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06/05/2002 | SUISSE | N°2P.146/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 mai 2002, 2P.146/2001


{T 0/2}
2P.146/2001/dxc

Arrêt du 6 mai 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président de la Cour, Hungerbühler,
Müller,
Yersin, Merkli,
greffier Dubey.

Consortium A.________, soit Gebr. D.________ SA, E.________ SA,
F._______ &
fils SA,
recourantes, représentées par Me Beat Rieder, avocat, Sonnenstrasse
9, Case
postale 573, 3900 Brig,

Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,

contre

Consortium B.________,
intimé,

représenté par Me Marcel Mathier, avocat,
route de Sion 3, 3960 Sierre,

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de...

{T 0/2}
2P.146/2001/dxc

Arrêt du 6 mai 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président de la Cour, Hungerbühler,
Müller,
Yersin, Merkli,
greffier Dubey.

Consortium A.________, soit Gebr. D.________ SA, E.________ SA,
F._______ &
fils SA,
recourantes, représentées par Me Beat Rieder, avocat, Sonnenstrasse
9, Case
postale 573, 3900 Brig,

Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,

contre

Consortium B.________,
intimé, représenté par Me Marcel Mathier, avocat,
route de Sion 3, 3960 Sierre,

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

art. 9 Cst. (adjudication)

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton du
Valais, Cour de droit public, du 6 avril 2001)
Faits:

A.
Par avis publié dans le Bulletin officiel du canton du Valais n° 22
du 2 juin
2000, le Département des transports, de l'équipement et de
l'environnement de
l'Etat du Valais (ci-après: le Département des transports) a mis en
soumission les travaux de correction (lot n° 512) de la route
cantonale
Sierre-Salquenen (tronçon du giratoire du Grillon-Tunnel du Hubil)
pour la
construction de l'autoroute A9.

Selon les documents de l'appel d'offres, le marché était adjugé au
soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus
avantageuse
selon les critères suivants:
1. Prix de l'offre.

2. Références pour des ouvrages similaires récents (5 dernières
années).

3. Preuves de la capacité en personnel et en machines pour
l'exécution
de cet ouvrage dans le délai prévu.
A la demande du maître de l'ouvrage, l'entrepreneur devait remettre
dans un
délai de dix jours notamment une liste des sous-traitants éventuels si
ceux-ci ne figuraient pas déjà dans le cahier d'appel d'offres. Les
variantes
de projet n'étaient pas admises. Sauf indication contraire, le dépôt
d'une
variante d'exécution par l'entrepreneur était admise à la condition,
parmi
d'autres, qu'elle contienne toutes les données permettant de la juger
sur
tous les aspects techniques, financiers et esthétiques et soit
déposée en
même temps que l'offre officielle. Les variantes dont le descriptif
des
prestations était lacunaire étaient écartées.

Le tableau comparatif d'ouverture du 18 juillet 2000 mentionne sept
offres
dont celles de deux consortiums constitués par les entreprises et
B.________
et C.________ SA (consortium B.________), pour le prix, le plus bas,
de
4'481'580 fr., pour le premier, et pour le second, par les
entreprises Gebr.
D.________ AG, E.________ SA et F.________ & fils SA (ci-après:
consortium
A.________), pour le prix, venant en deuxième position, de 4'499'913
fr. Le
consortium B.________ a en outre déposé une variante d'exécution dite
"transport" pour le prix de 4'506'526 fr. corrigé, pour tenir compte
d'une
erreur de calcul, à 4'415'065 fr. 25.

Le 26 juillet 2000, le Service cantonal des routes et des cours d'eau
(ci-après: Service des routes) a requis du consortium B.________
diverses
explications ainsi que l'indication du sous-traitant chargé de la
pose des
enrobés bitumeux et leur origine. Après avoir écrit, le 3 août, être
dans
l'incapacité de fournir le nom du sous-traitant, les négociations ne
pouvant
intervenir qu'après l'adjudication, le consortium B.________a
toutefois
précisé, le 29 août, que son partenaire habituel était l'entreprise
X.________ SA.

B.
Dans son rapport d'évaluation du 12 septembre 2000, le Service des
routes a
écarté la variante "transport", jugée incomplète. Pour l'évaluation
des
offres, le Services des routes a pondéré les critères de la manière
suivante:
70 % pour le prix de l'offre (60% pour le montant et 10% pour la
clarté et la
cohérence de l'offre), 20% pour les références pour des ouvrages
similaires
et 10% pour les capacités en personnel et en machines, attribuant à
chaque
critère une note, sur un maximum de dix, aux offres déposées. Pour le
prix de
l'offre, le consortium B.________ a obtenu 8,16 et le consortium
A.________
8,01. Pour la clarté et la cohérence, le consortium B.________ a
obtenu 9 et
le consortium A.________ 9,5, seules 7 incohérences ou spéculations
sur les
prix ayant été recensées dans l'offre de celle-ci contre 19 dans
l'offre de
celle-là. Pour les références et les capacités en machines et en
personnel,
le consortium B.________ a obtenu 9,5 et le consortium A.________ 10.
Le
consortium A.________ a ainsi atteint un total de 875,6 points et le
consortium B.________ 864,6 points. L'attribution de notes
différentes entre
les concurrents a été motivée par le Service des routes pour chaque
critère.

Par décision du 22 novembre 2000, communiquée aux intéressés le 29
novembre
et publiée au Bulletin officiel du canton du Valais n° 48 du 1er
décembre
2000, le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: le Conseil
d'Etat) a
adjugé le lot n° 512 au consortium A.________. Une copie partielle du
rapport
d'évaluation du 12 septembre 2000 a été adressée au consortium
B.________.

C.
B.________ et C.________ SA ont interjeté recours contre cette
décision
auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du
Valais
(ci-après: le Tribunal cantonal). A leur avis, le critère du prix de
l'offre
n'avait pas été respecté. Les sous-critères et leur pondération ne
figuraient
pas dans les documents d'appel d'offres. La variante transport aurait
été
écartée à tort. Des renseignements demandés en cours de soumission
n'auraient
jamais reçu de suite. Les critères de clarté, de cohérence et les
références
auraient été mal évalués. En particulier, le Service des routes
aurait passé
sous silence la communication par le consortium B.________, en annexe
à son
offre, d'une liste de sous-traitants potentiels.

Par arrêt du 6 avril 2001, le Tribunal cantonal a admis le recours,
annulé la
décision et renvoyé l'affaire au Conseil d'Etat pour nouvelle
décision dans
le sens du considérant 4. Le Conseil d'Etat avait utilisé des critères
d'adjudication qui ne figuraient pas dans les documents d'appel
d'offres. Il
n'avait ni prouvé ni rendu vraisemblable que le consortium B.________
présentait de mauvaises références et avait considéré à tort comme
insuffisante une liste de sous-traitants potentiels et l'indication
ultérieure du sous-traitant habituel du consortium B.________ pour les
enrobés bitumeux; il avait dès lors injustement pénalisé ce
consortium en
réduisant la notation de ces critères d'un demi-point chacun pour ces
motifs.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst. et de l'art. 11 lettre a et b de l'accord intercantonal du 25
novembre
1994 sur les marchés publics (ci-après: l'accord intercantonal sur les
marchés publics; AIMP; RS 172.056.4), des art. 1, 8 et 17 al. 2
notamment, de
la loi valaisanne du 23 juin 1998 sur les marchés publics (LcMP)
ainsi que de
l'art. 39 de l'ordonnance valaisanne du 26 juin 1998 sur les marchés
publics
(OcMP), le consortium A.________ demande au Tribunal fédéral, sous
suite de
frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 6 avril
2001

Le consortium B.________ a conclu au rejet du recours sous suite de
frais et
dépens. Le Conseil d'Etat a conclu implicitement à l'admission du
recours. Le
Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations.

E.
La demande d'effet suspensif du consortium A.________ a été admise par
ordonnance du Président de la IIe Cour de droit public du 22 juin
2001.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 IV 148 consid. 1a p. 151).

1.1 Selon l'article 87 OJ dans sa teneur du 8 octobre 1999, entrée en
vigueur
le 1er mars 2000, le recours de droit public est recevable contre les
décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les
demandes
de récusation, prises séparément; ces décisions ne peuvent être
attaquées
ultérieurement (al. 1); le recours de droit public est recevable
contre
d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément
s'il peut
en résulter un dommage irréparable (al. 2); lorsque le recours de
droit
public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été
utilisé, les
décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la
décision finale (al. 3). Dans sa nouvelle teneur, l'art. 87 OJ
s'étend à tous
les recours de droit public formés contre des décisions
préjudicielles et
incidentes, alors que l'ancien art. 87 OJ s'appliquait uniquement aux
recours
formés pour la violation de l'art. 4 aCst. (Message du 11 août 1999,
FF 1999
p. 7145 et 7160).

1.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 87 OJ dans son ancienne
teneur,
dont il n'y a pas lieu de se départir sous l'empire du nouveau droit,
une
décision est finale lorsqu'elle clôt une procédure, sous réserve de
recours à
une autorité supérieure, que ce soit par un jugement au fond ou pour
des
motifs de procédure. Les décisions incidentes en revanche ne mettent
pas fin
à la procédure mais représentent seulement une étape sur la voie de la
décision finale, peu importe qu'elles aient pour objet une question de
procédure ou, à titre préalable, une question de droit matériel. A
cet égard,
le prononcé par lequel une autorité cantonale de recours renvoie une
affaire
pour nouvelle décision à une autorité qui a statué en première
instance ou à
une autre autorité est une décision incidente. Il s'agit en effet
d'une
simple étape avant la décision finale qui doit mettre un terme à la
procédure
(arrêt du Tribunal fédéral 2P.185/2000 du 4 décembre 2000 in: RDAT
2001 II 64
255 consid. 2b p. 258; ATF 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42 et
références). Dans
l'arrêt 2P.185/2000 du 4 décembre 2000, qui concernait un recours de
droit
public contre un arrêt de renvoi en matière de marché public, le
Tribunal
fédéral a laissé la question ouverte. En revanche, il a jugé que
lorsque
l'arrêt de renvoi ne laisse aucune latitude de jugement à l'autorité
cantonale inférieure, cet arrêt constitue pour les parties une
décision qui
met fin à la procédure. Dans ce cas, l'arrêt de renvoi peut être
attaqué par
la voie du recours de droit public (arrêt du Tribunal fédéral
1P.755/1993 du
10 février 1994, consid. 1b).

1.3 En l'espèce, le chiffre 1 du dispositif du jugement du Tribunal
cantonal
du 6 avril 2001 «admet le recours, annule la décision attaquée et
renvoie
l'affaire au Conseil d'Etat pour nouvelle décision dans le sens du
considérant 4». Le considérant 4, constatant que le contrat n'est pas
encore
conclu, enjoint le Conseil d'Etat à procéder à une nouvelle
adjudication sur
la base des seuls critères annoncés dans les documents de l'appel
d'offres, à
l'exclusion du sous-critère de la clarté et de la cohérence du prix
et sans
retrancher de points dans les notes attribuées au consortium
B.________ pour
les critères relatifs aux références et aux capacités en personnel et
en
machines. Transposées en chiffres, ces injonctions impératives
conduisent à
adjuger les travaux en cause au consortium B.________. Aussi, comme le
constate à juste titre le Conseil d'Etat, l'arrêt du 6 avril 2001
n'est pas
une simple étape de la procédure judiciaire, mais bien une décision
finale,
qui, étonnamment, n'expose d'ailleurs pas pour quel motif elle
n'adjuge pas
elle-même de manière explicite le marché en cause.

Dans ces conditions, l'arrêt litigieux est une décision finale au
sens de
l'art. 87 OJ, susceptible d'être attaqué par la voie du recours de
droit
public.

1.4 Au surplus, déposé en temps utile contre un arrêt pris en dernière
instance cantonale (cf. art. 16 LcMP), qui ne peut être attaqué que
par la
voie du recours de droit public et qui touche les recourantes dans
leurs
intérêts juridiquement protégés, le présent recours est recevable au
regard
des art. 84 ss OJ (cf. ATF 125 II 86 consid. 2 à 6 p. 92 ss).

1.5 En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit,
à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous
points
conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de
renvoyer
aux actes cantonaux (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid.
4a p.
30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318). En outre, dans un recours pour
arbitraire
fondé sur l'art. 9 Cst., l'intéressé ne peut se contenter de critiquer
l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où
l'autorité
de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doit
préciser en
quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif
sérieux et
objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le sens
de la
justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).

2.
Les recourantes reprochent en premier lieu au Tribunal cantonal
d'avoir violé
l'art. 11 lettres a et b AIMP.

Ce grief doit être rejeté.
En effet, en vertu de son art. 7 al. 1
lettre a,
l'accord intercantonal sur les marchés publics, ratifié par le canton
du
Valais le 3 septembre 1997 et entré en vigueur le 7 octobre 1997 (RO
1997
2140), s'applique aux offres si la valeur estimée du marché public à
adjuger
atteint le seuil, sans la taxe sur la valeur ajoutée, de 10'070'000
fr. pour
les ouvrages. Or, en l'espèce, le marché litigieux porte sur des
travaux de
génie civil visant à corriger la route cantonale Sierre-Salquenen
pour un
montant d'environ 4'500'000 fr. Par conséquent, l'accord sur les
marchés
publics ne trouve pas application en la présente cause.

3.
Invoquant l'art. 9 Cst., les recourantes soutiennent que
l'interprétation et
l'application du droit cantonal relatif aux marchés publics par le
Tribunal
cantonal serait arbitraire.

3.1 Une décision est arbitraire, selon la jurisprudence portant sur
l'art. 9
Cst., lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou un principe
juridique
clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante
le
sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du
seul fait
qu'une autre solution que celle retenue par l'autorité cantonale
pourrait
entrer en considération, voire serait préférable. Le Tribunal fédéral
n'invalide la solution retenue par l'autorité inférieure que si elle
apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation de faits
ou
adoptée sans motifs objectifs. En outre, il ne suffit pas que la
motivation
de la décision attaquée soit arbitraire; il faut encore que celle-ci
apparaisse insoutenable dans son résultat (ATF 127 I 60 consid. 5a p.
70; 126
I 168 consid. 3a p. 170).

3.2 En application de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché
intérieur (LMI; RS 943.02) - qui n'est pas en cause en l'espèce -, le
canton
du Valais a promulgué la loi du 23 juin 1998 sur les marchés publics
(LcMP,
entrée en vigueur le 1er juillet 1998). Cette loi garantit à toute
personne
ayant son domicile ou son siège en Suisse l'accès libre et non
discriminatoire aux marchés publics (art. 1 al. 1 LcMP). Elle vise,
parmi
d'autres objectifs, à garantir l'égalité de traitement, à assurer
l'impartialité de l'adjudication, la transparence des procédures de
passation
de marchés, une saine concurrence et une utilisation optimale des
fonds
publics (art. 1 al. 2 LcMP). A cet effet, les dispositions d'exécution
concernant les types de procédure (ouverte, sélective ou de gré à gré)
garantissent, en particulier, des critères d'attribution propres à
adjuger le
marché à l'offre garantissant la meilleure relation qualité-prix
(art. 2 al.
2 lettres d et f LcMP). En outre, la passation des marchés doit
respecter,
notamment, les principes de non-discrimination, d'égalité de
traitement de
chaque soumissionnaire, de concurrence efficace ainsi que d'égalité de
traitement entre hommes et femmes (art. 8 lettres a, b et f LcMP).
Enfin,
l'art. 17 al. 2 LcMP exclut des motifs de recours en cette matière le
grief
d'inopportunité. Faisant usage de sa compétence réglementaire (art. 2
LcMP),
le Conseil d'Etat a édicté l'ordonnance du 26 juin 1998 sur les
marchés
publics (OcMP). Cette ordonnance précise que le document d'appel
d'offres
contient, entre autres indications, les critères d'adjudication
énumérés par
ordre d'importance (art. 24 al. 1 lettre k OcMP) et que le marché est
adjugé
au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus
avantageuse
(art. 39 al. 1, 1ère phr. OcMP). Elle ajoute que, dans l'évaluation,
le
rapport prix/prestations doit être observé et que, dans ce cadre, en
dehors
du prix, des critères différents selon la nature des marchés peuvent
être
pris en considération, tels que: la qualité, les délais, la
rentabilité, la
connaissance des conditions d'exécution, les coûts d'exploitation, la
convenance de la prestation et l'infrastructure (art. 39 al. 1, 2ème
et 3ème
phr. OcMP).

Le document d'appel d'offres du Conseil d'Etat pour le marché en cause
indiquait les critères d'adjudication de la manière suivante: "Le
marché sera
adjugé au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la
plus
avantageuse selon les critères suivants: 1. Prix de l'offre. 2.
Références
pour des ouvrages similaires récents (5 dernières années). 3. Preuves
de la
capacité en personnel et en machines pour l'exécution de cet
ouvrage". En
outre, il ressort du tableau comparatif objectif des offres
contrôlées (cf.
art. 35 al. 3 OcMP) que le Conseil d'Etat a pondéré ces critères,
attribuant
un poids de 70% au prix de l'offre (soit 60% pour le prix en lui-même
et 10%
pour la clarté et la cohérence de la présentation du prix), de 20% aux
références pour des ouvrages similaires et de 10% aux preuves de
capacité en
personnel et en machines dans l'appréciation finale.

4.
4.1Dans un premier grief, les recourantes reprochent au Tribunal
cantonal
d'être tombé dans l'arbitraire en considérant que le critère de la
clarté et
de la cohérence des prix était exorbitant du critère initial du prix
de
l'offre et devait être considéré comme un critère à part entière, dont
l'annonce a posteriori heurte la réglementation en matière
d'adjudication.
Cette décision conduirait en outre à
adjuger le marché au soumissionnaire ayant déposé l'offre la moins
chère et
non pas l'offre économiquement la plus avantageuse.

En considérant que le critère de la clarté et de la cohérence du prix
est un
critère à part entière exorbitant du critère du prix de l'offre, le
Tribunal
cantonal perd de vue que le prix d'une offre est l'addition du prix
détaillé
de nombreux postes nécessaires à l'exécution des travaux mis en
soumission
dont le descriptif, qui plus est, correspond - en règle générale en
Suisse
mais également pour le marché en cause dans la présente affaire (cf.
documents d'appel d'offre, ch. 321, p. 8 in fine) - au contenu de la
norme
SIA 118. Cette norme exige que le devis descriptif indique pour chaque
article (prestation) quel genre de prix doit être choisi; elle exige
aussi
que les articles soient présentés de telle manière que l'entrepreneur
n'ait
qu'à indiquer les prix qu'il offre (art. 8 al. 2 et 3 ainsi que 39
norme SIA
118). Dans ces conditions, comparer les prix des offres ou comparer
les prix
des articles - inclus dans le descriptif, au demeurant identique pour
tous
les soumissionnaires - composant le prix de l'offre revient à
considérer le
même critère. Les articles devant en outre être présentés de telle
manière
que l'entrepreneur n'ait qu'à indiquer les prix qu'il offre, il est
erroné de
considérer que ce critère est introduit a posteriori. Enfin,
interdire au
pouvoir adjudicateur de comparer le détail du prix de l'offre,
c'est-à-dire
les prix qui le composent et la manière dont ils sont établis,
conduit à un
résultat insoutenable au regard des buts énoncés par l'art. 1 al. 2
LcMP,
soit assurer une saine concurrence et garantir une utilisation
optimale des
deniers publics, puisqu'une pareille injonction aboutit à considérer
les
offres déposées dans la procédure d'adjudication en cause sur la
seule base
des prix en francs, sans tenir compte de la justesse et de la
sécurité de
leur calcul, alors qu'en l'espèce leur examen a démontré des
différences
notables.

Par conséquent, en considérant que le critère de la clarté et de la
cohérence
du prix était un critère nouveau qui n'apparaissait pas dans les
documents
d'appel d'offres, le Tribunal cantonal est tombé dans l'arbitraire.

4.2 Dans un deuxième grief, les recourantes reprochent au Tribunal
cantonal
d'être tombé dans l'arbitraire en substituant à l'appréciation du
pouvoir
adjudicateur son appréciation des critères relatifs aux références
pour des
travaux antérieurs et aux capacités en personnel et en machines,
violant
ainsi l'art. 17 al. 2 LcMP qui exclut le grief d'inopportunité des
motifs de
recours.

Dans son rapport d'évaluation des offres du 12 septembre 2000, le
Département
des transports a attribué les notes aux critères "références pour des
ouvrages similaires" et "capacité en personnel et en machines" en
fonction
des expériences que ses services ont faites sur des chantiers récents.
Reprochant au consortium B.________ des difficultés dans
l'établissement des
décomptes pour un chantier de génie civil nommément cité ainsi que son
incapacité à fournir le nom du sous-traitant exécutant les
revêtements et
l'origine des enrobés bitumeux, le Département des transports en a
tenu
compte et a attribué la note de 9,5 au consortium B.________ pour
chacun des
critères en cause. En procédure de recours devant le Tribunal
cantonal, le
Conseil d'Etat a dûment réitéré et exposé les motifs pour lesquels il
avait
attribué la note de 9,5 au consortium B.________, preuves à l'appui,
constatant un doute sérieux sur la capacité du consortium B.________ à
établir des décomptes financiers. Dans l'arrêt litigieux, le Tribunal
cantonal s'est écarté à tort des appréciations du Département des
transports,
respectivement du Conseil d'Etat, résultant des expériences faites
sur des
chantiers récents. En effet, en arguant que les mauvaises références
du
consortium B.________ - dues à des difficultés dont ce dernier n'a pas
démenti la réalité - n'étaient pas suffisamment démontrées et en
s'écartant
d'une condition (désignation des sous-traitants), dont la réalisation
clairement mentionnée dans les documents d'appel d'offres était
connue du
consortium B.________ et dont les autres soumissionnaires se sont
accommodés,
le Tribunal cantonal ne démontre pas en quoi le Conseil d'Etat, en
tant que
pouvoir adjudicateur disposant d'une grande liberté d'appréciation
lors de
l'adjudication (ATF 125 II 86 consid. 6 p. 98 et références), a
commis un
abus ou un excès de pouvoir d'appréciation. Certes, l'exigence de
désignation
du sous-traitant est discutée en doctrine (cf. P. Gauch/H. Stöckli,
Thèses
sur le nouveau droit fédéral des marchés publics, Fribourg 1999, p.
33) ,
mais, lorsque, comme en l'espèce, la part du marché qui doit ou peut
être
sous-traitée revêt une certaine importance, le pouvoir adjudicateur
devrait
également être en mesure d'évaluer le sous-traitant. Cette question
n'a
toutefois pas à être tranchée définitivement ici, pas plus que celle
de
savoir si l'offre du consortium B.________ devait pour ce même motif
être
d'emblée écartée, dès lors que le Conseil d'Etat a permis en vain à ce
dernier de compléter le contenu de son offre. En effet, en
substituant son
appréciation à celle du Conseil d'Etat sur ces questions, le Tribunal
cantonal a jugé en opportunité, violant ainsi l'art. 17 al. 2 LcMP.

En enjoignant le Conseil d'Etat de procéder à une nouvelle
adjudication du
marché en cause sans retrancher de points dans les notes attribuées au
consortium B.________ pour les critères relatifs aux références et aux
capacités en personnel et en machines, le Tribunal cantonal est tombé
dans
l'arbitraire.

5.
Pour ces motifs, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué doit
être
annulé.

Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent être mis à la
charge du
consortium intimé qui succombe (art. 156 al. 1 OJ en relation avec
les art.
153 et 153a OJ). Le recourant qui a procédé avec l'aide d'un
mandataire
professionnel a droit à des dépens pour la procédure fédérale (art.
159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt rendu le 6 avril 2001 par le Tribunal
cantonal du canton du Valais est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de
B.________ et
C.________ SA, solidairement entre eux.

3.
B.________ et C.________ verseront à Gebr. D.________ SA, E.________
SA,
F.________ & fils SA une indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Conseil
d'Etat du
canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de
droit
public.

Lausanne, le 6 mai 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.146/2001
Date de la décision : 06/05/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-06;2p.146.2001 ?
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