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03/06/2002 | SUISSE | N°1P.124/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juin 2002, 1P.124/2002


{T 0/2}
1P.124/2002 /dxc

Arrêt du 3 juin 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

A. ________, B.________, C.________ et D.________, tous les quatre
représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat,
case postale 84, 1702 Fribourg,

contre

X.________, intimé, représenté par Me Louis Gauthier, avocat, rue de
l'Hôpital 25, case postale 386, 1701 Fribourg

,
Y.________, et Z.________, intimés, tous les deux représentés par Me
Louis-Marc Perroud, avocat, case postale 53...

{T 0/2}
1P.124/2002 /dxc

Arrêt du 3 juin 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

A. ________, B.________, C.________ et D.________, tous les quatre
représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat,
case postale 84, 1702 Fribourg,

contre

X.________, intimé, représenté par Me Louis Gauthier, avocat, rue de
l'Hôpital 25, case postale 386, 1701 Fribourg,
Y.________, et Z.________, intimés, tous les deux représentés par Me
Louis-Marc Perroud, avocat, case postale 538,
1701 Fribourg,
Juge d'instruction du canton de Fribourg, case postale 156, place
Notre-Dame
4, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, place de
l'Hôtel-de-Ville 2a, 1700 Fribourg.

art. 9 Cst.; non-lieu

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale
du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 14 janvier 2002)
Faits:

A.
Le 12 février 1997, vers 15h00, l'enfant A.________, né le 24 mars
1988,
s'est sectionné l'artère fémorale droite, à la hauteur du genou, à la
suite
d'un accident survenu alors qu'il jouait au deuxième étage de
l'immeuble
locatif dans lequel il habite avec sa famille. Alerté par une
voisine, le
directeur du Centre de premiers secours sanitaires de la Glâne,
Y.________, a
dépêché sur place l'ambulancier Z.________, qui se trouvait au volant
d'un
taxi officiel de la compagnie, à proximité des lieux de l'accident;
constatant que l'enfant était inconscient et que son pouls était
imperceptible, celui-ci a téléphoné à la centrale pour confirmer
l'intervention de l'ambulance et du médecin; il a entrepris de
rechercher
l'endroit de la blessure, puis il a surélevé les jambes de l'enfant et
découpé le pantalon jusqu'à la hauteur du genou à l'aide d'un
sécateur, qui
se trouvait dans la combinaison d'ambulancier qu'une voisine était
auparavant
allée chercher dans le véhicule. Arrivé sur les lieux deux minutes
plus tard,
le médecin de garde, X.________, appliqua un pansement compressif sur
la
blessure, qui ne saignait plus, avant d'ordonner le transport de
l'enfant en
ambulance à l'Hôpital du district de la Glâne, à Billens, distant de
1'100
mètres des lieux de l'accident; à son arrivée au service des
urgences, le
blessé se trouvait en état de choc hypovolémique; une assistance
respiratoire
par intubation a immédiatement été entreprise en même temps que des
manoeuvres de réanimation cardiaque. L'enfant a ensuite été
transporté en
hélicoptère au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, à Lausanne.
Il
présente actuellement un état végétatif résultant de lésions anoxiques
cérébrales sévères.
Le 7 juillet 1997, les parents de la victime, B.________ et
C.________, et la
soeur de celle-ci, D.________, ont déposé une dénonciation pénale
contre
Y.________ et Z.________, éventuellement contre le Docteur X.________
et
inconnu, pour lésions corporelles graves, éventuellement par
négligence, mise
en danger de la vie d'autrui, exposition voire omission de prêter
secours.
Ils se plaignaient de l'intervention tardive de l'ambulance due à une
attitude xénophobe de la part d'Y.________, d'une intervention
inappropriée
de l'ambulancier Z.________, du transport inadéquat de la victime
jusqu'à
l'ambulance et du défaut d'installation d'une perfusion et d'un
monitoring
cardiaque qui aurait permis de déceler l'arrêt cardiaque à l'origine
des
graves lésions cérébrales de l'enfant.
Le 28 novembre 1997, ils ont déposé une nouvelle dénonciation pénale
contre
Z.________ et Y.________ pour avoir contrevenu aux art. 23 et 28 de
l'ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs de
voitures
automobiles légères affectées au transport professionnel de personnes
(OTR)
en omettant de conserver le disque tachygraphe qui équipait le
véhicule
conduit par le premier nommé le jour de l'accident.

Le 4 septembre 1998, le Juge d'instruction en charge du dossier a
mandaté le
Docteur T.________, spécialiste en anesthésiologie et médecin chef au
Service
mobile d'urgence et de réanimation de H.________, aux fins d'établir
un
éventuel manquement aux règles de l'art lors de l'intervention du 12
février
1997. Au terme de son rapport établi le 30 janvier 1999, l'expert
conclut que
le médecin et les ambulanciers sont intervenus dans un délai
raisonnable, en
accord avec les directives actuellement en vigueur; il relève par
ailleurs
que les soins administrés à la victime ont été appropriés
proportionnellement
au niveau de formation des intervenants; il exprime cependant des
regrets
quant à l'absence de perfusion et de remplissage, qui auraient permis
de
compenser en partie les pertes de sang avant l'évacuation du blessé
et de
protéger celui-ci d'un arrêt cardiaque durant le transport, et quant à
l'absence d'un monitoring, qui aurait pu alerter les secouristes de
l'arrêt
cardiaque survenu lors du transfert de l'enfant à l'hôpital. Il a par
ailleurs précisé qu'il était impossible de faire la part des
séquelles dues à
l'hémorragie importante subie par la victime et celles liées à l'arrêt
cardiaque estimée au maximum à quatre minutes et demie avant la prise
en
charge du blessé en milieu hospitalier.
L'expert s'est déterminé le 19 septembre 2000 sur les remarques
formulées par
le Docteur X.________ à propos de son rapport initial. Il précisait
que le
regret exprimé par rapport au fait d'avoir renoncé à mettre en place
une
perfusion intraveineuse ne traduisait pas une faute ou un manquement
aux
règles de l'art, dans les circonstances propres au cas d'espèce. En
revanche,
il a confirmé que l'absence d'un monitoring cardiaque lors du
transport à
l'hôpital pour un patient instable, tel que A.________, constituait un
manquement sérieux aux recommandations, même si un tel mode de faire
commençait seulement à entrer dans les moeurs des secours
préhospitaliers en
périphérie.

B.
Par ordonnance du 12 décembre 2000, le Juge d'instruction de la Glâne
a rendu
un non-lieu en faveur des prévenus. Fondé sur le rapport d'expertise,
il a
considéré que le médecin de garde et les ambulanciers étaient
intervenus dans
un délai raisonnable et qu'aucun reproche ne pouvait leur être
adressé à cet
égard; de même, il a estimé que l'absence de perfusion ne constituait
pas,
dans les circonstances du cas d'espèce, un manquement aux règles de
l'art; il
a en revanche admis que les secouristes avaient fait preuve de
négligence en
transportant le blessé jusqu'à l'ambulance la tête en haut et en
omettant
d'installer un monitoring qui aurait permis de déceler un arrêt du
coeur au
cours du trajet à l'hôpital et d'entreprendre immédiatement un massage
cardiaque; cependant, à défaut de pouvoir déterminer le moment exact
de
l'arrêt cardiaque, il était impossible d'affirmer que ces négligences
s'inscrivaient dans un rapport de causalité avec les lésions subies
par la
victime. Estimant qu'une nouvelle expertise ne serait pas de nature à
élucider cette question, le Juge d'instruction a rejeté les requêtes
en
complément d'instruction formulées à cet égard par les plaignants et
le
Docteur X.________ et rendu un non-lieu s'agissant du chef
d'accusation de
lésions corporelles graves par négligence. Il a enfin clos l'enquête
instruite contre les prévenus pour contravention aux art. 23 et 28
OTR parce
que cette infraction était prescrite.
Statuant par arrêt du 14 janvier 2002, la Chambre pénale du Tribunal
cantonal
du canton de Fribourg (ci-après: la Chambre pénale ou la cour
cantonale) a
rejeté le recours déposé contre cette ordonnance par les plaignants.
Elle a
constaté qu'aucun élément ne permettait d'établir que le Centre de
premiers
secours sanitaires de la Glâne aurait été alerté avant l'heure de
15h11
indiquée sur la fiche d'intervention. La Chambre pénale a également
écarté
les reproches formulés à propos de l'intervention de Z.________. Elle
a enfin
considéré que l'impossibilité totale de déterminer le moment auquel
était
survenu l'arrêt cardiaque dont A.________ avait été la victime ne
permettait
pas de fonder un rapport de causalité naturelle entre une prétendue
faute
commise par les brancardiers lors du transport du blessé jusqu'à
l'ambulance
ou l'absence d'un monitoring cardiaque durant le trajet à l'hôpital de
Billens et les lésions subies par l'enfant.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst., A.________, B.________, C.________ et D.________ demandent au
Tribunal
fédéral d'annuler cet arrêt. Ils se plaignent à divers titres d'une
constatation arbitraire des faits et requièrent l'assistance
judiciaire.
La Chambre pénale et le Président du Tribunal de la Glâne ont renoncé
à
déposer des observations. Le Ministère public du canton de Fribourg,
X.________, Y.________ et Z.________ concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 13 consid.
1a p.
16, 46 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités).

1.1 Seul le recours de droit public est ouvert pour se plaindre d'une
appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui
en
découlent, à l'exclusion du pourvoi en nullité auprès de la Cour de
cassation
pénale du Tribunal fédéral (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83).

1.2 Selon une jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par
une
infraction n'a en principe pas la qualité, au sens de l'art. 88 OJ,
pour
former un recours de droit public contre une décision de classement
de la
procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est
pas lésé
dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de
ne pas
poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97
consid.
1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255); un tel intérêt est cependant
reconnu
à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique,
et à ses proches selon les art. 2 al. 1 et 2 et 8 al. 1 let. c de la
loi
fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI). Le Tribunal
fédéral
examine librement si une personne est une victime au sens de cette
disposition ou une personne assimilée à celle-ci (ATF 120 Ia 157
consid. 2d
p. 162 et les arrêts cités).
En l'occurrence, A.________ est directement touché dans son intégrité
physique par les infractions dénoncées, indépendamment de leur
réalité, de
sorte qu'il a la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI.
Il a
participé à la procédure cantonale comme partie civile et le non-lieu
prononcé par le Juge d'instruction et confirmé sur recours par la
Chambre
pénale est de nature à influencer le jugement de ses prétentions
civiles. Les
conditions posées par l'art. 8 al. 1 let. c LAVI sont donc réalisées
en ce
qui le concerne. Il en va de même de ses parents, en vertu de l'art.
2 al. 2
LAVI, et de sa soeur, qui est assimilée à des proches de la victime
directe
de l'infraction (Message concernant la loi fédérale sur l'aide aux
victimes
d'infractions [LAVI] et l'arrêté fédéral portant approbation de la
Convention
européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions
violentes, FF
1990 II p. 925).

1.3 Formé au surplus en temps utile contre une décision finale rendue
en
dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art.
86 al.
1 et 89 al. 1 OJ.

2.
Les recourants se plaignent à divers titres d'une constatation
arbitraire des
faits déterminants pour apprécier la responsabilité des intimés dans
les
lésions cérébrales subies par A.________.

2.1 Saisi d'un recours de droit public mettant en cause
l'appréciation des
preuves, le Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a
outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p.
211; 120 Ia
31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les arrêts
cités). Une
constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la
version
retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé ou du
plaignant;
encore faut-il que l'appréciation des preuves soit manifestement
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
qu'elle
ait été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit
certain, ou
encore qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la justice
et de
l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30).
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une
expertise,
le juge n'est en principe pas lié par ce dernier. Mais s'il entend
s'en
écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs
déterminants,
substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser
dans
l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas les
conclusions de
l'expert n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien
établies
viennent en ébranler sérieusement la crédibilité (ATF 122 V 157
consid. 1c p.
160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et
les arrêts
cités). Tel est notamment le cas lorsque l'expertise contient des
contradictions et qu'une détermination ultérieure de son auteur vient
la
contredire sur des points importants,
ou lorsqu'elle se fonde sur des
pièces
et des témoignages dont le juge apprécie autrement la valeur probante
ou la
portée (ATF 101 IV 129 consid. 3a in fine p. 130). Si, en revanche,
les
conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des
points
essentiels, celui-ci doit recueillir des preuves complémentaires pour
tenter
de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non
concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des
preuves et
violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146).
Dans le cadre d'un recours de droit public pour arbitraire contre une
décision prise en dernière instance cantonale par une autorité qui
statuait
elle-même sous cet angle restreint, le Tribunal fédéral vérifie si
c'est à
tort ou à raison que cette autorité a nié l'arbitraire du jugement de
première instance et, de ce fait, enfreint l'interdiction du déni de
justice
matériel, question qu'il lui appartient d'élucider à la seule lumière
des
griefs soulevés dans l'acte de recours (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc
et 1b p.
495; 111 Ia 353 consid. 1b in fine p. 355).

2.2 Les recourants reprochent au Juge d'instruction d'avoir
arbitrairement
admis que l'alerte avait été donnée à 15h11, alors qu'il s'agirait de
l'heure
à laquelle Z.________ aurait confirmé la nécessité d'envoyer une
ambulance;
plusieurs indices permettraient d'admettre que l'alarme a en réalité
été
donnée à 15h05, heure à laquelle Y.________ aurait téléphoné au
médecin de
garde.
Lors de son audition du 27 août 1998 devant le Juge d'instruction, le
Docteur
X.________ a effectivement déclaré avoir été interrompu à 15h05 par sa
secrétaire qui venait de recevoir un appel du service de l'ambulance,
précisant avoir indiqué l'heure de l'appel sur son dossier médical.
Il a
toutefois ajouté qu'il était possible qu'il ait mentionné l'heure de
l'appel
dans le dossier médical à la réception du fax de la fiche
d'intervention
d'Y.________, qui indiquait l'heure de l'accident à 15h05. La Chambre
pénale
a dès lors considéré que ces déclarations ne permettaient pas
d'établir que
l'alerte aurait été donnée avant l'heure indiquée sur la fiche
d'intervention
du service ambulancier. Ces considérations échappent au grief
d'arbitraire;
les déclarations du Docteur X.________ ont été recueillies plusieurs
mois
après les faits et ne suffisent pas à elles seules pour admettre avec
certitude que l'heure indiquée sur le dossier médical était
effectivement
celle de l'alarme et non celle de l'accident que l'intimé aurait
notée après
avoir reçu copie de la fiche d'intervention. Elles devaient au
contraire être
mises en relation avec les autres déclarations non contestées de
X.________,
suivant lesquelles il a mis moins de cinq minutes pour se rendre sur
les
lieux de l'accident, distants de quelque 600 mètres de son cabinet.
S'il
avait effectivement reçu l'alarme à 15h05, comme l'affirment les
recourants,
l'intimé aurait été présent sur place avant Z.________, ce qui ne
correspond
pas au déroulement des faits. Enfin, selon les affirmations également
incontestées de la concierge, K.________, celle-ci aurait été avertie
de
l'accident par des enfants entre 15h05 et 15h10; elle se serait alors
immédiatement rendue auprès du blessé avec L.________, avant
d'enjoindre à
cette dernière de téléphoner à l'ambulance. Sur la foi de ce
témoignage, il
était également admissible de retenir que l'heure de l'alarme se
situait
après 15h05 et que celle indiquée sur la fiche d'intervention
correspondait à
la réalité.

2.3 Les recourants maintiennent les critiques formulées à l'appui de
leur
recours cantonal quant à l'inadéquation de l'intervention de
Z.________ et à
l'omission de recourir aux services de la Garde aérienne suisse de
sauvetage.
Le renvoi à l'argumentation développée sur ce point dans le mémoire de
recours cantonal n'est pas admissible dans le cadre d'un recours de
droit
public; il appartenait au contraire aux recourants de démontrer dans
l'acte
de recours lui-même en quoi l'arrêt attaqué, confirmant le non-lieu
du Juge
d'instruction sur ce point, serait insoutenable. Le recours ne répond
donc
pas sur ce point aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let.
b OJ et
est irrecevable (ATF 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid.
2b p.
318). Au demeurant, l'ordonnance de non-lieu résiste au grief
d'arbitraire
sur ce point. Comme le relève à juste titre la Chambre pénale,
l'expert a
estimé que Z.________ avait agi de manière appropriée en recherchant
la
source de l'hémorragie, puis en surélevant les membres inférieurs de
la
victime, avant de découper le pantalon de l'enfant à l'aide d'un
sécateur. En
l'absence d'éléments de fait dont l'expert n'aurait pas eu
connaissance ou
dont il aurait arbitrairement fait abstraction, le Juge
d'instruction, puis
la Chambre pénale n'avaient aucune raison de s'écarter de
l'appréciation du
Docteur T.________ à cet égard.

2.4 Les recourants remettent en cause le bien-fondé de l'expertise en
tant
qu'elle reposerait sur une constatation erronée de l'heure de
l'accident et
qu'elle émanerait d'une personne faisant partie de l'Interassociation
de
sauvetage; ils reprochent au Juge d'instruction d'avoir refusé de
procéder à
une nouvelle expertise sur les conditions de l'intervention du 12
février
1997 ou d'interroger le médecin chef de la Garde aérienne suisse de
sauvetage.
Le Docteur T.________ s'est basé sur la fiche d'intervention établie
par le
Centre de premiers secours sanitaires de la Glâne pour établir le
déroulement
des faits et admettre l'adéquation de l'intervention des divers
protagonistes. En l'absence de directives du Juge d'instruction sur
ce point,
on ne saurait reprocher à l'expert de s'être fondé sur ce document
plutôt que
sur les arguments des recourants; ces derniers n'ont d'ailleurs pas
demandé à
l'expert de compléter son rapport en tenant compte d'un déroulement
des faits
compatible avec leur version des faits dans le délai imparti aux
parties pour
se déterminer sur le rapport d'expertise, à l'instar du Docteur
X.________
qui a déposé un questionnaire complémentaire à l'intention de
l'expert. De
même, ils n'ont jamais sollicité la récusation du Docteur T.________,
de
sorte qu'ils sont aujourd'hui déchus du droit de se plaindre de la
partialité
de ce praticien en raison de ses liens allégués avec
l'Interassociation de
sauvetage (ATF 126 I 203 consid. 1b p. 205/206; 126 III 249 consid.
3c p.
253/254 et les références citées; cf. s'agissant de la récusation d'un
expert, ATF 116 Ia 135 consid. 2d p. 138). Au demeurant, en tant que
spécialiste en anesthésiologie et médecin chef au Service mobile
d'urgence et
de réanimation de H.________, ce praticien disposait des connaissances
nécessaires pour se prononcer sur l'adéquation de l'intervention des
services
de premiers secours pratiquée le 12 février 1997. Les critiques
adressées sur
ce point à l'expert sont dénuées de fondement.
Enfin, le Docteur T.________ a considéré que les ambulanciers et le
médecin
de garde étaient intervenus dans un délai raisonnable, en accord avec
les
recommandations en vigueur, et qu'ils avaient administré à la victime
des
soins appropriés à leur niveau de formation; il a en outre tenu la
décision
prise par le Docteur X.________ d'amener immédiatement l'enfant à
l'hôpital
de Billens, sans poser de perfusion, pour adéquate, compte tenu de la
proximité de cet établissement, du froid, de l'exiguïté et du mauvais
éclairage du local dans lequel se trouvait le blessé et qui rendait
difficile
une telle opération. Il a donc implicitement admis qu'une
intervention de la
Garde aérienne suisse de sauvetage ne se justifiait pas. Dans ces
conditions,
le Juge d'instruction pouvait renoncer à donner suite à la demande des
recourants tendant à l'audition du responsable de cet organisme au
terme
d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves (ATF 125 I 127
consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208
consid. 4a p.
211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285).

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il
convient
de donner suite à la demande d'assistance judiciaire présentée par les
recourants et de statuer sans frais. Me Bruno Kaufmann sera désigné
comme
avocat d'office de ces derniers pour la présente procédure et une
indemnité
de 2'000 fr. lui sera allouée à titre d'honoraires (art. 152 al. 2
OJ).
L'octroi de l'assistance judiciaire ne dispense pas les recourants de
verser
une indemnité de 2'000 fr. à chacun des intimés qui obtiennent gain
de cause
avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 2 OJ). Il convient de
réserver la
prise en charge éventuelle des dépens par la Caisse du Tribunal
fédéral au
terme d'une décision distincte, au cas où ceux-ci ne pourraient pas
être
recouvrés (cf. art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Bruno Kaufmann est désigné en qualité de défenseur d'office des
recourants
et une indemnité de 2'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à
la
charge de la Caisse du Tribunal fédéral.

5.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à Y.________ et Z.________,
créanciers
solidaires, à titre de dépens, à la charge des recourants,
solidairement
entre eux.

6.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à X.________, à titre de
dépens, à la
charge des recourants, solidairement entre eux.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au Juge
d'instruction, au Ministère public et à la Chambre pénale du Tribunal
cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 3 juin 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.124/2002
Date de la décision : 03/06/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-03;1p.124.2002 ?
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