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08/05/2002 | SUISSE | N°5C.258/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 mai 2002, 5C.258/2001


«/2»
5C.258/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

8 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par
Me Thierry Thonney, avocat à Lausanne,

et

X.________, défenderesse et intimée;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivan

ts:

A.- a) A.________ est assuré depuis le 1er janvier
1999 auprès de X.________ (ci-après: la caisse), pour l'assu-
rance obl...

«/2»
5C.258/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

8 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par
Me Thierry Thonney, avocat à Lausanne,

et

X.________, défenderesse et intimée;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) A.________ est assuré depuis le 1er janvier
1999 auprès de X.________ (ci-après: la caisse), pour l'assu-
rance obligatoire des soins selon la LAMal; en vertu d'une
police d'assurance privée du 1er mars 1999, il est également
couvert pour une indemnité journalière de 200 fr. dès le 31e
jour d'incapacité en cas de perte de gain par suite de mala-
die.

b) Le 29 mars 1999, la caisse a envoyé à son assuré
un rappel pour un montant de 2'097 fr.60, payable dans les
30
jours, au titre des primes des mois de janvier, février et
mars 1999 (3 x 1'092 fr.40), sous déduction d'un «avoir» de
1'179 fr.60. Le 13 mai 1999, elle lui a adressé un nouveau
rappel concernant le décompte en question, payable dans les
10 jours. Le 19 juin 1999, elle l'a sommé derechef de verser
la somme en souffrance, majorée de 10 fr. de frais, dans un
délai de 15 jours, en l'informant que, à défaut de paiement,
elle le poursuivrait pour les créances issues de l'assurance
obligatoire et, s'agissant des assurances complémentaires,
le
renvoyait aux art. 20 al. 1 et 21 al. 1 LCA; en outre, elle
se réservait le droit de déclarer, avant l'échéance du délai
de paiement, la dénonciation du contrat, étant précisé que
les éventuels versements parvenus après l'expiration dudit
délai seraient restitués au preneur. Le même jour, la caisse
a établi un relevé de compte relatif aux époux A.________
pour la période du 1er au 31 mai 1999, qui se solde par un
montant de 524 fr.40 en sa faveur. Le mari a versé 1'048
fr.80 le 23 juin 1999, et son épouse 524 fr.40 le 29 juin
suivant.

c) Le 30 juin 1999, l'assuré a fait parvenir à la
caisse deux certificats médicaux attestant d'une incapacité
de travail du 28 mai au 31 août 1999; cette incapacité s'est

prolongée jusqu'au 30 juin 2000. Lorsque l'assuré s'est ren-
seigné au sujet du paiement des indemnités journalières, la
caisse lui a fait savoir, par «décision» du 5 octobre 1999,
que, conformément à la sommation du 19 juin 1999, les couver-
tures de ses polices d'assurance complémentaire avaient été
annulées au 1er juillet 1999, et que le droit aux
prestations
desdites assurances, en particulier l'assurance pour perte
de
gain, était suspendu 14 jours après l'envoi de la sommation
et annulé dès la date précitée; cette «décision» mentionnait
encore que l'assuré pouvait, dans les 30 jours, former
auprès
de la caisse un «recours par voie d'opposition».

B.- Le 24 mai 2000, A.________ a ouvert action con-
tre la caisse, concluant, d'une part, au paiement de la
somme
de 35'000 fr. (augmentée ultérieurement à 35'400 fr.), plus
intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 2000, au titre d'in-
demnités journalières pour la période du 1er juillet 1999 au
31 mai 2000, et, d'autre part, à la poursuite, dès le 1er
juin 2000, du versement de ces indemnités aussi longtemps
que
durera l'incapacité de gain (commencée le 28 mai 1999), et
ce
jusqu'à épuisement des prestations contractuelles.

Par jugement du 27 juillet 2001, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté la demande; en bref,
il
a considéré que, le preneur étant en demeure, l'obligation
de
l'assureur était suspendue à compter de l'expiration du
délai
légal de 14 jours (art. 20 al. 3 LCA), c'est-à-dire dès le 4
juillet 1999. Au surplus, la caisse a valablement dénoncé le
contrat, tant au regard de l'art. 21 al. 1 LCA que des condi-
tions générales, de sorte qu'il a pris fin le 30 juin 1999;
les paiements tardifs effectués le 13 juillet 1999 n'ont pas
fait renaître le rapport d'assurance.

C.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, A.________ reprend les conclusions formu-
lées à titre principal en instance cantonale; subsidiaire-

ment, il conclut à l'annulation du jugement entrepris et au
renvoi de la cause à la juridiction inférieure pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

L'intimée conclut au rejet du recours; l'autorité
cantonale se réfère aux considérants de son jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui
sont
soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 127 III 433 consid. 1
p. 434 et les arrêts cités).

b) Déposé à temps contre une décision finale rendue
en dernière instance par le tribunal suprême du canton
(arrêt
5C.211/2000, du 8 janvier 2001, consid. 1b, non reproduit
aux
ATF 127 III 106 ss) dans une contestation civile (ATF 122
III
44 et 229 consid. 2b p. 232), le présent recours est ouvert
sous l'angle des art. 44, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ; la valeur
litigieuse étant atteinte (art. 36 al. 1 OJ), il l'est aussi
du chef de l'art. 46 OJ.

c) Le recours est irrecevable dans la mesure où son
auteur s'écarte des faits retenus par l'autorité cantonale
(art. 55 al. 1 let. c OJ) sans invoquer l'une des exceptions
prévues par l'art. 63 al. 2 OJ.

2.- Le recourant se plaint d'abord d'une violation
de l'art. 20 al. 1 LCA. Il fait valoir, en substance, que la
sommation ne respecte pas les exigences légales: d'une part,
elle a été adressée à sa femme, et non à lui-même en qualité
de preneur; d'autre part, l'intimée n'a produit aucune pièce
établissant l'envoi d'une mise en demeure régulière au sujet
de son assurance perte de gain.

a) Lorsque la prime n'est pas payée à l'échéance ou
dans le délai de grâce accordé par le contrat, le débiteur
doit être sommé par écrit, à ses frais, d'effectuer le paie-
ment dans les 14 jours à partir de l'envoi de la sommation,
laquelle doit rappeler les conséquences du retard (art. 20
al. 1 LCA); si la sommation reste sans effet, l'obligation
de
l'assureur est suspendue à partir de l'expiration du délai
légal (art. 20 al. 3 LCA). Si l'assureur n'a pas poursuivi
le
recouvrement de la prime en souffrance dans les deux mois
après l'expiration du délai fixé par l'art. 20 al. 1 LCA, il
est censé s'être départi du contrat et avoir renoncé au paie-
ment de la prime arriérée (art. 21 al. 1 LCA); en revanche,
s'il a poursuivi le paiement de la prime ou l'a accepté ulté-
rieurement, son obligation reprend effet à partir du moment
où la prime arriérée a été acquittée, y compris les intérêts
et les frais (art. 21 al. 2 LCA). La LCA déroge en faveur de
l'assureur au régime commun de la demeure (art. 107 ss CO)
en
ce sens que, à l'expiration du délai imparti au débiteur
pour
s'exécuter, l'assureur a non seulement le choix de
poursuivre
le paiement de la prime en souffrance, mais encore son obli-
gation est suspendue. C'est pour sauvegarder convenablement
les intérêts du débiteur face aux conséquences économiques
rigoureuses représentées par la suspension de la couverture
d'assurance que le législateur a rompu avec le système de la
demeure suivant le droit commun, en prescrivant l'envoi
d'une
commination qui réponde à des exigences strictes quant à sa
forme et à son contenu (arrêt 5C.20/2002, du 25 avril 2002,
consid. 2d, destiné à la publication).

La sommation doit être adressée au débiteur de la
prime (Hasenböhler, Basler Kommentar, Bundesgesetz über den
Versicherungsvertrag, N. 18 ad art. 20 LCA; Roelli/Keller,
Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versiche-
rungsvertrag, vol. I, p. 339 ch. 2). Elle doit, notamment,
indiquer le montant de la ou des primes dont l'assureur
exige
le paiement; certains auteurs sont d'avis que si le montant

mentionné dans la sommation dépasse celle de la prime échue,
la sommation est sans effet (Hasenböhler, ibidem, N. 39 et
les citations). De plus, l'assureur doit rappeler au
débiteur
toutes les conséquences du retard, à savoir, d'une part, la
suspension de la couverture d'assurance à partir de l'expira-
tion du délai légal (art. 20 al. 3 LCA; Hasenböhler, ibidem,
N. 42 et les citations) et, d'autre part, le droit de l'assu-
reur de se départir du contrat, respectivement la fiction de
résiliation (art. 21 al. 1 LCA; arrêt 5C.20/2002, précité,
consid. 2).

b) aa) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été
constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que
des
prescriptions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées ou que des constatations ne reposent manifestement sur
une inadvertance (art. 63 al. 2 OJ).

Le jugement attaqué retient que la caisse a adressé
sa sommation du 19 juin 1999 à «A.________». La lecture de
cette pièce, qui figure en copie au dossier, contredit une
telle assertion: il en ressort que la mise en demeure a été
envoyée à «Madame B.________», femme de l'assuré; le
bulletin
de versement qui y est annexé est aussi libellé au nom de la
prénommée. La constatation de l'autorité cantonale procède
ainsi d'une inadvertance manifeste (sur cette notion: ATF
109
II 159 consid. 2b p. 162), que le Tribunal fédéral peut rec-
tifier d'office (Poudret, COJ II, N. 5.1 ad art. 63 et les
références citées).

Nonobstant l'avis de l'intimée, qui concède l'erreur
commise, ce moyen n'a rien d'abusif. Il est d'abord erroné
d'affirmer que «cet argument est allégué pour la première
fois»; en effet, le recourant a déjà fait valoir en instance
cantonale que la «défenderesse n'a adressé aucune sommation
au demandeur mais exclusivement à son épouse Mme B.________»

(complément de procédure du 13 juin 2001, allégué n° 3). Il
ressort ensuite du jugement attaqué que celle-ci est égale-
ment assurée auprès de l'intimée, en sorte qu'une ambiguïté
pouvait subsister.

bb) La juridiction inférieure n'a pas examiné si la
sommation informait l'assuré de manière explicite et
complète
sur toutes les conséquences du retard; aussi, sa décision ne
reproduit-elle pas le contenu de la sommation litigieuse.
Or,
une mise en demeure déficiente est irrégulière et ne saurait
produire les effets qu'elle omet de rappeler (Roelli/Keller,
op. cit., p. 344 ch. 1 et les arrêts cités).

La décision entreprise se borne à constater que la
sommation mentionnait le droit de la caisse «de dénoncer le
contrat avant l'échéance du délai de deux semaines». Cette
clause contrevient à l'art. 20 al. 1 LCA, aux termes duquel
la demeure intervient au plus tôt le quinzième jour après
l'envoi de la sommation; une résiliation antérieure est, dès
lors, illicite (art. 98 al. 1 LCA).

cc) Le montant qui fait l'objet de la sommation est
de 2'107 fr.60, dont 10 fr. à titre de frais. Ni le jugement
attaqué, ni la mise en demeure ne renseignent sur le montant
correspondant à la police d'assurance soumise à la LCA; or,
il apparaît évident qu'une partie de la somme réclamée
trouve
son fondement dans l'assurance obligatoire, de sorte que la
prétention globale de l'assureur excède l'arriéré dû en
vertu
de la seule assurance perte de gain. La sommation ne permet
donc pas à son destinataire de connaître le découvert à
payer
dans le «délai d'injonction» pour maintenir la couverture de
sa perte de gain.

dd) Enfin, on peut relever que la sommation invite
l'assuré à payer la somme en souffrance «sous un délai de 15

jours», tandis que le bulletin de versement qui l'accompagne
porte la mention: «[p]ayable dans les 10 jours».

3.- Vu les ambiguïtés et imprécisions dont elle est
entachée, force est de retenir que la sommation du 19 juin
1999 ne saurait être considérée comme une mise en demeure va-
lable de l'assuré de payer les primes de l'assurance perte
de
gain. Il s'ensuit que l'obligation de l'intimée découlant de
la police d'assurance en question n'a pas été suspendue
après
l'écoulement du délai légal.

En conclusion, le recours doit être admis dans la
mesure de sa recevabilité et le jugement attaqué annulé,
sans
qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs articulés
par le recourant. Il y a lieu de renvoyer la cause à l'auto-
rité cantonale pour qu'elle statue à nouveau en tenant
compte
des motifs qui précèdent. Les frais et dépens doivent être
mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 156 al. 1
et
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours dans la mesure où il est receva-
ble, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à l'auto-
rité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des consi-
dérants.

2. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.,
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer au
recourant à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal des assurances du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 8 mai 2002
BRA/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.258/2001
Date de la décision : 08/05/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-08;5c.258.2001 ?
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