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17/05/2002 | SUISSE | N°5P.344/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 mai 2002, 5P.344/2001


«/2»
5P.344/2001

IIe C O U R C I V I L E
***************************

17 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mmes Nordmann
et Hohl, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

L.________, représentée par Me Gilles Stickel, avocat à
Genève,

contre

la décision rendue le 3 avril 2001 par la Commission de taxa-
tion des honoraires d'avocat du canton de Genève dans la cau-
se qui oppose la recourante

à R.________, représenté par Me
Pierre Schifferli, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; honoraires d'avocat)

Vu les pièc...

«/2»
5P.344/2001

IIe C O U R C I V I L E
***************************

17 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mmes Nordmann
et Hohl, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

L.________, représentée par Me Gilles Stickel, avocat à
Genève,

contre

la décision rendue le 3 avril 2001 par la Commission de taxa-
tion des honoraires d'avocat du canton de Genève dans la cau-
se qui oppose la recourante à R.________, représenté par Me
Pierre Schifferli, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; honoraires d'avocat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par décision du 18 janvier 2000, la Commission
de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève a
fixé à 70'000 fr. le solde encore dû par L.________, connue
sous son nom d'artiste M._______, à Me Daniel Richard, con-
sulté dans une affaire matrimoniale. Celui-ci avait adressé
à
sa cliente des notes de frais et d'honoraires d'un montant
total de 127'798 fr.35, dont à déduire 38'000 fr. de provi-
sions et 10'000 fr. versés à la suite de poursuites,
laissant
un solde impayé de 79'798 fr.35.

Par arrêt du 1er novembre 2000, le Tribunal fédéral
a admis le recours de droit public formé par L.________ con-
tre cette décision, qu'il a annulée.

B.- Statuant à nouveau le 3 avril 2001, la Commis-
sion de taxation a maintenu à 70'000 fr. le solde encore dû
sur les notes de frais et d'honoraires.

C.- L.________ forme un recours de droit public con-
tre la décision du 3 avril 2001, en concluant à son annula-
tion.

L'intimé propose tant l'irrecevabilité que le rejet
du recours et la confirmation de la décision attaquée.

L'autorité cantonale s'est référée aux considérants
de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Formé en temps utile contre une décision qui
arrête, en dernière instance cantonale (art. 44 al. 2 de la
loi genevoise sur la profession d'avocat [LPAv/GE]), les ho-
noraires d'avocat (ATF 93 I 116 consid. 1 p. 120 et la juris-
prudence citée), le présent recours est recevable de ce
chef.

b) Dans la procédure de recours de droit public, la
partie adverse n'a aucun droit de disposition sur l'objet du
litige (Marti, Die staatsrechtliche Beschwerde, 4e éd., p.
53
n. 70 et p. 144 n. 259); elle ne peut que conclure à l'irre-
cevabilité ou au rejet du recours, et critiquer les points
de
l'acte attaqué qui lui sont défavorables (ATF 115 Ia 27 con-
sid. 4a p. 30; 101 Ia 521 consid. 3 p. 525), sans pouvoir
prendre de conclusions propres sur le fond (ATF 109 Ia 169
consid. 3a p. 170; 107 Ia 269 consid. 1 p. 271). Sont dès
lors irrecevables les conclusions de l'intimé qui, au delà
du
rejet du recours, visent à la confirmation de la décision at-
taquée.

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43). En l'es-
pèce, la recourante déclare se fonder sur les garanties of-
fertes par les art. 29 al. 1 et 2, 30 al. 1 Cst. et 6 § 1
CEDH, mais développe son argumentation essentiellement sous
l'angle de l'arbitraire. Seul ce grief est donc recevable,
les autres étant insuffisamment motivés.

d) Dans un recours de droit public pour arbitraire,
l'invocation de faits ou de moyens de preuve nouveaux est ex-
clue (ATF 120 Ia 369 consid. 3b p. 374; 119 Ia 88 consid. 1a
p. 90/91; 118 III 37 consid. 2a p. 39 et les arrêts cités).
Le Tribunal fédéral s'en tient donc généralement à l'état de

fait sur lequel la décision attaquée est fondée, à moins
qu'il ne soit établi que l'autorité cantonale a constaté des
faits inexactement ou incomplètement (ATF 118 Ia 20 consid.
5a p. 26 et l'arrêt cité). Les compléments ou précisions que
les parties entendent apporter au déroulement des faits sont
donc irrecevables, sous réserve des moyens qui font l'objet
d'un grief de violation de la Constitution motivé conformé-
ment aux exigences découlant de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

2.- La recourante reproche à la Commission de taxa-
tion de n'avoir pas tenu compte de l'arrêt du Tribunal fédé-
ral du 1er novembre 2000 et d'avoir maintenu sa précédente
décision du 3 avril 2000 (recte: 18 janvier 2000), procédant
ainsi à une réduction arbitrairement insuffisante des hono-
raires litigieux. Elle soutient que le nombre d'heures allé-
gué par l'intimé est totalement disproportionné par rapport
à
l'activité qu'il lui aurait été utile de déployer dans le ca-
dre de son mandat, d'une durée de 26 mois, et prétend que
l'autorité cantonale n'a aucunement tenu compte des critères
prévus par l'art. 40 LPAv/GE, pourtant expressément énumérés
par le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité.

a) L'autorité cantonale dont la décision a été annu-
lée sur recours de droit public est tenue de se fonder sur
les motifs de l'arrêt du Tribunal fédéral (art. 38 OJ, art.
66 al. 1 OJ par analogie; ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p.
354; 111 II 94 consid. 2 p. 95 et les arrêts cités). Toute-
fois, lorsqu'il statue, comme en l'espèce, sous l'angle res-
treint de l'arbitraire, et qu'il s'agit au surplus d'une
question d'appréciation, le Tribunal fédéral ne revoit la
solution adoptée par l'autorité cantonale que si pareille
solution apparaît manifestement insoutenable, méconnaît gra-
vement une norme ou un principe juridique clair et incontes-
té, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I

168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a p. 168). C'est
ce
franchissement du seuil de l'arbitraire pour un état de fait
donné qui détermine l'étendue de la force de chose jugée
d'un
arrêt rendu sur recours de droit public dans un cas concret
(arrêt du Tribunal fédéral P.23/1981 du 11 novembre 1981,
consid. 2b; Birchmeier, Bundesrechtspflege, p. 51/52). Il ap-
partient au recourant de démontrer, par une argumentation
précise, en quoi la décision incriminée est arbitraire (ATF
125 I 492 consid. 1b p. 495; 110 Ia 1 consid. 2a p. 3/4). Il
ne peut donc se borner à opposer sa thèse à celle de l'auto-
rité cantonale (ATF 120 Ia 369 consid. 3a p. 373), ni criti-
quer la décision attaquée comme il le ferait en procédure
d'appel, en reprenant les arguments développés en dernière
instance cantonale; il doit au contraire exposer en quoi
leur
rejet par l'autorité violerait le droit constitutionnel (ATF
125 I 492 précité; 117 Ia 10 consid. 4b p. 12 et la jurispru-
dence citée).

b) En l'occurrence, la Commission de taxation de-
vait, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du 1er novem-
bre 2000, fixer à nouveau les honoraires de l'intimé, en te-
nant compte du fait que sa première décision ne permettait
pas de vérifier que tous les facteurs déterminants, suscepti-
bles de justifier une diminution plus forte encore des hono-
raires litigieux, avaient été pris en compte. De telles con-
sidérations avaient une valeur indicative et ne liaient pas
strictement l'autorité cantonale. On ne saurait donc préten-
dre a priori que celle-ci a versé dans l'arbitraire en rédui-
sant les honoraires du même montant que précédemment.

3.- La recourante reproche à la Commission de taxa-
tion d'avoir retenu que l'affaire était complexe, tant sur
le
plan juridique qu'en raison des graves tensions qui exis-
taient entre les conjoints et des craintes de l'épouse
d'être
victime d'un acte de malveillance de la part de son mari.

Elle soutient pour sa part que la nature de l'affaire ne jus-
tifie pas l'ampleur des honoraires réclamés, à savoir plus
de
108'000 fr. En effet, il ne saurait être sérieusement
reconnu
qu'une procédure de divorce transformée ultérieurement en
une
procédure d'annulation de mariage présente des difficultés
juridiques particulières impliquant d'importantes recherches
et engageant une responsabilité accrue de l'avocat.

Par cette argumentation, la recourante se contente
d'opposer sa propre thèse à celle de l'autorité cantonale
sans démontrer avec précision en quoi cette appréciation se-
rait arbitraire; cette critique, de nature purement appella-
toire, ne répond pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ telles qu'elles ont été déterminées par la jurisprudence
et est donc irrecevable.

4.- La recourante se plaint ensuite d'une inadéqua-
tion entre le montant des honoraires facturés et ses moyens
financiers, qui seraient modestes. Elle allègue que les
108'000 fr. qui lui ont été facturés correspondent à la
somme
de ses revenus pendant deux ans et reproche à l'intimé de ne
lui avoir demandé que deux provisions pour un montant total
de 23'000 fr., ce qui constituerait une transgression
fautive
de l'art. 14 des Us et Coutumes de l'Ordre des avocats gene-
vois et de la jurisprudence du Conseil de l'Ordre.

Le grief pris d'une violation des us et coutumes ge-
nevois est mal fondé. Edictées par l'Ordre des avocats, les-
dites normes n'ont qu'une valeur de recommandation à l'usage
de ses membres et ne constituent pas du droit objectif, à
moins que la loi y fasse référence (ATF 109 Ia 108 consid.
3c
p. 111; 94 II 157 consid. 4b p. 159); or la recourante ne le
prétend pas. Pour le surplus, l'autorité cantonale a estimé
que la situation matérielle de la cliente ne pouvait être
considérée comme mauvaise. En effet, même si ses revenus dé-

clarés, à savoir 51'000 fr. en 1995 et 59'000 fr. en 1994,
étaient modestes, sa fortune avait passé de 128'000 fr. en
1994 à 348'000 fr. en 1995; elle avait en outre reconnu
qu'elle était propriétaire d'un appartement à Genève. La re-
courante ne démontre pas que cette motivation soit insoutena-
ble; au demeurant, qu'elle soit taxée à Genève sur les mon-
tants précités ne signifie pas qu'elle ne le soit pas encore
ailleurs. Ses critiques ne peuvent dès lors qu'être
rejetées,
dans la mesure où elles sont recevables.

5.- Dans un autre moyen, la recourante expose que
les notes d'honoraires litigieuses donnent le sentiment désa-
gréable d'avoir été enflées parce qu'elle aurait eu l'outre-
cuidance de révoquer le mandat en cours de procédure. Elle
soutient que cette circonstance constitue au contraire un
facteur de réduction des honoraires, ce dont la Commission
de
taxation n'aurait arbitrairement pas tenu compte. De plus,
force serait de reconnaître une disproportion excessive
entre
le solde encore dû au 7 novembre 1996 et les deux acomptes
versés antérieurement. Ces allégations ne suffisent
cependant
pas à démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ) que le montant glo-
bal alloué au mandataire serait arbitraire (ATF 125 II 129
consid. 5b p. 134; 124 I 247 consid. 5 p. 250; 123 I 1 con-
sid. 4 p. 5 et les arrêts cités).

6.- La recourante prétend encore que le critère du
résultat obtenu prévu par l'art. 40 LPAv/GE n'a pas été pris
en considération, bien qu'il ait été mentionné par le Tribu-
nal fédéral dans son arrêt du 1er novembre 2000. Or,
l'action
en annulation de mariage assortie d'une demande pour tort mo-
ral, initiée par l'avocat intimé, s'est révélée infondée.

Conformément à la jurisprudence citée par la recou-
rante (ATF 93 I 116 consid. 5a p. 122), le résultat obtenu
constitue certes un élément d'appréciation pour fixer les ho-

noraires, afin de permettre une compensation entre les affai-
res compliquées et peu rémunératrices, parce qu'elles
portent
sur des sommes modiques, d'une part, et les affaires faciles
qui procurent au client une satisfaction appréciable et rapi-
de, d'autre part. Toutefois, ce facteur n'est pas
déterminant
à lui seul, et l'autorité de taxation n'a pas l'obligation
de
tenir compte de tous les critères pouvant entrer en considé-
ration. En l'espèce, la décision attaquée ne contient aucune
indication concernant l'issue, favorable ou non, de la procé-
dure en cause. Comme la recourante ne se plaint pas d'arbi-
traire dans la constatation des faits (cf. ATF 118 Ia 20 con-
sid. 5a p. 26), sa critique, qui se fonde sur des faits nou-
veaux, devrait, partant, être écartée (ATF 107 Ia 265
consid.
2a et les arrêts cités). Dans son mémoire de réponse, l'inti-
mé reconnaît toutefois l'échec de ladite procédure, tout en
relevant que le mandat a été résilié avant l'obtention d'un
résultat, et que la recourante a du reste persisté dans son
action. De toute manière, le rejet de celle-ci ne constitue
pas un motif en soi de réduction des honoraires, l'avocat
n'ayant qu'une obligation de moyen et non de résultat.

7.- Selon la recourante, la Commission de taxation
se serait fondée sur un tarif plus élevé que celui qu'elle
appliquait elle-même entre 1994 et 1996, et qui se situait
entre 300 et 350 fr. de l'heure.

Cette critique, de nature purement appellatoire et
fondée sur des faits nouveaux, est d'abord irrecevable. Au
demeurant, la recourante oublie que dans les cantons qui,
comme celui de Genève, n'ont pas de tarif officiel, l'autori-
té de taxation apprécie le montant des honoraires en tenant
compte, dans chaque cas concret, de tous les éléments néces-
saires à la décision. Cette règle s'oppose dès lors au rai-
sonnement préconisé par la recourante, selon lequel la Com-
mission aurait dû partir d'un montant de 300 à 350 fr. de
l'heure, puis le revoir à la baisse.

8.- Enfin, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur
les considérations d'ordre général émises par la recourante
concernant la difficulté pour l'autorité de taxation d'appré-
cier une note de frais et d'honoraires sans empiéter sur le

rôle du juge civil. Sont également irrecevables les alléga-
tions selon lesquelles cette situation serait
insatisfaisante
tant pour le justiciable que pour l'avocat, comme le démon-
trerait le présent litige.

9.- En conclusion, le recours apparaît mal fondé et
ne peut qu'être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
La recourante, qui succombe, supportera les frais
judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ) et versera en outre des dépens à
l'intimé
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Met à la charge de la recourante:
a) un émolument judiciaire de 4'000 fr.
b) une indemnité de 4'000 fr. à payer à l'intimé
à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Commission de taxation des hono-
raires d'avocat du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 17 mai 2002
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.344/2001
Date de la décision : 17/05/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-17;5p.344.2001 ?
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