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26/04/2002 | SUISSE | N°5P.135/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 avril 2002, 5P.135/2002


{T 0/2}
5P.135/2002 /frs

Arrêt du 26 avril 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président, Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

D. ________ S.A., recourante,

contre

Président de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal
vaudois, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (rejet de la requête d'effet suspensif)

(recours de droit public contre la décision du Président de la Cour
des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 13 mars 2002)

Faits:

A.
Le 25 avril 2000, l'organe de révision de D.________ SA a adressé au
juge un
avis de surendettem...

{T 0/2}
5P.135/2002 /frs

Arrêt du 26 avril 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président, Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

D. ________ S.A., recourante,

contre

Président de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal
vaudois, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (rejet de la requête d'effet suspensif)

(recours de droit public contre la décision du Président de la Cour
des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 13 mars 2002)
Faits:

A.
Le 25 avril 2000, l'organe de révision de D.________ SA a adressé au
juge un
avis de surendettement de cette société (art. 725 al. 2 et 729b al. 2
CO).

Le 29 novembre 2000, le Président du Tribunal d'arrondissement de La
Côte a
prononcé l'ajournement de la faillite de la société. Par prononcés
des 6
avril 2001 et 2 octobre 2001, le Président a prolongé l'ajournement,
la
seconde fois jusqu'au 31 janvier 2002.

B.
Par jugement du 22 janvier 2002, notifié le 21 février 2002, le
Président du
Tribunal d'arrondissement de La Côte a refusé de prolonger une
troisième fois
l'ajournement et a prononcé la faillite de la société sans poursuite
préalable, avec effet au 19 février 2002.

C.
Contre ce jugement, la société a déposé, le 4 mars 2002, un recours
devant la
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de
Vaud,
concluant préliminairement à ce que l'effet suspensif soit accordé à
son
recours et principalement à ce que le jugement attaqué soit annulé et
la
faillite ajournée.
Par décision du 13 mars 2002, le Président de la Cour a refusé
d'accorder
l'effet suspensif au recours.

D.
Par mémoire du 2 avril 2002, la société interjette un recours de
droit public
au Tribunal fédéral contre cette décision du Président refusant
l'effet
suspensif à son recours. Elle conclut à l'annulation de cette
décision et à
ce que son recours soit muni de l'effet suspensif. Elle demande
également que
l'effet suspensif soit accordé à son recours de droit public.
Une détermination n'a pas été sollicitée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1;
127 II
198 consid. 2; 127 III 41 consid. 2a).

1.1 La décision relative à une requête d'effet suspensif est de nature
incidente (ATF 120 Ia 260 consid. 2b p. 264 et les arrêts cités). Aux
termes
de l'art. 87 al. 2 OJ, le recours de droit public est recevable
contre une
telle décision prise séparément s'il peut en résulter un préjudice
irréparable. Par préjudice irréparable, on entend exclusivement le
dommage
juridique qui ne peut être réparé ultérieurement, notamment par la
décision
finale, parce que le recours contre la décision incidente qui serait
formé en
même temps que le recours contre la décision finale ne serait plus
possible
(ATF 126 I 207 consid. 2 p. 210; 116 Ia 446 consid. 2).

1.2 L'effet suspensif que l'autorité judiciaire supérieure peut
ordonner en
vertu de l'art. 174 al. 3 LP empêche non seulement l'exécution
immédiate du
jugement de faillite, en ce sens que l'office des faillites ne peut
procéder
à aucun acte d'exécution, mais il suspend également les effets
juridiques de
l'ouverture de la faillite (Amonn/Gasser, Grundriss des
Schuldbetreibungs-
und Konkursrechts, Berne 1997, § 36 N 55; Giroud, Kommentar zum
Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, Bâle 1998, n. 30 art. 174 LP et n.
4 ad
art. 175 LP; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über
Schuldbetreibung
und Konkurs, 4e éd., Zurich 1997/99, n. 15 ad art. 174 LP; cf. ATF
118 III 37
consid. 2b). Puisque le prononcé au sujet de l'effet suspensif ne
pourra, par
la force des choses, pas être revu en même temps que la décision
finale au
fond, la condition du préjudice irréparable de l'art. 87 al. 2 OJ est
en soi
remplie.

1.3 En l'espèce, le président de la cour cantonale a considéré qu'il
appartenait à la faillie, en présentant la demande d'effet suspensif,
de
rendre au moins plausible, sous réserve de compléter ultérieurement
ses
moyens, que les conditions d'une nouvelle prolongation de
l'ajournement
pourraient être remplies; or cette condition n'était pas remplie en
l'état,
de sorte que l'effet suspensif devait être refusé. Le fait que le
président
ait réservé la possibilité pour la faillie de compléter
ultérieurement ses
moyens laisse supposer qu'il n'a pas statué définitivement. La
question de
savoir si une telle décision - à supposer qu'elle soit admissible -
entraîne
un préjudice irréparable peut toutefois demeurer ouverte, le recours
de droit
public devant de toute façon être rejeté pour les motifs exposés
ci-après.

2.
Sous réserve d'exceptions qui ne sont pas réalisées en l'espèce, le
recours
de droit public est une voie de cassation et ne peut tendre qu'à
l'annulation
de la décision attaquée (ATF 124 I 327 consid. 4a; 126 I 213 consid.
1c; 126
II 377 consid. 8c). Le chef de conclusions tendant à ce que le
Tribunal
fédéral prononce lui-même l'effet suspensif est donc irrecevable.

3.
La recourante considère que le refus du Président de la Cour des
poursuites
et faillites du Tribunal cantonal d'accorder l'effet suspensif à son
recours
est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Elle fait valoir que l'art.
59 al. 2
let. b de la loi vaudoise d'application de la LP (LVLP), qui confère
au
président de l'autorité de recours la compétence d'accorder l'effet
suspensif
en cas de recours, ne pose aucune condition à l'octroi de l'effet
suspensif.
Si le président a le droit d'examiner sommairement si le recours
n'est pas
manifestement dilatoire, il ne saurait exiger du recourant qu'il rende
vraisemblable ou plausible l'admission de son recours au fond. En
exigeant
d'elle qu'elle rende vraisemblables les conditions de l'ajournement
de la
faillite, le président aurait posé des exigences inconnues du droit de
procédure et rendu, de ce fait, une décision arbitraire. Cela serait
d'autant
plus vrai que même dans la procédure au fond, la recourante doit
seulement
démontrer que son assainissement paraît possible.

3.1 Saisie d'un recours contre le prononcé de la faillite, l'autorité
judiciaire supérieure peut accorder l'effet suspensif au recours, en
prenant
les mesures conservatoires nécessaires pour sauvegarder les intérêts
des
créanciers (art. 174 al. 3 LP). L'autorité statue selon sa libre
appréciation
(ATF 76 I 273 consid. 1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale
sur la
poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 2001, n. 57 ad art.
174 LP;
Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, op. cit., n. 15 ad art. 174 LP). Elle
n'accordera l'effet suspensif que si le prononcé de la faillite est
susceptible d'être annulé avec une certaine vraisemblance
(Amonn/Gasser, op.
cit., § 36 n. 55; Giroud, op. cit.,, n. 29 ad art. 174 LP). Selon la
jurisprudence, il n'est pas arbitraire de refuser de suspendre
l'exécution du
jugement de faillite lorsque le recours interjeté contre celui-ci ne
paraît
pas fondé; ainsi, lorsque le président prend une décision au sujet de
l'effet
suspensif alors que le dossier ne contient aucune pièce qui
permettrait
d'admettre que la faillite aurait été ouverte à tort, sa décision ne
saurait
être taxée d'arbitraire (ATF 76 I 273 consid. 1).

3.2 En l'espèce, selon la décision attaquée, l'ajournement de la
faillite
présuppose, d'après la jurisprudence, que la société requérante
présente un
plan d'assainissement, que ce plan soit susceptible, avec une grande
vraisemblance, de conduire au rétablissement de la société, et que
l'ajournement permette à la société surendettée de prendre les mesures
d'assainissement nécessaires dans un délai raisonnable, en général
de six à
douze mois. Comme l'avis de surendettement a été adressé au juge le
25 avril
2000, que l'ajournement a été prononcé le 29 novembre 2000 et
prolongé à deux
reprises, la seconde fois jusqu'au 31 janvier 2002, le délai
raisonnable
admis par la jurisprudence est manifestement échu et, par conséquent,
l'intérêt des créanciers justifie que l'effet suspensif ne soit
accordé que
si les conditions de la prolongation de l'ajournement et de
l'annulation de
la faillite, demandées au fond, sont remplies, conditions que la
société doit
rendre au moins plausibles, celle-ci pouvant compléter ses moyens
ultérieurement. Constatant que, en l'état, la société n'a pas établi
que
cette condition est réalisée, le président de la cour cantonale a
refusé
d'accorder l'effet suspensif à son recours.

3.3 En exigeant ainsi que la recourante rende vraisemblable le
bien-fondé de
son recours tendant à l'ajournement de la faillite et à l'annulation
du
prononcé de la faillite, le président s'est conformé aux exigences
posées par
la jurisprudence et la doctrine, de sorte que sa décision ne peut être
qualifiée d'arbitraire.

4.
La recourante considère également que le refus de l'effet suspensif
est
arbitraire parce que sa situation n'a pas changé depuis la première
décision
d'ajournement de faillite, puisque ses comptes sont toujours bloqués
par la
procédure pénale et que, partant, elle ne peut pas souscrire de
nouveaux
engagements, ce qui a pour conséquence que les intérêts des
créanciers sont
entièrement sauvegardés. Son maintien et son redressement
correspondent à son
intérêt et à celui de ses créanciers. Le blocage des comptes provoqué
par la
procédure pénale, s'il a pour effet de prévenir tous nouveaux
engagements par
la recourante, a aussi pour conséquence de l'empêcher de prendre
immédiatement des mesures pour son assainissement. Toutefois, les
possibilités de redressement existent et la recourante n'est pas,
d'un point
de vue comptable et économique, en faillite. Le président aurait donc
commis
arbitraire en exigeant qu'elle rende plausible et vraisemblable dans
le cadre
de la requête d'effet suspensif son redressement probable, d'autant
plus
qu'une telle vraisemblance résulte de toute façon du dossier.

4.1 D'après l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir
notamment un exposé succinct des droits constitutionnels ou des
principes
juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation invoquée.
Les
griefs doivent être formulés de manière claire et détaillée (ATF 125
I 71
consid. 1c), ce qui suppose une désignation précise des passages du
jugement
que le recourant vise et des pièces du dossier sur lesquelles repose
sa
critique. Si le recourant invoque une violation de l'art. 9 Cst., il
ne peut
se contenter de prétendre que la décision entreprise est arbitraire;
il doit
démontrer, par une argumentation précise, que la décision incriminée
est
insoutenable (ATF 119 Ia 197 consid. 1d; 118 Ia 64 consid. 1d). Une
critique
de nature purement appellatoire est irrecevable (ATF 117 Ia 10
consid. 4b;
107 Ia 186).

4.2 L'effet suspensif est subordonné à la vraisemblance du bien-fondé
de
l'ajournement de la faillite, c'est-à-dire des chances d'un
assainissement
réussi et durable de la société (cf. ATF 120 II 425 consid. 2b). Dans
la
mesure où la recourante ne démontre pas que c'est à tort que le
président a
considéré que cette preuve n'était pas rapportée, son recours est
irrecevable. Pour satisfaire à l'exigence de motivation rappelée
ci-dessus
(consid. 4.1), il ne lui suffit en effet pas d'affirmer que la
vraisemblance
résulte du dossier, ni non plus que sa situation n'a pas changé
depuis le
premier ajournement, que son redressement correspond à son intérêt et
à celui
de ses créanciers et que la situation de ceux-ci est provisoirement
sauvegardée par le blocage des comptes provoqué par la procédure
pénale.

5.
Le recours devant ainsi être rejeté dans la mesure où il est
recevable, la
requête tendant à ce que l'effet suspensif soit accordé au recours
devient
sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête tendant à ce que le recours de droit public soit muni de
l'effet
suspensif devient ainsi sans objet.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et au
Président de
la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 26 avril 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.135/2002
Date de la décision : 26/04/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-26;5p.135.2002 ?
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