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14/05/2002 | SUISSE | N°2A.42/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 mai 2002, 2A.42/2002


{T 0/2}
2A.42/2002 /svc

Arrêt du 14 mai 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Müller, Merkli,
greffière Kurtoglu-Jolidon.

B. ________, représentée par Me Charles Bavaud, avocat,
place de la Gare 10, case postale 2189, 1002 Lausanne,

contre

Service de la population du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

art. 17 al. 2 LSEE, art. 8 CEDH: regroupement familial

(r

ecours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 6 décembre 2001)

Fait...

{T 0/2}
2A.42/2002 /svc

Arrêt du 14 mai 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Müller, Merkli,
greffière Kurtoglu-Jolidon.

B. ________, représentée par Me Charles Bavaud, avocat,
place de la Gare 10, case postale 2189, 1002 Lausanne,

contre

Service de la population du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

art. 17 al. 2 LSEE, art. 8 CEDH: regroupement familial

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 6 décembre 2001)

Faits:

A.
B. ________, ressortissante marocaine née en 1964, a divorcé de
M.________,
le 4 août 1984. Ils ont eu deux enfants: O.________, né en 1983, et
U.________, né en 1985. B.________ en a obtenu la garde. En avril
1993,
B.________ est arrivée en Suisse. Ses enfants sont alors restés au
Maroc et
ont été confiés à sa mère. A la suite de son remariage le 29 novembre
1993
avec un ressortissant suisse, A.________, une autorisation de séjour
annuelle
lui a été délivrée. Le 22 mars 2000, elle a obtenu une autorisation
d'établissement. Son fils aîné est arrivé en Suisse le 11 août 2000 au
bénéfice d'un visa touristique d'une durée d'un mois, alors que le
cadet est
resté au Maroc. Le 5 septembre 2000, B.________ a déposé une requête
d'autorisation de séjour en faveur de ses fils O.________ et
U.________ au
titre de regroupement familial.

B.
Par décision du 2 avril 2001, le Service de la population du canton
de Vaud a
rejeté ces requêtes et imparti un délai de départ à O.________.

Le 22 juin 2001, le divorce de B.________ et A.________ a été
prononcé.

Statuant sur recours le 6 décembre 2001, le Tribunal administratif du
canton
de Vaud a confirmé la décision du Service de la population et fixé à
l'intéressé un délai au 31 janvier 2002 pour quitter le territoire
vaudois.
Il a estimé que le but de la requête n'était pas d'assurer une vie
familiale
commune mais d'améliorer le futur économique et professionnel des
enfants.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, B.________
demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 6 décembre
2001 du
Tribunal administratif et d'octroyer à O.________ et U.________ une
autorisation d'établissement.

Le Service de la population du canton de Vaud s'en remet aux
déterminations
du Tribunal administratif, lequel renonce à répondre au recours tout
en se
référant à l'arrêt entrepris. L'Office fédéral des étrangers conclut
au rejet
du recours.

D.
Par ordonnance présidentielle du 31 janvier 2002, l'effet suspensif a
été
octroyé au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif
n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le
refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un
droit.
D'après l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), les autorités
compétentes
statuent librement, dans le cadre des prescriptions légales et des
traités
avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi
d'une
autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est
irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière
du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance
d'une
telle autorisation (ATF 127 II 60 consid. 1a p. 62, 127 II 161
consid. 1a p.
164, 126 I 81 consid. 1a p. 83 et les arrêts cités).

Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, les enfants
célibataires de
moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation
d'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent auprès
d'eux.
En l'espèce, la recourante bénéficie d'une autorisation
d'établissement et a
déposé la requête d'autorisation de séjour pour ses fils alors qu'ils
avaient
dix-sept ans et demi, respectivement quinze ans et demi. Le recours
est donc
recevable.

2.
Selon la jurisprudence (ATF 126 II 329 consid. 2, 125 II 585 consid.
2 et les
arrêts cités, Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal
fédéral
en matière de police des étrangers in: RDAF 1997 I 267), le but de
l'art. 17
al. 2 LSEE est de permettre et d'assurer juridiquement la vie
familiale
commune vécue de manière effective. Ce but n'est pas atteint dans le
cas d'un
enfant qui, ayant vécu de nombreuses années à l'étranger séparé de ses
parents établis en Suisse, veut les rejoindre peu de temps avant
qu'il ait
atteint l'âge de dix-huit ans. Dans de tels cas, on peut présumer que
le but
visé n'est pas d'assurer la vie familiale commune, mais bien
d'obtenir de
manière plus simple une autorisation d'établissement. Une exception
ne peut
se justifier que lorsque la famille a de bonnes raisons de se
reconstituer en
Suisse qu'après des années de séparation; de tels motifs doivent
résulter des
circonstances de l'espèce.

Lorsque les parents sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se
trouve en
Suisse et l'autre à l'étranger, il n'existe pas un droit
inconditionnel des
enfants vivant à l'étranger de rejoindre le parent se trouvant en
Suisse. Il
en va de même lorsqu'un parent réside en Suisse et que l'enfant est
resté
dans le pays d'origine auprès d'un membre de la famille autre que le
père ou
la mère. Le droit de rejoindre le parent établi en Suisse suppose que
l'enfant entretienne avec celui-ci une relation familiale
prépondérante. A
cet égard, il ne faut pas tenir compte seulement des circonstances
passées;
les changements déjà intervenus, voire les conditions futures, peuvent
également être déterminants. On ne peut se fonder dans tous les cas
uniquement sur le fait que l'enfant a vécu jusque-là dans un pays
étranger où
il a eu ses attaches principales, sinon le regroupement familial ne
serait
pratiquement jamais possible. Il faut examiner chez lequel de ses
parents
l'enfant a vécu jusqu'alors ou, en cas de divorce, auquel de ceux-ci
le droit
de garde a été attribué; si l'intérêt de l'enfant s'est modifié
entre-temps,
l'adaptation à la nouvelle situation familiale devrait en principe
être
d'abord réglée par les voies du droit civil. Toutefois, sont réservés
les cas
où les nouvelles relations familiales sont clairement définies - par
exemple
lors du décès du parent titulaire du droit de garde ou lors d'un
changement
marquant des besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la
relation est
transférée sur l'autre parent.

Ainsi, le fait qu'un enfant vienne en Suisse peu avant ses dix-huit
ans,
alors qu'il a longtemps vécu séparément de celui de ses parents
établi en
Suisse, peut constituer un indice d'abus du droit conféré par l'art.
17 al. 2
LSEE. Toutefois, il faut tenir compte des autres circonstances du cas,
notamment des raisons de l'attribution de l'enfant résidant à
l'étranger, de
celles de son déplacement auprès de l'autre parent, de l'intensité de
ses
relations avec celui-ci, et des conséquences qu'aurait l'octroi d'une
autorisation d'établissement sur l'unité de la famille.

Enfin, l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de
l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS
0.101)
garantit le respect de la vie privée et familiale. Il confère un
droit à une
autorisation de séjour à un enfant mineur étranger d'une personne
ayant un
droit de présence en Suisse lorsque les liens noués entre eux sont
étroits et
effectifs (ATF 127 II 60 consid. 1d, 126 II 377 consid. 2b, 124 II 361
consid. 1b). Il faut toutefois noter que cet article ne confère pas
non plus
un droit inconditionnel à faire venir en Suisse des enfants mineurs
vivant à
l'étranger, en particulier lorsque les parents ont eux-mêmes pris la
décision
de vivre séparés de leurs enfants (ATF 124 II 361 consid. 3a et les
arrêts
cités) ou lorsqu'ils sont séparés ou divorcés (ATF 125 II 633 consid.
3a).

3.
3.1 En l'occurrence, la recourante a quitté volontairement le Maroc
pour la
Suisse alors que ses enfants étaient âgés de huit et dix ans.
Divorcée, elle
les a laissés aux soins de sa mère. Leur père, vivant au Maroc dans
la même
ville que ceux-ci, ne se serait jamais occupé d'eux. En fait, cette
situation
consacre une rupture profonde des liens familiaux et permet de douter
de
l'intensité de ceux-ci.

3.2 Il est établi que la recourante a attendu le 11 août 2000 pour
faire
venir son fils aîné en Suisse dans le cadre d'un séjour touristique.
Le cadet
n'accompagnait pas son frère à cette occasion. La recourante prétend
qu'elle
souhaitait faire une demande de regroupement familial antérieurement
mais que
celle-ci aurait été refusée car la situation financière de son mari de
l'époque était catastrophique et qu'il était à la charge des services
sociaux. Le Tribunal administratif a établi que, si effectivement le
mari de
la recourante était à la charge des services sociaux, elle-même a
gagné,
depuis 1993 jusqu'au début de l'année 1998, un revenu brut d'environ
4'000
fr. par mois en tant qu'artiste de cabaret. De plus, elle a subvenu à
l'entretien de ses enfants en leur envoyant de l'argent au Maroc. Ces
constatations laissent à penser que la situation financière de la
recourante
n'était pas si désastreuse. Elle ne justifiait en tout cas pas le
renoncement
au dépôt d'une requête en vue du regroupement familial.

Les enfants de la recourante ont donc été élevés par leur grand-mère
maternelle au Maroc. C'est dans ce pays que se trouvent leur attaches
familiales et socioculturelles les plus importantes. Ils vivent dans
la même
ville que leur père même s'il est prétendu que celui-ci ne s'occupe
pas
d'eux. Au moment du dépôt de la requête d'autorisation de séjour, la
recourante avait déjà été séparée de ses enfants pendant plus de sept
ans.
Elle n'a pas établi avoir entretenu des relations particulièrement
intenses
avec ses fils durant leur séparation. Le fait que la recourante
contribue, à
distance, à l'entretien de ceux-ci n'est pas déterminant. De plus,
elle n'a
jamais demandé de visa en leur faveur, pour les vacances notamment,
avant le
mois d'août 2000. Le caractère prépondérant de la relation familiale
exigé
par la jurisprudence dans le cadre du regroupement familial n'est
donc pas
rempli. Force est de constater que les liens noués entre la
recourante et ses
enfants ne l'emportent pas sur les relations que ceux-ci ont tissés
avec leur
grand-mère maternelle au Maroc.

Reste à examiner si des changements de circonstances futurs ou déjà
intervenus rendent nécessaires le regroupement familial.

La recourante allègue que sa mère, qui s'occupe actuellement de ses
enfants,
commence à ressentir les effets de l'âge et qu'elle souffre d'une
grave
affection aux reins. Il faut relever ici que le fils aîné a déjà
atteint sa
majorité et que le cadet a dix-sept ans. Ils ne nécessitent donc plus
les
soins que requièrent de jeunes enfants et sont en âge de vivre de
manière
indépendante ou de le faire prochainement en ce qui concerne le plus
jeune.
De plus, l'incapacité de la grand-mère à s'en occuper n'est pas
démontrée.
Par ailleurs, le fait que le cadet n'est jamais venu en Suisse, qu'il
est
adolescent, qu'il arrive en fin de scolarité dans son pays et que sa
formation ne sera pas forcément reconnue en Suisse sont autant
d'éléments qui
font penser que son intégration serait difficile. Ainsi, il n'y
aucune raison
impérative de modifier la situation existante avant le mois d'août
2000, de
sorte que le regroupement familial ne se justifie pas. Il est vrai
que le
fils aîné vit auprès de sa mère depuis près de deux ans et est
maintenant
scolarisé en Suisse. Toutefois, la portée du séjour en Suisse doit
être
relativisée du fait que le fils de la recourante est venu dans notre
pays
grâce à un visa touristique et n'a pu y rester qu'au bénéfice de la
procédure
engagée. D'autre part, du propre aveu de la recourante, le but de la
venue en
Suisse de ses fils est de bénéficier d'un niveau d'enseignement et
d'apprentissage qui fait défaut au Maroc et ainsi d'assurer leur
avenir
économique et professionnel. Le but de cette venue n'est donc pas de
recréer
une véritable vie familiale commune avec elle. Ceci est étayé par le
fait que
seul l'aîné des enfants de la recourante est venu en Suisse en août
2000
alors que le cadet est resté au Maroc. Si le but avait véritablement
été de
recréer une vie familiale commune, le cadet aurait sans nul doute
accompagné
son frère.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, force est d'admettre que
les
requêtes en cause ont pour but d'obtenir plus facilement une
autorisation
d'établissement et non pas de recréer une vie familiale commune.

Dans ces circonstances, l'autorité intimée n'a pas violé l'art. 17
al. 2 3ème
phrase LSEE (ni l'art. 8 CEDH) en refusant d'accorder une autorisation
d'établissement aux fils de la recourante.

4. Vu ce qui précède, le présent recours est mal fondé et doit donc
être
rejeté. Avec ce prononcé, la requête d'effet suspensif devient sans
objet.

La recourante a demandé à être mise au bénéfice de l'assistance
judiciaire.
Or, elle allègue un revenu brut mensuel de 3'500 fr., montant auquel

s'ajoutent les allocations familiales. De plus, elle dit pouvoir
bénéficier
de l'aide financière d'un ami. La recourante n'est donc pas dans le
besoin
et, partant, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée
(art. 152
OJ). Succombant, elle doit supporter un émolument qui sera fixé en
tenant
compte de sa situation financière.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de
Vaud,
ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers.

Lausanne, le 14 mai 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.42/2002
Date de la décision : 14/05/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-14;2a.42.2002 ?
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