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23/05/2002 | SUISSE | N°2A.6/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 mai 2002, 2A.6/2002


{T 0/2}
2A.6/2002/dxc

Arrêt du 23 mai 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Zappelli, juge suppléant,
greffière Dupraz.

X. ________, recourant,
représenté par Me Pierre-Olivier Wellauer, avocat,
Bel-Air Métropole 1, case postale 2160, 1002 Lausanne,

contre

Service de la population du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

autorisation de séjour

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 21 novembre 2001)
Faits:...

{T 0/2}
2A.6/2002/dxc

Arrêt du 23 mai 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Zappelli, juge suppléant,
greffière Dupraz.

X. ________, recourant,
représenté par Me Pierre-Olivier Wellauer, avocat,
Bel-Air Métropole 1, case postale 2160, 1002 Lausanne,

contre

Service de la population du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

autorisation de séjour

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 21 novembre 2001)
Faits:

A.
Ressortissant pakistanais né le 3 février 1972, X.________ est arrivé
en
Suisse le 3 juillet 1996 et y a déposé le même jour une demande
d'asile. Au
cours de l'année 1997, il a rencontré Y.________, ressortissante
suisse née
le 25 février 1961, qu'il a épousée le 15 janvier 1998. A la suite de
son
mariage, X.________ a retiré sa demande d'asile et s'est vu accorder
une
autorisation de séjour à l'année qui a été régulièrement prolongée, la
dernière fois jusqu'au 14 juillet 2000.

Les époux X.________ se sont séparés en avril 1998. Ils n'ont pas
d'enfants
et n'ont jamais repris la vie commune.

Le 16 juin 1998, Y.________ a ouvert action en divorce. Cette action
a été
rejetée par jugement du Tribunal civil du district de Lausanne
(ci-après: le
Tribunal civil) du 2 juin 1999. Ledit jugement a notamment retenu que
X.________ ignorait la fragilité nerveuse de Y.________ lorsqu'il l'a
épousée
et qu'il déclarait être encore épris de sa femme et vouloir rester
auprès
d'elle pour la soigner. Il a aussi été établi que, depuis la
séparation du
couple, la femme de l'intéressé avait eu différentes liaisons
masculines et
qu'elle vivait avec un autre ressortissant pakistanais au moment où
est
intervenu le jugement précité. Le Tribunal civil a considéré que
l'épouse
avait une responsabilité prépondérante dans la désunion et que l'époux
n'abusait pas de son droit en s'opposant au divorce. Ce jugement a été
confirmé sur recours par arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud des 27/30 septembre 1999.

Au mois de février 2000, les époux X.________ ont passé une
convention de
suspension de la vie commune selon laquelle ils continueraient à vivre
séparés durant une période indéterminée, X.________ s'engageant à
verser à sa
femme une pension mensuelle de 200 fr. pendant la séparation. Il a
été prévu
que cette convention puisse en tout temps être soumise à la
ratification de
l'autorité judiciaire compétente pour valoir prononcé de mesures
protectrices
de l'union conjugale.

B.
Le 28 avril 2001, X.________ a demandé la transformation de son
autorisation
de séjour à l'année en autorisation d'établissement ou, à défaut, le
renouvellement de son autorisation de séjour. Par décision du 9
juillet 2001,
le Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service
cantonal)
a rejeté les deux requêtes et fixé à l'intéressé un délai de départ
échéant
le 31 août 2001. Il a considéré en particulier que les conditions
auxquelles
est soumise la délivrance d'une autorisation d'établissement
n'étaient pas
remplies. En outre, il a estimé que X.________ invoquait abusivement
une
union qui n'existait que formellement pour obtenir le renouvellement
de son
autorisation de séjour.

C.
Par arrêt du 21 novembre 2001, le Tribunal administratif du canton de
Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours de
X.________
contre la décision du Service cantonal du 9 juillet 2001, confirmé
ladite
décision et imparti à l'intéressé un délai échéant le 31 décembre
2001 pour
quitter le canton de Vaud. Il a repris, en la développant,
l'argumentation du
Service cantonal.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, de réformer l'arrêt rendu le
21
novembre 2001 par le Tribunal administratif en ce sens que le
renouvellement
de son autorisation de séjour soit approuvé; il demande aussi de ne
pas être
tenu de quitter la Suisse, aucun délai ne lui étant imparti à cet
effet. En
substance, il reproche à l'autorité intimée d'avoir abusé de son
pouvoir
d'appréciation en considérant que son mariage n'était plus qu'une
union
formelle.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. Le Service
cantonal se
réfère aux déterminations de l'autorité intimée.

L'Office fédéral des étrangers propose de rejeter le recours.

E.
Par ordonnance du 17 janvier 2002, le Président de la IIe Cour de
droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par X.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 II 198 consid. 2 p. 201).

L'art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) dispose que le
conjoint
étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la
prolongation de
l'autorisation de séjour. Pour juger de la recevabilité du recours de
droit
administratif, seule est déterminante la question de savoir si un
mariage au
sens formel existe (ATF 124 II 289 consid. 2b p. 291).

Le recourant est marié avec une Suissesse. Le présent recours est donc
recevable au regard de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ.

Comme les autres conditions de recevabilité des art. 97 ss OJ sont
remplies,
le Tribunal fédéral peut entrer en matière.

2.
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation (lettre a) ainsi que pour constatation inexacte ou
incomplète
des faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ (lettre b).
Le
Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, qui
englobe
notamment les droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 517
consid. 1
p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs
invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le
recours
est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité
judiciaire,
le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette
décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été
établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). En
outre, le
Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'arrêt
entrepris, le
droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104
lettre c
ch. 3 OJ).

3.
3.1Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse
a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour;
après un
séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à
l'autorisation
d'établissement; ce droit s'éteint lorsqu'il existe un motif
d'expulsion.
Quant à l'art. 7 al. 2 LSEE, il prévoit que le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la prolongation de
l'autorisation de séjour lorsque le mariage a été contracté dans le
but
d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers et
notamment celles sur la limitation du nombre des étrangers. D'après la
jurisprudence, le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE peut être
constitutif
d'un abus de droit en l'absence même d'un mariage contracté dans le
but
d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers, au
sens de l'art. 7 al. 2 LSEE (ATF 127 II 49 consid. 5a p. 56; 121 II 97
consid. 4a p. 103).

3.2 Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution juridique
est
utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts que cette
institution juridique ne veut pas protéger (ATF 121 II 97 consid. 4
p. 103).
L'existence d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans
chaque cas
particulier et avec retenue, seul l'abus de droit manifeste pouvant
être pris
en considération (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).

L'existence d'un abus de droit découlant du fait de se prévaloir de
l'art. 7
al. 1 LSEE ne peut en particulier être simplement déduit de ce que
les époux
ne vivent plus ensemble, puisque le législateur a volontairement
renoncé à
faire dépendre le droit à une autorisation de séjour de la vie
commune (cf.
ATF 118 Ib 145 consid. 3 p. 149 ss). Pour admettre l'existence d'un
abus de
droit, il ne suffit pas non plus qu'une procédure de divorce soit
entamée; le
droit à l'octroi ou à la prolongation d'une autorisation de séjour
subsiste
en effet tant que le divorce n'a pas été prononcé, car les droits du
conjoint
étranger ne doivent pas être compromis dans le cadre d'une telle
procédure.
Enfin, on ne saurait uniquement reprocher à des époux de vivre
séparés et de
ne pas envisager le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque
le
conjoint étranger invoque un mariage n'existant plus que formellement
dans le
seul but d'obtenir une autorisation de séjour, car ce but n'est pas
protégé
par l'art. 7 al. 1 LSEE (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103/104). Pour
admettre
l'abus de droit, il convient de se fonder sur des éléments concrets
indiquant
que les époux ne veulent pas ou ne veulent plus mener une véritable
vie
conjugale et que le mariage n'est maintenu que pour des motifs de
police des
étrangers. L'intention réelle des époux ne pourra généralement pas
être
établie par une preuve directe mais seulement grâce à des indices, à
l'instar
de la démarche qui est utilisée pour démontrer l'existence d'un
mariage
fictif (cf. ATF 127 II 49 consid. 5a p. 57).

3.3 Le recourant ne critique pas l'arrêt attaqué dans la mesure où il
traite
d'une autorisation d'établissement. Seule est donc litigieuse la
question de
la prolongation de l'autorisation de séjour de l'intéressé, ce dernier
contestant l'existence d'un abus de droit.

Il ressort du dossier que les époux X.________ n'ont vécu ensemble que
pendant une période très brève: environ quatre mois dont un avant leur
mariage. De plus, leur vie commune éphémère a été émaillée de disputes
parfois très violentes. Depuis leur séparation, qui remonte au mois
d'avril
1998, les époux X.________ n'ont plus jamais fait ménage commun; en
revanche,
la femme du recourant a mené une vie affective instable, ponctuée de
nombreuses liaisons.

Contrairement à ce que pense le recourant, les considérations émises
dans le
jugement du Tribunal civil du 2 juin 1999 ne sont pas déterminantes en
l'espèce. En effet, plus de deux ans se sont écoulés entre le moment
où le
Tribunal civil a constaté que l'intéressé ne semblait pas souhaiter le
maintien des liens conjugaux uniquement pour des questions
administratives et
le moment où le Tribunal administratif a rendu l'arrêt attaqué. En
réalité,
l'autorité intimée a tenu compte à juste titre des circonstances qui
existaient quand elle a statué. Or, il résultait de la situation
prévalant
alors que le mariage des époux X.________ n'avait qu'une existence
purement
formelle. Certes, en septembre 2001, la femme du recourant a écrit
plusieurs
lettres (cf. courriers adressés le 2 septembre 2001 à son mari et le
26
septembre 2001 au Tribunal administratif) dans lesquelles elle a
notamment
fait état de son amour pour son mari et de la volonté du couple
X.________ de
reprendre la vie commune - comme elle l'a d'ailleurs écrit à
l'attention du
Tribunal fédéral le 17 décembre 2001. Cependant, il y a lieu
d'apprécier ces
déclarations avec la plus grande circonspection, comme l'a fait
l'autorité
intimée. D'une part, les sentiments et intentions ressortant des
lettres
précitées de la femme du recourant contrastent singulièrement avec son
attitude antérieure. En effet, elle a ouvert action en divorce et,
n'ayant
pas obtenu gain de cause devant le Tribunal civil, elle a recouru
sans succès
à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. En
outre,
elle a multiplié des liaisons qui témoignent peut-être d'une
instabilité
affective, voire de troubles plus graves, mais qui pouvaient seulement
contribuer à l'éloigner encore de son mari. Par ailleurs, le 11 mai
2000,
elle écrivait à la Caisse cantonale vaudoise de chômage que le
recourant
s'était marié pour obtenir une autorisation de travail; elle
prétendait avoir
été humiliée et salie par lui, qu'elle présentait comme ambitieux,
avare,
malin, menteur et manipulateur. Cela rend particulièrement suspectes
les
lettres susmentionnées datant de septembre 2001 qui, rédigées durant
la
procédure de recours cantonale, pourraient avoir été écrites pour les
besoins
de la cause. D'autre part, l'intention manifestée dans ces lettres de
reprendre la vie commune n'a pas été concrétisée par la suite. Quand
le
Tribunal administratif a statué, les époux X.________ étaient séparés
depuis
plus de trois ans et demi et ils n'avaient pris aucune disposition
pour se
remettre en ménage - et rien ne permet de penser que cette situation
a changé
depuis lors. D'ailleurs, la convention de suspension de la vie
commune qu'ils
avaient conclue en février 2000 n'avait pas été rapportée, ce qui
suffit au
demeurant à expliquer que l'intéressé ait continué à verser une
pension
mensuelle de 200 fr. à sa femme. Ainsi, les déclarations faites en
septembre
2001 par la femme du recourant n'ont que
peu de poids face à
l'ensemble des
indices concordants montrant que le mariage des époux X.________
n'est plus
qu'une union formelle. De plus, le Tribunal administratif a aussi
retenu que
les conjoints, donc également le recourant, n'avaient rien entrepris
pour
surmonter leurs difficultés. Dès lors, il faut admettre que le
recourant
commet un abus de droit en invoquant son mariage avec une Suissesse
pour
obtenir la prolongation de son autorisation de séjour. Le Tribunal
administratif n'a donc pas violé le droit fédéral ni, plus
particulièrement,
abusé de son pouvoir d'appréciation en rendant l'arrêt attaqué.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de
Vaud,
ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers.

Lausanne, le 23 mai 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.6/2002
Date de la décision : 23/05/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-23;2a.6.2002 ?
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