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08/05/2002 | SUISSE | N°4P.33/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 mai 2002, 4P.33/2002


{T 0/2}
4P.33/2002 /ech

Arrêt du 8 mai 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin.

A. ________, recourant, représenté par Me Guillaume Ruff, avocat, rue
de
l'Athénée 26, 1206 Genève,

contre

B.________ , intimé, représenté par
Me Patrick Schellenberg, avocat, rue Sénebier 20, case postale 166,
1211
Genève 12,
Banque X.________, intimée, représentée par Me Michel A. Halpérin,
avocat,
avenue Léon-Gaud

5, 1206 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

arbitraire;...

{T 0/2}
4P.33/2002 /ech

Arrêt du 8 mai 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin.

A. ________, recourant, représenté par Me Guillaume Ruff, avocat, rue
de
l'Athénée 26, 1206 Genève,

contre

B.________ , intimé, représenté par
Me Patrick Schellenberg, avocat, rue Sénebier 20, case postale 166,
1211
Genève 12,
Banque X.________, intimée, représentée par Me Michel A. Halpérin,
avocat,
avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

arbitraire; intervention du fiduciant

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 14 décembre 2001).

Faits:

A.
B. ________ a déposé devant les tribunaux genevois une demande en
paiement
datée du 9 novembre 1992 qui est dirigée contre la Banque Y.________,
devenue
par la suite la Banque X.________. Exerçant l'activité de gérant de
fortune
indépendant, B.________ réclame à la banque réparation du préjudice
que lui
aurait causé le comportement de l'un de ses employés en relation avec
des
investissements et des opérations de gestion. Il déclare agir tant à
titre
personnel qu'en qualité de cessionnaire des droits de quatre de ses
clients,
dont A.________.

Par jugement du 23 octobre 2000, le Tribunal de première instance du
canton
de Genève a rejeté la demande, en considérant que B.________ n'avait
pas
prouvé de manquements à la charge de la banque.

B. ________ a appelé de ce jugement devant la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève.

B.
Par lettre du 6 avril 2001, A.________ a demandé à intervenir dans la
procédure d'appel.

Bien qu'aucune des parties ne s'y soit formellement opposée, la cour
cantonale a rejeté la demande d'intervention par arrêt du 14 décembre
2001.
Se fondant sur les règles de la procédure cantonale, elle a considéré
que
A.________ n'était pas un tiers faisant valoir un intérêt juridique
distinct,
que sa requête avait un caractère dilatoire et que l'intervention
porterait
atteinte, sans motif légitime, à la confidentialité à l'égard des
autres
clients de B.________.

C.
A.________ interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre
l'arrêt du 14 décembre 2001. Soutenant que la cour cantonale a violé
arbitrairement les art. 109 et 110 de la loi genevoise de procédure
civile
(ci-après: LPC/GE), il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à
l'admission de son intervention.

Le demandeur B.________ demande qu'il lui soit donné acte qu'il ne
prend pas
position.

La banque propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt
attaqué.

La cour cantonale formule des observations tendant au rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Hormis certaines exceptions - qui ne sont pas réalisées en
l'espèce -, le
recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de la
décision
attaquée (ATF 127 II 1 consid. 2c; 127 III 279 consid. 1b; 124 I 327
consid.
4a). Toute autre conclusion est irrecevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III
524
consid. 1c, 534 consid. 1b; 125 I 492 consid. 1b).

2.
2.1Le recourant invoque l'interdiction de l'arbitraire prévue par
l'art. 9
Cst.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait
qu'une autre
solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait
préférable;
le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque
celle-ci
est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction
claire
avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un
principe
juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière
choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit
annulée en
raison de son arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée
soit
insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire
dans son
résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166
consid.
2a; 124 I 247 consid. 5; 137 V 139 consid. 2b).

Lorsque - comme c'est le cas en l'espèce - le recourant invoque une
violation
arbitraire du droit cantonal, il doit indiquer avec précision quelles
sont
les dispositions du droit cantonal qui auraient été transgressées,
faute de
quoi il n'est pas possible d'entrer en matière sur son grief (ATF 110
Ia 1
consid. 2a).

En l'espèce, le recourant invoque une application arbitraire des art.
109 et
110 de la loi genevoise de procédure civile.

2.2 Selon l'art. 109 de la loi cantonale, celui qui a des intérêts
dans un
procès suivi entre d'autres parties peut demander à y intervenir et y
prendre
des conclusions personnelles.

L'art. 110, qui règle la procédure d'intervention, précise, à son
alinéa 3,
que si l'intervenant est sans intérêt, ou si sa demande est concertée
uniquement pour éloigner le jugement du procès, l'intervention est
rejetée.

2.3 L'intervention se caractérise comme une demande (cf. art. 110 al.
1 de la
loi cantonale) par laquelle une personne sollicite de participer à une
procédure déjà pendante entre d'autres parties. Il est communément
admis
qu'une autorité judiciaire peut statuer librement et d'office sur la
recevabilité des demandes qui lui sont adressées (cf. ATF 128 II 13
consid.
19, 46 consid. 2a; 127 I 92 consid. 1). Dès lors qu'elle estimait que
les
conditions légales d'une intervention n'étaient pas réunies, la cour
cantonale n'a pas statué arbitrairement en rejetant la demande, quand
bien
même aucune des parties ne l'avait demandé expressément.

La doctrine et la jurisprudence cantonales admettent qu'une
intervention est
encore possible au stade de l'appel si l'intervenant se borne à
appuyer des
conclusions prises en première instance
(Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, vol. I, n° 3 ad
art.
110; SJ 1924 p. 509). Cette question ne fait pas l'objet d'un grief
constitutionnel dûment motivé, de sorte qu'elle n'a pas à être
examinée ici.

La réglementation cantonale prévoit que le procès doit avoir lieu
"entre
d'autres parties" (art. 109) et que l'intervenant doit avoir un
intérêt à
faire valoir (art. 109 et 110 al. 3). La doctrine et la jurisprudence
cantonales en ont déduit que l'intervenant doit être un tiers faisant
valoir
un intérêt distinct et juridiquement protégé; un intérêt purement
économique
ne suffit pas; ainsi, l'actionnaire unique d'une société ne peut pas
intervenir dans le procès auquel sa société est partie
(Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt , op. cit., n°s 1 à 3 ad art. 109;
SJ 1910
p. 321). Cette interprétation du droit cantonal ne peut pas être
qualifiée
d'arbitraire; le recourant ne présente d'ailleurs aucune argumentation
répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ en vue de
démontrer le
contraire.

2.4 Le recourant admet lui-même qu'il a cédé tous ses droits contre
la banque
au demandeur, afin de permettre à ce dernier d'agir en justice en son
propre
nom.

La caractéristique d'une cession de créance (art. 164 ss CO) est
d'opérer un
transfert des droits, de telle sorte que le cédant n'en est plus
titulaire et
n'est plus habilité à les invoquer en justice (Girsberger, Commentaire
bâlois, n° 46 ad art. 164 CO; von Tuhr/Escher, Allgemeiner Teil des
schweizerischen Obligationenrechts, 3ème éd., tome II, p. 337 s.;
Engel,
Traité des obligations en droit suisse, 2ème éd., p. 883; cf. aussi
ATF 118
II 142 consid. 1b).

Le recourant fait certes valoir qu'il a cédé sa prétendue créance aux
fins
d'encaissement, c'est-à-dire à titre fiduciaire (sur cette figure
juridique:
cf. ATF 123 III 60 consid. 4c).

Il est cependant communément admis qu'une cession fiduciaire a pour
effet,
d'un point de vue juridique, d'opérer pleinement le transfert des
droits qui
en sont l'objet (ATF 119 II 326 consid. 2b; 117 II 429 consid. 3b;
109 II 242
consid. 2b).

Dès lors qu'il a cédé sa créance au demandeur (même à titre
fiduciaire), le
recourant n'en est plus titulaire et ne peut plus la faire valoir en
justice.
Par son intervention, il tente de dédoubler la titularité de la
créance,
d'une manière contraire à la figure juridique de la fiducie. En
réalité, il
ne peut plus faire valoir les créances cédées à l'égard de la banque
et
l'intérêt qu'il évoque pour appuyer les conclusions contre la banque
est
purement économique. Sa situation est comparable à celle de
l'actionnaire
unique qui voudrait intervenir dans le procès auquel sa société est
partie.
Dans ces circonstances, la cour cantonale, en rejetant la demande
d'intervention, s'est conformée à l'interprétation non arbitraire du
droit
cantonal résultant de la doctrine et de la jurisprudence du canton. La
décision attaquée, dans son résultat, n'est donc pas arbitraire, de
sorte
qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres arguments développés par
la cour
cantonale.

3.
Les frais doivent être mis à la charge du recourant qui succombe
(art. 156
al. 1 OJ).

Il ne se justifie pas d'allouer des dépens au demandeur, puisqu'il
s'est
refusé à prendre position et qu'il ne peut pas être considéré comme
la partie
qui obtient gain de cause. En revanche, des dépens seront alloués à
la banque
défenderesse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée Banque X.________ une indemnité de
8000 fr.
à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 8 mai 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.33/2002
Date de la décision : 08/05/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-08;4p.33.2002 ?
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