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11/06/2002 | SUISSE | N°I.40/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 juin 2002, I.40/01


«AZA 7»
I 40/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Borella, Rüedi,
Lustenberger et Frésard. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 11 juin 2002

dans la cause

A.________, recourante, représentée par ses parents,
B.________ et C.________, eux-mêmes représentés par la
Fédération suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH),
place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, i

ntimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________, née en 1988, domiciliée à D.______...

«AZA 7»
I 40/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Borella, Rüedi,
Lustenberger et Frésard. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 11 juin 2002

dans la cause

A.________, recourante, représentée par ses parents,
B.________ et C.________, eux-mêmes représentés par la
Fédération suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH),
place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________, née en 1988, domiciliée à D.________,
est atteinte d'une surdité sévère bilatérale d'origine
congénitale. Pour lui permettre de suivre l'enseignement de
l'école publique, un traitement de logopédie, pris en
charge par l'assurance-invalidité fédérale, lui est
dispensé à E.________ par une praticienne spécialisée, chez
laquelle elle se rend en moyenne une fois tous les quinze
jours.

Par décision du 28 mai 1999, l'Office de l'assurance-
invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'OAI) a
refusé de continuer à prendre en charge les frais de
transport liés à ce traitement, dès le 1er mai 1999.

B.- Par jugement du 30 octobre 2000, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé
contre cette décision par A.________.

C.- Cette dernière, représentée par son père, inter-
jette recours de droit administratif contre ce jugement en
concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation,
à l'octroi de subsides pour les frais de transport liés au
traitement logopédique et au renvoi de la cause à l'admi-
nistration afin qu'elle en détermine le montant.
L'OAI a renoncé à se déterminer cependant que l'Office
fédéral des assurances sociales (OFAS) conclut au rejet du
recours.

Considérant en droit :

1.- Il s'agit d'examiner si l'OAI était en droit de
refuser à l'assurée la prise en charge des frais de trans-
port nécessaires au traitement de logopédie lui permettant,
malgré sa surdité, de suivre l'enseignement de l'école
publique.
La recourante soutient, en substance, que l'art. 9bis
RAI n'est pas conforme à la loi et consacre une inégalité
de traitement. Elle se réfère, en ce qui concerne la ques-
tion de la légalité de cette disposition réglementaire, à
l'art. 51 LAI, d'une part, et à l'art. 19 LAI, d'autre
part.

2.- Le Tribunal fédéral des assurances examine en
principe librement la légalité des dispositions d'appli-
cation prises par le Conseil fédéral. En particulier, il
exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes) qui
reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci
est relativement imprécise et que, par la force des choses,
elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appré-
ciation, le tribunal doit se borner à examiner si les
dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de
la délégation de compétence donnée par le législateur à
l'autorité exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles
sont contraires à la loi ou à la Constitution. A cet égard,
une norme réglementaire viole l'art. 8 al. 1 Cst. lors-
qu'elle n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objec-
tifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité ou qu'elle
opère des distinctions juridiques que ne justifient pas les
faits à réglementer. Dans l'examen auquel il procède à
cette occasion, le juge ne doit toutefois pas substituer sa
propre appréciation à celle de l'autorité dont émane la ré-
glementation en cause. Il doit au contraire se borner à
vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser
objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en
particulier, de savoir si elle constitue le moyen le mieux
approprié pour atteindre ce but (ATF 127 V 7 consid. 5a,
126 II 404 consid. 4a, 573 consid. 41, 126 V 52 consid. 3b,
365 consid. 3, 473 consid. 5b et les références).

3.- En relation avec le premier moyen de la recouran-
te, il convient de rappeler, comme le relève à juste titre
l'Office fédéral des assurances sociales, que l'art. 51 LAI
ne constitue pas la base légale permettant le remboursement
des frais de transport liés à des mesures de réadaptation
pour lesquelles les prestations de l'assurance-invalidité
se réduisent à de pures contributions pécuniaires. Il en va
ainsi, notamment, des mesures de formation scolaire spé-
ciale, auxquelles doivent être assimilées les mesures
spéciales qui permettent à un mineur invalide de fréquenter

l'école publique. Conformément à son texte clair, l'art. 51
LAI présuppose en effet l'application des mesures de réa-
daptation qu'il vise par les organes de l'assurance-inva-
lidité, alors que, pour des raisons liées à la souveraineté
des cantons en matière scolaire, la mise en oeuvre des
mesures spéciales précitées échoit à ces derniers (ATFA
1966 p. 32 consid. 3, 1964 p. 245 consid. 4, RCC 1970
p. 159 consid. 1; Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die
Invalidenversicherung, ad art. 51 LAI, p. 290).
C'est, en conséquence, au regard de l'art. 19 LAI
qu'il convient d'examiner la conformité de l'art. 9bis RAI.

4.- a) A teneur de l'art. 19 al. 3 LAI, le Conseil
fédéral a notamment la compétence d'édicter des prescrip-
tions sur l'octroi de subsides, en faveur d'enfants
invalides qui fréquentent l'école publique. Ces prestations
correspondent à celles allouées pour la formation scolaire
spéciale des assurés éducables qui n'ont pas atteint l'âge
de 20 ans révolus mais qui, par suite d'invalidité, ne
peuvent suivre l'école publique ou dont on ne peut attendre
qu'ils la suivent. Ces derniers subsides, visés par les
alinéas 1 et 2 de l'art. 19 LAI, comprennent notamment des
indemnités particulières pour les frais de transport à
l'école qui sont dus à l'invalidité (art. 19 al. 2 let. d
LAI). Relativement imprécise, cette norme de délégation
confère au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation
(arrêt A., du 29 avril 2002, I 510/00, prévu pour la publi-
cation au Recueil Officiel, et les références citées).
Faisant usage de la compétence ainsi déléguée, le
Conseil fédéral a édicté, sous le titre des «Mesures
permettant la fréquentation de l'école publique», les
art. 9, 9bis et 9ter RAI. Les deux premières de ces
dispositions ont la teneur suivante (en vigueur depuis le
1er janvier 1997, selon ch. I et III de l'ordonnance du
Conseil fédéral du 25 novembre 1996; RO 1996 3135, 3138) :

Art. 9 Indemnités particulières pour des
mesures de nature pédago-thérapeutique

1 L'assurance prend à sa charge les frais
d'exécution des mesures de nature pédago-
thérapeutique qui sont nécessaires pour permettre
à l'assuré de participer à l'enseignement de
l'école publique.

2 Les mesures comprennent :
a. la logopédie pour les assurés selon
l'article 8, 4e alinéa, lettre e;
b. l'entraînement auditif et l'enseignement de la
lecture labiale pour les assurés selon
l'article 8, 4e alinéa, lettre c.

Art. 9bis Indemnités particulières pour les
transports

L'assurance prend à sa charge les frais de
transport qui, en raison d'un handicap physique
ou d'un handicap de la vue, sont nécessaires pour
l'exécution des mesures selon l'art. 9,
2e alinéa, ainsi que pour permettre à l'assuré de
participer à l'enseignement de l'école publique.
L'art. 8quater est applicable par analogie.

b) Dans le cas des frais de transport pour participer
à l'enseignement de l'école publique - qui ne sont pas en
cause en l'espèce - la limitation de la prise en charge de
ces frais aux assurés handicapés physiquement ou de la vue
n'apparaît pas critiquable, de prime abord tout au moins.
Ces frais doivent en effet être supportés par tous les
enfants en âge scolaire aptes à fréquenter l'école pu-
blique. En règle générale, seuls des enfants handicapés
physiques ou de la vue peuvent ainsi justifier de frais de
transport supplémentaires en raison de leur handicap, aux
conditions de l'art. 8quater al. 2 et 3 RAI applicable par
analogie (art. 9bis in fine RAI).

c) Les mesures pédago-thérapeutiques, qui comprennent
la logopédie pour les assurés atteints de graves difficul-
tés d'élocution (art. 8 al. 4 let. e RAI) ainsi que l'en-
traînement auditif et l'enseignement de la lecture labiale
pour les assurés sourds ou malentendants (art. 8 al. 4
let. c RAI), sont, selon la jurisprudence de la Cour de

céans, énumérées exhaustivement par l'art. 9 al. 2 RAI
(arrêt K. du 29 avril 2002, I 395/00, prévu pour la publi-
cation dans le Recueil Officiel; arrêt O. du 2 septembre
1999; VSI 2000 p. 77 consid. 3b). Il s'ensuit, si l'on
compare l'art. 9 al. 2 RAI et l'art. 9bis RAI, que la
condition liée à l'existence d'un handicap physique ou de
la vue posée par le Conseil fédéral dans cette dernière
disposition impliquerait la prise en charge de frais de
transport pour des mesures pédago-thérapeutiques que
l'assurance n'alloue pas (ainsi pour des mesures en faveur
des handicapés de la vue). A l'inverse, l'ordonnance
n'accorderait pas de frais de transport pour des mesures
pédago-thérapeutiques qu'elle alloue (ainsi en faveur
d'assurés souffrant de surdité). On cherche vainement une
justification objective à cette situation pour le moins
paradoxale.
Il ressort, par ailleurs, de la comparaison de ces
deux dispositions à la réglementation correspondante des
mesures de nature pédago-thérapeutique nécessaires pour
compléter l'enseignement spécialisé (art. 8ter et 8quater
RAI) et à celle des mesures pédago-thérapeutiques néces-
saires, à l'âge préscolaire, pour la préparation à la
fréquentation de l'école spéciale ou de l'école publique
(art. 10 et 11 RAI), que dans ces deux dernières hypothèses
la prise en charge des frais de transport est toujours
directement liée à une mesure qui est allouée et non à
l'existence d'un handicap déterminé. On ne perçoit pas, du
reste, en comparant ces situations, pour quelle raison un
enfant suivant depuis peu l'enseignement de l'école publi-
que et bénéficiant de mesures pédago-thérapeutiques prises
en charge par l'assurance conformément à l'art. 9 RAI, ne
pourrait prétendre bénéficier d'un subside pour les frais
de transport en relation avec ces mesures s'il n'est, en
outre, handicapé physique ou de la vue (art. 9bis RAI)
alors qu'un enfant d'âge immédiatement préscolaire se
préparant à l'école publique par le suivi des mêmes mesures
pédago-thérapeutiques pourrait prétendre la prise en charge

des frais de transport liés à ces dernières, indépendamment
de l'existence d'un handicap physique ou de la vue (art. 11
en corrélation avec l'art. 8quater RAI). Cette situation se
présentera, d'ailleurs, le plus souvent chez le même
enfant, avant et après son intégration à l'enseignement
public.

d) La situation paradoxale relevée ci-dessus en ce qui
concerne les art. 9 et 9bis RAI, de même que la comparaison
avec les frais de transport pour les mesures nécessaires
pour compléter l'enseignement spécialisé, d'une part, et,
d'autre part, pour les mesures de préparation à l'enseigne-
ment spécialisé ou à la fréquentation de l'école publique,
montre que la réglementation de l'art. 9bis RAI, pour
autant qu'elle se rapporte aux frais de transport pour
l'exécution de mesures de nature pédago-thérapeutique,
n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs. Aussi
bien doit-on considérer qu'elle n'est pas compatible avec
l'art. 8 al. 1 Cst.
Du moment que l'art. 9 al. 2 RAI prévoit l'octroi de
mesures de nature pédago-thérapeutique pour les assurés
souffrant de graves difficultés d'élocution (art. 8 al. 4
let. e RAI, auquel renvoie l'art. 9 al. 2 let. a RAI), une
interprétation raisonnable de l'art. 9bis RAI, inspirée des
solutions adoptées aux art. 8quater et 11 RAI, conduit à
reconnaître à ces enfants également la prise en charge des
frais de transport nécessaires à l'exécution des mesures
dont ils bénéficient, comme la Cour de céans l'admettait
dans sa jurisprudence rendue en application de l'ancien
art. 11 RAI (cf. VSI 1993 p. 40).

e) Pour le surplus, la comparaison opérée par l'Office
fédéral des assurances sociales entre, d'une part, les
enfants qui ne sont pas invalides mais qui bénéficient d'un
traitement de logopédie, dont les frais, y compris les
frais de transport, demeurent à charge des parents et,
d'autre part, les enfants invalides pour lesquels un tel

traitement est nécessaire à la poursuite d'une scolarité
normale n'est pas pertinente. Cette comparaison ne permet
pas, en effet, de mettre en évidence le motif sérieux et
objectif qui fait défaut à la réglementation de l'art. 9bis
RAI. La différence de traitement entre ces deux catégories
est, au demeurant, imposée par la loi qui définit la notion
d'invalidité chez les assurés de moins de 20 ans révolus
(art. 5 al. 2 LAI) et le droit aux prestations qui en
découlent.

5.- Il résulte de ce qui précède que la recourante
peut prétendre la prise en charge des frais de transport
afférents aux mesures pédago-thérapeutiques dont elle
bénéficie, si bien que le recours doit être admis. Les
pièces figurant au dossier ne permettant toutefois pas de
calculer le montant de ces subsides, la cause doit être
renvoyée à l'intimé afin qu'il complète l'instruction sur
ce point et rende une nouvelle décision.

6.- La recourante, qui obtient gain de cause, s'est
fait assister par un avocat de la Fédération suisse pour
l'intégration des handicapés. Elle peut prétendre une
indemnité de dépens (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art. 135 OJ; SVR 1997 IV no 110 p. 341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement rendu par le
Tribunal des assurances du canton de Vaud le
30 octobre 2000 ainsi que la décision de l'Office
de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du
28 mai 1999 sont annulés; l'affaire est renvoyée à ce
dernier pour qu'il fixe le montant des indemnités de
transport dues à la recourante.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud versera à A.________ la somme de 2500 fr. (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour la procédure fédérale.

IV. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
sur les dépens de première instance au vu du résultat
du procès de dernière instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud, à la Caisse
cantonale vaudoise de compensation ainsi qu'à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 juin 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.40/01
Date de la décision : 11/06/2002
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 19 et 51 LAI; art. 9 et 9bis RAI: Droit aux indemnités particulières pour les transports liés à des mesures pédago-thérapeutiques permettant la fréquentation de l'école publique. - L'art. 51 LAI ne constitue pas la base légale permettant le remboursement des frais de transport liés aux mesures énumérées par l'art. 9 al. 2 RAI; l'art. 9bis RAI repose sur la délégation de compétence de l'art. 19 al. 3 LAI. - Dans la mesure où il restreint aux seuls handicapés physiques et de la vue la prise en charge par l'assurance-invalidité des frais de transport liés à des mesures de nature pédago-thérapeutique énumérées par l'art. 9 al. 2 RAI, l'art. 9bis RAI n'est pas conforme à l'art. 8 Cst. Une interprétation raisonnable de cette disposition conduit à reconnaître aux assurés bénéficiant de telles mesures la prise en charge des frais de transport nécessaires à leur exécution.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-11;i.40.01 ?
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