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01/05/2002 | SUISSE | N°B.21/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 mai 2002, B.21/01


«AZA 7»
B 21/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Borella, Rüedi, Meyer et
Kernen. Greffier : M. Wagner

Arrêt du 1er mai 2002

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Me Louis-Marc
Perroud, avocat, rue du Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Fondation collective LPP Vaudoise Assurances, place de
Milan, 1007 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- A.________ a travaillé de manière temporaire e

ntre
le 17 mai 1988 et le 30 novembre 1995, pour le compte de
X.________ Sàrl, entreprise affiliée pour la prévoyance
professi...

«AZA 7»
B 21/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Borella, Rüedi, Meyer et
Kernen. Greffier : M. Wagner

Arrêt du 1er mai 2002

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Me Louis-Marc
Perroud, avocat, rue du Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Fondation collective LPP Vaudoise Assurances, place de
Milan, 1007 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- A.________ a travaillé de manière temporaire entre
le 17 mai 1988 et le 30 novembre 1995, pour le compte de
X.________ Sàrl, entreprise affiliée pour la prévoyance
professionnelle auprès de la Fondation collective LPP
Vaudoise Assurances (la fondation).

Le 16 août 1988, le prénommé a signé une déclaration
de renonciation par laquelle il refusait de s'affilier à
l'institution de prévoyance de son employeur. Au cours des
années d'activité, aucune cotisation n'a été retenue sur le
salaire, ni versée à la fondation.
Le 26 mars 1998, A.________ a demandé à son ancien
employeur les certificats d'affiliation LPP ou le rembour-
sement de la totalité des cotisations dues au titre de la
prévoyance professionnelle, avec suite d'intérêts. Après
échange de correspondances, la fondation s'est déclarée
prête à verser 7350 fr., montant correspondant à la moitié
de l'avoir de prévoyance de 14 699 fr. 90 au 30 septembre
1998; pour le surplus elle a invoqué la compensation avec
la créance de l'employeur pour les cotisations non préle-
vées sur les salaires versés à l'intéressé.

B.- A.________ a ouvert action contre la Fondation
collective LPP Vaudoise Assurances le 29 septembre 1998
devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg et
requis le versement d'une prestation de sortie de
14 699 fr. 90 sur son compte LPP de la Winterthur Columna.
En cours de procédure, il a ramené ses conclusions au
montant de 7350 fr., après versement par la fondation d'une
somme identique sur le compte LPP de la Winterthur Columna.
Par jugement du 8 février 2001, la Cour des assurances
sociales du tribunal administratif a rejeté la demande.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation, en
reprenant les dernières conclusions formulées devant la
juridiction de première instance, avec suite d'intérêts à
5 % dès le 29 septembre 1998 et de dépens.
La Fondation collective LPP Vaudoise Assurances
conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du re-
cours, en demandant à titre subsidiaire qu'il soit constaté
qu'elle a le droit d'invoquer la compensation partielle du

droit aux prestations en faveur de A.________. De son côté,
l'Office fédéral des assurances sociales conclut à l'admis-
sion de celui-ci.

Considérant en droit :

1.- a) La contestation en cause relève des autorités
juridictionnelles mentionnées à l'art. 73 LPP, tant du
point de vue de la compétence ratione temporis que de celui
de la compétence ratione materiae (ATF 122 V 323 consid. 2,
120 V 18 consid. 1a et les références). Le recours de droit
administratif est recevable de ce chef.

b) Les procès relatifs aux prestations de sortie
(naissance, montant, exécution, etc.) constituent des liti-
ges concernant l'octroi ou le refus de prestations d'assu-
rance (ATF 126 V 165 consid. 1; voir aussi ATF 114 V 36
consid. 1c). Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des
assurances n'est pas limité à la violation du droit fédéral
- y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation -
mais s'étend également à l'opportunité de la décision
attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait
constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écar-
ter des conclusions des parties à l'avantage ou au détri-
ment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.- Le litige concerne la déduction de 7350 fr. opérée
par la fondation sur la prestation de sortie due au recou-
rant au titre de la prévoyance professionnelle.

a) L'autorité cantonale a considéré la demande portant
sur ce montant comme prématurée et l'a rejetée. Tant la
question de l'existence d'une créance de l'ancien employeur
contre le recourant, que la question de la cession de

celle-ci à l'intimée pouvaient rester ouvertes, dans la
mesure où la fondation pouvait se prévaloir de l'exception
dilatoire de l'art. 82 CO tant que le recourant refusait de
s'acquitter de sa part de cotisations.

b) Dans les contrats parfaitement bilatéraux, les
obligations des parties sont réciproques : par définition,
les prestations sont dans un rapport d'échange; l'exécution
doit avoir lieu donnant donnant et elle est réputée simul-
tanée en raison de l'étroite connexité qui existe entre les
prestations (Pierre Engel, Traité des obligations en droit
suisse [Dispositions générales du CO], 2e édition,
Stämpfli, Berne, 1997, chap. 46, n° 188, I, A p. 655).
Aussi, celui qui poursuit l'exécution d'un contrat bila-
téral doit avoir exécuté ou offrir d'exécuter sa propre
obligation, à moins qu'il ne soit au bénéfice d'un terme
d'après les clauses ou la nature du contrat (art. 82 CO).
Il en résulte ce qu'on appelle l'exception d'inexécution de
la prestation ou exceptio non adimpleti contractus. Excep-
tion dilatoire, soulevée par le défendeur à une action en
exécution, le droit consacré par l'art. 82 CO paralyse mo-
mentanément l'exercice du droit du demandeur; l'action en
exécution est écartée comme prématurée : tant que le deman-
deur n'a pas exécuté ou n'offre pas la prestation qu'il
doit, le défendeur ne peut être condamné à fournir la
sienne (ATF 127 III 200 consid. 3a; Pierre Engel, op. cit.,
chap. 46, n° 189, II, A p. 656).
L'art. 82 CO n'est pas directement applicable aux con-
trats bilatéraux imparfaits, mais par une analogie fondée
sur le droit de rétention personnel, en vertu duquel une
partie peut refuser sa prestation tant que la contre-pres-
tation issue du même contrat ne lui est pas assurée (ATF
116 III 73 consid. 3b et la référence; von Tuhr/Escher,
Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts,
vol. II, 3e édition, Zurich, 1974, p. 67-68). Il peut être
évoqué dans l'exécution d'un contrat innommé si prestations
et contre-prestations sont dans un rapport d'échange, ainsi

que dans les contrats composés (Marius Schraner, Die Erfül-
lung der Obligationen, Kommentar zu Art. 68-96 OR, Commen-
taire zurichois, n° 57 ad art. 82 CO).

c) Si l'assuré quitte l'institution de prévoyance
avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de libre
passage), il a droit à une prestation de sortie. La
prestation de sortie est exigible lorsque l'assuré quitte
l'institution de prévoyance et est affectée d'intérêts
moratoires à partir de ce moment-là (art. 2 al. 1 et 3
LFLP).
Selon l'article 66 LPP, l'institution de prévoyance
fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des
cotisations de l'employeur et de celles des salariés (al. 1
première phrase). L'employeur déduit du salaire les cotisa-
tions que les dispositions réglementaires mettent à la
charge du salarié (al. 3). Toutefois, l'employeur est débi-
teur seul de la totalité des cotisations envers l'institu-
tion de prévoyance (al. 2 première phrase).
Les dispositions correspondantes du règlement de l'in-
timée, contrat d'assurance vie collective n° 610'503-3/8100
(art. 6.2.1, 3.8.2 et 3.8.3) reprennent la teneur de la
loi.

d) Au vu du cadre légal régissant le financement des
prestations et le droit à une prestation de sortie, l'ins-
titution de prévoyance tenue de verser cette prestation ne
saurait opposer à l'assuré l'exception de l'art. 82 CO au
titre de cotisations non prélevées sur son salaire par
l'employeur. Quand bien même l'assuré participe au finance-
ment des prestations réglementaires, par prélèvement sur
son salaire de sa part de cotisations, l'employeur seul
apparaît débiteur à l'égard de l'institution de l'ensemble
des cotisations. Si l'assuré peut prétendre au versement ou
au transfert d'une prestation de sortie de la part de
l'institution, celle-ci ne peut prétendre au versement des
cotisations que de la part de l'employeur. L'institution ne

détient ainsi, dans ce contexte, aucune prétention directe
contre l'assuré. Faute de prétention contre l'assuré, elle
ne peut lui opposer l'inexécution d'une prestation, dont
celui-ci serait redevable envers elle et qui se trouverait
dans un rapport d'échange avec sa propre prestation.

3.- Que ce soit l'existence d'une créance de l'em-
ployeur contre le recourant, ayant pour objet des cotisa-
tions non déduites du salaire, ou la cession de celle-ci
par l'employeur à l'intimée, ces questions n'ont pas été
examinées dans le jugement attaqué.

a) Selon l'intimée, le financement de ses prestations
est assuré à parts égales par l'assuré et l'employeur; les
cotisations non prélevées sur le salaire constituent ainsi
une créance de l'employeur que le recourant ne saurait con-
tester, dans la mesure où il a touché un salaire supérieur
à celui qu'il aurait dû recevoir. La compensation a lieu du
fait de la cession de cette créance.
Le recourant, de son côté, conteste l'existence d'une
créance de l'employeur, dans la mesure où celui-ci ne peut
se prévaloir des règles sur la répétition de l'indu; faute
de créance, la compensation ne peut avoir lieu.

b) Selon la doctrine et la jurisprudence, la compensa-
tion de créances réciproques constitue un principe juridi-
que général, ancré en droit privé aux art. 120 ss CO, qui
trouve application en droit administratif. En droit des
assurances sociales plus particulièrement, le principe est
reconnu, même dans les branches de ce droit qui ne le pré-
voient pas expressément; au demeurant, la plupart des lois
d'assurances sociales connaissent une réglementation spéci-
fique (ATF 110 V 185 consid. 2; Rüedi, Allgemeine Rechts-
grundsätze des Sozialversicherungsprozesses, p. 454 et note
n° 16, in : Walter R. Schluep et al., «Recht, Staat und
Politik am Ende des zweiten Jahrtausends», Festschrift zum
60. Geburtstag von Bundesrat Arnold Koller, Berne, 1993).

Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, la ques-
tion particulière de la compensation de créances, que l'em-
ployeur a cédées à l'institution de prévoyance, est réglée
dans la loi - de manière restrictive (art. 39 al. 2 LPP;
cf. ATF 126 V 315, 114 V 33).
Dans ce cas, les dispositions du CO qui fixent les
conditions de la compensation sont applicables par analogie
(art. 120 ss. CO; VSI 1994 p. 217 consid. 3). Ainsi, la
compensation n'est-elle possible que lorsque deux obliga-
tions de la même espèce existent réciproquement entre deux
personnes et que la dette, avec laquelle le créancier
entend exercer la compensation, soit exigible et fondée en
droit (Max Imboden et René A. Rhinow, Schweizerische Ver-
waltungsrechtsprechung, 6e édition, I, p. 196 ss). Si, au
cours du procès, le débiteur conteste l'existence de la
créance, il appartient au créancier qui entend exercer la
compensation de la prouver (Wolfgang Peter, Basler Kommen-
tar, 2e édition, n° 23 ad art. 120 CO; arrêt non publié L.
du 29 décembre 2000, B 20/00).
En cas de cession, le débiteur cédé peut opposer au
cessionnaire, comme il aurait pu les opposer au cédant, les
exceptions qui lui appartenaient en propres au moment où il
en a connaissance (art. 169 CO). Par exception - y compris
les objections, il s'agit de celles qui touchent à l'exis-
tence de la créance ou le droit d'exiger une prestation en
vertu de la créance (ATF 56 I 180; Pierre Engel, op. cit.
chap. 65, n° 277, V, G p. 888).

c) La créance dont se prévaut l'intimée, de 7350 fr.,
correspond au montant des cotisations qui auraient dû,
selon le règlement de la fondation collective, être préle-
vées par l'employeur sur les salaires versés au recourant
entre le 17 mai 1988 et le 30 novembre 1995. La créance
dont l'employeur entend se prévaloir porte ainsi sur un
montant du salaire qu'il a ou aurait versé en trop. Dans ce
contexte, pour que l'employeur - et l'intimée en cas de
cession - puisse invoquer à bon droit une créance exigible

contre le recourant, il faut que l'employeur puisse pré-
tendre à la restitution par le recourant de cette part de
salaire. L'examen de cette prétention ne peut se faire que
selon les règles usuelles sur la répétition.
Les arguments de l'intimée, qui voit dans le seul fait
du non prélèvement de cotisations sur le salaire d'un em-
ployé une prétention de l'employeur non contestable dans le
cadre de l'art. 39 al. 2 LPP, ne trouve aucune assise dans
le texte légal. Exception à l'interdiction générale de
compenser prescrite par la LPP, la possibilité offerte par
cette disposition ne peut être interprétée que de manière
restrictive. En se référant dans ce cadre aux notions de
compensation, de cession et de créances, le législateur n'a
pas entendu mettre en place avec l'art. 39 al. 2 LPP un
système particulier échappant aux règles générales régis-
sant la formation et l'extinction des obligations ou
d'autres institutions juridiques connues.

d) La question de savoir si l'ancien employeur possède
contre le recourant une créance fondée et exigible - au
titre de cotisations non prélevées sur son salaire - que
l'intimée puisse lui opposer en cas de cession, relève des
contestations au sens de l'art. 73 LPP et des autorités
judiciaires prévues par cette disposition.
L'état de fait et les pièces au dossier, qui au demeu-
rant ne comprend pas la cession litigieuse, ne permettent
de trancher ces questions, si bien qu'il y a lieu de ren-
voyer la cause à l'instance inférieure pour instruction
complémentaire au sens des considérants et nouveau juge-
ment.

4.- Sur le vu de l'issue du litige, le recourant, re-
présenté par un avocat, a droit à une indemnité
de dépens
pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation
avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis en ce sens que le
jugement de la Cour des assurances sociales du
Tribunal administratif du canton de Fribourg du 8 fé-
vrier 2001 est annulé, la cause étant renvoyée audit
tribunal pour complément d'instruction et nouveau
jugement.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La Fondation collective LPP Vaudoise Assurances verse-
ra au recourant la somme de 2500 fr. (y compris la
taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour
l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 1er mai 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.21/01
Date de la décision : 01/05/2002
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 2 al. 1 et 3 LFLP; art. 66 LPP; art. 82 CO: Exception d'inexécution de la prestation. L'institution de prévoyance tenue de verser une prestation de sortie ne saurait opposer à l'assuré l'exception de l'art. 82 CO au titre de cotisations non prélevées sur son salaire par l'employeur. Art. 62, 120 ss et 164 ss CO; art. 39 al. 2 LPP: Compensation et cession de créances au titre de cotisations non déduites du salaire. La créance - ayant pour objet des cotisations non déduites du salaire, cédée par l'employeur à l'institution de prévoyance, que celle-ci entend compenser avec ses propres prestations (art. 39 al. 2 LPP) - doit être fondée selon les règles relatives à la restitution et à la répétition de l'indu (art. 62 ss CO), lorsque l'employeur a versé le salaire sans prélever les cotisations.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-01;b.21.01 ?
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