me H.________ a été informé que
C.________ S.________ était décédée le 5 septembre 1997 à
E.________.
Par décision du 31 octobre 2000, la caisse a demandé à
D.________ S.________ la restitution d'un montant de
57 496 fr. 45 à titre de rentes AVS, versées en faveur de
C.________ S.________, qu'il avait perçues à tort durant la
période du 1er octobre 1997 au 30 avril 2000, en dissimu-
lant le décès de sa mère par la production de faux «certi-
ficats de vie». De plus, elle l'a informé qu'en cas de non
remboursement du montant en question dans le délai imparti,
elle demanderait la compensation de sa créance avec la
rente AVS qui lui était due personnellement. Une décision

de restitution portant sur un montant de 4513 fr. 55 a été
adressée le même jour à Me H.________ pour les sommes qu'il
n'avait pas reversées à C.________ S.________. Celui-ci a
par la suite payé le montant réclamé, ce qui a rendu sans
objet la procédure ouverte à son encontre.

B.- D.________ S.________ a recouru contre la décision
de la caisse du 31 octobre 2000. Il a fait valoir, après
établissement d'un décompte, que les sommes perçues indû-
ment étaient éteintes par compensation avec deux montants
dont un devait lui être remboursé par le curateur et
l'autre par le Président de l'autorité tutélaire.
D.________ S.________ a admis avoir triché et a précisé
qu'il devait reprendre «à l'ennemi» tout ce dont il s'esti-
mait indûment spolié. Il n'a pas contesté son obligation de
restituer mais s'est opposé à la compensation avec sa
propre rente AVS.
Par jugement du 9 juillet 2001, la Commission fédérale
de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité pour les personnes résidant à l'étranger (ci-
après : la commission) a admis partiellement le recours, en
ce sens que la décision de compenser les montants indûment
touchés avec la propre rente AVS de D.________ S.________
est annulée, car elle ne respecte pas la procédure prévue à
cet effet, ni le droit d'être entendu de ce dernier. La
commission a rejeté le recours pour le surplus et confirmé
l'obligation de restitution.

C.- D.________ S.________ interjette recours de droit
administratif contre ce jugement dont il demande implicite-
ment l'annulation. Il conclut à ce qu'il soit constaté
qu'il n'est pas tenu de restituer les rentes versées après
le décès de sa mère.
La caisse conclut au rejet du recours. R.________
S.________, frère du recourant, a renoncé à se déterminer.

L'Office fédéral des assurances sociales a également
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Il y a d'abord lieu de constater que le jugement
de première instance comporte une erreur dans la dénomina-
tion des parties dans la mesure où il indique en qualité de
recourante C.________ S.________, soit pour elle son fils
D.________ S.________. Or, la décision litigieuse du
31 octobre 2000 est dirigée contre D.________ S.________.
De même, est-ce ce dernier qui a recouru, en son propre
nom, devant la commission. Cette erreur ne porte toutefois
pas à conséquence dès lors qu'il ressort des considérants
du jugement attaqué que l'ensemble de la cause concerne
bien D.________ S.________, qui, d'ailleurs, a personnel-
lement interjeté recours contre celui-ci.

2.- a) Selon l'art. 108 al. 2 OJ, le recours de droit
administratif doit indiquer notamment les conclusions et
les motifs du recourant. Cette exigence a pour but de fixer
le juge sur la nature et l'objet du litige. La jurispruden-
ce admet que les conclusions et les motifs résultent impli-
citement du mémoire de recours; il faut cependant pouvoir
déduire de ce dernier, considéré dans son ensemble, à tout
le moins ce que le recourant demande d'une part, et quels
sont les faits sur lesquels il se fonde d'autre part. Il
n'est pas nécessaire que la motivation soit pertinente,
mais elle doit se rapporter au litige en question (ATF
123 V 336 consid. 1a et les références).

b) En l'espèce, le recourant a conclu à ce que «le
recours soit entièrement admis, sans aucune restitution des
rentes reçues». Sa motivation se rapporte pour l'essentiel
au refus de restituer les sommes indûment perçues. A la fin

de son écriture, le recourant fait état «pour information»
de sa situation financière, de ses charges et de ses reve-
nus. Il n'en tire toutefois aucune conclusion.
Le contenu du mémoire de recours ne permet pas d'en
déduire que le recourant entend contester également la
partie du jugement de première instance qui renvoie l'af-
faire à l'intimée pour statuer à nouveau sur la question de
la compensation.
Il résulte de ce qui précède que l'objet du recours a
uniquement trait à l'obligation de restituer.

3.- a) Les rentes dont la restitution est demandée
ayant été versées après le décès de l'ayant droit,
C.________ S.________, il y a lieu d'examiner si l'intimée
était fondée à les réclamer directement au fils de la
défunte sur la base de l'art. 47 LAVS ou si elle devait
agir par la voie civile, singulièrement en invoquant un
enrichissement illégitime du recourant.

b) Selon l'art. 47 al. 1 1ère phrase LAVS, les rentes
et allocations pour impotents indûment touchées doivent
être restituées. Aux termes de l'art. 78 RAVS, 1ère et
2e phrases, si une caisse de compensation apprend qu'une
personne ou son représentant légal à sa place a touché une
rente à laquelle elle n'avait pas droit ou une rente d'un
montant trop élevé, elle doit ordonner la restitution du
montant indûment touché. Si la rente a été versée à un
tiers ou à une autorité conformément à l'art. 76 al. 1
RAVS, ce tiers ou autorité est tenu à restitution.
Le Tribunal fédéral des assurances a admis que l'obli-
gation de restituer n'incombe pas seulement aux personnes
ou autorités désignées à l'art. 76 al. 1 RAVS (celles qui
assument, envers l'ayant droit, un devoir moral ou légal
d'assistance ou s'occupent de ses affaires en permanence);
elle incombe également aux tiers destinataires à qui les
prestations sont versées, selon la pratique, sans que les

conditions de l'art. 76 al. 1 RAVS soient remplies. Ceci
s'applique aux destinataires désignés par l'ayant droit
lui-même, qui n'encaissent pas les prestations comme de
simples services d'encaissement (p. ex. les banques) ou de
paiement (ATF 110 V 14 consid. 2b, RCC 1985 p. 126 con-
sid. 2b). Cette constatation ne se réfère toutefois pas au
tuteur. En effet, selon la jurisprudence, ni le tuteur, ni
l'autorité tutélaire ne sont tenus, comme représentants
légaux du pupille, de restituer les prestations, car, dans
de tels cas, les montants perçus constituent un élément des
biens du pupille si bien qu'une restitution éventuelle doit
être effectuée par prélèvement sur ces biens (ATF 112 V 102
consid. 2b, RCC 1987 p. 522 consid. 2b). Comme la situation
du curateur diffère peu de celle du tuteur face au problème
de l'obligation personnelle de restituer, le Tribunal fédé-
ral des assurances a admis que le curateur n'était pas non
plus tenu à restitution (RCC 1992 p. 443 consid. 2b).
En revanche, dans un cas où il s'agissait d'un avocat,
mandataire conventionnel, qui avait touché des rentes après
le décès de son mandant, il a été jugé que le mandataire
était personnellement tenu à restitution (RCC 1955 p. 114).
De même, dans une situation concernant un époux qui était
autorisé à encaisser les rentes dues à son épouse du vivant
de celle-ci et qui a continué à les encaisser après son
décès, le Tribunal fédéral des assurances a estimé qu'il
existait entre la bénéficiaire des rentes et son mari des
liens familiaux encore plus étroits qu'en matière de con-
trat de mandat et que, de ce fait, la caisse pouvait, en
application de l'art. 47 LAVS, réclamer au mari les mon-
tants indûment perçus (RCC 1957 p. 229).

c) En l'occurrence, il apparaît clairement que
C.________ S.________ n'a touché aucune rente indue de son
vivant. Les rentes qui lui étaient destinées étaient ver-
sées aux Etats-Unis sur un compte pour lequel le recourant
devait avoir un droit de signature lui permettant d'effec-

tuer des retraits. Faisant usage de ces pouvoirs de dispo-
sition, le recourant a prélevé les rentes versées à sa
mère, n'a pas annoncé le décès de cette dernière et a, de
son propre aveu, produit deux faux certificats de vie à
l'intention de l'intimée pour pouvoir continuer à toucher
les rentes après le décès. La situation du recourant, qui a
indûment perçu les rentes postérieurement au décès de sa
mère, est incontestablement analogue à celles jugées dans
les arrêts précités relatifs à l'obligation de restitution
du mandataire d'une part et de l'époux de l'ayant droit
d'autre part. Il y a donc lieu d'admettre, en application
de l'art. 47 LAVS, que l'intimée pouvait agir en restitu-
tion directement contre le recourant, ce d'autant plus que
ce dernier a agi frauduleusement et a été seul à bénéficier
des rentes indues.
A cet égard, le fait que C.________ S.________ ait été
placée sous curatelle de gestion ne change rien à la possi-
bilité qu'a l'intimée d'exiger du recourant personnellement
la restitution des montants qu'il a encaissés à tort. En
effet, d'une part, le curateur - comme le tuteur - n'est
pas tenu à restitution des sommes qui lui ont été versées
pour la personne protégée. D'autre part, C.________
S.________ n'a jamais touché de rentes indues, si bien
qu'il n'est pas possible de faire supporter à son propre
patrimoine la restitution de montants qu'elle n'a jamais
perçus et qui, partant, n'en ont jamais fait partie.

4.- a) La restitution de prestations selon l'art. 47
al. 1 LAVS suppose que soient remplies les conditions d'une
reconsidération ou d'une révision procédurale de la déci-
sion par laquelle les prestations en cause ont été al-
louées. Selon un principe général du droit des assurances
sociales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et

que sa rectification revête une importance notable. En
outre, par analogie avec la révision des décisions rendues
par les autorités judiciaires, l'administration est tenue
de procéder à la révision d'une décision entrée en force
formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de
nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une
appréciation juridique différente. Ces principes sont aussi
applicables lorsque des prestations ont été accordées sans
avoir fait l'objet d'une décision formelle et que leur
versement, néanmoins, a acquis force de chose décidée. Il y
a force de chose décidée si l'assuré n'a pas, dans un délai
d'examen et de réflexion convenable, manifesté son désac-
cord avec une certaine solution adoptée par l'administra-
tion et exprimé sa volonté de voir statuer sur ses droits
dans un acte administratif susceptible de recours (ATF
126 V 23 consid. 4b et les arrêts cités).

b) En l'espèce, il faut admettre que le versement des
prestations litigieuses avait acquis force de chose décidée
au moment où l'intimée en a demandé la restitution. En
effet, le recourant n'avait aucune raison de remettre en
cause des versements qu'il avait obtenus par des agisse-
ments frauduleux.
C.________ S.________ étant décédée le 5 septembre
1997, le droit à la rente a cessé à la fin du mois de
septembre 1997 conformément à l'art. 21 al. 2 LAVS. Or, le
décès de la bénéficiaire de la rente, dont l'intimée n'a eu
connaissance qu'en septembre 2000, constitue un fait nou-
veau qui entraîne l'extinction du droit à la rente et jus-
tifie que l'administration procède à l'annulation
des
décisions de versement de la rente au-delà du 30 septembre
1997. L'intimée était donc fondée à supprimer toutes pres-
tations à la mère du recourant dès le 1er octobre 1997 et à
demander, par voie de décision, la restitution de toutes
les rentes versées postérieurement au décès de cette der-
nière entre octobre 1997 et avril 2000.

Quant au montant de la restitution, que le recourant
ne conteste au demeurant pas, il n'y a pas lieu de s'écar-
ter de la somme de 54 496 fr. 45 retenue par l'intimée dans
la décision litigieuse. Le recourant allègue certes que le
curateur aurait opéré des déductions injustifiées sur les
montants versés par la caisse et en aurait retenu une par-
tie pour lui. Il ressort toutefois du dossier que la somme
réclamée au recourant porte sur la différence entre les
rentes versées à tort par l'intimée au curateur et les
montants que celui-ci n'a pas transférés aux Etats-Unis et
déjà remboursés à l'intimée. L'argumentation du recourant,
qui ne repose du reste sur aucune preuve, est donc sans
pertinence.
Le recours est dès lors mal fondé.

5.- S'agissant d'un litige en matière de prestations
d'assurance, la procédure est gratuite conformément à
l'art. 134 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à
R.________ S.________, à la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants
et invalidité pour les personnes résidant à l'étran-
ger, ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 17 juin 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de
la IIIe Chambre : La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.339/01
Date de la décision : 17/06/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-17;h.339.01 ?
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