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03/05/2002 | SUISSE | N°I.354/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2002, I.354/01


«AZA 7»
I 354/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme Berset

Arrêt du 3 mai 2002

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, recourant,

contre

M.________, intimée, représentée par CARITAS Genève, rue de
Carouge 53, 1205 Genève,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- M.________ a travaillé à plein temps au

restaurant
X.________, à partir de mai 1990. Le 25 juin 1996, son
médecin traitant, le docteur A.________, a diagnostiqué une
mal...

«AZA 7»
I 354/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme Berset

Arrêt du 3 mai 2002

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, recourant,

contre

M.________, intimée, représentée par CARITAS Genève, rue de
Carouge 53, 1205 Genève,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- M.________ a travaillé à plein temps au restaurant
X.________, à partir de mai 1990. Le 25 juin 1996, son
médecin traitant, le docteur A.________, a diagnostiqué une
maladie de Biermer, (traitée par injections de vitamines
B12), une hypothyroïde sur maladie de Hashimoto (substituée
par Eltroxin) et un état dépressif réactionnel avec poly-
arthralgies, abattement et asthénie. Il a attesté une inca-
pacité de travail totale, dès le 13 novembre 1995, pour une
durée indéterminée. Le contrat de travail de M.________

a été résilié par l'employeur avec effet au 31 décembre
1996, en raison de nombreuses absences de sa part.
Le 10 décembre 1996, elle a sollicité l'octroi de
prestations de l'assurance-invalidité et a été examinée par
divers médecins.
Dans un rapport du 28 janvier 1998, le docteur
B.________, médecin de l'assurance-invalidité, a constaté
que, du point de vue de l'atteinte somatique pure, l'assu-
rée pourrait au moins assumer un poste à 70-80 % dans son
métier. L'obstacle à la reprise relevant de troubles
psychiques, il a proposé que l'assurée soit soumise à une
expertise psychiatrique.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève
(Office AI) a confié une expertise à la doctoresse
D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
Dans un rapport du 25 février 1998, l'expert a diagnostiqué
une dysthymie et fixé l'incapacité de travail de l'assurée
à 50 %. Dans un rapport du 4 mars 1998, le docteur
B.________ a fait part de ses observations concernant
l'expertise.
Par décision du 28 juillet 1998, l'Office AI a rejeté
la demande de prestations, motif pris que l'atteinte à la
santé de l'assurée entraînait une incapacité de travail de
25 % seulement dans son ancienne occupation.

B.- Saisi d'un recours de M.________, la Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI l'a
admis, par jugement du 12 février 2001, et a reconnu à la
prénommée le droit à une rente entière d'invalidité.

C.- L'Office AI interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation,
en concluant, principalement, à la confirmation de sa
décision du 28 juillet 1998 et, subsidiairement, à l'octroi
d'une demi-rente d'invalidité à l'assurée.

M.________ s'en remet à dire de justice. L'Office
fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de l'intimée à une
rente d'invalidité.

2.- a) Les premiers juges ont considéré que l'intimée
présentait des troubles physiques et psychiques influençant
sa capacité de travail à raison de 25 % pour les premiers,
et de 50 % pour les seconds. Ils ont conclu que l'addition
de ces deux pourcentages donnait un taux d'incapacité de
travail de 66 2/3 % au minimum, et que, partant, l'intimée
avait droit à une rente entière d'invalidité.

b) L'Office AI conteste cette appréciation. Il consi-
dère, d'une part, que les troubles psychiques dont souffre
l'intimée n'ont pas valeur de maladie au sens de l'art. 4
LAI et, d'autre part, que le calcul mathématique auquel
s'est livrée la cour cantonale est erroné, voire absurde.

3.- a) L'invalidité au sens de la loi est la diminu-
tion de la capacité de gain, présumée permanente ou de
longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physi-
que, ou mentale provenant d'une infirmité congénitale,
d'une maladie ou d'un accident (art. 4 al. 1 LAI).
Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent,
comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au
sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les
maladies mentales proprement dites - les anomalies psychi-
ques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas
comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc
pas comme des affections à prendre en charge par l'assu-

rance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain
que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne
volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déter-
minée aussi objectivement que possible. Il faut donc éta-
blir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son
infirmité mentale, exercer une activité que le marché du
travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point
déterminant est ici de savoir quelle activité peut raison-
nablement être exigée dans son cas. Pour admettre l'exis-
tence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la
santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exer-
ce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt
se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit
de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être
raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même
insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001
p. 224 consid. 2b et les références).

b) En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou
socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, le
Tribunal fédéral des assurances a, dans un arrêt ATF
127 V 294, précisé sa jurisprudence relative aux atteintes
à la santé psychique. Ainsi, les facteurs psychosociaux ou
socioculturels ne figurent pas au nombre des atteintes à
la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain
au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit
reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un subs-
trat médical pertinent, entravant la capacité de travail
(et de gain) de manière importante, soit mis en évidence
par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux
et socioculturels apparaissent au premier plan et imprè-
gnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic
médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui
équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le
tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent
de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le

tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au
plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression
durable au sens médical ou un état psychique assimilable,
et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte
psychique, qui doit être distinguée des facteurs socio-
culturels, et qui doit de manière autonome influencer la
capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que
l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'ex-
pert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui
trouvent leur explication et leur source dans le champ
socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à
la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 299 5a in fine;
VSI 2000 p. 155 consid. 3).

4.- a) Dans son rapport d'expertise du 25 février
1998, la doctoresse D.________ a diagnostiqué une
dysthymie, en indiquant qu'il semblerait que la durée et
la fréquence de périodes de dépression légère et des
périodes intermédiaires d'humeur relativement normale
soient très variables chez l'assurée. Elle a précisé que
l'importance des troubles psychiques était modérée et
qu'elle influençait la capacité de travail à raison de
50 %. L'expert a attribué cette affection à des diffi-
cultés liées à l'émigration : l'intimée ne s'était pas
adaptée à la vie en Suisse, elle parlait mal le français
et supportait difficilement que son fils unique vive
séparé d'elle (en Espagne).

b) Selon la doctoresse D.________, l'intimée
présente une dysthymie, soit une affection psychique
correspondant au trouble F 34.1 de la dixième révision de
la Classification statistique internationale des maladies
et des problèmes de santé connexes (CIM-10). Il s'agit
d'un abaissement chronique de l'humeur, persistant au
moins plusieurs années, mais dont la sévérité est insuffi-
sante, ou, dont la durée des différents épisodes est trop
brève, pour justifier un diagnostic de trouble dépressif

récurrent, sévère, moyen ou léger. En d'autres termes,
ainsi qu'il résulte du rapport du 4 décembre 2000 du
docteur B.________, cette affection peut être qualifiée
d'humeur dépressive qui n'atteint même pas la gravité d'un
état dépressif majeur léger. Le rapport d'expertise et les
pièces du dossier font ressortir sans ambiguïté que ce
trouble est attribuable aux difficultés liées à l'émigra-
tion. Dans ces circonstances, on ne saurait retenir, en
accord avec les critères dégagés par la jurisprudence
citée au consid. 3 supra, que l'affection psychique
présentée par l'intimée revête un caractère invalidant.
C'est dès lors à juste titre que l'office recourant
s'est écarté des conclusions de l'expertise psychiatrique.

5.- En ce qui concerne les affections somatiques
dont souffre l'intimée, il n'est pas contesté, ni contes-
table qu'elles entraînent une incapacité de travail de
25 % dans son ancienne activité. Cette incapacité ne
saurait, à elle seule, entraîner une incapacité de gain de
40 % nécessaire pour ouvrir le droit de l'intimée à une
rente d'invalidité (art. 28 al. 1 LAI).

6.- A l'examen du rapport du docteur A.________ du
20 novembre 2000, produit dans la procédure cantonale,
l'état de santé de l'intimée semble s'être aggravé au
cours de l'année 2000. Cet élément n'est cependant pas
déterminant dans la présente affaire, où seul est décisif
l'état de fait existant au moment où la décision liti-
gieuse a été rendue, soit le 28 juillet 1998. Les faits
survenus postérieurement, et qui ont modifié la situation,
doivent normalement faire l'objet d'une nouvelle décision
administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les arrêts
cités). Par conséquent, si l'état de santé s'est aggravé
depuis la décision attaquée, une nouvelle demande de
prestations de l'assurance-invalidité s'impose.

Il est ainsi loisible à l'intimée de saisir l'office
recourant d'une nouvelle demande de prestations, en
rendant plausible que son invalidité s'est modifiée de
manière à influencer ses droits (art. 87 al. 3 et 4 RAI).
Au vu de ce qui précède, le recours se révèle dès
lors bien fondé et le jugement attaqué doit être annulé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis. Le jugement du 12 février 2001
de la Commission cantonale genevoise de recours en
matière d'AVS/AI est annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et
à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 3 mai 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.354/01
Date de la décision : 03/05/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-03;i.354.01 ?
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