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16/05/2002 | SUISSE | N°I.722/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 mai 2002, I.722/01


«AZA 7»
I 722/01 Tn

IVe Chambre

MM. les juges Rüedi, Ferrari et Frésard.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 16 mai 2002

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie
Allimann, avocat, rue de la Justice 1, 2800 Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue
Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, intimé,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- C.________, a travaillé depuis 1981 dans une


fonderie comme machiniste, conducteur de four. Durant les
quatre dernières années (1994-1998) de cette activité, en
tant que rem...

«AZA 7»
I 722/01 Tn

IVe Chambre

MM. les juges Rüedi, Ferrari et Frésard.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 16 mai 2002

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie
Allimann, avocat, rue de la Justice 1, 2800 Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue
Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, intimé,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- C.________, a travaillé depuis 1981 dans une
fonderie comme machiniste, conducteur de four. Durant les
quatre dernières années (1994-1998) de cette activité, en
tant que remplaçant du contremaître, il a été chargé de
travaux de surveillance (gestion du tableau de commandes du
cubilot) ainsi que de la formation et du soutien des nou-
veaux collaborateurs. Il participait, en outre, à des tra-

vaux plus lourds, tels l'entretien mensuel (2 à 3 fois par
mois) et la réfection (3 à 4 fois par an) du cubilot. En
1997, il a ainsi réalisé un revenu de 80 139 fr. 25. Dès le
mois de janvier 1998, il n'a plus travaillé qu'à 50 %
durant de brèves périodes.
Alléguant souffrir d'une hernie discale et d'une at-
teinte cervicale, il a déposé en mains de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après : l'of-
fice), le 7 décembre 1998, une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à son reclassement dans une
autre profession.
Dans un rapport du 12 janvier 1999, son médecin trai-
tant, le docteur A.________, a posé le diagnostic de hernie
discale L4-L5 para-médiane droite, hypertension artérielle
et vertiges rotatoires récidivants. Il indiquait que son
patient ressent depuis 3 ou 4 ans des douleurs dorsales
chroniques avec irradiation dans la jambe droite, un scan-
ner ayant mis en évidence une hernie discale ne nécessitant
pas d'intervention chirurgicale, et qu'un changement de
profession, dans le sens d'une activité moins contraignante
pour le dos, était souhaité.
Dès le 25 février 1999, l'assuré a bénéficié d'un
stage de réadaptation dans le cadre d'un reclassement en
polymécanique au Centre d'enseignement X.________. Ce
stage, initialement prévu jusqu'au 11 avril 1999, a
cependant été interrompu le 16 mars déjà, l'assuré se
plaignant de vertiges et de douleurs au dos, à la nuque et
dans les bras.
A la demande de l'office, l'assuré a fait l'objet
d'une expertise réalisée par le docteur B.________, méde-
cin-chef du Service de rhumatologie, médecine physique et
réhabilitation de l'Hôpital Y.________. Dans un rapport du
21 juillet 1999, ce spécialiste a posé les diagnostics de
vertiges positionnels récidivants sur possible cupuloli-
thiase, lombosciatalgie droite d'évolution chronique non
déficitaire, en l'absence de signe de compression radicu-
laire, hernie discale L4-L5 médio-latérale droite, cervico-

brachialgie bilatérale à prédominance droite mal systémati-
sée, non déficitaire, discopathie C4-C5 débutante, uncar-
throses modérées en C4-C5 et C5-C6, troubles douloureux
F 45.4, hypertension artérielle compensée, status post cure
de hernie inguinale de type direct à droite en 1991 sans
complication, acuité visuelle fortement réduite de l'oeil
droit avec status post traumatisme et strabisme divergeant
résiduel (traumatisme perforant à l'âge de 17 ans), status
post fracture du pouce gauche en 1976 opérée, status post
fracture du poignet droit en 1965 sans limitation ni com-
plication. Appelé à préciser les conséquences des affec-
tions décrites sur la capacité de travail de l'assuré, le
docteur B.________ indique que sur le plan rhumatologique
l'assuré conserve une capacité de travail complète dans une
activité adaptée lui permettant d'alterner des positions
assise et debout et lui évitant le port de charges lourdes.
Ce médecin réservait, cependant, l'appréciation d'une éven-
tuelle diminution de la capacité de travail résultant des
problèmes de vertiges et proposait de compléter sur ce
point les investigations du docteur D.________, spécialiste
FMH ORL, consignées dans un rapport du 8 juillet 1999, par
une analyse vestibulaire avec enregistrement plus détaillé
en milieu universitaire. A l'issue de divers examens réali-
sés le 30 septembre 1999, le professeur E.________ et le
docteur F.________, de l'Unité d'otoneurologie du Centre
hospitalier Z.________ ont diagnostiqué un status après
vestibulopathie périphérique droite récidivante (1982 et
1997) sans signe déficitaire séquellaire, avec vertiges
positionnels subjectifs résiduels. Ces spécialistes con-
cluent, du point de vue otoneurologique, à une capacité de
travail complète dans une activité sédentaire exigeant peu
d'attention visuelle et évitant, en particulier, les tra-
vaux de lecture ou devant un écran d'ordinateur, tels un
travail léger d'atelier, portier d'immeuble ou d'hôtel ou
encore réceptionniste (rapport du 22 octobre 1999).
Par décision du 25 avril 2000, l'office a rejeté la
demande de prestation de C.________ au motif que ce dernier

ne souffrait d'aucune atteinte à la santé l'empêchant
d'exercer normalement son activité lucrative.

B.- Par jugement du 18 octobre 2001, la Chambre des
assurances du Tribunal cantonal de la République et canton
du Jura a rejeté le recours formé contre cette décision par
C.________.

C.- Ce dernier interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement. Il conclut, sous suite de frais et
dépens, à son annulation et à l'octroi d'une mesure de réa-
daptation professionnelle sous forme d'un reclassement.
L'office a conclu au rejet du recours, cependant que
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou
menacés d'une invalidité imminente ont droit aux mesures de
réadaptation qui sont nécessaires et de nature à rétablir
leur capacité de gain, à l'améliorer, à la sauvegarder ou à
en favoriser l'usage. Ce droit est déterminé en fonction de
toute la durée d'activité probable.
Conformément à l'art. 17 al. 1 LAI, l'assuré a droit
au reclassement dans une nouvelle profession si son invali-
dité rend nécessaire le reclassement et si sa capacité de
gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être sauvegar-
dée ou améliorée de manière notable. Sont considérées comme
un reclassement les mesures de formation destinées à des
assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité,
après achèvement d'une formation professionnelle initiale
ou après le début de l'exercice d'une activité lucrative
sans formation préalable, pour maintenir ou pour améliorer
sensiblement leur capacité de gain (art. 6 al. 1 RAI).

2.- a) En l'espèce, les premiers juges ont nié le
droit du recourant à toute mesure de reclassement pour le
motif suivant :

«Le recourant a fait l'objet d'un stage d'obser-
vation qui [...] n'a pu être mené à terme, dès
lors qu'il a persisté à dire qu'il ne pouvait
plus travailler. Observé par les responsables du
Centre d'enseignement X.________, le recourant
adoptait une attitude totalement différente dans
la rue par rapport à celle qui était la sienne en
stage. D'autre part, il ressort des rapports
médicaux au dossier que la capacité de travail du
recourant est entière dans de nombreux domaines,
tels que portier d'hôtel, réceptionniste, travaux
légers d'atelier [...]. Dans ces conditions,
force est de considérer que le recourant n'est
pas invalide, dans la mesure où ces diverses
professions ne nécessitent aucune connaissance
particulière, qu'elles n'exigent pas le port de
lourdes charges, ni une attention visuelle
soutenue, dès lors qu'elles sont proposées par le
service d'oto-rhino-laryngologie du Centre
hospitalier Z.________. Si l'exercice d'une
activité lucrative apparaît impossible au
recourant, ceci est dû exclusivement à des
circonstances personnelles telles qu'observées
par le Centre d'enseignement X.________ [...],
qui n'ont pas à être couvertes par l'AI [...].
Dans ces conditions, force est d'admettre
que le recourant n'est pas invalide au sens de
l'AI, de telle sorte qu'il n'a pas droit à des
mesures de reclassement professionnel.»

b) Contrairement à l'avis exprimé par l'autorité judi-
ciaire cantonale, le seul fait que le recourant conserve
une capacité de travail entière dans des travaux légers,
permettant d'alterner les positions et ne requérant pas une
attention soutenue ne permet pas à lui seul de nier son
droit à des mesures de reclassement. Il convient en effet
encore d'examiner si l'exercice d'une telle activité ne
laisse pas subsister une incapacité de gain égale ou supé-
rieure à 20 % (ATF 124 V 111 consid. 2b et les références)
en comparaison du revenu réalisé dans la métalurgie.

c) Il ressort des indications fournies par l'ancien
employeur du recourant que l'organisation du travail en
équipes au sein de l'entreprise ne permet pas de dispenser
certains collaborateurs du port de charges, nécessaire
notamment lors des réfections et dans l'entretien général
du cubilot (port de sacs de 25 kilos), auxquels le recou-
rant était appelé à prendre part plusieurs fois par an. Il
s'ensuit que la poursuite de cette activité n'est pas com-
patible avec les restrictions préconisées par les médecins
appelés à se prononcer sur la capacité de travail du recou-
rant (rapports précités du docteur B.________ et de l'Unité
d'otoneurologie du Centre hospitalier Z.________.
Selon les pièces du dossier, le recourant a réalisé,
au cours de la dernière année (1997) durant laquelle il a
exercé sa profession sans interruption notable, un revenu
de 80 139 fr. 25.
En ce qui concerne le revenu que le recourant serait
en mesure de réaliser dans des activités légères ne néces-
sitant pas le port de charges, permettant d'alterner les
positions assise et debout et ne requérant pas une atten-
tion soutenue, il faut retenir que l'intéressé, sans for-
mation professionnelle, ne serait à même d'assumer que des
activités simples et répétitives, n'exigeant pas de con-
naissances professionnelles spécialisées et correspondant
au niveau de qualification 4 de l'enquête suisse sur la
structure des salaires (ESS). Selon les données de l'ESS
1996, tous secteurs confondus, à une telle activité cor-
respond un salaire mensuel brut standardisé de 4399 fr.
(valeur médiane), ce qui représente, après adaptation à
l'évolution des salaires nominaux et compte tenu d'un
horaire de travail hebdomadaire moyen de 41,9 heures à un
revenu annuel brut de 55 561 fr. (4399 * [104.6 / 104.1] *
[41.9 / 40] * 12). En comparaison du revenu qu'obtenait le
recourant sans invalidité, et même sans tenir compte d'un
éventuel abattement du revenu statistique (ATF 126 V 78
consid. 5), l'exercice d'une telle activité laisserait à
tout le moins subsister une perte de gain de 30,6 %, lui

ouvrant le droit à des mesures d'ordre professionnel (ATF
124 V 111 consid. 2b et les références). Il sied enfin de
relever que de telles mesures apparaissent d'autant plus
indiquées que le recourant, âgé de 44 ans peut espérer
exploiter sa capacité de gain durant plus de 20 ans encore
avant d'atteindre l'âge de la retraite (cf. art. 8 al. 1 in
fine LAI).

d) Certes, la motivation réelle du recourant à se sou-
mettre à des mesures d'ordre professionnel apparaît problé-
matique, comme en attestent les indications fournies par
l'office et les collaborateurs du Centre d'enseignement
X.________. Il convient toutefois de rappeler à cet égard
que la suspension des prestations dans une telle hypothèse
ne peut intervenir qu'à l'issue d'une procédure de somma-
tion (art. 10 al. 2 et 31 al. 1 LAI; ATF 122 V 219
consid. 4b et les références citées).

e) Il résulte de ce qui précède que le dossier de la
cause doit être renvoyé à l'office afin qu'il détermine les
modalités du reclassement professionnel du recourant.

3.- Le recourant, qui obtient gain de cause, s'est
fait assister d'un avocat. Il peut prétendre une indemnité
de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura, du
18 octobre 2001, ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura, du 25 avril
2000, sont annulés.

II. La cause est renvoyée à l'Office AI aux fins de déter-
miner la mesure de reclassement à laquelle le recou-
rant a droit.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'Office AI versera au recourant la somme de 1500 fr.
à titre de dépens pour la procédure fédérale.

V. Le dossier est renvoyé au Tribunal cantonal pour qu'il
statue sur les dépens de première instance au regard
de l'issue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Chambre des assurances, à la Caisse cantonale de
compensation du canton du Jura ainsi qu'à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 mai 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le juge présidant la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.722/01
Date de la décision : 16/05/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-16;i.722.01 ?
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