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07/05/2002 | SUISSE | N°5P.277/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 mai 2002, 5P.277/2001


{T 0/2}
5P.277/2001 /frs

Arrêt du 7 mai 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Escher, Gardaz, juge suppléant,
greffière Revey.

Dame M.________, recourante, représentée par Me Monica Kohler,
avocate, rue
Marignac 9, case postale 324, 1211 Genève 12,

contre

M.________, intimé, représenté par Me Marlène Pally, avocate, route du
Grand-Lancy 12, 1212 Grand-Lancy,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.


art. 9 Cst. (divorce)

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canto...

{T 0/2}
5P.277/2001 /frs

Arrêt du 7 mai 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Escher, Gardaz, juge suppléant,
greffière Revey.

Dame M.________, recourante, représentée par Me Monica Kohler,
avocate, rue
Marignac 9, case postale 324, 1211 Genève 12,

contre

M.________, intimé, représenté par Me Marlène Pally, avocate, route du
Grand-Lancy 12, 1212 Grand-Lancy,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (divorce)

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 15 juin 2001)
Faits:

A.
M.________ et dame M.________ se sont mariés en 1976 au Portugal. Deux
enfants sont nés de cette union, L.________, majeur, et E.________,
née le 26
décembre 1992. Ils vivent séparés depuis octobre 1998.
Le 17 novembre 1998, l'épouse a formé une demande de divorce devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève, alléguant la
jalousie de
son époux ainsi que les violences verbales et physiques qu'il
exerçait à son
encontre. Ces motifs l'avaient contrainte à quitter le domicile
conjugal pour
se réfugier chez un couple de médecins. Elle vivait dans un état de
détresse
extrême. Le défendeur s'est opposé au divorce, contestant les griefs
avancés.
Statuant le 16 novembre 2000, le tribunal a prononcé le divorce des
époux en
vertu de l'art. 115 CC, attribué à la mère les droits parentaux sur
leur
fille, main- tenu la curatelle de surveillance des relations
personnelles,
réglé les autres effets accessoires du divorce, hormis la liquidation
du
régime matrimonial, et compensé les dépens. S'agissant de la
réalisation des
motifs sérieux au sens de l'art. 115 CC, le tribunal a estimé que, si
nul
témoin n'avait observé de violences physiques entre les époux avant la
séparation, l'épouse et sa fille se trouvaient dans un grand désarroi
et la
vie commune avait porté une atteinte grave à l'état psychique de
l'épouse.
Par arrêt du 15 juin 2001 rendu sur appel de l'époux, la Cour de
justice a
annulé le jugement de première instance, débouté l'épouse en estimant
que les
conditions de l'art. 115 CC n'étaient pas réunies et compensé les
dépens.

B.
Contre cet arrêt, l'épouse exerce parallèlement devant le Tribunal
fédéral un
recours de droit public et un recours en réforme (5C.220/2001). Dans
le
premier, elle se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits et
l'appréciation des preuves. Elle demande l'annulation de l'arrêt
attaqué, la
confirmation du prononcé de première instance, le rejet des
conclusions de
l'époux et la condamnation de celui-ci aux dépens devant la Cour de
justice
et le Tribunal fédéral. Subsidiairement, elle requiert le renvoi de
la cause
à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des
considérants, le
rejet des conclusions de l'époux et la condamnation de celui-ci aux
dépens
devant la Cour de justice et le Tribunal fédéral, lesquels
comprendront une
équitable participation aux honoraires de son conseil. Elle sollicite
enfin
l'assistance judiciaire.

C.
L'époux, qui requiert également le bénéfice de l'assistance
judiciaire,
conclut en substance au rejet du recours et s'en rapporte à la justice
s'agissant de la recevabilité. La Cour de justice s'est référée aux
considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à
l'arrêt
sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit
public.
Les conditions d'une dérogation à ce principe ne sont pas remplies en
l'espèce (cf. notamment ATF 123 III 213 consid. 1; 122 I 81 consid.
1; 120 Ia
377 consid. 1 et 117 II 630 consid. 1a).

1.2 Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, le recours est en principe recevable au regard
des art.
89 al. 1 et 87 OJ. Il est néanmoins irrecevable, vu sa nature
cassatoire,
dans la mesure où ses conclusions tendent à autre chose qu'à
l'annulation de
l'arrêt attaqué. Il en va ainsi, en particulier, de la demande visant
à la
condamnation de l'intimé aux dépens devant la Cour de justice.

2.
Selon l'art. 115 CC, un époux peut demander le divorce avant
l'expiration du
délai de quatre ans de séparation prévu par l'art. 114 CC, lorsque
des motifs
sérieux qui ne lui sont pas imputables rendent la continuation du
mariage - à
savoir le maintien du lien conjugal - insupportable. Peuvent notamment
constituer de tels motifs les actes de violence mettant en péril la
santé
physique et psychique du conjoint demandeur (ATF 126 III 404 consid.
4g/h et
les citations; cf. aussi ATF 128 III 1 consid. 3a/cc; 127 III 129 ss,
347
consid. 2a).

3.
3.1La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir procédé à une
constatation lacunaire des faits en écartant de leur appréciation des
éléments pertinents relatifs aux violences subies, en particulier
psychologiques, et à son état de détresse lors de son départ du
domicile
conjugal. Elle fait ainsi grief à la Cour de justice d'avoir soulevé
l'absence d'un certificat médical, alors même qu'une telle pièce
figure au
dossier, et d'avoir omis deux témoignages, émanant de la Dresse
B.________ et
de Sr P.________, soit des deux personnes l'ayant accueillie lors du
départ
précité.

3.2 Dans sa partie en droit, la Cour de justice a indiqué ce qui suit:
"(...) l'appelante a prétendu subir de son conjoint des violences
physiques
(...) et avoir été victime de violences psychiques (...) qui
rendraient pour
elle la continuation du mariage insupportable.

Il ressort des enquêtes que des violences verbales et physiques de
l'appelant
envers son épouse et l'enfant mineure ont été constatées par le témoin
A.________, l'ami de l'intimée et le Service du tuteur général. Il
n'a pas
été précisé par le témoin A.________ s'il avait constaté de tels faits
pendant la vie commune ou après la séparation des époux. L'ami de
l'intimée
et le Service du tuteur général n'ont pas constaté de tels faits
pendant la
vie
commune. Pour le surplus, les violences alléguées par l'épouse n'ont
pas fait
l'objet de témoignages directs confirmés par des éléments objectifs
tels que
des certificats médicaux.
Ces violences, si elles ont eu lieu, ne revêtent toutefois pas un
caractère
durable et de gravité si intense que le mariage soit totalement
insupportables. Elles ne sauraient fonder des motifs sérieux de
divorce au
sens de l'art. 115 CC (...)."
Ce considérant semble abscons. La Cour de justice constate d'abord
l'existence de violences verbales et physiques (en laissant indécis
le point
de savoir si ces actes sont survenus déjà pendant la vie commune),
puis remet
en doute, dans le paragraphe suivant, la survenance de "ces
violences" (en
gardant de même cette question ouverte dès lors que celles-ci ne
réalisent de
toute façon pas les motifs sérieux au sens de l'art. 115 CC).
En tout état de cause, la Cour de justice a violé le droit
constitutionnel, à
savoir non pas l'art. 9 Cst. invoqué expressément par la recourante
mais
l'art. 29 al. 2 Cst. soulevé implicitement, en passant sous silence
des
pièces, figurant au dossier, qui contribuent à établir les violences
subies,
en particulier avant la séparation. Tel est le cas du certificat
médical de
la Dresse V.________ du 3 décembre 1998, laquelle indique soigner la
recourante depuis 1995 en raison d'une "dépression sévère
réactionnelle à sa
maladie (cancer du sein) et à un conflit de famille". Dès lors que ce
document, qui se réfère du reste à une période antérieure à la
séparation,
atteste d'une dépression aux causes notamment familiales, il
constitue un
élément propre à démontrer de graves difficultés matrimoniales, que le
tribunal devait examiner au regard de l'art. 115 CC. Il en va de même
des
témoignages de la Dresse B.________ (selon laquelle la recourante a en
particulier souffert, comme l'indique la partie en fait de l'arrêt
attaqué
"de violences morales et physiques conjuguées") et de Sr P.________,
car
ceux-ci attestent notamment de l'état de désespoir et d'angoisse dans
lequel
se trouvait la recourante au moment du départ du domicile conjugal.
Le recours de droit public doit ainsi être admis sous cet angle.

3.3 Pour le surplus, dans la mesure où la recourante se livre à une
critique
amplement appellatoire (en outre sous l'angle de l'art. 4 aCst.,
pourtant
largement caduc) de l'appréciation de celles des preuves que la Cour
de
justice a effectivement prises en considération, le recours est
irrecevable
au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 I 38 consid. 3c; 125
I 492
consid. 1b).

4.
Vu ce qui précède, le recours de droit public doit être admis en tant
que
recevable. Les deux parties satisfaisant aux réquisits de l'art. 152
OJ, il
sied de leur octroyer l'assistance judiciaire pour la procédure
devant le
Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en tant que recevable et l'arrêt attaqué est
annulé.

2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est admise et la
mandataire de la recourante, Me Monica Kohler, avocate à Genève, lui
est
désignée comme conseil d'office pour la procédure fédérale.

3.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et la
mandataire de
l'intimé, Me Marlène Pally, avocate à Genève, lui est désignée comme
conseil
d'office pour la procédure fédérale.

4.
Il est mis à la charge de l'intimé un émolument judiciaire de 1'500
fr.,
celui-ci étant provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal
fédéral.

5.
La Caisse du Tribunal fédéral versera, au titre d'honoraires, une
indemnité
de 1'000 fr. à Me Monica Kohler et de 1'500 fr. à Me Marlène Pally.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 7 mai 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.277/2001
Date de la décision : 07/05/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-07;5p.277.2001 ?
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