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30/04/2002 | SUISSE | N°4P.75/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 avril 2002, 4P.75/2002


«/2»

4P.75/2002

Ie C O U R C I V I L E
****************************

30 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, représenté par Me Serge Rouvinet, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 1er février 2002 par le Président de la
Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de
Genève
dans la caus

e qui oppose le recourant à B.________, représen-
tée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève;

(arbitraire)

Vu les pièces...

«/2»

4P.75/2002

Ie C O U R C I V I L E
****************************

30 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, représenté par Me Serge Rouvinet, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 1er février 2002 par le Président de la
Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de
Genève
dans la cause qui oppose le recourant à B.________, représen-
tée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève;

(arbitraire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 27 septembre 2000, B.________ a déposé de-
vant la juridiction des prud'hommes du canton de Genève une
demande en paiement dirigée contre A.________, réclamant à
ce
dernier la somme de 214 191 fr.20 avec intérêts à 5% l'an
dès
le 1er mai 1997.

Par jugement du 18 septembre 2001, le Tribunal des
prud'hommes a condamné A.________ à payer à B.________ la
somme de 82 721 fr.85 avec intérêts au taux de 5% l'an dès
le
1er mai 1997.

B.- A.________ a appelé de ce jugement, concluant
au rejet de la demande formée par sa partie adverse.

Par lettre recommandée du 6 novembre 2001, la juri-
diction des prud'hommes l'a astreint à verser, avant le
jeudi
6 décembre 2001, un émolument de mise au rôle de 800 fr. au
moyen du bulletin de versement annexé, avec l'avertissement:
"A défaut, l'appel sera déclaré irrecevable".

Constatant que le versement exigé n'avait pas été
effectué dans le délai imparti, la Cour d'appel de la juri-
diction des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt pré-
sidentiel du 1er février 2002, a déclaré l'appel irrecevable.

C.- A.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Invoquant l'interdiction de l'arbitraire,
il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il a sollicité
la suspension de l'exécution du jugement de première instan-
ce, laquelle lui a été refusée par décision présidentielle
du
19 avril 2002. En substance, le recourant fait valoir que
son
avocat a déposé un chèque de 1000 fr. à la caisse du Palais

de justice le 3 décembre 2001, que l'émolument de mise au
rôle aurait dû être prélevé sur le compte de l'avocat auprès
de la caisse et que celle-ci aurait dû l'informer si le mon-
tant en compte était insuffisant. Il ressort des pièces pro-
duites par le recourant que le compte de l'avocat n'était
pas
suffisamment provisionné à la date déterminante.

L'intimée conclut au rejet du recours et sollicite
l'assistance judiciaire.

Le Président de la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes dépose des observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

La décision attaquée, fondée sur le droit cantonal,
revêt un caractère final et n'est susceptible d'aucun autre
moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, de sorte que
la règle de la subsidiarité du recours de droit public est
respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). Toutefois, si le
recourant soulève une question relevant de la bonne applica-
tion du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce
qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43
al. 1 et 84 al. 2 OJ).

Le recourant est personnellement touché par la dé-
cision attaquée, qui déclare irrecevable son appel contre un
jugement le condamnant à paiement, de sorte qu'il a un inté-
rêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que
cette

décision n'ait pas été prise en violation de ses droits cons-
titutionnels; en conséquence, il a qualité pour recourir
(art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours
est
en principe recevable.

Vu la nature cassatoire du recours de droit public,
toute conclusion qui va au-delà de la demande d'annulation
de
la décision attaquée est irrecevable, sauf exceptions non
réalisées en l'espèce (ATF 127 III 279 consid. 1b p. 282 et
les arrêts cités).

b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III
279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.- a) Le recourant n'invoque qu'un seul grief
constitutionnel: l'interdiction de l'arbitraire prévue par
l'art. 9 Cst.

b) Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque
celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve
en
contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle
viole
gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou
encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annu-
lée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motiva-
tion formulée soit insoutenable, il faut encore que la déci-
sion apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54

consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a; 125
II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b).

Lorsqu'un recourant invoque l'arbitraire dans l'ap-
plication du droit cantonal, il doit indiquer quelle est la
disposition cantonale qui aurait été violée et expliquer en
quoi consiste l'arbitraire; le Tribunal fédéral limite son
examen à la disposition citée par le recourant (ATF 110 Ia 1
consid. 2a).

S'il se plaint de l'appréciation des preuves et des
constatations de fait, l'arbitraire n'est réalisé que
lorsque
l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieu-
se, un élément de preuve propre à modifier la décision, lors-
qu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée,
ou
encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis,
elle en tire des constatations insoutenables. Dans ce cas
également, il incombe au recourant d'exposer en quoi
consiste
l'arbitraire (art. 90 al. 1 let. b OJ).

c) En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité
cantonale d'avoir violé arbitrairement l'art. 3 al. 1 du Rè-
glement cantonal fixant le tarif des greffes en matière ci-
vile, du 9 avril 1997 (E 3 05.10).

Selon cette disposition, l'émolument de mise au
rôle et les sûretés destinées à garantir le paiement de
l'émolument complémentaire ou de décision sont perçus auprès
de la partie demanderesse sous peine d'irrecevabilité de la
demande.

Il résulte de l'art. 60 al. 1 de la loi genevoise
sur la juridiction des prud'hommes du 25 février 1999
(E 3 10) et de l'art. 42 du Règlement déjà cité qu'un émolu-
ment de mise au rôle (au sens du Règlement) est dû dans le
cas d'un appel en matière prud'homale. On ne voit dès lors

pas en quoi - et le recourant ne le dit pas non plus -
l'autorité cantonale aurait statué arbitrairement en
considérant que l'art. 3 al. 1 précité était applicable en
l'occurrence.

Compte tenu du montant de la prétention de la tra-
vailleuse à l'ouverture de l'action (cf. ATF 115 II 30 con-
sid. 5b), la procédure n'est pas gratuite en vertu du droit
fédéral (art. 343 al. 2 et 3 CO) et l'exigence du versement
préalable d'un émolument de mise au rôle ne viole donc pas
le
principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Au demeu-
rant, le recourant n'a pas invoqué la garantie de l'art. 49
al. 1 Cst. et cette question, qui concerne la bonne applica-
tion du droit fédéral, n'aurait pu être examinée que par la
voie d'un recours en réforme (ATF 122 I 81 consid. 1; 122
III
101 consid. 1; 120 II 28 consid. 3).

On cherche en vain où résiderait l'arbitraire à
exiger d'une partie qui saisit la justice de verser une avan-
ce des frais, sous peine d'irrecevabilité (ATF 104 Ia 105
consid. 4b). Le recourant n'invoque d'ailleurs pas une vio-
lation de l'art. 29 al. 1 et al. 3 Cst., de sorte qu'il n'y
a
pas lieu d'examiner la question sous l'angle du droit
d'accès
à la justice et du droit à l'assistance judiciaire.

Il est vrai que la disposition citée mentionne la
partie demanderesse, et non pas la partie appelante. Il
n'est
cependant pas arbitraire de considérer comme partie demande-
resse, au sens de cette disposition, celle qui demande que
la
cause soit réexaminée en appel. Le recourant ne soutient
d'ailleurs pas le contraire.

Le recourant a été clairement informé qu'il devait
verser un émolument de mise au rôle de 800 fr. dans un délai
déterminé, faute de quoi son appel serait déclaré irreceva-
ble. Dès lors que l'autorité cantonale a constaté, sous l'an-

gle des faits, que le recourant n'avait pas versé cette
somme
dans le délai fixé, elle n'a assurément pas violé l'art. 3
al. 1 du Règlement en tirant les conséquences que celui-ci
prévoit, à savoir l'irrecevabilité de la demande d'appel. Il
n'y a donc pas trace d'une violation arbitraire de cette dis-
position.

L'autorité cantonale a certes imputé au recourant
le comportement de l'avocat qu'il s'est substitué en qualité
d'auxiliaire, mais ce raisonnement juridique est conforme à
la jurisprudence (cf. ATF 114 Ib 67 consid. 2c) et ne
saurait
être taxé d'arbitraire.

d) Il faut ensuite se demander si l'autorité canto-
nale a retenu arbitrairement que le recourant n'avait pas
versé la somme exigée dans le délai imparti. Il s'agit ici
d'examiner s'il y a eu arbitraire dans l'appréciation des
preuves et l'établissement des faits.

Le recourant fait valoir que son avocat a déposé un
chèque de 1000 fr. à la caisse du Palais de justice. Les piè-
ces produites par le recourant montrent cependant que ce chè-
que a été remis sans aucune mention indiquant que cette
somme
devait être affectée au paiement de l'émolument de mise au
rôle dans l'affaire en cause. On ne voit d'ailleurs pas pour-
quoi l'avocat aurait payé 1000 fr., alors que l'émolument
était de 800 fr. Il ressort de l'extrait de compte produit
que le compte de l'avocat était déficitaire et on doit
plutôt
supposer qu'il a effectué ce versement pour le remettre à
flots. Comme le recourant n'a pas prouvé avoir donné des ins-
tructions spéciales, l'administration n'a pas procédé de ma-
nière arbitraire en considérant que le versement opéré par
l'avocat était destiné à éteindre sa propre dette.

Il en résulte que le compte de l'avocat n'était pas
suffisamment provisionné pour permettre le prélèvement d'une

somme de 800 fr. à l'expiration du délai fixé. En
considérant
dans ces circonstances que le versement exigé n'avait pas
été
effectué dans le délai imparti, l'autorité cantonale n'a pas
apprécié les preuves et établi les faits d'une manière insou-
tenable.

e) Le recourant soutient que le montant exigé de-
vait être débité automatiquement du compte de l'avocat
auprès
du Palais de justice, sans qu'il soit nécessaire de donner
des instructions dans ce sens. Il n'invoque toutefois aucune
disposition du droit cantonal qui le prescrive; il ne démon-
tre pas davantage avoir reçu des assurances dans ce sens.
L'intimée a d'ailleurs produit une circulaire qui semble
plutôt montrer le contraire. Il n'est toutefois pas nécessai-
re de trancher cette question.

En effet, même si la somme devait être automatique-
ment prélevée sur le compte de l'avocat à l'échéance, il
n'en
demeure pas moins - selon l'extrait produit par le recourant
lui-même - que le montant en compte était insuffisant pour
permettre un prélèvement de 800 fr. à la date fixée. Il en
résulte - ce qui est décisif - que le recourant n'a pas mis
la somme à disposition en temps utile.

Le recourant ne saurait sérieusement soutenir que
le canton de Genève devait lui avancer la somme. Il ne peut
citer aucune disposition du droit cantonal dans ce sens et
ne
démontre pas avoir reçu la moindre assurance à ce sujet.
L'octroi automatique d'un tel prêt paraîtrait d'ailleurs en
contradiction avec le droit cantonal, qui prévoit que les
frais de justice doivent être avancés à l'Etat (art. 3 al. 1
du Règlement susmentionné).

Le recourant prétend que l'administration aurait dû
aviser son avocat que le compte de celui-ci n'était plus suf-
fisamment provisionné. Il ne peut cependant citer aucune dis-

position du droit cantonal qui contienne une telle règle. Il
ne démontre pas avoir reçu des assurances dans ce sens. On
pourrait d'ailleurs se demander s'il a invoqué de manière
suffisamment précise le principe de la bonne foi due par
l'administration, qui constitue une garantie distincte (cf.
ATF 127 I 31 consid. 3a; 125 I 209 consid. 9c, 267 consid.
4c; 122 II 113 consid. 3b/cc). Dès lors que le compte de
l'avocat n'était plus à découvert, l'administration n'avait
pas de raison d'intervenir auprès de lui dans l'intérêt de
l'Etat. L'injonction de verser l'émolument de mise au rôle
était claire et n'avait pas à être répétée. Il incombait au
recourant (respectivement à son auxiliaire) de prendre les
mesures nécessaires pour mettre la somme exigée à
disposition
de l'autorité dans le délai imparti. Si l'avocat avait des
doutes sur la position de son compte, il lui appartenait de
se renseigner auprès de la caisse.

La manière de procéder dans le cas d'espèce ne sau-
rait être qualifié d'arbitraire, de sorte que le recours
doit
être rejeté.

3.- Les frais et dépens doivent être
mis à la char-
ge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1
OJ). Compte tenu de la prétention litigieuse à l'ouverture
de
l'action (cf. ATF 115 II 30 consid. 5b), la procédure n'est
en effet pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO).

L'intimée sera mise au bénéfice de l'assistance ju-
diciaire, Me Jean-Pierre Garbade étant désigné comme conseil
d'office (art. 152 al. 1 OJ). Si les dépens mis à la charge
du recourant ne pouvaient être recouvrés, la Caisse du Tribu-
nal fédéral versera à l'avocat précité une indemnité d'hono-
raires de 3500 fr. (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une
indemnité de 3500 fr. à titre de dépens;

4. Admet la demande d'assistance judiciaire de
l'intimée, Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève, étant dé-
signé comme avocat d'office. Dit qu'au cas où les dépens ne
pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral
versera à cet avocat une indemnité d'honoraires de 3500 fr.;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Président de la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 30 avril 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.75/2002
Date de la décision : 30/04/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-30;4p.75.2002 ?
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