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06/05/2002 | SUISSE | N°I.380/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 mai 2002, I.380/01


«AZA 7»
I 380/01 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 6 mai 2002

dans la cause

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5,
2302 La Chaux-de-Fonds, recourant,

contre

K.________, intimé, représenté par Me Ivan Zender, avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- K.________ est titulaire d'un CFC de boucher
obt

enu en 1982. Il a exercé cette profession de 1982 à
1984, puis de 1987 à 1990, après quoi il a travaillé comme
chauffeur-livreur, g...

«AZA 7»
I 380/01 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 6 mai 2002

dans la cause

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5,
2302 La Chaux-de-Fonds, recourant,

contre

K.________, intimé, représenté par Me Ivan Zender, avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- K.________ est titulaire d'un CFC de boucher
obtenu en 1982. Il a exercé cette profession de 1982 à
1984, puis de 1987 à 1990, après quoi il a travaillé comme
chauffeur-livreur, gestionnaire de stock et magasinier
auprès de plusieurs employeurs, dont, en dernier lieu,
l'entreprise X.________. Dans cette activité, il réalisait
au moment de l'accident un revenu annuel de 42 900 fr., qui
aurait été porté, en 2000, à 49 400 fr.

Le 25 décembre 1998, K.________ est tombé sur la tête
en chutant d'un trempoline. Les médecins de l'Hôpital
Y.________ ont posé le diagnostic de spondylolisthésis de
L5/S1 sur spondylolyse bilatérale de L5 avec antélisthésis
L5 par rapport à S1. Souffrant de lombalgies malgré le port
d'un corset et une physiothérapie intensive, K.________ a
subi le 18 novembre 1999 une spondylodèse et une greffe
osseuse.
Le 16 juin 2000, l'intéressé a déposé une demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi de
mesures de reclassement professionnel et subsidiairement
d'une rente. En cours d'instruction, il a été examiné par
le docteur A.________, spécialiste FMH en médecine interne
et rhumatologie. Dans un rapport du 6 octobre 2000, ce
médecin a conclu qu'après une évolution extrêmement favo-
rable l'assuré a retrouvé un bon degré de fonctionnalité de
son dos. Une activité de force doit être proscrite et l'as-
suré exempté du port de charges supérieures à 15-20 kilos.
Il n'existe, en revanche, pas de contre-indication pour une
activité légère en position assise, debout ou alternée.
Toujours selon ce médecin, la reprise d'une activité de
boucher, à temps complet mais avec les réserves précitées
et en évitant le travail en chambre froide, telle la vente
au détail dans une grande surface serait exigible, ainsi
que toute autre activité non qualifiée répondant aux mêmes
exigences.
Par décision du 12 février 2001, l'Office AI du canton
de Neuchâtel (ci-après : l'OAI) a nié le droit de
K.________ à toute prestation au motif que l'exercice d'une
activité telle que celle décrite par le docteur A.________
lui procurerait un revenu annuel de 55 000 fr. si bien
qu'il ne subit aucune perte de gain en relation avec
l'affection dont il souffre.

B.- Par jugement du 14 mai 2001, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Neuchâtel a admis le recours interjeté
contre cette décision par l'assuré et renvoyé la cause à

l'OAI pour instruction complémentaire au sens des considé-
rants. Les premiers juges ont considéré, en substance, que
l'OAI ne pouvait, sur la base du seul rapport du docteur
A.________, retenir que l'assuré était à même d'assumer à
plein temps toute activité adaptée à son état de santé de
nature à lui procurer, sans autre précision sur ce point,
un gain annuel de 55 000 fr. Cela laissait sous-entendre, à
leurs yeux, que l'assuré était à même de reprendre son
ancienne activité de boucher, dont le revenu paraissait
correspondre à ce montant, alors que cette activité n'était
en réalité plus exigible de lui ou avec des limitations
telles que l'on pouvait nourrir de sérieux doutes sur les
possibilités concrètes d'embauche.

C.- L'OAI interjette recours de droit administratif
contre le jugement du 14 mai 2001 en concluant à son annu-
lation et à la confirmation de sa décision du 12 février
2001.
L'assuré a conclu au rejet du recours, avec dépens. A
l'appui de ses conclusions, il produit une décision du
30 mars 2001 par laquelle la Caisse nationale suisse d'as-
surance accidents (ci-après : la CNA) lui a reconnu le
droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'inca-
pacité de gain de 20 %.
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

D.- Le juge délégué à l'instruction du recours a re-
quis d'office production en main de la CNA du dossier de
l'assuré.
Les parties ont eu l'occasion de déposer des obser-
vations.

Considérant en droit :

1.- a) Dans la procédure de recours concernant l'oc-
troi ou le refus de prestations d'assurance, le pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est pas
limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès
et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend égale-
ment à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal
n'est alors pas lié par l'état de fait constaté par la
juridiction inférieure, et il peut s'écarter des conclu-
sions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci
(art. 132 OJ).

b) Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié
par les motifs que les parties invoquent (art. 114 al. 1 en
corrélation avec l'art. 132 OJ), il examine d'office si le
jugement attaqué viole des normes de droit public fédéral
ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a
OJ). Il peut ainsi admettre ou rejeter un recours sans
égard aux griefs soulevés par le recourant ou aux raisons
retenues par le premier juge (ATF 125 V 500 consid. 1,
124 V 340 consid. 1b et les références).

2.- A l'appui de ses déterminations sur le présent
recours, l'intimé a produit, pour la première fois en ins-
tance fédérale, une décision du 30 mars 2001, par laquelle
la CNA lui reconnaît le droit à une rente d'invalidité fon-
dée sur une incapacité de gain de 20 % résultant des suites
de l'accident du 25 décembre 1998. Cette décision est en-
trée en force faute de recours.

a) Le juge ne doit, en principe, tenir compte que des
faits existant au moment où la décision litigieuse a été
rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités). Les
faits survenus postérieurement doivent cependant être pris
en considération dans la mesure où ils sont étroitement

liés à l'objet du litige et de nature à influencer l'appré-
ciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF
99 V 102 et les arrêts cités).

b) La cour de céans a récemment précisé sa jurispru-
dence concernant la coordination de l'évaluation de l'inva-
lidité dans les différentes branches de l'assurance socia-
le. Elle a notamment confirmé le caractère uniforme de la
notion d'invalidité dans ces différentes branches (cf.
art. 22 du projet de Loi fédérale sur la partie générale du
droit des assurances sociales [LPGA] du 27 septembre 1990),
ainsi que son effet de coordination dans l'évaluation de
l'invalidité. En revanche, elle a renoncé à la pratique
consistant à accorder en principe plus d'importance à
l'évaluation effectuée par l'un des assureurs sociaux,
indépendamment des instruments dont il dispose pour ins-
truire le cas et de l'usage qu'il en fait dans le cas con-
cret. Certes, il faut éviter que des assureurs procèdent à
des évaluations divergentes dans un même cas. Mais même si
un assureur ne peut en aucune manière se contenter de re-
prendre, sans plus ample examen, le taux d'invalidité fixé
par un autre assureur, une évaluation entérinée par une
décision entrée en force ne peut pas rester simplement
ignorée. Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle
évaluation lorsqu'elle repose sur une erreur de droit ou
sur une appréciation insoutenable (ATF 119 V 471 con-
sid. 2b) ou encore lorsqu'elle résulte d'une simple tran-
saction conclue avec l'assuré (ATF 112 V 175 s. con-
sid. 2a). A ces motifs de divergence déjà reconnus anté-
rieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des
mesures d'instruction extrêmement limitées et superficiel-
les, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou
entachée d'inobjectivité (ATF 126 V 292 s. consid. 2b et
2d; RAMA 2000 p. 402 consid. 3).

3.- a) En l'espèce, l'OAI ne pouvait avoir connais-
sance, au moment de rendre sa propre décision, de celle

rendue postérieurement par la CNA, soit le 30 mars 2001, et
dont l'autorité judiciaire précédente n'a pas eu non plus
connaissance. Il ne se justifie pas moins d'en tenir compte
en instance fédérale, dans la mesure où, conformément à la
jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 2b), se rappor-
tant au même complexe de faits, elle est susceptible d'in-
fluencer l'appréciation du degré d'invalidité de l'assuré
et, partant, son droit aux prestations de l'assurance-
invalidité.

b) Il résulte du dossier produit par la CNA à la ré-
quisition de la cour de céans que la décision du 30 mars
2001 procède d'une évaluation objective, convaincante et
conforme à la loi de l'invalidité de l'assuré. Afin de dé-
terminer la capacité résiduelle de gain de ce dernier, la
CNA, après avoir procédé à une instruction approfondie sur
le plan médical (rapports des docteurs B.________, des
26 août 1999 et 8 novembre 1999, C.________, du 20 octobre
1999 et D.________, du 11 décembre 2000) et en toute con-
naissance du rapport du docteur A.________, du 6 octobre
2000, s'est référée à cinq descriptions de postes de tra-
vail, soit les DPT nos 2259, 4727, 3333, 3813 et 1587, dont
les exigences correspondent aux limites fixées par les mé-
decins à l'activité de l'assuré. Compte tenu de ces données
économiques, et du revenu qu'il aurait pu réaliser chez son
ancien employeur sans invalidité, l'appréciation du degré
de son invalidité, arrêté à 20 %, ne saurait être taxée
d'insoutenable. Il n'y a dès lors aucune raison, au sens de
la jurisprudence précitée de s'en écarter.

c) Au vu de ce qui précède, le degré d'invalidité de
l'assuré doit être arrêté à 20 %, taux suffisant selon la
jurisprudence pour ouvrir le droit de l'assuré à des me-
sures de réadaptation d'ordre professionnel (ATF 124 V 110
consid. 2b), mais non, selon la loi, à une rente (art. 28
al. 1 LAI). Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être
modifié en ce sens et la cause renvoyée à l'administration

pour instruction complémentaire en relation avec les autres
conditions du droit à des mesures de réadaptation d'ordre
professionnel et nouvelle décision.

4.- L'intimé, qui s'est fait assister d'un avocat, a
conclu au rejet du recours en maintenant, notamment, sa
demande de mesures de réadaptation d'ordre professionnel.
Obtenant en réalité gain de cause, il peut prétendre l'oc-
troi de dépens (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art. 135 OJ). Il convient toutefois de tenir compte du
fait que l'intimé, qui avait connaissance de la décision de
la CNA du 30 mars 2001 n'en a pas donné connaissance au
Tribunal administratif mais ne l'a produite, pour la pre-
mière fois, qu'en instance fédérale, comportement propre,
selon la jurisprudence, à occasionner des frais inutiles et
qui justifie, partant, la réduction des dépens (art. 156
al. 6 et 159 al. 5 OJ; RCC 1989, p. 290 consid. 3b, 1988,
p. 424).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis. Le jugement du Tribunal adminis-
tratif du canton de Neuchâtel, du 14 mai 2001, est
modifié en ce sens que la cause est renvoyée à l'admi-
nistration pour instruction complémentaire sur les
conditions du droit de l'assuré à des mesures de réa-
daptation d'ordre professionnel.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neu-
châtel versera à l'intimé la somme de 1000 fr. à titre
de dépens (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour
l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, à la
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation ainsi
qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 mai 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.380/01
Date de la décision : 06/05/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-06;i.380.01 ?
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