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11/06/2002 | SUISSE | N°5C.109/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 juin 2002, 5C.109/2002


{T 0/2}
5C.109/2002 /viz

Arrêt du 11 juin 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann et Hohl,
greffier Abrecht.

A. ________,
recourante, représentée par Me Corinne Nerfin, avocate, boulevard
Jaques-Dalcroze 2, 1204 Genève,

curatelle d'assistance éducative (art. 308 CC)

recours en réforme contre la décision de l'Autorité de surveillance
des
tutelles du canton de Genève du 17 avril 2002
Faits:

A.
A. ________, née à Zurich en 1968, et B.______

__, né à Lausanne en
1952, ont
entretenu une liaison dont sont issus les enfants C.________, né en
1988, et
D.________,...

{T 0/2}
5C.109/2002 /viz

Arrêt du 11 juin 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann et Hohl,
greffier Abrecht.

A. ________,
recourante, représentée par Me Corinne Nerfin, avocate, boulevard
Jaques-Dalcroze 2, 1204 Genève,

curatelle d'assistance éducative (art. 308 CC)

recours en réforme contre la décision de l'Autorité de surveillance
des
tutelles du canton de Genève du 17 avril 2002
Faits:

A.
A. ________, née à Zurich en 1968, et B.________, né à Lausanne en
1952, ont
entretenu une liaison dont sont issus les enfants C.________, né en
1988, et
D.________, née en 1994, tous deux reconnus par le père. Les parents
se sont
séparés au mois de février 1996. Les enfants sont restés auprès de
leur mère
qui est investie de l'autorité parentale, et le père n'a plus vu ses
enfants
depuis le mois de février 1997.
Le 30 juin 1997, B.________ a demandé au Tribunal tutélaire du canton
de
Genève qu'il lui soit permis d'avoir des relations personnelles
équitables
avec ses deux enfants. A.________ s'est opposée à tout droit de
visite qui
aurait lieu en dehors d'un cadre protégé.

B.
Le 30 octobre 1998, le Tribunal tutélaire a ordonné que les deux
enfants
soient soumis à une expertise, afin de déterminer en particulier si
leurs
parents présentaient des troubles psychiques de nature à mettre en
danger
leur progéniture et si des relations personnelles pouvaient être
instaurées
en faveur du père.

Dans son rapport du 17 juin 1999, qu'il a confirmé le 17 mai 2000, le
Dr
X.________, médecin rattaché à la Clinique de psychiatrie infantile, a
constaté que B.________ souffrait d'un grave trouble de la
personnalité de
type sociopathique avec traits pervers et paranoïaques, de nature à
mettre en
danger tout enfant, fût-il le sien, et qu'il était urgent que
l'intéressé
soit pris en charge sur le plan psychiatrique. L'expert a relevé que
l'intéressé avait commis des agressions sexuelles sur des enfants
souvent
très jeunes et qu'il n'avait pas exprimé le moindre regret au sujet
des
traumatismes subis par ses victimes. Du fait de cette situation,
l'instauration de relations personnelles entre le père et ses deux
enfants
n'était pas indiquée, une prise en charge médicale psychiatrique et
médicamenteuse préalable étant nécessaire avant toute évaluation d'un
droit
de visite. Quoi qu'il puisse en être, les traits pervers de
l'intéressé
impliquaient que des relations personnelles interviennent dans un
cadre
protégé et en présence constante d'un tiers.

L'expert a par ailleurs constaté que A.________ présentait pour sa
part des
traits de personnalité borderline et narcissique, ce qui ne
l'empêchait pas
d'apporter une stabilité affective à ses enfants et d'en prendre soin
dans la
durée. Si un placement des mineurs considérés n'était ainsi ni
indiqué ni
justifié, une curatelle d'assistance éducative paraissait en revanche
indiquée de façon que les enfants puissent suivre la thérapie dont ils
avaient besoin. C.________ présentait en effet un trouble du
développement à
tonalité dépressive qui nécessitait une psychothérapie régulière et
prolongée, tandis que D.________ souffrait d'un important trouble du
langage
et de troubles de la pensée qui rendaient indispensable la poursuite
d'un
bilan logopédique et la mise sur pied d'un suivi dans un premier
temps, la
nécessité d'un traitement psychothérapeutique devant être examinée en
fonction de l'évolution de la situation.

C.
Le Tribunal tutélaire a entendu les parties en comparution
personnelle et a
procédé à des enquêtes. L'instruction de la cause a ensuite été
suspendue
d'accord entre les parties du 27 novembre 2000 au 21 mars 2001,
A.________
ayant fait savoir par courrier du 16 novembre 2000 qu'elle avait
quitté la
Suisse en compagnie de ses deux enfants car elle ne supportait plus
le climat
de tension engendré par la procédure en cours. Le 9 avril 2001,
A.________ a
fait savoir qu'elle et ses deux enfants étaient de retour à Genève
après un
séjour à l'étranger, vécu dans l'Ile de la Réunion. Les enfants ont
repris
leur scolarité à Genève en février/mars 2001.

D.
Le 14 juin 2001, le Tribunal tutélaire a rendu une ordonnance
réservant à
B.________ un droit de visite surveillé selon des modalités très
précises; il
a en outre instauré une curatelle de surveillance des relations
personnelles
ainsi qu'une curatelle d'assistance éducative destinée à apporter
aide et
conseils à la mère.

Saisie d'un recours de A.________ contre cette ordonnance, l'Autorité
de
surveillance des tutelles du canton de Genève a entendu le 19
septembre 2001
les parties en comparution personnelle, au cours de laquelle
A.________ a
notamment exposé qu'au cas où l'exécution provisoire de la décision
attaquée
serait ordonnée en dépit de son opposition, elle ferait recours au
Tribunal
fédéral et quitterait la Suisse le cas échéant.

Par décision du 12 octobre 2001, l'Autorité de surveillance a annulé
l'ordonnance du 14 juin 2001 et renvoyé la cause au Tribunal
tutélaire pour
que celui-ci procède à l'audition, jugée indispensable, des enfants
C.________ et D.________.

E.
Statuant à nouveau par ordonnance du 21 janvier 2002 après avoir
procédé à
l'audition de C.________ ¿ D.________ ne souhaitant pas être entendue
d'après
les dires de sa mère qui ne l'avait pas forcée à se présenter ¿ , le
Tribunal
tutélaire a refusé en l'état tout droit de visite à B.________,
instauré une
curatelle d'assistance éducative en faveur des enfants C.________ et
D.________, aux fins d'apporter aide et conseils à leur mère, et
désigné
comme curatrice Y.________, juriste auprès du Service du Tuteur
général.
En vue de l'instauration de cette mesure, le Tribunal tutélaire a pris
notamment en considération l'avis de l'expert, qui avait préconisé
une telle
solution en raison de la fragilité psychique de la mère. En effet,
cet état
ne lui permettait pas constamment de différencier ses besoins de ceux
de ses
enfants et de faire des choix qui tiennent compte des intérêts de ces
derniers, de sorte qu'il s'agissait de soutenir la mère dans
l'accomplissement de ses tâches éducatives et d'assurer le suivi
thérapeutique nécessaire aux mineurs considérés. Une telle mesure
avait
d'ailleurs également été préconisée par le Service de protection de la
jeunesse les 17 mai 2000, 11 septembre 2001 et 31 octobre 2001.

Statuant le 17 avril 2002 sur recours de A.________, qui contestait
l'instauration d'une curatelle d'assistance éducative et la
désignation d'une
curatrice, l'Autorité de surveillance des tutelles a confirmé
l'ordonnance
rendue le 21 janvier 2002 par le Tribunal tutélaire.

F.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral,
A.________
conclut avec suite de frais et dépens à la réforme de cette décision
en ce
sens qu'il soit prononcé que l'instauration d'une curatelle
d'assistance
éducative en faveur des mineurs C.________ et D.________ n'est pas
justifiée;
elle sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la
procédure
fédérale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 En vertu de l'art. 44 let. d OJ, le recours en réforme est
recevable en
cas d'interdiction et d'institution d'une curatelle selon l'art. 308
CC, de
sorte que le recours est recevable sous cet angle. Formé en temps
utile
contre une décision finale prise par le tribunal suprême du canton de
Genève
et qui ne peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit
cantonal, il
est également recevable au regard des art. 48 al. 1 OJ et 54 al. 1 OJ.

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire
son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et prouvés (art. 64 OJ;
ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 119 II 353 consid. 5c/aa).
Dans la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui
contenu
dans l'arrêt attaqué sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF
127 III 248 consid. 2c).

2.
2.1L'art. 308 al. 1 CC dispose que lorsque les circonstances
l'exigent,
l'autorité tutélaire nomme à l'enfant un curateur qui assiste les
père et
mère de ses conseils et de son appui dans le soin de l'enfant. La
curatelle
éducative au sens de l'art. 308 CC va plus loin que la simple
surveillance de
l'éducation au sens de l'art. 307 al. 3 CC, en ce sens que le
curateur ne se
borne pas à exercer une surveillance, mais intervient lui-même
activement
(ATF 108 II 372 consid. 1). L'institution d'une telle curatelle
suppose
d'abord, comme pour toute mesure protectrice (cf. art. 307 al. 1 CC),
que le
développement de l'enfant soit menacé (ATF 108 II 372 consid. 1; Yvo
Biderbost, Die Erziehungsbeistandschaft [art. 308 ZGB], thèse
Fribourg 1996,
p. 127 ss), que ce danger ne puisse être prévenu par les père et mère
eux-mêmes (cf. art. 307 al. 1 CC) ni par les mesures plus limitées de
l'art.
307 CC (principe de subsidiarité; Biderbost, op. cit., p. 197 ss et
p. 203
ss; cf. ATF 114 II 213 consid. 5; 108 II 92 consid. 4) et que
l'intervention
active d'un conseiller apparaisse appropriée pour atteindre ce but
(principe
de l'adéquation; Biderbost, op. cit., p. 191 ss; Cyril Hegnauer,
Droit suisse
de la filiation, 4e éd., 1998, n. 27.19).

2.2 En l'espèce, l'Autorité de surveillance a exposé que A.________
était
seule investie de l'autorité parentale sur les enfants C.________ et
D.________ et qu'elle était en proie à un grave conflit qui
l'opposait à
B.________ au point qu'elle en était arrivée à quitter la Suisse
pendant
plusieurs mois avec ses enfants et qu'elle avait déclaré lors de son
audition
le 19 septembre 2001 être prête à regagner l'étranger au cas où
B.________
serait autorisé à exercer un droit de visite. Or une telle manière
d'agir et
un risque de réitération dans ce sens étaient manifestement de nature
à
porter préjudice à ses enfants par un changement complet de
conditions de vie
et à compromettre la stabilité dont ils avaient besoin, notamment sur
le plan
scolaire.

D'autre part, parents et enfants présentaient des troubles de nature
psychique et, à dire d'expert, A.________ n'était pas toujours en
mesure de
faire des choix qui prennent en considération les besoins de ses
enfants. Or
ces derniers avaient impérativement besoin d'un suivi thérapeutique,
de sorte
que sur ce seul point déjà, l'intervention d'un curateur apparaissait
nécessaire au cas où la mère n'y pourvoirait pas.

En définitive, la gravité de la situation dans son ensemble ¿
notamment en
raison du profond antagonisme existant entre les plaideurs, des
incidences
négatives de nature à en résulter pour leurs deux enfants et du
risque d'un
nouveau départ de la mère à l'étranger en compagnie de sa progéniture
¿
faisait qu'une curatelle d'assistance éducative au sens de l'art. 308
al. 1
CC se révélait absolument nécessaire en l'espèce.

2.3 Les critiques formulées à l'encontre de cette décision par la
recourante,
qui affirme qu'aucune des conditions posées par la loi pour instaurer
une
curatelle d'assistance éducative au sens de l'art. 308 al. 1 CC ne
seraient
remplies en l'espèce, se révèlent manifestement dénuées de
consistance dans
la mesure où elles sont recevables en instance de réforme.

Il ressort en effet des constatations de fait de l'autorité
cantonale, qui
lient la cour de céans (art. 63 al. 2 OJ; cf. consid. 1.2 supra), que
les
enfants C.________ et D.________ ont impérativement besoin du suivi
thérapeutique dont ils bénéficient actuellement à Genève. La
recourante
présente, à dire d'expert, des traits de personnalité borderline et
narcissique qui, s'ils ne l'empêchent pas d'apporter une stabilité
affective
à ses enfants et d'en prendre soin dans la durée ¿ de sorte que
l'instauration d'une mesure plus incisive qu'une curatelle éducative
n'apparaît pas nécessaire - ont pour conséquence qu'elle n'est pas
toujours
en mesure de faire des choix qui prennent en considération les
besoins de ses
enfants, si bien que l'intervention d'un curateur apparaît adéquate
au cas où
la recourante ne pourvoirait pas à ces besoins. Dans la mesure où la
recourante affirme que les troubles constatés par l'expert chez les
enfants
C.________ et D.________ auraient entretemps disparu, ces allégations
ne
peuvent être prises en considération en instance de réforme dès lors
qu'elles
s'écartent des constatations de fait de la décision attaquée (cf.
consid. 1.2
supra).

Au surplus, l'autorité cantonale a retenu en fait l'existence d'un
risque
concret que la recourante ne parte à l'étranger avec sa progéniture
en raison
du grave différend qui l'oppose à B.________, ce qui, en interrompant
le
suivi thérapeutique indispensable à ses enfants, est à l'évidence de
nature à
compromettre leur développement. A cet égard, les allégations de fait
contenues dans le recours sur les conditions de vie que la recourante
et ses
enfants ont rencontrées en 2000
dans l'Ile de la Réunion ne peuvent
être
prises en considération en instance de réforme (cf. consid. 1.2
supra). Quant
au grief selon lequel la motivation liée au risque d'un départ à
l'étranger
atteint le droit de la recourante à la liberté de mouvement et donc
ses
droits de la personnalité protégés par l'art. 28 CC, on ne voit pas
en quoi
cette circonstance devrait s'opposer à l'instauration d'une curatelle
éducative, étant précisé qu'une telle mesure constitue déjà en
elle-même un
empiétement sur l'autorité parentale (cf. Hegnauer, op. cit., n.
27.24) et
donc sur la personnalité du ou des parents concernés, empiétement qui
est
justifié par la nécessité de sauvegarder l'intérêt supérieur de
l'enfant.
S'agissant enfin des reproches selon lesquels la mesure dont la
recourante
"bénéficie contre son gré" apparaîtrait d'autant plus
disproportionnée que la
justice ne tiendrait pas compte du danger que représente B.________,
ces
reproches sont d'autant plus hors de propos que la justice cantonale a
précisément refusé en l'état tout droit de visite à B.________, ce qui
représente un empiétement majeur ¿ même s'il apparaît justifié par le
bien
des enfants concernés ¿ sur la personnalité de celui-ci (cf. ATF 119
II 201
consid. 3; 111 II 404 consid. 3).

3.
Il résulte de ce qui précède que le recours, manifestement mal fondé
en tant
qu'il est recevable, doit être rejeté dans cette même mesure, ce qui
entraîne
la confirmation de la décision entreprise.

Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral dispense, sur demande, une
partie de
payer les frais judiciaires et la fait au besoin assister par un
avocat
lorsque cette partie est dans le besoin et que ses conclusions ne
paraissent
pas d'emblée vouées à l'échec. Outre le fait que la recourante n'a
même pas
allégué que la condition du besoin était remplie, la condition des
chances de
succès n'apparaît de toute manière pas remplie et la demande
d'assistance
doit par conséquent être écartée dès lors que le recours doit être
rejeté ¿
en tant qu'il est recevable ¿ dans le cadre de la procédure
simplifiée de
l'art. 36a OJ, applicable aux recours manifestement irrecevables ou
mal
fondés (Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation
judiciaire, vol. V, Berne 1992, n. 5 ad art. 152 OJ). Partant, la
recourante,
qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral, vu l'art. 36a OJ, prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et la
décision
attaquée est confirmée.

2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, à
B.________ et à
l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève.

Lausanne, le 11 juin 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.109/2002
Date de la décision : 11/06/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-11;5c.109.2002 ?
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