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03/05/2002 | SUISSE | N°1P.86/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2002, 1P.86/2002


{T 0/2}
1P.86/2002/col

Arrêt du 3 mai 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Parmelin.

G. ________, recourant, représenté par Me Philippe Rossy, avocat, rue
de
Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,

contre

Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014
Lausanne.

art. 9 Cst.; indemnisation de l'avocat d'office

(recours de droit publ

ic contre l'arrêt de la Cour de cassation
pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 août 2001)
Faits:

A.
...

{T 0/2}
1P.86/2002/col

Arrêt du 3 mai 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Parmelin.

G. ________, recourant, représenté par Me Philippe Rossy, avocat, rue
de
Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,

contre

Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014
Lausanne.

art. 9 Cst.; indemnisation de l'avocat d'office

(recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation
pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 août 2001)
Faits:

A.
Le 17 janvier 2001, le Président du Tribunal d'arrondissement de
Lausanne a
désigné G.________, avocat-stagiaire à Lausanne, en qualité de
défenseur
d'office de C.________, ressortissante française née le 5 mai 1968,
pour
l'assister dans le cadre d'une procédure pénale ouverte contre elle
des chefs
d'abus de confiance, de banqueroute frauduleuse et fraude dans la
saisie,
d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers, de circulation sans permis de conduire, de vol,
d'escroquerie,
d'escroquerie d'importance mineure, de faux dans les titres et
d'infractions
à la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants.

B.
Bien que régulièrement convoquée, C.________ ne s'est pas présentée à
l'audience de jugement du 18 avril 2001; son conseil a produit une
liste des
opérations effectuées dans le cadre de son mandat d'office,
correspondant à
dix-sept heures de travail, auxquelles s'ajoutait une heure pour
l'audience.
Par jugement du 19 avril 2001, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement
de Lausanne a condamné par défaut C.________ à deux ans
d'emprisonnement et a
révoqué le délai d'épreuve pour la radiation anticipée de l'amende de
300 fr.
prononcée contre elle, pour calomnie, le 6 mai 1997 par le Tribunal
de la
Glâne; il a mis à la charge de la condamnée les frais de la cause,
arrêtés à
13'062.30 fr., lesquels comprennent l'indemnité d'office due à son
conseil,
fixée à 850 fr.
Au terme d'un arrêt rendu le 21 août 2001 et notifié le 15 janvier
2002, la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après: la
Cour de cassation pénale ou la cour cantonale) a rejeté le recours
formé par
G.________ contre ce jugement, en tant qu'il portait sur la quotité de
l'indemnité d'office qui lui a été allouée. Elle a relevé que le
défenseur
d'office de C.________ avait été désigné trois mois seulement avant
l'audience de jugement, qu'il n'avait pas dû plaider en raison de
l'absence
de sa cliente, qu'il n'avait jamais rencontré celle-ci, qu'il n'avait

rédiger aucun acte de procédure quelconque, mais que son activité
s'était en
définitive résumée à l'envoi de quelques correspondances à la
prévenue et au
Tribunal correctionnel, à la consultation des dossiers, à deux
entretiens
téléphoniques et à la préparation de l'audience; étant donné ces
circonstances, elle a considéré comme adéquat un nombre de sept
heures de
travail, auxquelles elle a ajouté une heure pour l'audience de
jugement,
rémunérées sur la base d'un tarif horaire de 80 fr., soit un montant
de total
de 640 fr., auquel elle a ajouté 210 fr. à titre de débours pour les
nombreuses photocopies effectuées.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst., G.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de
renvoyer l'affaire à la Cour de cassation pénale pour nouvelle
décision dans
le sens des considérants. Il reproche à la cour cantonale d'avoir
fait une
application arbitraire du droit cantonal en réduisant de moitié le
nombre
d'heures consacrées à sa cliente dans le cadre de sa défense d'office.
La Cour de cassation pénale se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant est personnellement touché par l'arrêt attaqué qui
confirme sa
rémunération en violation, selon lui, des règles du droit cantonal lui
garantissant une indemnité équitable; il a un intérêt personnel,
actuel et
juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé, et a, partant,
qualité
pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une
décision
finale rendue en dernière instance cantonale, le recours répond aux
exigences
des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. La conclusion tendant à ce que
l'affaire
soit renvoyée à la Cour de cassation pénale pour nouvelle décision
dans le
sens des considérants est au surplus superfétatoire (cf. ATF 112 Ia
353
consid. 3c/bb p. 354).

2.
Le recourant reproche à la Cour de cassation pénale d'avoir versé dans
l'arbitraire en réduisant à huit le nombre d'heures de travail
consacrées à
l'exercice de son mandat d'office. Selon lui, l'arrêt attaqué ne
tiendrait
pas compte du temps qu'il a effectivement consenti pour la
préparation de
l'audience de jugement et de la plaidoirie, même si celle-ci n'a
finalement
pas eu lieu en raison de l'absence non prévisible de sa cliente.

2.1 Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 4 aCst.,
dont il
n'y a pas lieu de se départir sous l'empire des art. 9 et 29 al. 3
Cst.,
l'avocat d'office a, contre l'Etat, une prétention de droit public à
être
rétribué dans le cadre des prescriptions cantonales applicables; il
ne s'agit
dès lors pas d'examiner à quelle rémunération l'avocat pourrait
prétendre
dans le cadre d'une activité librement consentie et pleinement
rétribuée,
mais de savoir ce que l'avocat peut exiger de l'Etat au titre de
l'assistance
judiciaire. Dans l'application des normes cantonales, l'autorité
dispose d'un
large pouvoir d'appréciation et l'avocat n'est protégé, en principe,
que
contre l'application arbitraire de ces normes. Toutefois, l'avocat
d'office a
droit au moins au remboursement intégral de ses débours, ainsi qu'à
une
indemnité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire
plaidant aux
frais de son client. Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit
tenir compte
de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés
particulières
que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que
l'avocat lui a
consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences,
audiences
et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu et de la
responsabilité qu'il a assumée.
A condition d'être équitable, il est admis que la rémunération de
l'avocat
d'office puisse être inférieure à celle du mandataire choisi. En
principe,
elle devrait couvrir les frais généraux de ce praticien, dont on
estime
qu'ils correspondent d'ordinaire à au moins quarante pour cent du
revenu
professionnel brut, voire à la moitié. Une indemnité qui ne
correspond pas au
moins à cette fraction des honoraires de l'avocat choisi, normalement
destinée à couvrir les frais généraux de l'étude, doit en principe
être
considérée comme inéquitable (ATF 122 I 1 consid. 3a et 3c p. 2 ss et
les
références citées; voir aussi ATF 122 I 322 consid. 3b p. 325). Des
différences de traitement peuvent toutefois se justifier suivant que
le
défenseur d'office est un avocat patenté ou un avocat-stagiaire (ATF
109 Ia
107 consid. 3e p. 112/113).
Le Tribunal fédéral fait preuve d'une grande réserve dans les cas où
une
autorité cantonale estime exagérés le temps ou les opérations
déclarés par
l'avocat dans le cadre de son mandat d'office. Il appartient en effet
aux
autorités cantonales de juger de l'adéquation entre les activités
déployées
par l'avocat et celles qui sont justifiées par l'accomplissement de
sa tâche.
Partant, le Tribunal fédéral n'intervient pour violation de l'art. 9
Cst. que
lorsque l'autorité a clairement excédé son pouvoir d'appréciation en
refusant
d'indemniser des activités qui relèvent incontestablement de la
mission de
l'avocat d'office (ATF 118 Ia 133 consid. 2d p. 136 et les arrêts
cités).

2.2 Les art. 27 à 30 du Tarif des frais judiciaires pénaux, adopté le
17 août
1999 par le Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tarif),
fixent
le montant de l'indemnité allouée au défenseur d'office. Selon l'art.
27 du
Tarif, ce dernier reçoit, dans les causes relevant du Tribunal
correctionnel,
200 à 2'000 francs pour consulter le dossier et conférer avec le
client, 125
à 2'200 francs pour la préparation de l'audience et 200 à 800 francs
par
demi-journée de débats, l'audience de lecture du jugement n'étant pas
comptée. Suivant l'art. 29 du Tarif, l'indemnité allouée tient compte
du fait
que le défenseur d'office est un stagiaire ou un avocat breveté. A
teneur de
l'art. 30 du Tarif, le défenseur d'office soumet à l'autorité
compétente,
avant la décision statuant sur les frais, la liste détaillée de ses
opérations et débours, lorsqu'il a dû déployer une activité telle que
les
indemnités ci-dessus sont manifestement insuffisantes (al. 1).
L'autorité
compétente fixe alors une indemnité équitable par décision brièvement
motivée
et communiquée au défenseur d'office (al. 2).

2.3 En l'occurrence, la Cour de cassation pénale a nié se trouver
dans un cas
d'application de l'art. 30 du Tarif, qui lui permettrait de s'écarter
des
barèmes fixés à l'art. 27; ce point du jugement n'est à juste titre
pas
attaqué; la cour cantonale a ensuite revu à la baisse le nombre
d'heures
indiqué par le recourant parce que les infractions retenues à la
charge de
C.________ n'étaient pas d'une complexité telle qu'elles imposaient de
nombreuses recherches juridiques et que l'activité du recourant,
désigné en
fin de procédure, avait consisté exclusivement dans la consultation
des
dossiers joints, dans l'envoi de quelques correspondances à sa
cliente et au
Tribunal correctionnel, dans deux entretiens téléphoniques et dans la
préparation de l'audience de jugement.
La prévention portait sur de multiples et diverses infractions qui,
si elles
ne présentaient aucune complexité en fait, nécessitaient certaines
recherches
en vue de la plaidoirie à laquelle le recourant devait se préparer,
nonobstant l'incertitude qui pouvait subsister sur la présence de sa
cliente
à l'audience de jugement; par ailleurs, même s'il n'a été désigné
comme
avocat d'office qu'en fin de procédure, G.________ encourait une
responsabilité certaine en raison de la peine à laquelle C.________
était
exposée dès lors qu'elle était renvoyée devant un tribunal
correctionnel. Le
nombre d'heures, seule critique du recourant, retenu en l'occurrence
pour
l'ensemble de l'activité déployée aurait à la rigueur encore pu se
justifier
si la cause avait été confiée à un avocat patenté. Il tient en
revanche
insuffisamment compte du fait que la cause a été confiée à un
avocat-stagiaire. La jurisprudence admet certes que l'autorité
applique aux
avocats-stagiaires un tarif horaire plus bas qu'aux avocats brevetés
à la
tête d'une étude au motif que les premiers n'assument pas les mêmes
charges
que les seconds; en revanche, elle doit prendre en considération le
fait
qu'un stagiaire investit nécessairement plus de temps qu'un avocat
patenté à
l'exercice de son mandat d'office dans l'appréciation du nombre
d'heures
consacrées à la consultation du dossier et à la préparation de
l'audience
(ATF 109 Ia 107 consid. 3e p. 113); en tous les cas, elle doit
veiller à une
indemnisation adéquate de l'avocat d'office, de manière à garantir
effectivement et efficacement le droit à l'assistance judiciaire
accordé au
citoyen par l'art. 29 al. 3 Cst. (cf. arrêt 1P.64/1998 du 8 avril 1998
consid. 2a). De ce point de vue, l'estimation faite en l'espèce par
la Cour
de cassation pénale du nombre d'heures consacrées par le recourant
pour
prendre connaissance des dossiers, rédiger les correspondances
envoyées à sa
cliente et au greffe du Tribunal correctionnel, puis préparer
utilement
l'audience de jugement est manifestement insuffisante et, partant,
arbitraire. L'arrêt attaqué doit ainsi être annulé pour violation de
l'art. 9
Cst. La cour cantonale procédera à une nouvelle évaluation de
l'activité
déployée par le recourant dans l'exercice de son mandat d'office,
tenant
compte de l'importance de la cause et de sa qualité
d'avocat-stagiaire. Pour
le surplus, en l'absence de tout grief à ce propos, il n'appartient
pas au
Tribunal fédéral d'examiner d'office si l'application d'un tarif
horaire de
80 fr., TVA comprise, est propre à assurer une indemnisation
appropriée d'un
avocat-stagiaire désigné d'office pratiquant dans le canton de Vaud
(ATF 127
I 38 consid. 3c p. 43).

3.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est
recevable; l'Etat de Vaud est dispensé des frais judiciaires (art.
156 al. 2
OJ); en revanche, il versera une indemnité de dépens au recourant, qui
obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable; l'arrêt
rendu le 21
août 2001 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de
Vaud est annulé.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée au recourant à titre de
dépens, à la
charge de l'Etat de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et à la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 mai 2002

Au nom de la
Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.86/2002
Date de la décision : 03/05/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-03;1p.86.2002 ?
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