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08/05/2002 | SUISSE | N°1P.672/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 mai 2002, 1P.672/2001


{T 0/2}
1P.672/2001/col

Séance du 8 mai 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Féraud,
greffier Parmelin.

D. ________, recourante, représentée par Me Etienne Soltermann,
avocat, rue
du Roveray 16,
1207 Genève,

contre

la banque E.________, intimée, représentée par Me Bernard Ziegler,
avocat,
case postale 18, 1211 Genève 12,
Procureur général du canton de Genèv

e, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four ...

{T 0/2}
1P.672/2001/col

Séance du 8 mai 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Féraud,
greffier Parmelin.

D. ________, recourante, représentée par Me Etienne Soltermann,
avocat, rue
du Roveray 16,
1207 Genève,

contre

la banque E.________, intimée, représentée par Me Bernard Ziegler,
avocat,
case postale 18, 1211 Genève 12,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst.; confiscation d'avoirs

(recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du
canton de
Genève du 14 septembre 2001)

Faits:

A.
Par arrêt du 18 novembre 2000, la Cour correctionnelle avec jury du
canton de
Genève a condamné M.________ à trois ans et demi de réclusion pour
escroqueries et a prononcé son expulsion du territoire suisse pendant
cinq
ans; elle a en outre ordonné la confiscation et la dévolution au
profit de la
banque E.________ des comptes bancaires dont la société anonyme
D.________
(ci-après: D.________ ou la société) est titulaire auprès de la banque
H.________, à Genève, et de la Banque R.________ , à Zurich, sous la
réserve
d'une éventuelle revendication des avoirs formulée par les organes
chargés de
la liquidation de cette société.
Statuant le 14 septembre 2001, la Cour de cassation du canton de
Genève
(ci-après: la Cour de cassation ou la cour cantonale) a déclaré
irrecevable
le pourvoi formé contre cet arrêt par D.________ et a invité celle-ci
à agir
selon la procédure prévue par l'art. 218 I du Code de procédure pénale
genevoise (CPP gen.) si elle s'y estimait fondée. Elle a considéré
que le
tiers revendiquant des avoirs confisqués dans le cadre d'une
procédure pénale
à laquelle il n'a pas participé devait d'abord saisir la Chambre
pénale de la
Cour de justice du canton de Genève d'une requête en revendication
conformément à cette disposition, la faculté de recourir en cassation
prévue
à l'art. 338 al. 3 CPP gen. lui étant ensuite ouverte s'il n'a pas
obtenu
satisfaction. La solution inverse reviendrait à admettre comme partie
à la
procédure un tiers auquel la Cour correctionnelle ne pouvait que
refuser
toute possibilité d'intervention en vertu de la loi.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst., D.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la
Cour de
cassation du 14 septembre 2001 et de lui renvoyer la cause afin
qu'elle
statue sur le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt du 18
novembre 2000
de la Cour correctionnelle. Selon elle, la procédure de requête
prévue à
l'art. 218 I CPP gen. aurait uniquement pour objet de permettre au
tiers visé
à l'art. 59 CP de solliciter la dévolution à son profit des avoirs
confisqués, mais non pas de contester en tant que tel le bien-fondé
de la
confiscation. Seule la procédure de pourvoi en cassation ouverte au
tiers
visé à l'art. 59 CP en application de l'art. 338 al. 3 CPP gen. lui
donnerait
cette faculté. La solution attaquée aboutirait en outre à un résultat
choquant en tant qu'elle revient à nier toute possibilité d'empêcher
que la
confiscation n'acquière un caractère définitif permettant à son
bénéficiaire
d'exiger la remise des fonds.
La Cour de cassation se réfère à son arrêt. la banque E.________
conclut
principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet,
dans la mesure où il est recevable. Le Procureur général du canton de
Genève
propose de rejeter le recours.

C.
Par ordonnance du 12 novembre 2001, le Président de la Ire Cour de
droit
public a admis la demande de mesures provisionnelles présentée par
D.________
et a suspendu la dévolution des valeurs litigieuses à la banque
E.________
jusqu'à droit connu sur le recours de droit public.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Seule la voie du recours de droit public est ouverte en l'occurrence
pour se
plaindre d'une application arbitraire du droit cantonal, dans la
mesure où la
recourante ne prétend pas que l'arrêt attaqué reviendrait à violer le
droit
fédéral (cf. ATF 127 IV 215 consid. 2d p. 218; 119 IV 92 consid. 3b
p. 101).
L'arrêt attaqué, qui déclare irrecevable le pourvoi en cassation
déposé par
D.________ contre l'arrêt rendu par la Cour correctionnelle le 18
novembre
2000, met fin à la procédure pénale de confiscation en ce qui
concerne la
recourante et constitue une décision finale. Le recours est dès lors
recevable au regard des art. 86 al. 1 et 87 OJ. La voie de droit
ouverte aux
tiers visés à l'art. 59 CP pour se plaindre d'une confiscation
définitive de
leurs biens étant précisément l'objet du recours, la règle de
l'épuisement
préalable des instances cantonales posée à l'art. 86 al. 1 OJ est
satisfaite
(ATF 125 I 394 consid. 3 p. 396). Le recours répond au surplus aux
autres
exigences de recevabilité du recours de droit public, de sorte qu'il
convient
d'entrer en matière sur le fond.

2.
Selon la jurisprudence, les règles de compétence prévues par le
législateur
doivent être observées strictement par les autorités appelées à
statuer sur
les demandes qui leur sont soumises. Lorsque le législateur a prévu
que des
litiges doivent être soumis à une autorité déterminée, dont les
décisions
peuvent être portées par voie de recours devant une autorité
supérieure, les
justiciables ont le droit d'exiger que cette dernière ne se saisisse
pas du
litige lorsque celui-ci n'a pas été tranché par l'autorité
inférieure. Elle
ne peut donc connaître d'un litige qui doit d'abord être jugé par une
autorité inférieure, à moins que la loi ne le lui permette
expressément (ATF
99 Ia 317 consid. 4b p. 322/323; SJ 1991 p. 611 consid. 4b; RDAF 1983
p.
184). Il en va de même lorsque, comme en l'espèce, l'autorité
supérieure
dénie sa compétence pour revoir sur recours une décision d'une
autorité
inférieure et renvoie à agir par une autre voie de droit.

2.1 Se référant aux travaux préparatoires et à la systématique du
code de
procédure pénale, l'autorité intimée a considéré qu'en sa qualité de
tiers
visé à l'art. 59 CP, la recourante n'était pas habilitée à se
pourvoir en
cassation devant elle contre l'arrêt de la Cour correctionnelle
ordonnant la
confiscation de ses avoirs bancaires et leur dévolution à la partie
civile,
mais qu'elle devait agir par la voie de la requête en revendication
prévue
par l'art. 218 I CPP gen. pour en obtenir la restitution. La
recourante tient
cette interprétation pour arbitraire et contraire à la volonté réelle
du
législateur. Selon elle, la procédure de requête prévue par l'art.
218 I CPP
gen. permettrait au tiers visé à l'art. 59 CP de solliciter la
dévolution à
son profit d'objets ou de valeurs confisqués, mais non de remettre en
cause
la confiscation en tant que telle; en revanche, c'est par le biais du
pourvoi
en cassation consacré à l'art. 338 al. 3 CPP gen. que celui-ci
devrait agir
s'il entend contester le bien-fondé de cette mesure.

2.2 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du
droit
cantonal sous l'angle restreint de l'arbitraire; il ne s'écarte de la
solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en
contradiction
manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans
motifs
objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si
l'interprétation défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas
déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la
disposition
ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre
solution - éventuellement plus judicieuse - apparaît possible (ATF
123 I 1
consid. 4a p. 5; 122 I 61 consid. 3a p. 66/67; 122 III 130 consid. 2a
p. 131
et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa
lettre. Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il y a lieu de rechercher
la
véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec
d'autres
dispositions légales, de son contexte, du but poursuivi, de son
esprit ainsi
que de la volonté du législateur, telle qu'elle résulte notamment des
travaux
préparatoires (ATF 128 II 66 consid. 4a p.70). A l'inverse, lorsque
le texte
légal est clair, l'autorité qui applique le droit ne peut s'en
écarter que
s'il existe des motifs sérieux de penser que ce texte ne correspond
pas en
tous points au sens véritable de la disposition visée et conduit à des
résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le
sentiment de la justice ou le principe de l'égalité de traitement. De
tels
motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du
but de
la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d'autres
dispositions
(ATF 127 IV 193 consid. 5b/aa p. 194/195 et les arrêts cités). En
dehors du
cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable
ne
permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout lorsque
celle-ci est récente (ATF 120 V 1 consid. 1b p. 3; 118 II 333 consid.
3e p.
342 et les arrêts cités).

2.3 L'art. 338 CPP gen. dispose que le procureur général, l'accusé, le
condamné et, dans la mesure où la décision touche ses prétentions
civiles ou
peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières, la partie
civile
peuvent se pourvoir en cassation dans les cas prévus par la loi (al.
1). Le
tiers visé à l'article 59 du code pénal peut se pourvoir en cassation
contre
la décision rendue en matière de confiscation (al. 3). Suivant l'art.
339 al.
1 CPP gen., le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts de
la Cour
correctionnelle et de la Cour d'assises (let. c) et contre les arrêts
de la
Cour de justice, à l'exception de ceux de la Chambre pénale statuant
sur
appel des jugements du Tribunal de police (let. d).
L'art. 6 let. d de la loi genevoise d'application du code pénal (LACP)
dispose que la Cour de justice est compétente pour statuer sur toute
demande
de confiscation fondée sur l'art. 58 du code pénal lorsqu'aucune
personne
déterminée n'est traduite en jugement devant un tribunal du canton ou
fait
l'objet d'une ordonnance de condamnation. La procédure est réglée par
les
articles 218 H à 218 J du code de procédure pénale. Quant à l'art.
35C let. c
de la loi genevoise d'organisation judiciaire (LOJ), il dispose que la
Chambre pénale connaît des confiscations ou dévolutions fondées sur
les
articles 24 de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et 33 de
la loi
fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à
l'étranger (LFAIE). La procédure est réglée par les articles 218 H à
218 J du
code de procédure pénale.
L'art. 218 H CPP gen. prévoit qu'en matière de confiscation, la Cour
de
justice est saisie directement, par une requête motivée du procureur
général,
avec pièces à l'appui. Selon l'art. 218 I CPP gen., le tiers, qui
entend
faire valoir un droit que lui confère l'art. 59 du code pénal, peut
saisir,
par requête écrite, la Cour de justice pour obtenir la dévolution à
son
profit d'objets ou de valeurs confisqués. Suivant l'art. 218 J CPP
gen., la
Cour de justice statue lors d'une prochaine audience, après avoir
convoqué
toute personne qui, au vu de la requête et des pièces annexées,
pourrait
avoir un droit sur les objets ou valeurs à confisquer (al. 1). Le cas
échéant, la cour peut procéder à l'audition de témoins (al. 2). Un
extrait de
l'arrêt définitif comportant confiscation d'objets ou valeurs dont la
destruction n'est pas ordonnée est publié dans la Feuille d'avis
officielle
(al. 3).

2.4 L'art. 338 al. 3 CPP gen. autorise le tiers visé à l'art. 59 CP à
se
pourvoir en cassation contre la décision rendue en matière de
confiscation;
la Cour de cassation est d'avis que cette décision serait uniquement
celle de
la Chambre pénale de la Cour de justice prise en application des art.
218 H à
J CPP gen.; la recourante soutient pour sa part que l'art. 338 al. 3
CPP gen.
l'autoriserait au contraire à recourir aussi contre l'arrêt de la Cour
correctionnelle en tant qu'il porte sur la confiscation de ses
avoirs, sans
passer par la procédure de requête prévue par l'art. 218 I CPP gen.
Elle se
réfère en cela à la volonté du législateur telle qu'elle résulte des
travaux
préparatoires.
Le texte légal n'exclut a priori aucune des deux interprétations
puisque
l'art. 338 al. 3 CPP gen. ne précise pas si la décision rendue en
matière de
confiscation s'entend exclusivement de celle prise au terme de la
procédure
autonome de confiscation ménagée à l'art. 218 H à J CPP gen. ou si
elle
concerne également la confiscation ordonnée dans le cadre d'un arrêt
de la
Cour correctionnelle. En pareil cas, il était conforme aux règles
d'interprétation de rechercher l'intention réelle du législateur.
Les art. 218 H à J et 338 al. 3 CPP gen. ont été introduits à
l'occasion
d'une modification législative intervenue le 15 novembre 1986 afin
d'adapter
le droit cantonal de procédure aux dispositions du code pénal et de
la loi
fédérale sur les stupéfiants relatives à la confiscation d'avantages
illicites ou de valeurs ou d'objets provenant d'une infraction; il
s'agissait
alors tout d'abord de répondre
aux exigences du droit fédéral suivant
lesquelles la confiscation devait être ordonnée par un juge, ce qui
n'était
pas le cas du Procureur général lorsqu'il prononçait la confiscation
dans le
cadre d'une ordonnance fondée sur les art. 58 et 59 aCP (cf. ATF 108
IV 154).
La modification législative tendait donc à retirer la compétence de
confisquer les objets dangereux au sens de l'art. 58 aCP accordée au
Juge
d'instruction ou au Procureur général à l'art. 3 LACP pour
l'attribuer à la
Chambre pénale de la Cour de justice, par une adaptation des art. 6
LACP et
35C LOJ (Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 20 mars
1986, p.
734; Louis Gaillard, La confiscation des gains illicites, le droit
des tiers
(art. 58 et 58bis du Code pénal), in: Le rôle sanctionnateur du droit
pénal,
Fribourg 1985, p. 186). Elle visait en outre à instaurer une procédure
autonome de confiscation pour les cas prévus aux art. 58 aCP, 24
LStup et 33
LFAIE, lorsqu'aucune personne déterminée n'est punissable, ainsi
qu'une
procédure autonome de restitution des biens confisqués permettant la
mise en
oeuvre de l'art. 58bis aCP (actuellement l'art. 59 CP). Tel était
l'objet des
art. 218 H à J CPP gen. (Mémorial des séances du Grand Conseil,
séance du 20
mars 1986, p. 736). Le Conseil d'Etat entendait enfin ouvrir la voie
du
pourvoi en cassation au tiers visé à l'art. 58bis aCP contre la
décision de
la Chambre pénale, afin d'assurer l'unité de la jurisprudence, la
Cour de
cassation étant compétente lorsqu'il s'agit d'une confiscation
ordonnée par
un tribunal; cette autorité ne reconnaissant cependant pas la qualité
pour
agir du tiers visé à l'art. 58bis aCP, faute d'y être expressément
autorisé,
il proposait d'ajouter celui-ci à la liste des personnes habilitées à
se
pourvoir en cassation énumérée à l'art. 338 al. 1 CPP gen. et de
préciser à
l'art. 340 let. a CPP gen. que les cas de violation de la loi pénale
susceptibles de faire l'objet d'un pourvoi comprenaient celui de la
violation
de l'art. 58bis aCP (Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du
20 mars
1986, p. 736/737). La volonté du Conseil d'Etat était donc avant tout
d'ouvrir la voie du pourvoi en cassation contre les décisions de la
Chambre
pénale de la Cour de justice prises en application des art. 218 H et
I CPP
gen. au tiers visé à l'art. 58bis aCP; il ne ressort en revanche pas
clairement de l'exposé des motifs qu'elle consistait aussi à lui
reconnaître
la qualité pour agir contre les décisions de confiscation prises dans
le
cadre d'un jugement au fond, même si les modifications proposées
pouvaient
avoir cette conséquence.
Les explications complémentaires fournies par la commission judiciaire
chargée d'étudier le projet de loi ne permettent pas de clarifier ce
point.
Les membres de la commission n'ont pas ajouté le tiers visé à l'art.
58bis
aCP à la liste des personnes habilitées à se pourvoir en cassation en
vertu
de l'art. 338 al. 1 CPP gen., comme le proposait le Conseil d'Etat,
mais ils
lui ont conféré la qualité pour recourir contre la décision de
confiscation
dans un alinéa spécifique, sans autre explication; s'ils entendaient
ainsi
distinguer le tiers visé à l'art. 58bis aCP des parties à la
procédure ayant
conduit au jugement sur le fond, cela ne signifie pas encore qu'ils
avaient
l'intention de lui reconnaître de manière générale la faculté de se
pourvoir
en cassation contre ce jugement en tant qu'il porte sur la
confiscation de
ses avoirs, même si la précision suivant laquelle la capacité de
recourir du
tiers visé à l'art. 58bis aCP était strictement limitée à ce qui le
concerne,
à savoir la confiscation (Mémorial des séances du Grand Conseil,
séance du 19
septembre 1986, p. 3088), va plutôt dans ce sens.
En définitive, si le Conseil d'Etat, puis la commission judiciaire
chargée
d'étudier le projet de loi entendaient s'écarter de la jurisprudence
de la
Cour de cassation qui refusait de reconnaître au tiers visé à l'art.
58bis
aCP la qualité pour se pourvoir en cassation, faute d'y être
expressément
autorisé (Mémorial des séances du Grand conseil, séance du 20 mars
1986, p.
737, et séance du 19 septembre 1986, p. 3088), les travaux
préparatoires ne
sont pas suffisamment précis au point d'admettre, avec une certitude
absolue,
que le législateur entendait conférer au tiers visé à l'art. 58bis
aCP la
qualité pour se pourvoir en cassation contre toute décision de
confiscation,
qu'elle soit prise dans le cadre d'un jugement de condamnation ou au
terme de
la procédure autonome de confiscation ou de restitution, et non pas
uniquement dans ce dernier cas.
Pour le surplus, les arguments développés par la recourante ne
permettent pas
encore de tenir la solution attaquée pour arbitraire. Le droit
fédéral exige
que la décision en matière de confiscation soit prise par un juge
ayant une
pleine cognition en fait et en droit (ATF 126 IV 107 consid. 1b/cc p.
110);
en revanche, il ne précise pas la procédure au terme de laquelle cette
décision doit être rendue. En particulier, il n'impose pas aux
cantons de
prévoir une voie de recours cantonale contre une décision de
confiscation
prise dans le cadre d'un jugement de condamnation en faveur des tiers
visés à
l'art. 59 CP, mais uniquement de mettre à leur disposition une
procédure
permettant de faire valoir leur droit de propriété. Il peut s'agir
d'une
procédure séparée de la procédure pénale, telle une action civile
(arrêt du
Tribunal fédéral 1P.467/1998 du 22 décembre 1998, consid. 3e, paru à
la RDAT
1999 II n° 57 p. 202; arrêt du Tribunal fédéral 6P.45/1993 du 7
juillet 1993,
consid. 3a); la procédure de restitution instaurée à l'art. 218 I CPP
gen.
est a priori propre à tenir ce rôle puisque la Chambre pénale de la
Cour de
justice, compétente pour statuer, tranche avec une pleine cognition
en fait
et en droit. Enfin, en l'absence de tout grief à ce sujet, il
n'appartient
pas à l'autorité de céans d'examiner d'office si l'interprétation
retenue est
compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral qui confère au
tiers
visé à l'art. 59 CP le droit d'être entendu dans le cadre de la
procédure
pénale de confiscation (cf. ATF 121 IV 365 consid. 7c p. 368; RVJ
1998 p. 163
consid. 1a) ou si elle empêcherait ou compliquerait d'une autre
manière
l'application du droit fédéral matériel (ATF 127 I 38 consid. 3c p.
43).
Eu égard à la réserve dont le Tribunal fédéral doit faire preuve dans
l'interprétation du droit cantonal de procédure, l'on ne saurait dès
lors
taxer d'insoutenable l'interprétation retenue par la Cour de
cassation, même
si elle comporte un certain risque, en cas de dévolution non pas à
l'Etat,
mais à un tiers, que la somme confisquée ne puisse plus être
restituée à sa
propriétaire.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1
OJ). Cette
dernière versera une indemnité de dépens à l'intimée qui obtient gain
de
cause avec l'assistance d'un homme de loi (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la banque E.________ à titre
de
dépens, à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Procureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 8 mai 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.672/2001
Date de la décision : 08/05/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-08;1p.672.2001 ?
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