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24/05/2002 | SUISSE | N°1P.127/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 mai 2002, 1P.127/2002


{T 0/2}
1P.127/2002/dxc

Arrêt du 24 mai 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

X. ________ et Y.________, recourants, représentés par
Me Jacques Piller, avocat, rue de Romont 14, case postale 44, 1702
Fribourg,

contre

Commune de Z.________, intimée, représentée par
Me Alexandre Emery, avocat, boulevard de Pérolles 5,
case postale 177, 1701 Fribourg,

Commission d'expropriation du canton de Fribourg,
p.a. Me José Kaelin, Président, boulevard de Pérolles 12,
1700 Fribou...

{T 0/2}
1P.127/2002/dxc

Arrêt du 24 mai 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

X. ________ et Y.________, recourants, représentés par
Me Jacques Piller, avocat, rue de Romont 14, case postale 44, 1702
Fribourg,

contre

Commune de Z.________, intimée, représentée par
Me Alexandre Emery, avocat, boulevard de Pérolles 5,
case postale 177, 1701 Fribourg,
Commission d'expropriation du canton de Fribourg,
p.a. Me José Kaelin, Président, boulevard de Pérolles 12,
1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIème Cour
administrative,
route André-Piller 21, case postale,
1762 Givisiez.

art. 26 al. 1 Cst.; expropriation formelle

(recours de droit public contre les arrêts de la IIème Cour
administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg des 22 août 1997, 28
janvier
1999 et 25 janvier 2002)
Faits:

A.
La Commune de Z.________ a mis à l'enquête publique, du 25 juin au 24
juillet
1993, les plans d'exécution relatifs à l'aménagement d'un giratoire
au centre
de la localité et d'un trottoir le long de la route cantonale reliant
A.________ à B.________. La réalisation de ce dernier ouvrage
impliquait une
emprise estimée à 42 mètres carrés sur la parcelle n° 546 du registre
foncier
de la Commune de Z.________, dont les époux X.________ et Y.________
sont
copropriétaires et qui accueille un café-restaurant.
Les époux X.________ et Y.________ ont fait opposition à ce projet,
en tant
qu'il entraînait la suppression de quatre places de parc en enfilade,
situées
devant leur établissement, parallèlement à la chaussée; leur
opposition a été
rejetée par le Conseil communal de Z.________ le 1er février 1994,
puis par
le Préfet du district de la Sarine le 13 décembre 1994. Par décision
du même
jour, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a approuvé les plans
d'exécution et d'emprises relatifs aux ouvrages précités. Le Tribunal
administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal
administratif ou
la cour cantonale) a rejeté le recours interjeté contre la décision
préfectorale au terme d'un arrêt rendu le 7 novembre 1995.

B.
Par décision du 1er juin 1995, le Président de la Commission
d'expropriation
du canton de Fribourg a ordonné l'ouverture de la procédure
d'expropriation
requise par la Commune de Z.________, en la forme spéciale et
abrégée. Il a
autorisé l'expropriante à prendre possession de manière anticipée de
la
surface concernée de la parcelle n° 546, au terme d'une décision
prise le 20
juin 1995 et confirmée le 7 novembre 1995 par le Tribunal
administratif, sur
recours des expropriés.
Le 13 juillet 1995, les époux X.________ et Y.________ ont réclamé une
indemnité de 12'600 fr. pour la surface expropriée de leur parcelle,
soit 300
fr. le mètre carré, et de 118'200 fr. pour la perte financière
consécutive à
la suppression des quatre places de parc, calculée sur la base du
chiffre
d'affaires moyen réalisé sur les cinq dernières années. La Commune de
Z.________ a pour sa part offert une somme de 120 fr. le mètre carré,
la
surface à exproprier s'élevant finalement à 38 mètres carrés, après la
réalisation du trottoir.
Par décision du 16 octobre 1996, la Commission d'expropriation du
canton de
Fribourg a astreint la Commune de Z.________ à verser aux X.________
et
Y.________ les sommes de 7'600 fr. pour la surface expropriée et de
96'800
fr. [recte: 76'800 fr.] pour la perte financière liée à la
suppression des
quatre places de parc. En l'absence de transactions immobilières de
1992 à
1995, elle a fixé le prix du terrain à 200 fr. le mètre carré en se
fondant
sur la vente projetée d'une parcelle sise dans la zone de
centre-village de
Z.________. Elle a arrêté la valeur d'utilisation des places de parc
en
capitalisant le loyer versé dans les environs pour une telle
installation au
taux de 5 %. Statuant le 22 août 1997 sur un recours de la Commune de
Z.________, le Tribunal administratif a annulé cette décision et a
renvoyé la
cause à la Commission d'expropriation afin qu'elle examine
l'importance de la
réduction à opérer au titre de "Vorgarten" et les avantages éventuels
que la
création d'un trottoir et l'amélioration de la traversée de la
chaussée par
les piétons apporteraient aux expropriés, d'une part, et qu'elle
procède à un
nouveau calcul de la valeur de rendement des deux places de parc à
indemniser, les deux autres étant jugées illégales, en tenant compte
du prix
de location pratiqué dans la région pour ce type d'ouvrage et des
défauts
affectant les places de parc supprimées, d'autre part. Il a mis les
frais et
les dépens de la procédure de recours à la charge des époux
X.________ et
Y.________.
Le 16 mars 1998, la Commission d'expropriation a rendu une nouvelle
décision
au terme de laquelle elle fixait l'indemnité due aux expropriés par la
Commune de Z.________ à 6'460 fr. pour la surface expropriée et à
38'400 fr.
pour la perte des deux places de parc. Elle a admis une réduction pour
"Vorgarten" de 15 % de la valeur vénale du terrain. Elle a considéré
que le
trottoir et le passage pour piétons nouvellement créés n'apportaient
aucun
avantage particulier aux expropriés et a refusé toute réduction de
l'indemnité à ce titre. Elle a tenu compte d'un prix de location
mensuel de
80 fr. pour les deux places de parc, capitalisé au taux de 5 %.
Statuant le
28 janvier 1999 sur recours de la Commune de Z.________, le Tribunal
administratif a annulé cette décision et renvoyé la cause à la
Commission
d'expropriation pour qu'elle impute l'avantage procuré aux expropriés
par la
création d'un trottoir devant leur restaurant, qu'elle procède aux
investigations visant à connaître le prix de location de places de
stationnement comparables dans la région, qu'elle détermine le taux de
capitalisation applicable pour calculer la valeur de rendement des
places de
parc et qu'elle fixe l'indemnité due pour la perte de places de parc
en
tenant compte des défauts qui les affectent et de manière à éviter
une double
indemnisation. Il a mis les frais et les dépens de la procédure de
recours à
la charge des expropriés.
La Commission d'expropriation a rendu une nouvelle décision le 20
juin 2000,
arrêtant l'indemnité due aux époux X.________ et Y.________ à 3'800
fr. pour
la surface expropriée et à 9'420 fr. pour les deux places de parc
perdues.
Elle a diminué de 70 fr. le prix du terrain au mètre carré en raison
des
avantages retirés par les expropriés de la réalisation d'un trottoir
devant
leur établissement, en sus de la réduction de 15 % pour le
"Vorgarten". Après
instruction, elle a estimé à 40 fr. le loyer mensuel d'une place de
parc en
zone de centre-village, à Z.________, et réduit ce montant de 5 fr.
pour
tenir compte des défauts affectant les places de parc à indemniser.
Elle a
capitalisé ensuite le montant obtenu au taux de 7 % pour fixer la
valeur de
rendement des places de parc, en se référant au taux appliqué dans le
cadre
d'une décision prise le 21 décembre 1994 concernant la Commune de
Cheyres et
confirmée sur recours par le Tribunal administratif dans un arrêt du 7
novembre 1995. Elle a enfin retranché la valeur du terrain de
l'indemnité
pour perte de places de parc afin d'éviter une double indemnisation.
Par arrêt du 25 janvier 2002, le Tribunal administratif a très
partiellement
admis le recours formé par les époux X.________ et Y.________ contre
cette
décision qu'elle a modifiée en ce sens que l'indemnité due aux
expropriés par
la Commune de Z.________ se chiffre à 3'800 fr. pour la surface
expropriée et
à 11'285 fr. pour les places de parc perdues. Il a déclaré
irrecevables les
griefs concernant le nombre de places de parc à exproprier, le
principe de
l'imputation de l'avantage constitué par la création d'un trottoir
devant le
restaurant, le principe de la réduction du prix théorique des places
de parc
supprimées en raison des défauts qui les affectaient et l'obligation
d'éviter
toute double indemnisation en fixant l'indemnité pour la suppression
des
places de parc, au motif qu'ils avaient été traités définitivement
dans ses
arrêts du 22 août 1997 et du 28 janvier 1999. Il a estimé que la
Commission
d'expropriation était restée dans les limites de son pouvoir
d'appréciation
en retenant un montant de 70 fr. par mètre carré exproprié au titre
d'avantage particulier retiré par les expropriés de la création d'un
trottoir
et en calculant la valeur de rendement des places de parc sur un loyer
théorique mensuel de 35 fr. Il a en revanche considéré que le taux de
capitalisation retenu pour calculer la valeur de rendement des places
de parc
s'écartait sans raison des données d'expérience et a arrêté celui-ci
à 6,0584
%. Enfin, il a admis que la Commission d'expropriation n'avait pas
violé la
loi en déclarant irrecevable la requête des expropriés visant à
obtenir le
remboursement des frais et dépens mis à leur charge à l'issue des deux
procédures de recours.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des
art. 8, 9,
26 et 29 al. 1 Cst., X.________ et Y.________ demandent au Tribunal
fédéral
d'annuler les arrêts rendus par le Tribunal administratif les 22 août
1997,
28 janvier 1999 et 25 janvier 2002 et de renvoyer la cause à cette
autorité
pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils reprochent
à la
cour cantonale d'avoir commis un déni de justice formel en refusant
d'entrer
en matière sur les griefs qu'elle a déclarés irrecevables. Ils
prétendent que
la somme qui leur a finalement été allouée violerait leur droit à une
pleine
et entière indemnité et dénoncent une inégalité de traitement par
rapport à
d'autres propriétaires expropriés, qui ont obtenu des indemnités de
respectivement 170 fr. et 178 fr. le mètre carré. Ils tiennent enfin
les
arrêts attaqués pour arbitraires en tant qu'ils mettent à leur charge
les
frais et dépens des procédures de recours.
Le Tribunal administratif conclut à l'irrecevabilité du recours. La
Commune
de Z.________ propose de déclarer le recours irrecevable,
subsidiairement de
le rejeter dans la mesure où il est recevable. La Commission
d'expropriation
n'a pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 13 consid.
1a p.
16, 46 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités).

1.1 Seule est ouverte la voie du recours de droit public contre les
décisions
en matière d'expropriation formelle prises, comme en l'espèce, en
application
du droit public cantonal (ATF 109 Ib 257 consid. 1 p. 261; ZBl
98/1997 p. 175
consid. 2b p. 176), contrairement aux décisions sur des indemnisations
résultant de restrictions apportées au droit de propriété au sens de
l'art. 5
LAT, qui peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif
(art. 34
LAT).

1.2 L'intimée est d'avis que le recours serait irrecevable en tant
qu'il est
dirigé contre les arrêts rendus par le Tribunal administratif les 22
août
1997 et 28 janvier 1999, s'agissant de décisions partielles finales
qui
auraient dû être attaquées immédiatement.
Selon l'art. 87 OJ, le recours de droit public est recevable contre
les
décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les
demandes
de récusation, prises séparément; ces décisions ne peuvent être
attaquées
ultérieurement (al. 1); le recours de droit public est recevable
contre
d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément
s'il peut
en résulter un préjudice irréparable (al. 2); lorsque le recours de
droit
public n'est pas recevable en vertu de l'al. 2 ou qu'il n'a pas été
utilisé,
les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées
avec la
décision finale (al. 3).
Le prononcé par lequel une autorité cantonale de recours renvoie une
affaire
pour nouvelle décision à une autorité qui a statué en première
instance ou à
une autre autorité est en principe de nature incidente, alors même
qu'il
tranche définitivement certains points de droit (ATF 122 I 39 consid.
1a/aa
p. 41 et les arrêts cités). Une telle décision est tenue pour finale
lorsque
le renvoi a lieu uniquement en vue de son exécution par l'autorité
inférieure
sans que celle-ci dispose encore d'une liberté d'appréciation notable
(ATF
120 Ia 369 consid. 1b p. 372 et la jurisprudence citée).
En l'occurrence, s'ils confirment les décisions de la Commission
d'expropriation sur certains points qui sont ainsi tranchés de manière
définitive, les arrêts du Tribunal administratif rendus les 22 août
1997 et
28 janvier 1999 laissent un large pouvoir d'appréciation à l'autorité
inférieure sur les questions non résolues. Ils doivent ainsi être
assimilés à
des décisions partielles. Ce n'est qu'en matière de recours de droit
administratif que de telles décisions sont considérées comme finales.
S'agissant du recours de droit public, la jurisprudence assimile les
sentences partielles à des décisions incidentes (ATF 127 I 92 consid.
1b p.
93; 123 I 325 consid. 3b p. 327; 116 Ia 198 consid. 1b; 116 II 80
consid. 2b
p. 82; 106 Ia 226 consid. 2 p. 228 et les arrêts cités), qui
n'entraînent pas
de dommage irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ, lorsque, comme
en
l'espèce, elles peuvent être attaquées
ultérieurement devant le
Tribunal
fédéral sur les points qu'elles tranchent définitivement en même
temps que la
décision finale (ATF 127 I 92 consid. 1c p. 94/95; 118 II 369 consid.
1 p.
371; 117 Ia 247 consid. 3 p. 249; 116 II 80 consid. 2c p. 83). Le
recours est
donc également recevable en tant qu'il est dirigé contre les arrêts
de renvoi
du Tribunal administratif des 22 août 1997 et 28 janvier 1999 (cf.
art. 87
al. 3 OJ).

1.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées dans le cas particulier,
le
recours de droit public revêt un caractère purement cassatoire (ATF
127 II 1
consid. 2c p. 5; 127 III 279 consid. 1b p. 282). Les conclusions qui
vont
au-delà de la simple annulation des décisions entreprises et qui
tendent à
l'allocation de divers montants à titre d'indemnités sont dès lors
irrecevables.

1.4 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le mémoire de recours doit
notamment, à
peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des principes juridiques qui auraient été violés,
précisant en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral
n'examine ainsi
que les griefs exposés de manière assez claire et détaillée pour
qu'il puisse
déterminer quel est le droit constitutionnel dont l'application est
en jeu et
dans quelle mesure celui-ci a été violé (ATF 127 I 38 consid. 3c p.
43). Ces
principes s'appliquent également au recours de droit public interjeté
contre
des décisions en matière d'expropriation formelle fondées sur le
droit public
cantonal (ATF 122 I 168 consid. 2b p. 173).
C'est à la lumière de cette jurisprudence qu'il y a lieu d'examiner
les
griefs des recourants.

2.
Ces derniers reprochent tout d'abord au Tribunal administratif
d'avoir commis
un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. en
déclarant
certains de leurs griefs irrecevables dans le cadre de l'arrêt rendu
le 25
janvier 2002 au motif qu'ils avaient déjà été traités de manière
définitive à
l'occasion des autres arrêts attaqués.
L'autorité à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa
nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt de renvoi.
Sa
cognition est ainsi limitée par les motifs de l'arrêt, en ce sens
qu'elle est
liée par les points qui ont déjà été tranchés définitivement par
l'autorité
de recours (cf. ATF 121 IV 109 consid. 7 p. 128; 117 IV 97 consid. 4a
p. 104)
et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant
elle (ATF
104 IV 276 consid. 3d p. 278). L'autorité de recours est aussi liée
par son
arrêt de renvoi; elle ne peut dès lors se fonder, à l'occasion d'un
nouveau
recours, sur des considérations qu'elle avait écartées ou dont elle
avait
fait abstraction dans sa précédente décision (cf. ATF 122 I 250
consid. 2 p.
251; 117 IV 97 consid. 4a p. 104; 116 II 220 consid. 4a p. 222; 112
Ia 353
consid. 3c/bb p. 354; 111 II 94 consid. 2 p. 95). Le Tribunal
administratif
n'a par conséquent pas commis de déni de justice en déclarant
irrecevables,
dans son arrêt du 25 janvier 2002, les griefs portant sur des points
qu'il
avait déjà tranchés définitivement dans le cadre de ses arrêts des 22
août
1997 et 28 janvier 1999 et en se référant au surplus à la motivation
développée à leur sujet dans ses précédents prononcés.

3.
Les recourants évoquent divers moyens en relation avec l'indemnité
qui leur a
été allouée qu'ils estiment trop basse et en contradiction avec les
principes
d'une indemnisation pleine et entière. Ils dénoncent à cet égard une
violation des art. 8 et 26 Cst., ainsi que de l'art. 12 de la
Constitution
fribourgeoise (RS 131.219), qui garantit l'inviolabilité de la
propriété,
tout en permettant de déroger à ce principe dans les cas d'utilité
publique
déterminés par la loi, moyennant l'acquittement préalable ou la
garantie
d'une juste et complète indemnité; ils ne prétendent cependant pas
que cette
disposition leur accorderait une protection plus étendue que celle
découlant
des art. 8 et 26 Cst., de sorte que leurs griefs doivent être
examinés au
regard du droit constitutionnel fédéral (ATF 112 Ia 124 consid. 3a p.
126).

3.1 Saisi d'un recours de droit public portant sur une indemnité
d'expropriation, le Tribunal fédéral jouit d'un pouvoir d'examen
libre si le
principe même de l'indemnisation est en jeu. Il en va de même lorsque
la
question litigieuse porte sur la constitutionnalité du droit cantonal
déterminant au regard de l'exigence d'une pleine indemnité contenue à
l'art.
26 al. 2 Cst. En revanche, son pouvoir d'examen est limité à
l'arbitraire si
le recourant critique simplement l'application du droit cantonal qui
régit le
mode de fixation de l'indemnité ou les méthodes d'estimation
utilisées et le
résultat de l'estimation (ATF 122 I 168 consid. 2c p. 173; 119 Ia 21
consid.
1a p. 25; 112 Ia 198 consid. 1b p. 201 et les arrêts cités).
En l'espèce, les recourants se plaignent exclusivement du montant
insuffisant
de l'indemnité qui leur a été allouée pour l'expropriation des places
de parc
situées devant leur établissement, eu égard notamment à l'indemnité
versée à
d'autres propriétaires. Ainsi formulé, les griefs tirés de la
violation des
art. 8 et 26 Cst. se confondent avec celui de l'arbitraire. Selon la
jurisprudence, une décision est arbitraire et, partant, contraire à
l'art. 9
Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement
une
norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou encore heurte de
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas
que sa
motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision
apparaisse
arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne
s'écarte de
la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en
contradiction
manifeste avec la situation effective adoptée sans motifs objectifs
et en
violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait
qu'une
autre solution paraît également concevable, voire même préférable
(ATF 127 I
54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5b p. 70)
3.2L'art. 23 al. 1 de la loi fribourgeoise du 23 février 1984 sur
l'expropriation (Lex) prévoit que l'indemnité doit couvrir tout
dommage
direct et certain subi par l'exproprié du chef de la suppression ou
de la
diminution de ses droits, soit la valeur vénale du droit exproprié
(let. a),
le montant de tout autre inconvénient subi par l'exproprié, en tant
qu'il
peut être considéré, dans le cours normal des choses, comme la
conséquence
nécessaire de l'expropriation (let. c).

3.3 Les recourants ne critiquent pas le prix de base de 200 fr. le
mètre
carré retenu comme valeur vénale du terrain exproprié. Ils nient en
revanche
retirer de la réalisation d'un trottoir devant leur établissement un
quelconque avantage particulier propre à justifier une réduction de
l'indemnité versée à ce titre, dès lors que cet ouvrage servirait à
l'ensemble de la collectivité. Ils prétendent qu'un chemin pour les
piétons
existait déjà avant le réaménagement du centre de la localité, même
s'il
n'avait pas toutes les caractéristiques d'un trottoir. Ils ne
contestent
cependant pas qu'avant la réalisation de cet ouvrage, les piétons
devaient
emprunter les quatre places de parc litigieuses ou, à défaut, la
plate-forme
attenante à la façade du restaurant pour rejoindre le centre de la
localité.
Dans ces circonstances, il n'est à tout le moins pas insoutenable
d'admettre
que le trottoir, même s'il profite à l'ensemble de la collectivité,
apporte
également un avantage particulier aux recourants qui n'ont plus à
tolérer le
passage de personnes devant leur établissement, sur leur propriété
privée
(cf. en ce sens, arrêt du Tribunal fédéral 2P.138/1997 du 23 février
1998
consid. 6b, paru à la RDAT 1998 II n° 29 p. 106). La moins-value
résultant de
la suppression des places de parc utilisées par les clients du
restaurant
n'annule pas cet avantage, mais fait l'objet d'une indemnisation
séparée en
vertu de l'art. 23 al. 1 let. c Lex. Pour le surplus, les recourants
se
bornent à affirmer que la réduction de 70 fr. le mètre carré opérée
pour
tenir compte de l'avantage particulier retiré de la réalisation d'un
trottoir
devant leur établissement violerait leur droit à une indemnité pleine
et
entière, sans chercher à établir en quoi ce montant serait excessif.
Le
recours revêt sur ce point un caractère appellatoire et ne satisfait
pas aux
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

3.4 Les recourants critiquent le montant de 130 fr. le mètre carré
finalement
retenu comme valeur vénale de la surface expropriée au regard des
indemnités
versées à ce titre à la Paroisse de Z.________ et à la Caisse de
pension du
personnel de la Fédération des Coopératives agricoles à Fribourg et le
Syndicat Agricole de Z.________. Ils dénoncent à cet égard une
violation de
leur droit à l'égalité de traitement garanti à l'art. 8 Cst.
Ce faisant, ils perdent de vue qu'une inégalité de traitement n'est
réalisée
que si elle est le fait d'une même autorité (ATF 104 III 93 consid.
2c/bb p.
98; 103 Ia 115 consid. 4c p. 119; 102 Ia 38 consid. 2c p. 42). Le
Tribunal
administratif n'était ainsi nullement lié par le prix au mètre carré
offert
par la Commune de Z.________ aux autres propriétaires expropriés dans
le
cadre d'un règlement à l'amiable. Une violation du droit à l'égalité
de
traitement suppose au demeurant que les circonstances de fait soient
identiques, ce qu'il appartenait aux recourants d'établir; tel qu'il
est
formulé, le grief ne répond pas aux exigences de motivation de l'art.
90 al.
1 let. b OJ, dès lors que les époux X.________ et Y.________ ne
démontrent
pas que les parcelles auxquelles ils se réfèrent présenteraient des
caractéristiques semblables à leur bien-fonds et que leurs
propriétaires
retireraient de la réalisation du trottoir le long de la route
cantonale un
avantage particulier équivalent au leur, de manière à justifier un
traitement
analogue; enfin, à supposer que les conditions de fait soient
identiques, les
recourants ne pourraient de toute manière rien en tirer en leur
faveur, dès
lors que le principe de la légalité prévaut sur celui de l'égalité de
traitement (cf. ATF 125 II 152 consid. 5 p. 166; 124 IV 44 consid. 2c
p. 47;
123 II 248 consid. 3c p. 254; 122 II 446 consid. 4a p. 451 et les
références
citées).

4.
Les recourants s'en prennent également à l'indemnité qui leur a été
allouée
pour la suppression des places de parc, qu'ils estiment insuffisante.
Selon
eux, le Tribunal administratif aurait refusé à tort toute
indemnisation pour
la perte des deux places de parc situées le plus proche du passage
pour
piétons, en raison de leur illégalité. Le prix de location mensuel
retenu
pour les deux autres places serait excessivement bas et ne
correspondrait pas
aux prix pratiqués à Z.________ dans la zone de centre-village. Quant
à la
réduction de 5 fr. effectuée pour tenir compte des défauts qui
affecteraient
les places de parc, elle ne reposerait sur aucun motif sérieux et
objectif.

4.1 La cour cantonale a refusé toute indemnité pour la suppression
des deux
places de parc situées le long de la ligne jaune précédant le passage
de
sécurité parce qu'elles contrevenaient à l'art. 77 al. 2 OSR. Elle
s'est
fondée à ce propos sur l'art. 29 Lex, qui exclut toute indemnité pour
les
prétentions résultant d'actes illicites ou abusifs ou d'actes
exécutés alors
que l'expropriation était prévisible et qu'ils étaient manifestement
de
nature à augmenter le dommage.
Les recourants ne contestent pas véritablement le caractère illicite
des
places de parc au regard de l'art. 77 al. 2 OSR, mais se bornent à
faire état
de l'avis divergent de l'Office fédéral de la police à ce propos;
faute d'une
motivation conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, il
n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office cette
question. Pour
le surplus, il importe peu que l'illicéité ne soit pas le fait des
recourants, mais de leurs prédécesseurs, voire qu'elle ait été tolérée
jusqu'ici par les autorités compétentes. Il n'était en effet nullement
insoutenable d'admettre pour autant qu'elle faisait obstacle à toute
indemnisation sur la base de l'art. 29 Lex, malgré la bonne foi des
expropriés.

4.2 La Commission d'expropriation a fixé à 40 fr. par mois le prix de
location d'une place de parc extérieure à Z.________, en tenant
compte des
prix usuels pratiqués dans la région pour ce type d'installation. Les
recourants ne contestent pas, ou du moins pas dans les formes
requises par
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, la méthode employée pour déterminer
l'indemnité
due pour la perte des places de parc, de sorte que le Tribunal
fédéral est
lié sur ce point; ils prétendent que les données recueillies ne
peuvent être
appliquées telles quelles étant donné qu'elles ne concernent pas des
places
de parc situées à proximité du centre de la localité, exception faite
de
celles que la Paroisse de Z.________ loue pour la somme de 40 fr.,
dont il
conviendrait de faire abstraction en raison du but non lucratif
poursuivi par
cette association; ils estiment dès lors équitable de prendre en
considération un loyer fictif de 80 fr. par mois. Il est douteux
qu'ainsi
formulé, le recours soit conforme aux exigences de motivation du
recours de
droit public. Quoi qu'il en soit, il ressort des indications fournies
par les
régies immobilières contactées par la Commission d'expropriation que

le prix
de location moyen pour une place de parc extérieure dans la région
varie
entre 25 et 45 fr. par mois, le prix de 80 fr. articulé par les
recourants
correspondant à une place de stationnement couverte ou à une place de
parc
intérieure; le prix de 40 fr. exigé par la Paroisse de Z.________
pour ses
places de parc extérieures, à proximité du centre de la localité,
entre dans
cette fourchette de prix et il n'y a aucune raison d'admettre qu'elle
pratiquerait un tarif inférieur aux prix du marché parce qu'elle
poursuivrait
un but non lucratif, comme l'affirment les recourants; compte tenu de
ces
éléments, on ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait fait preuve
d'arbitraire en tenant compte d'un prix de location mensuel de 40 fr.
dans le
calcul de la valeur de rendement des places de parc litigieuses.

4.3 Les recourants ne contestent pas que la situation des places de
parc
directement au bord de la route cantonale et l'exposition des
véhicules qui y
stationnent aux projections venant de la chaussée constitueraient des
défauts
propres à justifier une réduction du montant du loyer théorique
retenu; ils
prétendent qu'une telle réduction n'aurait pas été justifiée si ce
dernier
avait été établi selon le chiffre d'affaires moyen de leur
établissement,
comme ils l'avaient proposé, et non sur la base d'une comparaison
avec des
loyers perçus pour des places de parc privées. Toutefois, dans la
mesure où
ils n'ont pas formellement remis en cause la méthode choisie pour
déterminer
la valeur de rendement des places de parc supprimées, ils ne sauraient
contester pour ce motif la réduction opérée pour les défauts
affectant les
places de parc. Du reste, le fait que ces dernières ne sont pas
occupées en
permanence, mais occasionnellement par les clients du restaurant
durant les
heures d'ouverture n'est pas de nature à influencer l'ampleur de la
réduction
consentie à ce titre. La Commission d'expropriation a d'ailleurs tenu
compte
d'une diminution minime de 5 fr., qui échappe au grief d'arbitraire.
Pour le
surplus, les expropriés ne critiquent pas le taux de capitalisation
retenu,
qui correspond d'ailleurs à celui qu'ils avaient proposé d'appliquer
dans le
cadre de leur recours auprès du Tribunal administratif.

4.4 Les recourants s'en prennent également à la réduction opérée pour
éviter
une double indemnisation des places de parc. Ils se bornent sur ce
point à
prétendre que le Tribunal administratif aurait mélangé deux postes du
dommage
distincts et abouti ainsi à une indemnisation qui n'est pas pleine et
entière. Ils ne cherchent pas à démontrer en quoi il serait arbitraire
d'admettre que l'indemnisation en fonction de la valeur du mètre carré
comporte également l'indemnisation de la perte d'utilisation du
bien-fonds ou
de la surface concernés et de déduire la valeur vénale des places de
parc de
leur valeur de rendement. Le recours ne répond pas sur ce point aux
réquisits
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

5.
Les recourants reprochent enfin au Tribunal administratif d'avoir mis
à leur
charge les frais et dépens des procédures de recours.
L'interprétation de
l'art. 119 al. 2 Lex faite par la cour cantonale serait en
contradiction avec
la solution fédérale dont s'inspire cette disposition. Ce grief est
également
recevable, s'agissant des arrêts rendus les 27 août 1997 et 28
janvier 1999,
la décision sur les frais étant indissociable de la décision au fond
(ATF 122
I 39 consid. 1a/aa p. 41/42; arrêt 1P.598/2000 du 28 mars 2001, paru
à la
RDAT 2001 II n° 65 p. 261).
En matière de frais et dépens, la loi cantonale sur l'expropriation
contient
des règles spéciales qui dérogent aux dispositions générales du Code
de
procédure et de juridiction administrative. Alors qu'en première
instance,
l'art. 118 al. 1 Lex met en principe les frais et dépens à la charge
de
l'expropriant, l'art. 119 al. 2 Lex déclare applicables les règles de
l'art.
111 du Code de procédure civile fribourgeois pour la répartition des
frais et
dépens de l'instance de recours. Cette disposition prévoit que les
dépens
sont en règle générale mis à la charge de la partie qui succombe, le
juge
pouvant les répartir proportionnellement ou les laisser à la charge
de chaque
partie lorsqu'aucune d'entre elles n'a entièrement gain de cause ou
pour des
motifs d'équité clairement établis.
Au regard du texte clair de la loi, il n'était nullement arbitraire
d'appliquer les règles de répartition usuelles des procès civils et
de mettre
à la charge des recourants les frais de la procédure de recours
devant le
Tribunal administratif, même si le recours était initié par
l'expropriante.
La cour cantonale pouvait également de manière soutenable admettre que
l'équité ne commandait pas une solution différente, au regard de
l'écart
existant entre les prétentions des expropriés et l'indemnité qui leur
a
finalement été allouée.

6.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais des recourants qui succombent (art. 156 al. 1
OJ); ces
derniers verseront en outre une indemnité de dépens à la Commune de
Z.________, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat
(art. 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la Commune de Z.________ à
titre de
dépens, à la charge des recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
ainsi
qu'à la Commission d'expropriation et au Tribunal administratif du
canton de
Fribourg.

Lausanne, le 24 mai 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.127/2002
Date de la décision : 24/05/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-24;1p.127.2002 ?
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