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13/06/2002 | SUISSE | N°4C.95/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juin 2002, 4C.95/2002


{T 0/2}
4C.95/2002 /ech

Arrêt du 13 juin 2002
Ière Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre.
Greffière: Mme Michellod

X.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Michel Zufferey,
avocat,
avenue du Marché 10, case postale 339,
3960 Sierre,

contre

Y.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat, rue
des
Cèdres 28, case postale 2173, 1950 Sion 2.

contrat de travail; paiement des heures supplÃ

©mentaires

(recours en réforme contre le jugement du Tribunal cantonal du canton
du
Valais, Cour civile II, du 18 févri...

{T 0/2}
4C.95/2002 /ech

Arrêt du 13 juin 2002
Ière Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre.
Greffière: Mme Michellod

X.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Michel Zufferey,
avocat,
avenue du Marché 10, case postale 339,
3960 Sierre,

contre

Y.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat, rue
des
Cèdres 28, case postale 2173, 1950 Sion 2.

contrat de travail; paiement des heures supplémentaires

(recours en réforme contre le jugement du Tribunal cantonal du canton
du
Valais, Cour civile II, du 18 février 2002).

Faits:

A.
De 1992 à février 1998, X.________ (ci-après: le demandeur), de
nationalité
portugaise, a travaillé comme ouvrier agricole au service de
Y.________
(ci-après: le défendeur). D'après les contrats saisonniers établis
par ce
dernier, le demandeur a été occupé du 15 mai au 15 septembre 1993, du
21
février au 21 novembre 1994, du 20 février au 20 novembre 1995, du 15
mai
1996 au 15 février 1997 et du 15 mai 1997 au 15 février 1998. Il
était durant
toutes ces périodes au bénéfice d'un permis A. Sur la base des
décomptes de
salaire, la cour cantonale a retenu que le demandeur avait travaillé
quatre
mois en 1993, puis de fin février 1994 au 21 novembre 1994 et du 20
février
1995 au 20 février 1998 avec des interruptions d'un mois à fin 1995,
du 1er
avril au 26 mai 1996 et du 8 février au 5 mai 1997.

Aux termes des contrats de travail, le demandeur était employé comme
ouvrier
agricole durant les trois premières années et, à partir de 1996, comme
ouvrier agricole avec bétail. L'exploitation du défendeur était vouée
à
l'élevage du bétail ainsi qu'à la culture des arbres et de la vigne.
Le
demandeur était affecté à toutes les activités agricoles de
l'entreprise,
taillant les arbres, gardant les vaches et travaillant à la vigne. Il
s'occupait toutefois exclusivement du bétail lorsqu'il demeurait sur
l'alpage
en été durant trois mois et demi environ.

Les contrats conclus entre le défendeur et le demandeur étaient des
formulaires édités par la Chambre valaisanne d'agriculture que les
parties
ont complétés. Sous les "dispositions générales", figurait la clause
suivante: " Les dispositions du code des obligations et du
contrat-type
concernant l'agriculture font parties intégrantes de ce contrat
individuel.
Des dérogations selon l'art. 3 du contrat-type sont exclues pour les
travailleurs étrangers". Les contrats signés en 1994 et 1995
prévoyaient en
outre que l'employeur devait respecter les exigences salariales
minimales en
vigueur dans la profession. A la main, les parties ont fixé la durée
hebdomadaire normale de travail à 55 heures par semaine (54 heures en
1993)
réparties sur six jours. Elles ont également indiqué le montant du
salaire
mensuel en espèces puis en nature, le montant de l'indemnité pour
vacances et
ont rajouté une rubrique pour la rémunération des heures
supplémentaires.

Il a été constaté que le demandeur a accompli 54 respectivement 55
heures de
travail hebdomadaires du 15 mai au 15 septembre 1993, du 21 février
au 21
novembre 1994, du 20 février au 20 novembre 1995, du 27 mai 1996 au 8
février
1997 et du 6 mai 1997 au 20 février 1998. Le montant du salaire
mensuel brut
en espèces et en nature s'est élevé à 2'380 fr. en 1993, à 2'480 fr.
en 1994,
à 2'591 fr. en 1995, à 2'893 fr. en 1996 et jusqu'en février 1997, et
à 2'885
fr. dès le 6 mai 1997 jusqu'en février 1998. S'y ajoutait une
indemnité de
vacances fixée à 9% du salaire brut. Le demandeur recevait encore 200
fr. par
mois pour la rémunération forfaitaire du travail qu'il exécutait en
plus de
celui prévu dans les contrats.

B.
Le 29 juillet 1998, le demandeur a saisi le Tribunal du travail du
canton du
Valais d'une action en paiement dirigée contre le défendeur. Il
réclamait le
paiement de 12'548,65 fr., correspondant au paiement d'heures
supplémentaires
et d'indemnités de vacances. Dans son mémoire définitif du 18 janvier
1999,
il a conclu au paiement de 8'265,35 fr., correspondant aux heures
supplémentaires effectuées et non rémunérées du 29 juillet 1993 au 15
février
1998. Le 5 mai 1999, il a conclu à l'allocation d'un intérêt de 5%
dès le 29
juillet 1998 sur le capital réclamé.

Par jugement du 26 octobre 1999, le Tribunal du travail a rejeté la
demande,
considérant que le demandeur n'avait pas effectué d'heures
supplémentaires en
travaillant 55 heures par semaine. En effet, le contrat-type pour
l'agriculture du canton du Valais prévoyait une durée maximale de
travail de
55 heures par semaine pour les ouvriers agricoles affectés
exclusivement à la
garde du bétail, ce qui était le cas du demandeur.

C.
Le 18 février 2002, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a
partiellement admis l'appel du demandeur. Elle a condamné le
défendeur à lui
verser la somme de 1'501,25 fr. brut, sous déduction des charges
sociales et
fiscales de 20,748%, précisant que le montant net de 1'189,75 fr.
portait
intérêts à 5% dès le 29 juillet 1998. La cour cantonale a estimé que
lorsqu'il travaillait en plaine, le demandeur n'était pas
exclusivement
affecté à la garde du bétail de sorte qu'il devait bénéficier, pour
ces
périodes, de la durée de travail maximale prévue par le contrat-type,
soit 50
heures par semaine. Elle a en outre considéré que seule la majoration
de 25%
était due au demandeur, la rémunération ordinaire pour les heures
supplémentaires ayant déjà été versée.

D.
Le demandeur interjette un recours en réforme contre le jugement du 18
février 2002. Invoquant la violation de l'art. 9 de l'ordonnance
limitant le
nombre d'étrangers, il conclut à la réforme du jugement attaqué en ce
sens
que le défendeur est condamné à lui verser la somme de 10'439,35 fr.
de
salaire brut, soit la somme de 8'265,35 fr. de salaire net avec
intérêts à 5%
l'an dès le 29 juillet 1998.

Invité à déposer une réponse, le défendeur a conclu au rejet du
recours et à
la confirmation du jugement attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43 al.
1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe
d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà
des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art.
55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que
les
parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique de la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours
pour
d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant et peut également
rejeter
un recours en adoptant une autre argumentation juridique que celle
retenue
par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les références
citées).

2.
Le demandeur ne remet pas en question le nombre d'heures
supplémentaires
retenu par la cour cantonale. Il estime en revanche qu'en application
de
l'art. 9 de l'ordonnance limitant le nombre d'étrangers (OLE, RS
823.21),
elle aurait dû examiner si les salaires stipulés dans les contrats
correspondaient aux salaires minimaux prévus par le contrat-type de
travail
sur l'agriculture du canton du Valais du 9 juin 1989 (CTT Agr.).

Selon l'art. 9 OLE, les autorisations de travail ne peuvent être
octroyées
que si l'employeur accorde à l'étranger les mêmes conditions de
rémunération
et de travail en usage dans la localité et la profession qu'il
accorde aux
Suisses (al. 1). Pour déterminer les salaires et les conditions de
travail en
usage dans la localité et la profession, il y a lieu de tenir compte
des
prescriptions légales, des salaires et des conditions accordés pour un
travail semblable dans la même entreprise et dans la même branche,
ainsi que
des conventions collectives et des contrats-types de travail. En
outre, il
importe de prendre en considération le résultat des relevés
statistiques des
salaires auxquels procède l'office fédéral de la statistique tous les
deux
ans (al. 2).

L'art. 9 OLE vise à maintenir la paix sociale, en préservant les
travailleurs
suisses d'une sous-enchère salariale induite par la main-d'oeuvre
étrangère
et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes. Cette
disposition
s'adresse en premier lieu à l'autorité administrative: celle-ci
n'accordera
l'autorisation avec prise d'emploi que si le travailleur est assuré de
bénéficier des conditions de rémunération et de travail usuelles dans
la
localité et la profession en question. Pour ce faire, l'office de
l'emploi
peut exiger de l'employeur un contrat de travail ou une proposition de
contrat; dans tous les cas, la formule de demande d'autorisation
comprendra
les indications nécessaires sur les conditions d'engagement qui sont
garanties par l'employeur. Une fois l'autorisation délivrée,
l'employeur est
tenu, en vertu d'une obligation de droit public, de respecter les
conditions
qui l'assortissent, en particulier le salaire approuvé par l'autorité
administrative; le travailleur dispose alors d'une prétention qu'il
peut
faire valoir devant les juridictions civiles, en vertu de l'art. 342
al. 2
CO.

Le juge civil est lié par les conditions de rémunération fixées
concrètement
dans l'autorisation administrative délivrée pour un emploi donné; le
travailleur qui prétend que l'autorisation a été accordée à des
conditions
inférieures aux conditions usuelles applicables à l'emploi en
question ne
peut pas agir en paiement de la différence de salaire par la voie
civile
instituée par l'art. 342 al. 2 CO. En effet, il n'appartient pas au
juge
civil de se substituer à l'autorité administrative en recherchant et,
le cas
échéant, en fixant, pour un emploi déterminé, le salaire conforme à
l'art. 9
OLE, indépendamment de la rémunération approuvée dans la décision
administrative pour ledit travail (ATF 122 III 110 consid. 4d avec de
nombreuses références).

En l'espèce, le jugement cantonal ne précise pas quels sont les
salaires
fixés par l'autorité administrative pour les différents contrats de
travail.
Le demandeur ne soutient toutefois pas que son employeur lui aurait
versé un
salaire inférieur à celui prévu dans les autorisations. Il se plaint
uniquement du fait que la cour cantonale n'a pas vérifié si les
salaires
figurant dans les contrats correspondaient aux salaires minimaux
prévus dans
le contrat-type cantonal. Cependant, contrairement à ce qu'il
soutient,
l'art. 9 OLE n'oblige pas le juge civil à vérifier la conformité des
salaires
contractuels avec les contrats-types cantonaux. L'arrêt attaqué ne
viole donc
aucunement l'art. 9 OLE.

Le salaire fixé dans l'autorisation administrative constitue
toutefois un
minimum et non un maximum; demeurent par conséquent applicables les
dispositions plus favorables découlant d'un contrat individuel, d'un
contrat-type ou d'une convention collective de travail (cf. art. 322
al. 1
CO). Le demandeur soutient à cet égard que les dispositions salariales
prévues par le CTT Agr. devaient être appliquées par la cour cantonale
puisque les contrats passés avec le défendeur faisaient référence à
ce texte.

Il est exact que les formulaires complétés par les parties faisaient
expressément référence au CTT Agr. et précisaient qu'aucune dérogation
n'était possible pour les travailleurs étrangers. Le salaire du
demandeur
était toutefois fixé individuellement pour chaque nouveau contrat et
il n'est
pas exclu qu'il ait été, certaines années, inférieur aux salaires
minimaux
prévus par le CTT Agr. Lorsqu'il existe une apparente contradiction
entre des
dispositions préformées et des dispositions individuelles d'un
contrat, une
interprétation selon le principe de la confiance donne priorité aux
dispositions individuelles (Kramer/Schmidlin, Berner Kommentar, n.
210 ad
art. 1 CO; Schoenenberger/Jaeggi, Zürcher Kommentar, n. 491 s. ad
art. 1 CO;
Bucher, Basler Kommentar, n. 54 ad art. 1 CO). Il en résulte qu'en
vertu du
droit fédéral, l'autorité cantonale n'avait pas à appliquer les
salaires
prévus par le contrat-type pour calculer le montant dû à titre
d'heures
supplémentaires. Quant à savoir si les parties ont valablement dérogé
au CTT
Agr., il s'agit d'une question de droit cantonal que le recourant ne
peut pas
soulever dans un recours en réforme (arrêt 2P.354/1997 du 30 novembre
1998
publié in SJ 1999 p. 161 s.).

3.
Le recours sera rejeté. Comme la valeur litigieuse lors de
l'ouverture de
l'action ne dépassait pas 30'000 fr., il ne sera pas perçu d'émolument
judiciaire (art. 343 al. 2 et 3 CO). En revanche, la gratuité de la
procédure
n'interdit pas que le demandeur, qui succombe, soit condamné à verser
au
défendeur une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le demandeur versera au défendeur une indemnité de 1'000 fr. à titre
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan.

Lausanne, le 13 juin 2002

Au nom de la Ière Cour civile

du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.95/2002
Date de la décision : 13/06/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-13;4c.95.2002 ?
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