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23/05/2002 | SUISSE | N°6S.155/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 mai 2002, 6S.155/2002


{T 0/2}
6S.155/2002 /rod

Séance du 23 mai 2002
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schubarth, président,
Schneider, Wiprächtiger, Kolly et Karlen,
greffière Paquier-Boinay.

B. X.________,
C.X.________,
D.X.________,
recourants,
tous les trois représentés par Me Philippe Zimmermann, avocat, avenue
de la
Gare 18, case postale 992, 1951 Sion,

contre

Juge d'instruction du Valais central, Palais de Justice,
1950 Sion 2,

refus de donner suite (art. 117 CP)
r> pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Valais,
Chambre
pénale, du 11 mars 2002

Faits:

A.
A. ...

{T 0/2}
6S.155/2002 /rod

Séance du 23 mai 2002
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schubarth, président,
Schneider, Wiprächtiger, Kolly et Karlen,
greffière Paquier-Boinay.

B. X.________,
C.X.________,
D.X.________,
recourants,
tous les trois représentés par Me Philippe Zimmermann, avocat, avenue
de la
Gare 18, case postale 992, 1951 Sion,

contre

Juge d'instruction du Valais central, Palais de Justice,
1950 Sion 2,

refus de donner suite (art. 117 CP)

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Valais,
Chambre
pénale, du 11 mars 2002

Faits:

A.
A. X.________, ressortissant nigérian né en 1973, a résidé en Suisse
depuis
mai 1999 en tant que requérant d'asile. Un ordre de renvoi exécutoire
ayant
été rendu par l'Office fédéral des réfugiés, il a été détenu dès le 7
août
2000 au centre LMC de Granges/Sierre en vue de son refoulement; le
délai
légal de détention venait à échéance le 7 mai 2001.

Après qu'un départ de Suisse prévu pour le 13 mars 2001 n'ait pu être
exécuté, en raison du refus de A.X.________ d'entrer dans l'avion, un
renvoi
forcé sous escorte a été organisé et fixé au 1er mai 2001. Le jour en
question, vers 1 h 45, deux membres de la section intervention de la
police
cantonale valaisanne se sont présentés au centre LMC, où ils ont
appris que
A.X.________ n'avait pas été averti de son transfert. Lorsqu'ils
l'ont prié
de se lever et de se préparer à partir, A.X.________ n'a pas
obtempéré, de
sorte que les agents ont décidé de le sortir de son lit. Ils se sont
heurtés
à une très vive résistance, A.X.________ s'agrippant avec pieds et
mains au
montant en béton de son lit, griffant et mordant les agents, auxquels
il
décochait également des coups de pied et de poing. Après être parvenu
à le
mettre à plat ventre sur le sol, l'un des agents s'est efforcé de le
maintenir à terre, épaules contre le sol, en faisant usage d'une
partie du
poids de son corps, de manière à pouvoir lui ramener les mains
derrière le
dos et lui passer des menottes. A la suite de cette man¿uvre,
A.X.________
n'opposa plus de résistance. Malgré les efforts des agents puis des
ambulanciers et du médecin appelés immédiatement, il n'a pas été
possible de
réanimer A.X.________, dont le décès a été constaté vers 3 h par le
médecin.
Les spécialistes de l'Institut universitaire de médecine légale de
Lausanne
qui ont procédé à une autopsie ainsi qu'à divers examens sont
parvenus à la
conclusion que le décès pouvait être attribué à une asphyxie
consécutive à la
position de contention sur le ventre avec les bras fixés au dos et la
mise de
poids sur le thorax, le fait que la victime ait fourni un effort
physique
important et ait été soumise à un stress pouvant jouer un rôle dans
l'enchaînement fatal.

B.
Le 8 mai 2001, un avocat a informé le juge d'instruction que la
famille de
A.X.________ déposait plainte contre les agents ou d'autres personnes
et se
portait partie civile.

C.
Au terme de l'enquête préliminaire, le juge d'instruction a, par
prononcé du
27 septembre 2001, décidé de ne pas entreprendre de poursuite pénale
envers
les agents à la suite du décès de A.X.________ faute de réalisation
des
éléments constitutifs de l'art. 117 CP.

D.
Statuant le 11 mars 2002 sur la plainte déposée par les "hoirs de
A.X.________, savoir ses frères et s¿urs au Nigéria", contre la
décision du
juge d'instruction, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan
constate
que seul un des frères de la victime, savoir D.X.________, était
valablement
représenté dans la cause et rejette la plainte dans la mesure de sa
recevabilité. La cour cantonale considère qu'aucune violation des
règles de
prudence et du principe de la proportionnalité ne peut être imputée à
faute
aux agents.

E.
B. et C.X.________, les parents de la victime, ainsi que son frère,
D.X.________, se pourvoient en nullité contre cet arrêt. Soutenant que
l'arrêt attaqué viole l'art. 117 CP, les recourants concluent, avec
suite de
frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à
l'autorité cantonale.

Ils ont également formé un recours de droit public contre cet arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 126 IV 107 consid. 1 p. 109; 126 I 81
consid. 1 p.
83 et les arrêts cités). La question de savoir si les recourants sont
des
victimes au sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux
victimes
d'infractions (LAVI; RS 312.5) et peuvent ainsi se prévaloir de
l'art. 8 al.
1 let. c LAVI influe sur la recevabilité du pourvoi en nullité ainsi
que sur
le cercle des griefs recevables dans le recours de droit public. Il se
justifie donc de déroger à l'art. 275 al. 5 PPF et d'examiner le
pourvoi en
premier lieu.

2.
Conformément à l'art. 270 let. e PPF, en vigueur depuis le 1er
janvier 2001,
la victime peut se pourvoir en nullité à certaines conditions. Cette
faculté
est cependant réservée à la victime telle qu'elle est définie par
l'art. 2
al. 1 LAVI, savoir la personne qui a subi, du fait d'une infraction,
une
atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique
(ATF 127
IV 236 consid. 2b/bb) ou encore à ses proches, en application de
l'art. 2 al.
2 let. b LAVI.

2.1 En l'espèce, les actes dénoncés par les recourants ont induit la
mort de
A.X.________ de sorte que celui-ci doit être considéré comme victime
au sens
de l'art. 2 al. 1 LAVI. L'arrêt attaqué admet toutefois que les
parents de la
victime n'étaient pas parties à la procédure de plainte, de sorte que
seul
était valablement représenté en cause devant l'autorité cantonale le
frère de
la victime, frère dont les juges cantonaux nient par ailleurs la
qualité pour
déposer plainte au sens des art. 46 ch. 4 et 48 ch. 1 al. 4 CPP/VS.
On peut donc se demander si les recourants étaient parties à la
procédure
cantonale, comme l'exige l'art. 270 let. e ch. 1 PPF. Cette question
peut
toutefois demeurer ouverte car le pourvoi est de toute manière
irrecevable à
un autre titre.

2.2 En effet, les actes que les recourants imputent aux agents de la
police
valaisanne ont été commis par ceux-ci dans l'exercice de leurs
fonctions;
l'arrêt attaqué relève que dans de telles circonstances l'agent n'est
pas
tenu personnellement envers le lésé de réparer le dommage, le droit
cantonal
instituant une responsabilité primaire et exclusive de la
collectivité.

Or, conformément à la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art.
270 PPF
et confirmée sous l'empire du nouvel art. 270 let. e ch. 1 PPF,
lorsque la
réglementation cantonale prévoit que le canton répond seul du dommage
causé
par ses fonctionnaires dans l'exercice de leur fonction la victime
n'a qu'une
créance fondée sur le droit public cantonal et ne peut pas présenter
de
prétentions civiles découlant du droit privé contre le fonctionnaire
réputé
fautif et, dans ces conditions, n'a pas qualité pour former un
pourvoi en
nullité. En d'autres termes, lorsque, comme en l'espèce, la
réglementation
topique institue une responsabilité primaire de la personne morale de
droit
public pour le préjudice causé aux tiers par ses agents, la victime
d'une
infraction reprochée à l'agent est dépourvue de toute action directe
contre
ce dernier, de sorte que, faute de prétentions civiles, elle ne
remplit pas
les exigences posées par l'art. 270 let. e ch. 1 PPF (ATF 127 IV 189
consid.
2b; 125 IV 161 consid. 2 et 3 et les références citées).

2.3 Les recourants contestent cette jurisprudence dont ils estiment
qu'elle
enlève toute portée à l'art. 8 LAVI.

Cette opinion ne saurait être suivie. Le texte de l'art. 270 let. e
PPF
soumet la qualité pour recourir à la condition que la sentence touche
les
prétentions civiles de la victime ou puisse avoir des incidences sur
le
jugement de celles-ci. La notion de prétention civile a été examinée
dans
l'ATF 125 IV 161 consid. 2b, auquel il y a lieu de renvoyer. Une
interprétation différente ne pourrait reposer que sur la notion de
constatation civile au sens large, telle qu'elle s'entendait dans le
cadre de
l'ancien art. 42 OJ, abrogé par la modification de l'OJ entrée en
vigueur le
1er janvier 2001. Or, en l'absence de tout élément donnant à penser
qu'il
aurait, dans le contexte de la LAVI, conçu la notion de prétentions
civiles
dans une acception large qui comprenne les créances fondées sur le
droit
public, il n'y a aucune raison de considérer que le législateur ait
voulu
introduire dans une nouvelle loi la notion exceptionnelle et surannée
de
prétention civile telle qu'elle a été interprétée dans le contexte de
la
théorie du fisc (voir à ce propos Poudret, Commentaire de la loi
fédérale
d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, Titre II, n. 2.1.1,
p. 25, et
2.2, p. 27, ainsi que n. 2.1 ad art. 42, p. 80 s.).

Conforme au texte de la loi, cette interprétation en respecte
également
l'esprit. En effet, le but poursuivi par le législateur lorsqu'il a
adopté
cette réglementation était de permettre à la victime de faire valoir
efficacement ses prétentions en dommages-intérêts et en réparation du
tort
moral (voir message du Conseil fédéral, FF 1990 II 933), dans le
cadre d'une
procédure simple et aussi rapide que possible qui ne l'oblige pas à
prendre
de trop grands risques financiers (FF 1990 II 934), sachant que le
renvoi
devant la juridiction civile équivaut dans de nombreux cas à un rejet
de fait
des conclusions civiles car la victime renonce souvent à introduire
action eu
égard notamment aux faibles chances qu'elle a de recouvrer ses
créances (FF
1990 II 936). Cette protection que le législateur a voulu accorder à
la
victime perd une grande partie de son importance lorsque l'action est
dirigée
contre l'Etat qui répond des actes de ses agents puisque le
recouvrement
devrait de toute manière s'avérer plus aisé dans ce contexte, l'Etat
étant un
débiteur plus solvable et habituellement plus compréhensif (voir à ce
propos
Grisel, Traité de droit administratif, vol. II, Neuchâtel 1984, p.
786) que
la plupart des auteurs d'actes à raison desquels la victime bénéficie
de la
position privilégiée instituée par la LAVI. Il ne se justifie pas que
la
victime d'une infraction qui dispose d'une action envers l'Etat
cumule le
privilège procédural que lui offre la LAVI avec l'avantage matériel de
disposer d'une action envers l'Etat plutôt qu'envers un simple
particulier
dont la solvabilité n'est souvent pas garantie. Dès lors, c'est en
vain que
les recourants soutiennent que la jurisprudence enlève toute portée à
l'art.
8 LAVI en déniant la qualité pour se pourvoir en nullité à la victime
lorsque
c'est une personne morale de droit public qui répond du dommage.
Ainsi qu'on
vient de le voir, une telle situation est suffisamment spécifique pour
justifier un traitement particulier. La jurisprudence doit donc être
confirmée et le pourvoi déclaré irrecevable.

3.
Vu l'issue de la procédure, les frais de la cause doivent être mis à
la
charge des recourants (art. 278 al. 1 PPF), qui les supporteront
solidairement entre eux et à parts égales (art. 156 al. 7 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux et à parts égales.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Juge d'instruction du Valais central et à la Chambre pénale du
Tribunal
cantonal du Valais.

Lausanne, le 23 mai 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.155/2002
Date de la décision : 23/05/2002
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 270 let. e ch. 1 PPF; qualité de la victime pour se pourvoir en nullité; prétentions civiles. La victime qui ne dispose que d'une créance de droit public contre une personne morale de droit public répondant du préjudice causé par ses agents n'a pas qualité pour se pourvoir en nullité (consid. 2; confirmation de jurisprudence).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-23;6s.155.2002 ?
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